Dix mots, et c'est déjà un voyage

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Message par Invité Ven 13 Déc 2013 - 15:39


La suggestion consiste à faire dans l'esprit des
autres une petite incision où l'on met une idée à soi.

Victor Hugo.

Dans la volonté d'élargir un peu les propositions de jeux d'écriture, je me permets de créer ce sujet sur un principe très simple. Presque un prétexte : on donne une liste de dix mots (toutes catégories grammaticales confondues), quelqu'un propose un texte (petit ou grand) comportant ces dix mots (qu'il aura eu la bonté de mettre en avant par la ruse typographique de son choix), et gagne le droit (le petit chanceux) de proposer une nouvelle liste ... et ainsi de suite. Les verbes pourront être conjugués, les adjectifs accordés selon les besoins, et les mots pourront être utilisés dans le désordre... sauf mention contraire de la part de l'auteur de la liste (le petit coquin).

Pourquoi dix mots... ? Parce que c'est assez pour commencer à ébaucher un univers, une ambiance (on ne peut plus tout écrire, et parfois la liste va imposer au moins une direction), mais ce n'est pas assez pour brider complètement les possibilités. Prendre la liste à contrepied est encore possible, et c'est cette possibilité-là qui fait tout ! En un mot, cela me semble un bon équilibre entre contrainte et liberté.

Le jeu pourra se corser par la suite (pourquoi pas devoir placer une expression, ou une citation ?), mais tenons-nous en à notre simple liste, fort libre, pour commencer.

Et pour inaugurer, voici nos premiers dix mots :

~ prétexte
~ frisson
~ attente
~ regret
~ flottant
~ pervenche
~ tzigane
~ music-hall
~ sublimant
~ lassitude

Voilà, au plaisir de vous lire,

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Message par Invité Ven 13 Déc 2013 - 17:44

Je marchais, l'esprit préoccupé, dans les allées du bidonville de Terzak. L'air ambiant puait à plein nez la peine et la lassitude de ses habitants. Les voir déambuler, le regard vide et sans but, errant du music-hall dispensant les dernières onces de chaleur humaine à l'aide de chants ivres aux anciens refuges tziganes, dans lesquels on pouvait se procurer quelques grammes de drogue au prix d'un rein ou de l'ivoire d'une dent, me fit soudainement réaliser que je n'avais plus vraiment à faire des hommes. A vrai dire, ce n'était guère plus des animaux. C'était à mes yeux des amas de chair laide et repoussante, rendus ainsi par des regrets qu'ils n'avaient pas demandés, ni même cherchés, et encore moins mérités. Ils rampaient comme des serpents, à la recherche de rats à manger. Ils rampaient comme rampe leur taudis au pied de l'immense Forteresse flottante du Lanceur de Dès, un havre de beauté où se préservaient les dernières merveilles de l'Ancien Monde.

Bien qu'ayant grandi et appris les plus importantes leçons de ma vie dans ces rues qu'aujourd'hui je méprise, j'étais maintenant là en pur étranger. Aujourd'hui, j'étais un sbire au service de l'Angélique. Et sous prétexte que son abruti de fils allait devenir un homme, je devais lui trouver deux ou trois Praticables et cent Candidats pour sa cérémonie du Hajdah. J'allais de bordel en bordel, repérant rapidement les Praticables qui semblaient encore vraiment digne de leur qualificatif. Au septième visité je commencais à désespérer. J'arrivais dans l'avant-dernier bordel de Terzak, probablement le plus miteux qui soit, si bien que les tarifs étaient deux fois moins chers que partout ailleurs, ce qui ne l'empêchait pas de demeurer presque désert. Je frappai à la porte et le propriétaire m'ouvrit. Sur le moment, un frisson provoqué par sa laideur me parcourut le corps. C'était un petit tas de graisse suante, à qui il manquait un oeil pour compléter un visage difforme et rongé par la vérole. Je lui signalai mon statut et lui demanda de me mener à ses Praticables. Il me fit entré et me guida sur la terrasse pour que j'y patiente.

