De l'accompagnement et du suivi des personnes autistes

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Message par Firemane Ven 6 Jan 2017 - 22:36

Ce texte est autant un témoignage qu'une dénonciation d'une plus large injustice généralisée.
J'ose espérer qu'au travers de cette lecture il pourra toucher ou sensibiliser.
Merci de partager le plus possible.

***

Bonjour,
Je me présente, je suis un jeune autiste asperger de 28 ans, diagnostiqué il y a bientôt un an déjà, après un long parcours du combattant pour le droit à la vie, qui a duré 3 ans, et mobilisé de nombreuses personnes, que ce soit de la justice, de l’administration, ou du médical. Au terme de ces trois ans, j’ai eu un logement (grâce à un autre service social pour personnes démunies), j’ai été reconnu personne handicapée me donnant accès à une pension légèrement supérieure à ce que l’on touche au CPAS, et j’ai été diagnostiqué Asperger.

Je remercie d’ailleurs publiquement le service Action Logement de Namur, le Dr Bihain, l’équipe des Pléiades et le service du CRA de Liège. Sans eux, je ne serais pas où j’en suis aujourd’hui.

Depuis ma naissance, mon existence a été loin d’être paisible, que ce soit les dépressions, les catastrophes humaines et sociales, les agressions, les humiliations, la pauvreté, les décès, les tentatives de suicide, les difficultés à l’école, les difficultés à m’insérer dans le monde du travail, la famille, les amis, les amours, être sans logement à deux reprises et j’en passe ... ce diagnostic et cette décision de justice ont changé les choses, en bien, cela m’a libéré, tant mentalement que concrètement. J’ai eu droit à des aides, du soutien, et une reconnaissance en tant que tel. Toutes mes difficultés, toutes mes problématiques, avaient une explication, un contexte, une raison d’être. Et si pas toutes, presque toutes. Pour moi, je venais de découvrir une grosse pièce du puzzle de ma vie, une information capitale, qui me permet maintenant d’être un peu plus heureux.
D’ailleurs, au cours de cette démarche de diagnostiques, de nombreuses personnes m’ont renvoyé au visage que je n’étais pas autiste, que je me cherchais des excuses, voire que je ferais mieux de me mettre un coup de pied au cul et de chercher un boulot ... que ce soit feu mon entourage de l’époque, ou des professionnels.

L’un des services auquel qu’il m’a été possible d’avoir accès pour m’aider dans la vie est le service « Vis à Vis » à Namur. Je voyais une dame, une assistante sociale dont je tairai le nom.
Cette dame, au demeurant bien intentionnée et sympathique, m’a aidé sur de nombreux aspects, même si rapidement, j’ai pu sentir qu’elle ne saisissait pas vraiment ce qu’était l’autisme, ou en tout cas, le syndrome d’Asperger. Au point que peu avant le diagnostic, elle m’affirmait haut et fort que je n’étais pas autiste, et que mon problème était un trouble de l’attachement.
Lorsque je lui ai annoncé le diagnostic, elle a fait les yeux ronds, elle était choquée, et m’a dis un « ah bon », restant coîte pendant quelques secondes, puis notant sur sa feuille de note que manifestement j’étais autiste ...

Avec cette personne nous travaillions les choses de la vie de tous les jours, que ce soit la nourriture, l’hygiène personnelle, le ménage, les papiers administratifs, mais aussi l’émotionnel et l’affect à travers diverses discussions. Quand j’étais à la rue nous avons aussi discuté de la recherche de logement, ou de trouver le meilleur suivi médical possible à l’époque où je n’avais pas encore le diagnostic. Nous avons aussi parlé de mes projets personnels qui me tenaient à coeur comme l’écriture de mon livre. C’était principalement de ça dont il s’agissait, gérer les petits tracas du quotidien. Je me faisais même couper les cheveux dans leur batiment, car il est compliqué pour moi d’aller dans un salon normal, et elle m’a mis en relation avec une association annexe qui fait office de laverie/douche pour les personnes en situation de pauvreté (car mon logement ne me permet pas d’avoir une machine à laver à domicile).

Au final, ce sont des choses importantes que tout être humain fait naturellement sans difficulté outre mesure, mais que moi, je n’arrive pas à faire correctement. Et quand je dis que je n’y arrive pas, je n’y arrive pas, c’est une catastrophe même si j’y mets la meilleure volonté du monde. Entre la panique, la maladresse, la méconnaissance, le manque d’énergie, la démotivation, les accès de colère, ou l’oubli parce que je suis en surcharge, je ne réussis pas à faire ce qu’il faut, ni comme il faut.

Une fois, dans le bureau de mon avocate (qui s’occupait de la démarche au tribunal pour être reconnu handicapé) avec qui le contact ne passait pas toujours bien, lors d’un reproche qu’elle m’a fait parce que j’ai rendu des papiers trop tard à son goût, ne sachant plus gérer mes émotions, j’ai donné un coup de poing dans son armoire, maintenant déformée.
D’ailleurs cet accès de violence, qui était commun à cette époque de ma vie où je perdais simplement les pédales car toute mon existence s’écroulait petit à petit devant mes yeux, m’a paradoxalement peut-être aidé. Il a prouvé à cette avocate que j’étais en totale détresse et que je n’en sortais plus.

