S'instruire en famille

De nombreux zèbres peuvent témoigner des difficultés, ou simplement de l'ennui profond, qu'ils ont vécu à l'école. Il y a beaucoup de critiques à faire sur cet environnement fermé, où les jeunes sont classés par âge, voire par sexe, pour s'assoir en rang et recopier la bonne parole toute la journée. Il y a de bonnes expériences aussi, des professeurs passionnants, des relations avec d'autres enfants.
On croit, on dit souvent que l'école est obligatoire. C'est faux. C'est l'instruction qui est obligatoire. Il est légal en France d'instruire soi-même ses enfants. L’État contrôle régulièrement pour voir si vous n'êtes pas un dangereux gourou ou esclavagiste, mais n'a pas son mot à dire sur vos choix d'instruction. C'est une liberté fondamentale. Notons que cela n'empêche pas de nombreux litiges entre des contrôleurs méfiants et des familles attachées à leurs droits.
Bref. L'instruction en famille est théoriquement un espace de liberté posant de grandes questions qui, chez vous aussi, je l'espère, peuvent susciter une vive curiosité. Nous aimons apprendre. Comment transmettre ça ? Que donner à apprendre à son enfant ? Comment ? Pourquoi ? C'est sur ces sujets que je vous propose de partager (si ça n'a pas déjà été fait, bien sûr).

Je souhaite pratiquer l'instruction en famille avec mes enfants. J'ai ouvert une discussion pour discuter des grandes lignes de ce ce que je compte mettre en place. C'est ici.

Le sujet m'intéresse beaucoup (j'ai par exemple passé mon bac en candidat libre à 17 ans et je suis toujours en cours par correspondance, je serai en M2 à la rentrée).

Je préfère répondre ici que dans l'autre discussion car là-bas c'est parti un peu dans tous les sens.

1) Tout d'abord, l'intérêt principal de se former à la maison (ou sur la terrasse, ou à la plage, ou dans un parc, etc.) pour un surdoué c'est le gain de temps.

Perdre un nombre infini d'heure à recopier ce qui dit un prof et à faire un nombre conséquent d'exercices c'est la plus grande perte de temps que j'ai vécu dans ma vie.

Concrètement, pour un surdoué, il suffit de lire une ou deux fois quelque chose pour l'avoir compris et s'en rappeler. Pour les exercices de math par exemple, il suffit de faire directement le plus compliqué pour voir si on a compris, et sans même s'embêter à le rédiger (pourquoi passer 10 minutes à écrire le raisonnement de quelque chose alors que ça nous vient en 15 secondes dans la tête ?).

Ce qui est est donc fait en 4 heures en cours peut se faire en 10 minutes tout seul. Je n'exagère pas.

Cela dépend de la matière bien sûr, mais pour beaucoup de matière c'est ainsi.

2) Du coup, attention à ne pas vouloir être une sorte de tuteur privé pour l'enfant. Il est préférable de le laisser faire tout seul et de n'intervenir que lorsqu'il en a besoin. Exemple : voici le livre de cours, voici ce que tu dois savoir, à toi de jouer, essaie de finir le plus rapidement possible. Si tu bloques sur quelque chose appel moi.

3) Tout le temps gagné peut être mis à profit pour plusieurs choses : temps libre, lui apprendre d'autres choses non-scolaire, ou encore le laisser apprendre ce qu'il veut (avec internet, on peut apprendre tout ce qu'on veut, entre wikipedia, les sites d'actualités scientifiques, etc.). Un mélange des trois est sans doute optimal.

4) Le temps libre permet aussi de multiplier la participation à des clubs sportifs (ou autre). Ce qui est nécessaire pour l'apprentissage de la socialisation.

Ce que tu écris est très proche de ce que j'ai écris. Un des problème majeur de l'école est effectivement les pertes de temps. Et je pense que ça ne concerne pas que les surdoués. Recopier le cours d'un prof me semble être une perte de temps pour tout le monde. Tout ce qui est vu en classe et qui est soit déjà connu, soit trop difficile constitue aussi une perte de temps.

Cartman a écrit:2) Du coup, attention à ne pas vouloir être une sorte de tuteur privé pour l'enfant. Il est préférable de le laisser faire tout seul et de n'intervenir que lorsqu'il en a besoin. Exemple : voici le livre de cours, voici ce que tu dois savoir, à toi de jouer, essaie de finir le plus rapidement possible. Si tu bloques sur quelque chose appel moi.

Je suis d'accord avec cela et je vais un peu plus loin. Le modèle serait pour moi plutôt :

- Détermine ce que tu veux apprendre
- Trouve des sources d'information pour cela.
- Critique-les.
- Résume ce qui te semble utile.
- Conserve en mémoire ce résumé.
- A l'avenir, utilise ce que tu as appris lorsque c'est pertinent.

- Et si tu bloques sur quelque chose, appelle-moi.

Tout ce qui est vu en classe et qui est soit déjà connu, soit trop difficile constitue aussi une perte de temps.

Tu soulèves aussi un très bon problème : le fait d'avoir un rythme pour la classe est la meilleure chose du point de vue du groupe (on ne peut pas se permettre d'attendre tout le monde, ni d'aller aussi vite que les meilleurs), mais une absurdité au point de vue individuel.

Si on a du mal avec quelque chose (parce qu'on manque de prérequis par exemple), il faudrait passer plus de temps sur cela, et à l'inverse quand on a compris quelque chose, il faudrait immédiatement passer à l'étape d'après.

Je pense quand même que c'est encore plus vrai pour les surdoués que pour les autres, puisque la grande majorité du temps le surdoué pourrait avancer beaucoup plus vite.