Cinq minutes plus tard il arriva, précédant une seule de ses esclaves. Après lui avoir jeter un coup d'oeil furtif et évocateur du sort qui l'attendait pour m'avoir infligé cette attente, je portai mon regard sur elle et... Merde ! C'était quoi ça !? J'avais devant moi une... magnifique jeune femme ! Elle était peu grande, juste de quoi prendre une tête au nain infect qui se tenait à ses côtés. Elle avait un corps dessinant des courbes dont on ne retrouvait plus l'harmonieux tracé que dans les plus beaux tableaux des appartements du Lanceur de Dés. Même les vulgaires haillons troués que l'on daigne fournir aux Praticables pour se vêtir, et laissant le plus souvent entrevoir leurs énormes bourlets, lui allaient merveilleusement. Et son visage, son regard. Ses yeux verts semblaient habillés d'un voile de mélancolie qui laissait entrevoir la présence d'une consciente humanité refoulée et contenue par contrainte.
Je comprenais de suite pourquoi aucun homme ne fréquentait ce bordel. Ces rebuts de la Nature avaient oublié depuis des décennies ce qu'était la beauté d'antan, ils en étaient même effrayés. Mais, pire que cette femme se tenant debout devant moi, c'était ce qu'elle portait dans ses cheveux qui acheva de me choquer. Elle avait décoré sa longue chevelure brune d'une pervenche ! C'était le symbole des Repentis et cela faisait cent cinquante quatre Jih-Sî qu'il n'en poussait plus à l'état sauvage ! On disait même que l'air qui se respirait ici était trop sale et acide pour leur fragilité. Elles étaient censées être toutes conservées dans le Jardin du Lanceur, au sommet de sa Forteresse. Mince ! Comment se faisait-il que cette femme en arborait une ? Elle n'avait pas pu se la procurer là-bas, alors où avait-elle pu la trouver ? Comment était-ce possible que la fleur ne soit pas flétrie par toute cette crasse environnante ? Et elle-même, pourquoi n'était-elle pas un de ces êtres tellement abjects que même la Mort n'en voulait pas !?

Dans une bouffée d'angoisse qui parvint presque à me faire défaillir, je ressentais à nouveau le poids des doutes et des certitudes désengourdir mon âme anesthésiée. J'avais devant les yeux deux entités dont on m'avait appris à nier l'existence. Et, apparemment, c'était amplement suffisant pour réveiller en moi la peur sublimant mon espoir.


Liste de mots:

Affolant
Principe
Jouissance
Puissant
Architecture
Zéphyr
Patiemment
Tambour
Méditer
Vent


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Message par Invité Sam 14 Déc 2013 - 19:38

Mince, c'est difficile de passer après toi, Lyhan, ce texte fut pour moi une sacrée surprise ! Quel univers tu as déployé là, j'ai été littéralement embarquée dans ce drôle de monde assez post-apo...  Très impressionnant, vraiment Smile
Ma proposition sera dans un tout autre style et bien plus modeste, mais voici ce que ta liste de mots m'a inspiré :

Ce fut un bien au vent d'octobre paysage.
Jules Laforgue


Le paysage tant vanté des bains de mer n’avait jamais inspiré grand-chose à André de Ferval. Mais que pouvaient la plage et ses loisirs frivoles, pour qui faisait profession de snobisme… ? Les casinos, les hôtels en vogue se trouvaient envahis de nouveaux riches, qui professaient des opinions à la mode et étalaient leur luxe à qui voulait bien le voir : il n’y avait que les parvenus qui avaient soin de tant faire sentir, à la moindre occasion, leur supériorité…

La nature sauvage des plages reculées ne l’émouvait pas davantage : nul frisson devant le puissant spectacle des falaises sculptées par les vagues, nulle émotion devant leur divine architecture. Un aquarelliste se fût pâmé devant le jeu de lumières sur les pierres blanches – André de Ferval les voyait grises ; André de Ferval ne partait pas bien dans la vie ; un réaliste en eût révélé les multiples détails ; un symboliste en eût vanté la signification profonde et métaphorique… Tous eussent célébré le principe affolant de ces naturelles cathédrales… André de Ferval, lui, allait méditant. C’est qu’il avait une excuse : il était malheureux en amour.

