Un jour, je serai reine

"J’ai vingt ans. Vingt ans et toutes mes dents. Enfin si on exclut le quart de ma molaire en haut à gauche qui s’est fait la malle dernièrement. Vingt ans c’est l’âge fantastique me direz-vous, l’âge de la première voiture, du premier amour, baigné dans la vie étudiante et entretenu par Papa-Maman, que demander de plus ? Et bien moi, je suis exigeante ! Cela ne me suffit pas ! Certes, on fait des envieux. Nous, on n’est pas obligé de se coucher à 22h30 parce que demain il y a école, on peut boire du vin à table, on est libéré du joug parental, Papa-Maman nous croient quand on leur dit que « Non, ce n’est pas moi qui ai mangé le dernier éclair au chocolat », on est jeune, on est en bonne santé, on n’a pas de responsabilités, pas d’impôts, pas de cheveux blancs, pas d’enfants, pas de préoccupations. Et bien, croyez-le ou non, la vie n’est pas aussi simple à vingt ans. Balloté entre le monde de l’enfance et le monde de l’adulte, rien n’est acquis, tout reste à construire. Première source d’inquiétude et d’interactions : Qu’est-ce que je veux faire plus tard ? Ah… Question fatale. Mais qu’est-ce que j’en sais moi de ce que je voudrais plus tard ? Depuis l’école primaire, j’ai rêvé d’être vétérinaire, musicienne, professeure, cavalière, militaire, chercheuse en électromagnétisme, femme dans l’humanitaire, alors je vois mal comment je peux décider maintenant de ce que je ferais pendant quarante ans. Et encore, si seulement il n’y avait que notre envie à prendre en compte ! Mais non, il y a le salaire aussi, et malheureusement l’intérêt et la rémunération d’un métier ne sont pas proportionnels. Une infirmière ne compte pas ses heures, est véritablement utile et indispensable, mais touche un salaire de misère. Alors que parallèlement, les footballeurs et les stars de cinéma gagnent des millions. Je ne dis pas, j’adore le cinéma et le foot, mais pourquoi leur donner autant ? En tout cas, cela ne m’aide pas à choisir un métier, surtout qu’il n’y a que peu de retour en arrière possible.
Après réflexion, plus tard, je veux être reine. Ca m’est venu dans la nuit. Je ne sais pas pourquoi je n’y ai pas pensé avant. Je serais reine d’un monde fabuleux ! Ce royaume est tellement grand que je n’en connais pas les limites. Il rassemble toutes les plus belles merveilles de la nature, des collines flamboyantes, des montagnes éclatantes, des cascades chantantes, des ruisseaux galopants, des forêts accueillantes, un soleil étincelant et des nuages appétissants. Oui c’est ça ! Dans mon royaume, il y aurait plein de nuages multicolores ! J’adore les nuages. Légers mais consistants, vaporeux mais onctueux, présents mais intouchables. Ils ont l’air si doux qu’on a envie de se rouler dedans, de sauter dessus et d’en croquer un morceau. C’est pour ça que dans mon monde, les nuages seront de plein de couleurs et ressembleront à de grosses barbes à papa volantes. D’ailleurs, on pourra les manger et même s’asseoir dessus pour se balader tout en se mangeant un bout si on a un petit creux. Ce qui est fascinant aussi, c’est un bon gros orage : un gros nuage bien noir qui recouvre tout le ciel, et surtout plein d’éclairs qui s’abattent sur le paysage. Dans ce genre de situation, deux choix s’offrent à nous. La plus calme, s’accouder à la fenêtre et observer le spectacle, la foudre qui éclaire le ciel. Quand je regarde une telle magie, une vraie symphonie explose dans ma tête. A gauche les cordes, à droite les vents, au milieu les percussions, et la foudre en majestueux chef d’orchestre dirige ses musiciens de ses éclairs. Le spectacle est fascinant, je pourrais rester des heures à contempler l’œuvre de la nature. La deuxième option, moins apaisante mais très rigolote, est de se mettre en maillot de bain (un long t-shirt peut très bien faire l’affaire) et aller gambader dans le jardin sous la pluie. Faites alors place à votre imagination ! Personnellement, je recommande les glissades sur le ventre, mais rien ne vous empêche de vous allonger sur le dos et d’ouvrir grand la bouche pour boire l’eau de pluie."

