Par le petit bout de la lorgnette ou le choc des cultures...

On avait offert au président d'une société réputée un billet pour un concert de l'Orchestre National de France, qui jouait ce soir-là la Symphonie Inachevée de Schubert. Ne pouvant s'y rendre, il avait donné sa place à l'un de ses jeunes collaborateurs, fraîchement sorti d'une école de commerce.

Après le concert, ce dernier rédigea une note qu'il remit le lendemain à son président :
"Je vous remercie beaucoup de l'excellente soirée que j'ai passée. Au cours de ce concert, j'ai été amené à élaborer quelques recommandations dont vous trouverez ci-dessous l'essentiel:

1) Pendant de longues périodes les quatre joueurs de hautbois n'avaient rien à faire. Leur nombre total doit être réduit et le travail mieux réparti sur la durée du concert, de manière à éliminer les pointes d'activité.

2) Les douze premiers violons jouaient à l'unisson, c'est-à-dire des notes identiques. Le personnel de ce pupitre doit subir des réductions massives d'effectif. Si une grande intensité sonore est requise, on pourra avoir recours à des équipements électroniques appropriés.

3) Le coefficient d'utilisation du triangle est extrêmement faible. On a intérêt à utiliser plus longuement cet instrument, et même à en prévoir plusieurs, son prix d'achat étant bas, l'investissement serait très rentable.

4) Il est recommandé de normaliser la durée de toutes les notes en la ramenant à la noire, de la sorte, on pourra dans une plus large mesure, faire appel à des exécutants moins qualifiés et donc moins payés.

5) Il est tout à fait inutile de faire rejouer aux instruments à vent des passages déjà exécutés par ceux à cordes. On peut estimer que la suppression de tous les passages redondants permettrait de réduire la durée du concert de vingt minutes, ce qui diminuerait les frais généraux d'autant.

6) Enfin, même si cette remarque n'a aujourd'hui qu'un intérêt historique, il est permis de penser que si Monsieur Schubert avait, dès l'origine, appliqué toutes ces recommandations, il aurait probablement eu le temps de finir sa symphonie."

Chérie, chérie,

J'avais adoré tes interventions sur le fil de la réunion des THQI.
J'aurais du plus tôt profiter du reste.
Je m'y attelle.

Bah au moins j'aurai pas écrit tout ça pour rien...
Mais dis moi que t'es en phase. Ce qui compte c'est quand même l'opinion des meilleurs...

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Je l'avais déjà lu, je crois.
C'est très bien vu.

"L'avenir appartient aux experts..."

Aux technocrates... Ceux qui gouvernent par les techniques... Brrrrrrr....

Les adeptes du quantitatif contre la qualité... la poésie, la légèreté, le panache, les fines ondes, la beauté... l'inquantifiable.

ahahahahaha!

Et le pire, c'est que le monde des technocrates ne peut exister sans les musiciens.

Le pire c'est que les techniciens vivent grâce aux musiciens.

Le définitivement pire, c'est que les musiciens finissent par croire qu'ils vivent grâce aux technocrates, et à leurs budgets.

Tu as raison. Le monde ne tient que grâce aux musiciens. Et je suis prête à faire le pari qu'on se passerait parfaitement de technocrates. Je suis même prête à essayer...

Les musiciens répètent à qui veut les entendre que ce sont eux qui font la musique. Ils souffrent que les autres ne le comprennent pas. Ils ne supportent plus l'idée d'être remplacés par des joueurs de fausses notes.

Ils ont tort.

Tout le monde sait que ce sont les musiciens qui font la musique.

Ce sont les musiciens qui doivent s'en convaincre en premier. Ils sont tellement bien conditionnés par les technocrates qu'ils ont fini par oublier l'essentiel.

Le seul espoir c'est que les musiciens redécouvrent ce que tout le monde sait. Jouer d'un instrument est difficile. En sortir l'émotion est réservé à certains. Pourquoi les musiciens ne voient plus l'évidence ?

Il faudrait que les musiciens arrêtent d'avoir honte de jouer "de la musique écrite par les morts pour les vieux". Ça commence par le fait que les chefs d'orchestres quittent leurs improbables costard genre mao-kimono, et qu'ils ressortent leurs fracs de la naphtaline et l'arborent avec fierté. Comme disait Napo, "on est l'homme de son uniforme." Ça nous épargnerait - détail, mais pas seulement - certaines visions qui contrarient la dignité dont la musique se doit d'être accompagnée.

Y a aussi des musiciens qui jouent la musique de personnes vivantes...

On est pas beaucoup à être vivants hein.. mais on existe.

C'était pour reprendre un "bon mot" qui stigmatisait désuétude de la musique savante occidentale.

Oh y a pas de mal, je me perçois déjà spontanément comme un zombie hein.

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J’ai largement dépassé le timing médiatique de ton sujet Andromaque, mais en supposant que ce jeune collaborateur se trouve encore dans les errements qui étaient alors les siens, il est toujours temps de lui offrir un petit cours de rattrapage en DVD pour Noël  



Cela dit, si l’on se refuse à alimenter la logique commerciale des fêtes de fin d’année, on peut aussi imaginer un défi lancé aux musiciens volontaires : celui de composer un arrangement de la symphonie inachevée sur les nouvelles bases définies ci-dessus, mais c’est peut-être plus risqué...

Merci de ce partage Onagre. On ne saurait trop conseiller les DVD de Zygel de 7 à 77 ans, pour s'initier aux beautés et aux subtilités de la musique savante. C'est vrai qu'il faut accepter de laisser les préjugés au vestiaire. Mais avec un type aussi sympa que pédagogue que Zygel, les réticences tombent vite.