Sciences Po, mes amis, Sciences Po...

Hey !
Je passe en 1ère ES l'année prochaine et je suis fortement attirée par un IEP après le Bac.
J'aimerais savoir si certains d'entre vous y sont entrés, par quelle voie et comment c'était ?
Ensuite, pour se préparer au concours qui est apparemment très sélectif, que me conseillez vous ?
Prépa, annuelle, d'été, par correspondance ?
Je rajouterai que la rigueur, j'ai encore du mal, même si je suis capable de bosser très bien avec un peu de volonté, mais sur la longueur...
Avez-vous des astuces pour booster culture générale, histoire, géo...
Des lectures à me conseiller ?
J'ai encore un bout de temps pour m'y préparer, mais je sais que la culture ne se fait pas en un jour, alors je préfère preeeendre mon teeeemps.
Merci à tous pour vos suggestions, conseils, remarques, expériences...

bisou

Δαnαé a écrit:Je rajouterai que la rigueur, j'ai encore du mal, même si je suis capable de bosser très bien avec un peu de volonté, mais sur la longueur...

Sur ta question de l'accès à un IEP je ne sais pas, toutefois sur cet aspect de tenir la rigueur sur une longue période il n'y pas 36 moyens d'y arriver : il faut s'entraîner, encore et encore

Je déterre au passage le sujet, si jamais il y avait un jour des futurs aspirants sciences-pistes passant dans le coin. Maintenant que j'y suis, je donnerai des conseils avec plaisir à ceux qui y penseraient.
Bisous.

tous les matins au petit dej tu decoupes Le Monde en lamelles et pis tu trempes dans ton Guronsan.

Je fais remonter le sujet : y'a-t-il des "sciencespistes/IEPistes" parmi vous?
Si oui, vous épanouissez-vous dans cette formation?

Je commence par mes réserves sur le système français en général, pour préserver le suspens. En France, le système des prépas est encore moins adapté aux surdoués que le système scolaire (entre le par coeur, le travail sans relâche, les concours et les rapports sociaux). Les grandes écoles, ensuite, sont un lieu de relâchement intellectuel et moral, pour de pas dire qu'il s'agit d'un haut lieu de la planche à voile et de la luxure… dont je n'ai jamais eu de bons échos [OFF: Sciences Po est une grande école]. L'université est asphyxiée par son nombre d'étudiants, surtout en sciences sociales, avec pour résultat prévisible que l'apprentissage y est sans doute assez impersonnel, de même que les exercices demandés.

Objectivement, donc, Sciences Po présente un avantage considérable au niveau de son offre de formation : beaucoup de cours se font en petits groupes, les étudiants ne sont pas anonymes. Selon les débouchés visés, c'est de toute façon la seule école en France… par exemple pour une carrière dans la science politique, la haute fonction publique, le journalisme ou la diplomatie, qu'on aime l'ambiance ou non, il vaut mieux passer par là.

Il y a des défauts aussi (que la fac a peut-être aussi). Le modèle IEP se résume souvent à faire des exposés et des dissertations sur des sujets du genre “La mondialisation et les politiques environnementales” ou “La réforme de la Chambre des Lords”. Bref, des sujets extrêmement vastes qu'il faut vulgariser autour d'un plan essentiellement rhétorique en deux parties qui, sans se contredire ouvertement, apportent quand même deux éclairages contraires sur la question. La recherche, la rigueur intellectuelle et l'excellence académique ne sont pas forcément valorisées dans ce type d'exercice. Intellectuellement, ce n'est pas franchement la panacée.

Pour ce qui est de l'épanouissement social, il y a une normativité sociale décalée, mais néanmoins très réelle. Ce qui n'interdit pas qu'il puisse y avoir des gens sympas et même des zèbres passés entre les mailles du filet.

Pour ceux que cela intéresse, on peut en parler en MP.

En troisième année à Sciences Po Paris, je rejoins Cygnet sur bon nombre de points.