Mon inscription validée, j'ai cherché le coin pour me présenter (on ne va tout de même pas commencer par passer outre le règlement, non mais oh!). J'ai mis un moment avant de comprendre que chacun avec un sujet pour lui tout seul. Whaaa tout ça pour moi? Après survolage de quelques profils, j'ai compris que je devais donner un peu plus d'informations sur moi même que "Bonjour, je suis Y. J'ai 23 ans et je suis zébrée." Mais tout de suite la balance bascule... Je n'ai qu'un sujet pour me présenter. Jamais je n'aurais assez de place. J'ai déjà 70 pages écrites dans mon carnet pour parler de moi, ma vie, mes émotions, mes rêves, mon regard sur le monde. Alors comment faire succinct? Cherchez pas, c'est déjà mort d'avance.
Alors je vous ai mis la première page. Elle montre une partie de moi, ou plutôt deux parties de moi. C'était avant. A l'époque. Quand je n'étais pas détectée, même si je savais déjà que les gens autour de moi ne fonctionnaient pas ronds, ni intellectuellement, ni émotionnellement :)Et avant que j'ouvre les yeux au monde et que ma vision de la vie et des gens perdent de son onctuosité.

Toujours est-il que me voilà. Cela fait plusieurs fois que je feuillète ce forum. Que je me dis aussi que ce n'est pas quelque chose pour moi. Mes préférences vont à la réalité plutôt que la virtualité, à l'intime plutôt qu'à la collectivité. Et puis mon emploi du temps est déjà tellement rempli, où est-ce que je vais trouver le temps de papoter sur un forum? Alors j'ai regardé le coin Rencontres/Sorties, mais très limité quand on vit à l'étranger... Alors finalement après tout, ça ne me coûte rien de venir ici pour voir. Je ne m'attends à rien en particulier, alors je ne peux y trouver que de bonnes surprises

Concernant mes zébrures (ça ne me semble pas trop hors-sujet, et puis s'il y a un endroit où on peut en parler...), j'ai toujours su que j'étais différente. Je savais que je faisais partie des gens intelligents, mais bon il y en avait et a toujours plein autour de moi. Mais émotionnellement, il y avait un sacré décalage. Dans l'intensité des mes émotions, dans mon empathie, dans mes réactions spontanées. Et aussi une grande incompréhension, des deux côtés.
Puis un jour, j'ai décidé d'arrêter d'être dépendante de mes émotions premières, d'arrêter de souffrir autant. J'ai décidé de devenir celle que je voulais être. J'ai travaillé avec acharnement sur moi. A force d'introspections, j'ai compris, analysé et accepté mon fonctionnement, mes séquelles du passé. Et je me suis guérie en grande partie de cet emprisonnement par les sentiments (négatifs) exacerbés et de cette hypersensibilité; tout en gardant cette différence, que j'ai même approfondie, et ces côtés originaux qui me plaisaient tant et définissent ma personnalité.
Cela m'a pris des mois, voire des années, et évidemment c'est une quête infinie. Mais ça a été ma naissance, le pont entre l'enfance et la maturité. Mais ce fut aussi le début de la perte des illusions, du développement de la conscience. Conscience du monde, conscience des autres. Et ce n'est pas beau à voir. Alors on perd son optimisme, sa croyance en la bonté, en l'Humain tout entier. Ce qui mène à l'isolement, renforcé par cette incompréhension de part et d'autre qui ne fait que le renforcer.
Tout cela pour dire que dans le zèbre, c'est pas comme dans le cochon, il y a du bon et du mauvais. Des zébrures noires et d'autres blanches. Du très haut et du très bas. Il ne reste plus qu'à apprivoiser, si seulement un zèbre peut être un jour apprivoisé...
J'ai consulté une psychologue il y a quelques mois pour travailler sur un point particulier qui me bloquait dans mon développement personnel. Quelques séances auront suffi pour que je sois convaincue de ce que je savais déjà mais ne voulais pas écouter. Néanmoins, elle a très rapidement amené le sujet sur une éventuelle efficience intellectuelle, et m'a recommandé le livre de référence... "Trop intelligent pour être heureux" J'ai été un peu barbée par toute la partie sur les zèbres qui ne réussissent pas scolairement, parce que j'ai eu la chance de m'en sortir brillamment à ce niveau. Puis arrivent les descriptions plus détaillées des qualités zébrées. "Ah oui ça c'est moi ça!" "Ca aussi c'est moi" "Ca aussi". Bref aucun doute. J'ai pu ranger ma personnalité différente dans un tiroir! J'aime que les choses soient rangées, cela fait du bien. Ne me reste plus qu'à vérifier que le tiroir puisse être refermé proprement. Un seul moyen : le fameux test de QI. Cela m'a pris des semaines de réflexions, avec à peu près trois avis tranchés par semaine. Oui, non, peut-être. Pour quoi faire? Qu'est-ce que ça va m'apporter? Je me connais déjà et je sais déjà comment je fonctionne. Et si jamais cela me prouve que justement je me sens seule parce que je suis effectivement seule dans ce cas? Ca ne va pas être pire à supporter? Oui, non, peut-être.
Finalement, l'argument prépondérant fut : de toute façon tant que je n'aurais pas de certitude, je continuerai mon petit jeu de oui, non, peut-être. En plus de trouver tous ses exercices super rigolo!
Pour une raison indépendante de ma volonté, j'ai donc passé le test WAIS-IV il y a seulement 3 semaines. Et effectivement, c'était aussi rigolo qu'espéré :)Au vu des nombreux messages sur ce forum, je sais que c'est un ressenti inhabituel lors du passage. Je pense que la raison est double. Tout d'abord, la relation de confiance avec ma psy (qui est elle aussi zébrée, et c'est important de le noter) est d'une importance capitale je pense. Et aussi parce que je n'avais pas vraiment de doutes sur le résultat. En fait, j'avais une légère peur d'être déçue du score final. C'est bête, avoir un seuil que l'on aimerait dépasser. Alors que l'intérêt est justement moins dans le nombre que dans le profil général!

