Plastique mais pas trop

Je me rappelais "I think he escaped" mais non c'est "He's got away from us, Jack."
C'est la fin du film Brazil.  Un de ces films qui m'a marqué à tout jamais.  Qui m'a fait sentir que je pouvais me sentir décalé pour le restant de mes jours, je ne serai pas le seul.  Seul, peut-être, dans ma bulle de décalage, mais pas seul à le ressentir.  Ca a été un vrai cadeau d'un de mes rares grands amis d'alors de me faire découvrir Terry Gilliam, comme il m'a fait découvrir David Lynch (oui, oui, Eraserhead, quel truc bizarre et pourtant...), David Sylvian, Ronny Jordan, Jodorowski...  Je me demande avec un peu de culpabilité ce que je lui ai fait découvrir, moi...  Mais bon...  Je ne vais pas me flageller à me considérer comme un vampire d'émotions et de passions, ça ne fait pas avancer le schmilblick...

En fait, si j'ai été chercher ce titre, c'est plus pour "she" que "he".  She's gone, again.  Quelque chose me dit qu'elle lira ces mots et ça me fait sourire.  C'est curieux comme sentiment.  Une sorte de "would-be" amie.  Would-be parce que les circonstances font que ben non on sera pas amis c'est comme ça.  Non, non, rien de sentimental, mais comme parfois ici ce sentiment de fraternité.  Ce côté "tu passes par des traces dans la neige que j'ai trouvées aussi; j'ai vu des pas parfois devant moi".  C'est tout.  Il y avait une jolie bulle d'humanité dans son coin.  Je ne suis pas le seul à l'avoir vue et ça me faisait sourire de voir quasiment tous les gens que j'apprécie se retrouver là-bas (les autres, en fait, je ne les connais pas encore ).  Il y a quelque chose qui ne trompe pas.  Un tropisme de l'humanité à vif.  Qu'est-ce qui fait qu'avec nos histoires, nos trajectoires à 100 000 kilomètres les unes des autres nous puissions presque par instinct reconnaître ceci ?  Il y a un côté presque parapsychique.  NB : je ne suis pas un fanatique de la chose, ça ne me dérange pas, j'en suis curieux, je me considère en la matière comme non-gifted.  Comme si je savais qu'on irait tous dans l'espace plus tard mais que ce ne serait pas pour moi.  Ca ne me dérange pas mais la perspective que ça arrive aux "suivants" me plaît bien.  L'image qui me vient c'est d'avoir les mains ouvertes.  J'y pense parfois au sujet de mes enfants.  Ils se posent sur mes mains comme des papillons.  Ils s'appuient sur leur solidité pour prendre confiance et leur envol.  Avec le temps, ils reviendront de moins en moins dessus et c'est bien comme ça.

Nous, j'ai envie de dire "nous", sorry pour ceux que ça mécontente, nous sentons cette communauté qui se crée parfois et nous avons plaisir (parfois avec un peu de retenue voire d'angoisse) à nous y retrouver.
Elle, je pense que ça la panique de voir les papillons venir se regrouper autour de sa lumière.  Elle voit plutôt les oiseaux d'Hitchcock, on dirait.  Question de temps ou non.  Who knows ?
Ca me rappelle les réflexions auxquelles je peux avoir droit dans le genre "qu'est-ce qu'un mec comme toi peut me trouver ?".  Là, je tiens toute prête la liste des nombreux défauts que je m'attribue avec ma lucide générosité.  Please, on arrête là dessus j'en ai déjà la nausée...

She's got away...  (j'aime beaucoup le "She's got a way" de Billy Joël; ben oui, c'est une chanson d'amour, mais moi j'aime )
J'espère juste que tu es bien là où tu es et que j'aurais le plaisir de relire tes mots in the future.
Comme disent les russes : vcio boudiète (tout arrive...)

C'est bizarre comme dans la vie on prend appuie sur une pierre au milieu du torrent.  Et puis parfois il faut sauter sur la suivante quand la première s'enfonce dans l'eau.

Je suis incapable d'expliquer pourquoi j'ai eu besoin d'écrire ça.  Comme je suis incapable d'expliquer pourquoi il a fallu que j'écrive cet espèce de poème (soyez indulgents, même si ce sont des vers de mirliton, le mieux c'est de ne rien dire mais je te pardonne Gallina ;-)).  Il faut que ça sorte.  Et quelqu'un m'a dit que c'était important de s'exposer dans ses mots (tu vois, je suis ton conseil...).  Alors j'apprends à les laisser.  Suis pas toujours très fier de ce que j'écris mais je voudrais essayer d'éviter la tentation de notre amie EDITh.  Hé, dites, c'est à vous que je parle !!!

