Image, faux-self et thérapie...

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Message par Aethos Mar 22 Oct 2013 - 10:49

Samedi, 14:00 chez ma thérapeute...

Une belle journée ensoleillée qui déteint agréablement sur mon moral. Évidemment, sur le chemin pour aller retrouver ma psy, les idées se bousculent dans ma tête... "comment se passera cette séance?", "qu'est-ce qui va sortir aujourd'hui? Colère, fatigue, tristesse, angoisse?"... mes pas, discrètement, m’emmènent aux portes de l'immeuble où je vais passer la prochaine heure, assis sur un confortable fauteuil, faisant face à cette petite dame blonde aux yeux très clairs et au sourire contagieux.

Le bleu de ses yeux me fait penser parfois à la transparence cristalline des eaux de la Sardaigne ou de la Corse... deux portes ouvertes sur un espace clair et fluide, où les choses couleraient simplement, les choses et les réalités, comme autant de poissons dansants dans les récifs ou jouant entre les conques nonchalamment tombées sur les fonds océans...

Je sonne, il est 13:58... deux minutes d'avance...j'entends son petits pas tranquille et rapide à la fois qui approche de la porte...elle ouvre et m'affiche une fois encore ce sourire réparateur... celui qui dit simplement...entrez...tel que vous êtes...
Passé la porte, j'ôte mes chaussures, comme à chaque fois... mais cette fois, c'est à pied-nus que j'avance sur la moquette. Je m'assieds après lui avoir serré la main doucement et elle gratte son allumette. Je n'y prête pas attention, mais déjà la bougie à mes côtés sur la petite table basse est allumée. Je ne sens même plus le souffre qui devrais me chatouiller les narines, tout absorbé déjà que je suis dans la contemplation de cette femme déliée qui s'assied face à moi, à une certaine distance, dans son fauteuil...

Tout commence par un silence, puis nous enchainons les phrases introductives classiques:" comment vous sentez-vous aujourd'hui?"..."Comme le temps...ensoleillé"; Et tout de suite j'élabore mon discours, sans préparation, les mots coulent de ma bouche, plutôt positifs aujourd'hui... je me sens de bonne humeur et cela se voit... Elle sourit et me questionne... quel est la raison de ce bien-être... je lui explique les discussions avec ma génitrice...mes "prises de conscience"... Le ton se fait plus calme aussi, plus posé... la bougie brûle toujours à côté de moi dans cette espace lumineux où le soleil inonde chaque recoins de la pièce...

Comme à chaque fois, au fur et à mesure de la séance elle se rapproche imperceptiblement de moi... le fossé qui nous séparait au début de la séance s'amenuisant au gré de mes ouvertures... Ma bonne humeur ne me quitte pas cependant, je suis calme et je regarde dans les diverses direction qu'elle pointe en moi...

Nous reparlons encore, mais c'est la coutume, de mes géniteurs... mes parents... leur relation... elle était persuadée que mon père était en voyage avec son "ami"... du moins croyait-elle qu'il en avait un officiel... ce à quoi je suis obligé de dire que je n'en sais rien...mais que je sais que ce voyage se faisait seul, du moins au départ... et j'appuie mes propos d'un sourire entendu...
Je revins sur ce passage, qui m'a finalement marqué bien plus que je ne l'imaginais... les souvenirs reviennent... cette soirée de 1989 où après avoir exulté à la chute du mur de Berlin, mes amis et moi essayions tous d'en acquérir un morceau... Mais surtout, 1989, au printemps je crois... avant un voyage pour aller découvrir les USA, mes parents, hurlant l'un sur l'autre comme des poissons-pourris... Et moi, seul dans ma chambre, sûrement en train d'essayer de dormir à l'époque, qui entend ces vociférations infernales au rez-de-chaussée... J'avais 9 ans alors... Fils unique et seul dans sa chambre qui écoute attentivement les voix de la colère et de la violence que deux adultes se font l'un à l'autre...

Pourtant, au lieu d'adopter cette mythique et rassurante position fœtale dans mon lit... je descends les escaliers et vais affronter cette violence verbale de plein fouet. Je descends discrètement et je m'arrête à la troisième marche, je m'assieds et écoute, sans broncher, pendant quelques secondes...étaient-ce des minutes?, puis alors qu’ils ne m'ont toujours pas remarqué je hurle à plein poumons...à m'en décoller la plèvre... pour couvrir leurs injures et leurs cris... j'y parviens... Et là, en face de moi, deux adultes, la bouche ouverte sur le cri terrible sorti de la bouche de leur enfant qui me regardent sans faire un geste... Je profite de ce répit et m'engouffre dans la brèche en leur assénant qu'ils sont pires que des gamins et qu'ils feraient vraiment mieux de divorcer... que je les trouve stupides de se faire tant de mal... Je ne me souviens plus si ils m'avaient alors pris dans leurs bras... mais je me souviens être remonté dans ma chambre, enfin je crois et avoir dormi enfin d'un sommeil réparateur....

La dame me regarde... je souris, je ne ressens pas tant de cette colère d'alors... et pourtant, je suis descendu... j'ai regardé mes parents user de violence l'un envers l'autre... Et ensuite... et ensuite et bien calmement, toujours assis sur mon fauteuil, je me souviens toutes les fois où je me suis entendu dire: "si nous sommes encore aujourd'hui ensemble c'est parce que tu es là..." et dans la même discussion, quelques paragraphes plus loin " Tu as toujours été notre principal sujet de dispute"....

Le voilà mon faux-self... le voilà cet espèce d'imposteur de la vie... celui grâce à qui ses parents sont malheureux... car c'est ce que l'enfant a compris alors... que ces parents doutaient tant d'eux-mêmes qu'ils n'ont pas réussi alors à prendre la seule décision qui aurait pu leur valoir un mieux être réel... ces parents doutaient tant de lui qu'ils craignaient qu'il ne meure s'ils se séparaient... C'est grâce à moi qu'ils ont été malheureux...

Et là je souris à ma psy... une larme coule sur mon visage... et calmement je donne une forme à mon image... enfin... une idée claire... je la regarde et souris en pleurant... et lui dis... "Un ciment triste"... "je suis un ciment triste"....

Et pourtant le sourire...car c'est aussi ce que je sais ne plus devoir être.... "Un ciment triste"... quelle connerie Laughing 

A vous toutes et tous... petites et petits d'Homme... puissions-nous être les enfants de nos parents... puissions-nous être aussi bien plus que ce qu'ils ont fait de nous, car alors se souvenir qu'ils ont fait de leur mieux, mais que cela n'aura pas suffit... et alors seulement nous nous laisserons le droit à l'erreur... au-delà des doutes et de la douleur, de nous voir tels que nous sommes...

Avec tendresse, respect et un petit peu de ce que les gens appellent "chaleur humaine"...




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Message par Invité Mar 22 Oct 2013 - 12:28

Merci Aethos Vivat 

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Message par ISIS75 Jeu 11 Fév 2016 - 16:37

Bonjour Aethos, es-tu toujours suivi ?
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Message par Invité Ven 19 Fév 2016 - 0:57

Je visualisais les images pendant que je lisais le texte. Un beau texte(poème même?), très bien écrit...qui aussi, durant tout le long, réveillait en moi des souvenirs et sentiments similaires au tien.
Bravo, et merci!

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