Et finalement, le résultat est tombé... THQI
QI global de 152
Indice de Compréhension Verbale de 145
Indice de Raisonnement Perceptif de 134
Indice de Mémoire de Travail de 143
Indice de Vitesse de Traitement de 143

Ma première réaction a été : Ah c'est cool, c'est comme je l'espérais. La sensation d'un examen réussi.
Il a fallu deux bonnes heures de discussions avec ma psy pour en comprendre le sens. Et encore je ne suis toujours pas sûre de vraiment intégrer la longueur de ma zébrure.
S'ensuit de nombreuses réflexions, comme d'habitude. C'est encore frais, donc flou. Cependant plusieurs conséquences ont vu le jour :
- un gain en confiance en moi au niveau professionnel (alors que je doute depuis toujours, maintenant je sais que j'ai les capacités pour réussir, et du coup je réussis ),
- un sentiment de super pouvoirs (j'ai les capacités de faire ce que je souhaite, lié au gain de confiance évidemment),
- l'envie de crier au monde ma fierté (je ne pense sincèrement pas être prétentieuse (peut-être d'autres auront leur propre avis sur la question), je ne connais que trop bien les difficultés émotionnelles liées aux zèbres (...), mais je suis fière d'être différente, fière d'avoir la liberté et l'opportunité d'utiliser de telles capacités),
- une capacité accrue à gérer cette hypersensibilité et ces sautes d'humeur (mais reste encore à travailler dessus!),
- une plus grande facilité à relativiser
- un besoin immédiat (pas envie d'attendre, je veux maintenant et tout de suite), de rencontrer des gens qui me ressemblent, parce que je n'en peux plus de me sentir seule et de n'avoir personne à qui exprimer qui je suis

Voilà où j'en suis au jour d'aujourd'hui....

Pour quelqu'un qui ne voulait pas vraiment parler sur un forum, je crois que j'ai bien raconté ma vie déjà. Et qu'au sein même de ma présentation, j'ai répondu à plusieurs topics auxquels je voulais participer!

Pour ceux qui auront eu le courage de lire jusqu'au bout... Merci de votre intérêt :)Et bonne nuit ;-)

PS: je vous avais dit que je ne savais pas faire succint
PS2: et je ne vous l'avais pas dit (mais je ne crois pas que c'est bien nécessaire), que j'ai besoin de partager...