Récemment, la dame du service vis-à-vis m’a annoncé relativement froidement et sans me prévenir au préalable qu’elle, et son équipe, ont pris la décision de ne plus me suivre car j’étais suffisamment autonome, et que cela ne relevait plus de leur compétence, que c’était plus pertinent pour moi d’aller à l’hôtel de ville, comme Mr et Madame Tout-le-monde. Je n’aurais donc plus accès à une aide sociale de premier plan, un rapport privilégié avec une personne sensible à mes difficultés, et je devrais faire face à n’importe quelle personne qui me traitera, peut-être, comme un numéro quelconque, sans connaitre mes besoins ni ma détresse.

Je ne me vois simplement pas vivre seul, sans filet de sécurité. Devoir me passer de professionnels adaptés. Je me vois déjà fulminer de colère et d’impuissance face aux assistantes sociales classiques, paniquer à claquer mes doigts, me murer dans un mutisme après avoir tenté de m’exprimer, ou être pétri de stress au point où je ne fais plus aucune démarche. Il existe bien sûr des personnes ayant réussi à trouver un équilibre, et réussissant à vivre seules, sans aide. Ce n’est pas le cas de la large majorité. Ce n’est pas mon cas non plus.

C’est le paradoxe de l’autiste qui apprend à se débrouiller. C’est à dire que parce qu’il n’a pas accès à des aides adaptées, mais que malgré cela grâce à une ingéniosité personnelle il arrive vaguement à se démerder, il se voit refuser des aides alors qu’il est enfin capable d’y prétendre (après parfois vécu un parcours atroce et difficile). Une double voir triple peine horrible et tout bonnement injuste.

De nombreuses personnes autistes se heurtent, même face aux personnel censé être compétent, à un violent retour en arrière au sujet de ces difficultés invisibles. A différentes occasions, je me sens parfois voyager dans le temps sans mon consentement, trois ans dans le passé, quand je parlais du syndrome d’Asperger et l’on me répondait, quand je tentais de faire le lien entre ce syndrome et ma réalité : « bah tu sais le monde s’arrêtera pas de tourner pour toi, tu te cherches des excuses, tu ne te bouges juste pas assez le cul » alors que je souffrais une véritable torture physique et psychologique à cause de bruits assourdissants (de six heures jusque dix-sept heures, six jours par semaine, pendant deux ans sans interruption) dus à des travaux dans un bâtiment mitoyen.

Que voulez vous à la fin ? Nous laisser croupir dans nos problèmes ou nous aider ? Cela n’est pas comme ça qu’une société responsable prend soins de ses personnes les plus fragiles ! Vous contribuez à propager le marasme et l’immobilisme social et psychologique de nombreuses personnes par des méthodes préhistoriques qui ne sont ni pertinentes ni efficaces. C’est aussi hors propos que la psychanalyse dans le cadre de l’autisme, théorisant sur les mères frigo ou que sais-je, alors que le soucis de l’autisme doit être traité comme un soucis prenant sa source dans une différence neurologique. Cette réalité, ce FAIT, est très largement documenté par de nombreux éminents spécialistes, quand ce ne sont pas des associations regroupant parfois des milliers de personnes.
C’est comme ces « allez, bon courage, vous en êtes capable » d’une hypocrisie flagrante, dont je suis sur que je ne suis pas le seul à en a voir bouffer des tonnes ... Il est de bon ton de recevoir des encouragements, mais ce style de phrase est une fausse empathie, ou au mieux avoeu d’incapabilité.
Nous avons tout le courage du monde, nous avons besoin d’un coup de main, pas d’une simple tape dans le dos, seulement à ce moment-là nous seront capable de faire les choses pour lesquelles nous demandons de l’aide, car c’est exactement dans ce but que nous le faisons !

Comme le dit Josef Schovanec, en Belgique il existe plus de personnes autistes que de personnes germanophones. Alors comment se fait il que j’aie la désagréable impression que face à des médecins, des assistants sociaux, dans le plat pays, parler de l’autisme est parfois comparable à tenter de discuter de l’état actuel du PIB du Guatemala avec des personnes ne connaissant ni l’économie, du l’amérique centrale ?
Le plus triste est que je suis loin, très loin d’être un cas isolé. Il suffit de parler un peu à des personnes autistes asperger pour en avoir la confirmation. Une des phrases les plus récurentes (si pas la plus récurente) dites par les personnes autistes est « j’ai l’impression d’être un extra-terrestre ».

Je pourrais dire aussi, comme Julie Dachez, pour donner une autre citation « l’autisme n’est pas ce que vous croyez », car il est triste de constater la pitoyable incompétence et totale non-pertinence de réponses adaptées des professionnels de la santé, ou du social ...

Pour conclure, sur une note très personnelle, je m’adresserais à « Vis-à-Vis », et à tout service et professionnel qui abdique de son mandat envers un public dans le besoin.
Car si après l’annonce de l’arrêt du suivi, je n’ai pas donné de coup de poing dans une armoire, et que désamparé j’ai décidé de me lever, prendre mon sac à dos, mon mp3, et partir du bâtiment sans un mot alors qu’au loin j’entendais un « au revoir Monsieur xxx » ... aujourd’hui, avec le recul, je leur dirais un très simple et très franc « allez vous faire foutre ».

Cordialement.

Ecrit le 06/01/2017 sur ;
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Message par onoclea Dim 15 Jan 2017 - 16:13

Tiens, je viens de lire un article sur wikipedia :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Exclusion_sociale_des_personnes_autistes

L'exclusion sociale des personnes autistes.
Ont trouve tout dans wikipedia.
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