La réputation élitiste de l'école est en grande partie surestimée, au moins en matière de rigueur intellectuelle. Les spécificités du format grande école (petites promos, personnalisation du cursus, cette merveilleuse troisième année obligatoire à l'étranger) et la volonté de donner une culture générale à ses étudiants a du bon. Il est vrai qu'on y touche un peu de tout, de l'histoire, du droit, de l'économie, des sciences politiques, et en cela je n'ai pas été déçue, cela donne un bon bagage introductif qui donne de la souplesse et un appétit pour explorer plus avant du contenu un peu plus technique.
Mais voilà, cette exploration et cet approfondissement dépendent quasi uniquement du travail personnel, car à part un ou deux exposés et une dissertation pour examen final, on nous demande peu de vrai travail de recherche, au moins les deux premières années. En restant dans l'introductif pendant deux ans, on attend de nous peu d'érudition, tant qu'elle est bien mise en forme. A part en histoire où j'ai croisé d'excellents conférenciers, et un professeur de politique économique qui mettait la barre un peu plus haut que la moyenne, le niveau attendu est certes plus élevé que celui d'un bon lycéen de terminale, mais bien moins exigeant que celui attendu d'un prépa B/L. Ce n'est clairement pas suffisant sur le plan théorique si l'on désire faire de la recherche ou quoique ce soit d'académiquement exigeant, et faire un second master ailleurs par la suite n'est pas forcément une mauvaise idée. Il n'est d'ailleurs pas bien difficile de tout valider en s'y prenant à la dernière minute - sans briller, mais en restant dans une confortable moyenne de promo - au prix d'un inévitable oubli une fois l'examen passé. Qu'à cela ne tienne, l'enseignement tient plus du mode de vie que de la manière de penser.

(D'ailleurs ne vous attendez pas trop à faire de la politique à Sciences Po. Les étudiants sont étonnamment peu politisés, et l'époque où le marxisme était un sujet de conversation, où tout le monde avait lu Gramsci et Nizan et refaisait le monde autour de banderoles est révolue depuis longtemps.)

J'ai tendance à penser que Sciences Po offre ce que l'on en fait. Pour celui qui cherche à engranger des connaissances et aime travailler par lui-même, il est parfaitement possible de choisir des cours exigeants, travailler assidûment, lire les bibliographies fournies, discuter avec les professeurs et d'aller aussi loin que l'on ose s'aventurer : vous trouverez de l'aide dans cette voie. Pour celui qui cherche un rythme plus léger pour profiter de la vie associative, faire de la musique, du sport, visiter les musées et s'engager dans mille projets à côté sans pour autant perdre de vue sa scolarité, c'est possible aussi. Pour celui qui veut glander en paix et juste s'assurer un diplôme, il faudra un peu de talent mais ce n'est pas compliqué (mais c'est quand même du gâchis).

Pour la société... Paris est particulier, ne serait-ce que parce qu'infiltré par de jeunes gens issus de la plus ou moins grande bourgeoisie parisienne qui font Sciences Po de père en fils (ou fille). On y trouve un peu plus de variété et quelques hurluberlus évidemment (les associations de jeux de rôle et jeux vidéos sont d'assez bons aimants en général), mais il y a tout de même une ambiance un peu spéciale teintée de cynisme, de sectarisme et d'ennui soigneusement camouflé qui ne ravira pas les coeurs purs. Mais on y survit, car il y a pas mal de petites niches où se planquer et rencontrer des gens bien.

Ce n'est pas la seule voie pour faire tout ce que tu cites Cygnet toutefois. On peut par exemple parfaitement faire de la science politique après deux/trois ans de prépa littéraire, puis un ENS ou un master à l'EHESS et un doctorat quelque part par exemple, et pour faire de la recherche en la matière c'est à mon avis même un peu mieux. Sciences Po a l'avantage de ne pas spécialiser tout de suite, de faire découvrir un peu de tout, et de proposer une ouverture internationale appréciable, mais cela reste une grande école : son but c'est de vous faire trouver un boulot, pas de vous ouvrir les grandes sphères du Savoir.

Idem pour le MP.