- Détermine ce que tu veux apprendre
- Trouve des sources d'information pour cela.
- Critique-les.
- Résume ce qui te semble utile.
- Conserve en mémoire ce résumé.
- A l'avenir, utilise ce que tu as appris lorsque c'est pertinent.

A partir d'un certain âge uniquement. Le pauvre enfant de 6 ans (rappelons qu'à cet âge, certains enfants ne savent pas encore lire) va avoir un peu de mal à faire tout ça, quelque soit son QI ^^

Je prends mon exemple pour mes études après le bac : étant en cours par correspondance, je regardais d'abord les annales pour voir ce qu'il fallait faire le jour de l'examen, et ensuite je lisais le cours du prof (une centaine de pages en général). Sauf que là ou ceux qui sont inscrits à la fac doivent passer une quarantaine d'heures par semestre par matière, j'y passais en moyenne 4 heures (en général je ne le dis pas, sinon les gens ne me croient pas ou pensent que je triche, ou que je ne mérite pas le diplôme, etc.).

Ce gain de temps énorme car tout était déjà prêt : le cours souvent très bien fait, je n'avais plus qu'à le lire. Comme je lis très vite, que je comprends très bien et que j'ai une très bonne mémoire, forcément je gagne énormément de temps.

Si on doit ajouter la recherche d'information, la comparaison des sources et tout ça, même si c'est nécessaire de savoir le faire, ce n'est pas le genre de chose à faire systématiquement : on perds beaucoup trop de temps.

J'ai un exemple assez triste (pour la personne non-surdouée, et un peu plus joyeux pour moi) : pour mon M1 (que j'ai passé cette année en cours par correspondances) mes examens de premier semestre étaient fin janvier. J'ai une amie à la fac qui elle passait ses examens en décembre. Alors qu'elle avait vraiment travaillé (en se levant à 6 heures 30 du matin, en allant en cours, en passant des heures à recopier ce que disait le prof, a essayer de relire tout ça, etc.).

Je l'ai croisé début janvier elle était en larmes, elle venait d'échouer à ses examens. Je n'avais toujours pas commencer à ouvrir mes cours (oui, oui, début janvier j'avais toujours pas commencé). Je m'y suis mis quelques jours après, j'ai passé mes examens deux semaines après, j'ai eu mon semestre avec des points d'avances.

D'un côté, je suis très content pour moi, d'un autre côté je suis très triste pour elle. C'est injuste (pour elle).

Bref, pour en revenir à la recherche d'information : attention à ne pas faire perdre du temps et de l'énergie inutilement à un enfant. Tout lui préparer pour qu'il n'ait plus qu'à lire et à comprendre (sans le forcer à écrire inutilement du cours et encore moins à rédiger des exercices) est sans doutes le plus grand service à lui rendre.

Ton objectif est d'obtenir des diplômes. Ce n'est pas le mien. Je cherche à instruire mes enfants. C'est un objectif plus ambitieux. Il englobe beaucoup plus de choses. Les diplômes ne sont qu'un épiphénomène dans ce programme. Comme tu le soulignes, il n'y a pas besoin de consacrer beaucoup de temps pour les obtenir. Il en reste donc énormément pour apprendre des choses utiles. Et parmi celles-ci figurent selon moi la capacité à rechercher et à critiquer de l'information.

Cartman a écrit:

Cyril a écrit:    Tout ce qui est vu en classe et qui est soit déjà connu, soit trop difficile constitue aussi une perte de temps.

Tu soulèves aussi un très bon problème : le fait d'avoir un rythme pour la classe est la meilleure chose du point de vue du groupe (on ne peut pas se permettre d'attendre tout le monde, ni d'aller aussi vite que les meilleurs), mais une absurdité au point de vue individuel.

Montaigne a écrit:Ceux qui, comme porte nostre usage, entreprennent d’une mesme leçon et pareille mesure de conduite regenter plusieurs esprits de si diverses mesures et formes, ce n’est pas merveille si, en tout un peuple d’enfans, ils en rencontrent à peine deux ou trois qui rapportent quelque juste fruit de leur discipline.

Cartman a écrit:A partir d'un certain âge uniquement. Le pauvre enfant de 6 ans (rappelons qu'à cet âge, certains enfants ne savent pas encore lire) va avoir un peu de mal à faire tout ça, quelque soit son QI.

Il s'agit d'amener progressivement l'enfant à ces objectifs. Et on peut commencer très tôt à poser des bases qui progressivement permettront de s'y acheminer.

Je suis d'accord avec vous ! D'ailleurs, apprendre à rechercher l'information puis la critiquer demande beaucoup plus d'effort que le simple apprentissage (celui qu'on nous inculque à l'école) mais est beaucoup plus efficace pour la suite.

Personnellement j'ai beaucoup de difficulté a être efficace dans ce duo recherche/critique et j'aurai aimé qu'on me montre cette voie et qu'on m'y accompagne. Un jour quelqu'un m'a certifié qu'on pouvait développer nos capacités de critiques de manière avancées seulement si on commençait pendant l'enfance. Je ne pense pas que ce soit le cas mais ça reste assez compliqué.

toxic-paradise a écrit:Un jour quelqu'un m'a certifié qu'on pouvait développer nos capacités de critiques de manière avancées seulement si on commençait pendant l'enfance. Je ne pense pas que ce soit le cas mais ça reste assez compliqué.

On peut développer son esprit critique à tout âge. Et je ne pense pas que cela soit si compliqué que cela. Vois par exemple la thèse de Richard Monvoisin.

Merci beaucoup Cyril, elle a l'air super intéressante. Je pense trouver certaines réponses dans cette lecture !!!

Je suis content que cela t'intéresse. Si tu veux en discuter avec moi plus tard, ce sera avec plaisir.