Je ne prends pas beaucoup le temps d'écrire, ici, un peu plus de lire, comme un livre qui donne toujours le sourire avant de s'endormir.  Je suis heureux de vous avoir croisés.

Ca en fait des bonnes questions...
Je crois que je suis surtout overwhelmed par tout ce que j'ai lu, vu et écouté sur ton fil.  Trop de choses à digérer, à découvrir, à mastiquer, ou à vivre tout simplement, de toi et des autres.  Le temps passe trop vite.  Et j'ai une faculté à me disperser sur 30 000 choses à la fois que vous connaissez bien je pense...  Pourtant je résiste, si, si.  Est-ce que c'est une chance d'avoir l'impression que les journées devraient faire 72 heures ?
Moi je n'ai rien à dire qui en vaille la peine, c'est la seule chose que je me dis à cet instant précis.  Ce n'est pas une histoire de misérabilisme mais juste une sorte de constat de l'instant présent.  Peut-être que je ne suis pas assez présent ici mentalement pour cela, je n'en sais rien.  Si, je crois que j'en suis sûr mais je ne sais pas expliquer pourquoi.  Je commence à ressentir plus précisément les moments où je suis immergé à 100%, que ce soit pour éplucher une pomme de terre, travailler un morceau de musique ou parler à un client.  Et là je reste en dehors.  En partie sans doute du fait de mon clash de l'été, mais aussi parce que je suis essentiellement dans ma vie réelle (quoiqu'ici la vie soit aussi réelle, mais en projection - cf. l'écran noir de vos nuits blanches ).  J'aime bien les films qui passent ici.  Pas tous.  Je ne m'étais jamais rendu compte à quel point les plus beaux chefs-d'oeuvre avaient peut-être tous été éradiqués par leurs auteurs.  C'est une perspective qui m'effraie mais d'un autre côté je me demande ce que serait le monde si toute cette beauté nous était accessible.  Serait-ce TROP beau ??  Sommes-nous censés pouvoir voir le meilleur de nous-mêmes ??  Je vais aller mastiquer ce bout là...  Ca a un bon goût...

C'est curieux, quand Harpo (c'est pas le seul, hein, pas de jaloux ) nous fait découvrir sa bibliothèque de l'infini (j'ai vu que vous évoquiez Borgès; il faut absolument que je retrouve cette histoire magique de bibliothèque.  Je ne sais plus si c'est dans Fictions), je le vois assez comme un bibliothécaire extraterrestre qui compile méthodiquement tout ce que les hommes (et femmes, oui, bien sûr) ont créé de beau, même ce qu'ils ont choisi de détruire.  Ah ben oui ma bonne Dame, c'est de ta faute, t'as fait du beau c'est indélébile, on est dans de beaux draps .

Il est temps, sacripant, de larguer ton armure !
Mets les voiles, et fonce tribord amure
Dézingue ta coque sur les rochers du temps
Mais évite au moins les sables mouvants
Dans lesquels on essaie sans relâche de t'enliser.
Laisse les fulminer de te voir ainsi libéré
Oui tu es seul maintenant et la peau exposée
Apprends l'âpreté, le prix de la liberté
Tu as voulu pouvoir ainsi seul penser
Jongler à ta guise dans tes échappées
Te gorger d'images, de sons et de concepts
Vivre des journées de 30h qui paraissent ineptes
Dis toi que, tout près, leur réel t'attend
Comme un geôlier terriblement patient
Avis, factures et autres papiers bleus
Garde toi prudemment un joker de leur jeu
Connais leurs règles et sois en un expert
Il faut parfois savoir être terre à terre
Pour, la nuit tombée, rejoindre les étoiles
Chatoyer sans pudeur dans l'immensité
Goûter le carburant que ton moi avale
Avec une gourmandise jamais rassasiée
Surtout ne regrette rien, Sacripant
Il n'y a pas de bonheur à être la moitié de soi-même
La tiédeur de la boue peut paraître confortable
Quand elle t'emporte, "tout suffocant et blême"
Je te le dis, Sacripant, il est temps...

c'est marrant, tu utilises des mots que j'aime beaucoup.
et la manière dont tu les assembles, est si simple, si naturelle, qu'ils sont encore plus beaux.

je ne parle pas que de tes proses, ou poèmes, mais de tout.

à bientôt.