Pour revenir sur cette question d'opportunités au sortir de Sciences Po, je ne dis pas qu'il soit impossible de faire de science politique sans… seulement qu'en France, le recrutement dans cette matière passe quand même généralement par là (ex : pour les docteurs, l'agrégation du supérieur y est organisée ; pour les autres, la haute fonction publique y est recrutée), ce qui n'interdit pas aux gens sérieux de s'inscrire dans deux établissements pour acquérir un meilleur bagage théorique dans le second (fac, ENS ou EHESS selon les matières).

En science politique universitaire, je conseillerais cependant plutôt de partir en Grande-Bretagne (ou de tenter ailleurs en Europe), pour des gammes de prix plus ou moins équivalentes. La science politique est enseignée de manière beaucoup plus théorique dans le monde anglo-saxon, avec une dimension géopolitique et internationale qui est quasiment absente en France.

Je plussoie totalement les posts précédents. J’ajoute simplement :

- Il est totalement vrai que pour un étudiant, l’IEP est ce qu’on en fait. Si tu es à Sciences Po, que tu veux t’embellir l’âme par l’étude et que tu es motivé(e), tu es au bon endroit, il y a beaucoup de ressources (notamment financières) mises à ta disposition (voir notamment une partie de la bibliothèque, surnommée l’Apple Store). Si par contre tu ne veux rien faire, mais avoir ton diplôme tout de même, c’est tout à fait possible. Le problème c’est qu’au cours de ta scolarité tu es fortement incité(e), notamment par le système de notation et de calcul de l’assiduité (qui est à lui seul tout un poème, avec la règle des 3 jokers) à ne rien faire. Comme nous a dit le directeur en nous accueillant : « la différence entre Sciences Po et l’université, c’est qu’à l’université tout le monde peut entrer mais à chaque semestre vous devez faire la preuve que vous y avez votre place, alors qu’à Sciences Po c’est un peu difficile de rentrer mais on vous tient par la main jusqu’à la sortie ». (Juré, je ne change pas un mot).
- Ô toi le lycéen ou l’étudiant, si tu as l’opportunité de faire Sciences Po, fais-le : dans la société française de 2016, si dure avec ceux à qui la vie met parfois un coup de barre à mine qui les oblige à poser un genou à terre, si tu peux passer par Sciences Po c’est bien. Parce que par la suite, tu auras un réseau, et surtout les non-sciences-pistes dont tu auras besoin (notamment les recruteurs) présumeront toujours que si tu as fait l’IEP c’est que tu vaux la peine d’être recruté. Ce n’est pas une assurance contre le chômage mais ça s’en rapproche.
- Un individu a commis un jour une tribune sur Sciences Po dans laquelle il y a notamment cette phrase magnifique : « Sciences Po a conservé au fil du temps sa vocation d'alchimiste qui métamorphose l'arbitraire de la naissance en capacité présumée ». (ZC ne me permet pas d’insérer un lien, mais via google vous trouverez facilement l’article complet).
- Marcel Gauchet a un jour commis lui aussi une tribune sur Sciences Po (ou était-ce les grandes écoles en général ?) dans laquelle il disait que celle-ci profite des compétences intellectuelles précédemment acquises par ses étudiants et ne leur enseigne rien elle-même ; elle se contente de mettre un réseau à leur disposition et de leur donner un diplôme à l’effet-parchemin garanti sur les employeurs et les investisseurs. D’après mon expérience de l’institution, c’est légèrement exagéré mais vrai.

Merci à tous pour vos réponses, certains points rejoignent ma pensée actuelle!
Merci beaucoup d'avoir pris de votre temps pour me donner vos précieux avis,
Je vous MPrai peut-être d'ici quelques temps

Sciences Po n'est-elle pas une école remplie d'enfants de la bourgeoisie, mesquins, accrochés à leurs privilèges et qui votent Sarko ? Une école où sont formés tous les menteurs professionnels de la politique ?

Pas que. Mais il est vrai qu'un certain nombre d'enfants de la bourgeoisie, mesquins, accrochés à leurs privilèges, qui votent Sarko et futurs menteurs professionnels de la politique y vont.

Pas que. Il y a aussi toute la gauche bobo queer-isante, pro-tout, qui rêve d'une société communiste tout en menant la vie bien-pensante inculquée par leur milieu social.

La plus grande expérience que l'on fait à Sciences Po est d'ordre socio-anthropologique.