Il avait quitté Paris voilà deux jours, après avoir affecté pour l’heureuse maîtresse l’indifférence la plus étudiée… et il était venu l’aimer tout son saoul dans le plus profond de la région normande. Loin d’elle, il se laissait aller à la jouissance d’un amour bête, sincère et débridé – de ces sentiments qu’il n’est plus permis d’évoquer depuis que les romantiques sont passés de mode. Ceux-là… – fichu sable au fond des bottines… ! – avaient fait bien du mal aux amoureux bénévoles – ces  pauvres volontaires qui ne demandaient qu’à adorer, patiemment et en silence, l’objet de leurs pensées. Ceux-là, dis-je, avaient joué de la passion sur des airs trop appuyés, ne permettant plus ni la légèreté ni le dilettantisme du cœur – seule ressource des âmes trop délicates. Ils avaient fait du zéphyr distrait des cœurs en peine des bourrasques de passion que vous épuisaient… ils avaient été les premiers pour mener leur sentiment tambour battant, avec le courage tonitruant du soldat… mais aussi sa rudesse et sa violence. Aussi, après eux, ne pouvait-on plus aimer, simplement, sans passer pour un naïf ou un imbécile… Sans doute les temps y étaient-ils aussi pour quelque chose… Alors c’était tout simple : qui se laissait surprendre par l’amour allait se terrer en province, à l’instar d’André de Ferval. Il y guérissait du sentiment comme on guérissait de maladie. Le temps de tuer l’adolescent inconsolable pour réapparaître changé – toujours le même – ironique et fier, prêt à traiter ses pires blessures avec brutalité et désinvolture… Tout un art.

Ah, c’était qu’elle l’avait rendu fou, pour qu’il vienne s’égarer, en plein mois d’octobre, sur une plage déserte battue par les vents… ! Alors même qu’il pestait intérieurement, contre le froid, le sable, la pluie naissante – cet insupportable crachin qui vous trempe les os et vous humidifie bêtement le cœur – André se plaisait à évoquer son souvenir. Il la distinguait, vaguement, se souvenait déjà à peine du reflet changeant de ses yeux… mais il se rappelait bien trop les gestes qu’elle avait aux heures tendres et dressait, presque malgré lui, le catalogue factuel de ses dires... Il étudiait chaque phrase en entomologiste, la passait au tamis de ses attentes et de ses craintes, tentant de l’interpréter de la façon la plus probable possible. Parfois, un sourire naissait sur son visage, ou son cœur se serrait soudain : bien sûr, qu’elle l’aimait ! N’était-ce pas évident… ? Mais, bien vite, le doute refaisait surface. Il convoquait, pour chaque signe favorable, un élément contraire, oubliant que tout comme elle, il avait feint l’indifférence qu’il était d’usage de conserver en matière d’amour, chez les jeunes gens de sa génération. Alors il se surprenait à méditer… sans saisir bien, au fond, le mot fini de ses attentes. Se trouvait comme ces monomanes, dans les maisons de repos, à souhaiter perdre ses addictions sans cesser pourtant de vouloir y revenir.

Les premiers jours furent terribles… Puis le temps passa. Le temps passe toujours. Histoire connue.

Cabourg, 29 octobre 1902

Et une nouvelle liste, du coup :

métropolitain
prudent
atteindre
réfractaire
pentagramme
incidemment
glossaire
bibliothèque
vendredi
gouailleur

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Message par revodev Sam 14 Déc 2013 - 23:33

Je vois que la barre est haute... je me lance quand même: ça me remet dans l'esprit des ateliers d'écriture, après une trop longue période d'abstinence littéraire.

---------------

Elle vérifia une nouvelle fois : tout était là, rien ne lui avait été dérobé. Elle tremblait encore. Elle avait vraiment eu peur dans cette cohue. Et ce type bizarre qui l'avait incidemment poussé, que voulait-il ?
Mais pourquoi avait-elle choisi le métropolitain pour traverser Paris ? Ce n'était pas prudent, elle le savait. Et surtout un vendredi soir. Mais c'était le moyen le plus rapide d'atteindre son but : la Grande Bibliothèque. Peut-être qu'elle trouvera là-bas la réponse à sa question...
Elle attendait maintenant la prochaine rame. Ca lui permettait de souffler un peu. Personne autour d'elle n'avait l'air mauvais, c'était déjà ça.
Quand même, quelle drôle de ville, avec ces êtres gouailleurs, cette faune éclectique ! Combien d'esprits réfractaires ont vécu ici ? Et combien d'esprits rebelles ont fini leur vie dans un de ses cafés, affalés sur une table ?
Le moment était venu. Il fallait s'enfoncer, tête baissée, vers l'ouverture. Elle tint fermement son sac et son livre, et se précipita. Elle n'arriva pas la première... mais n'était pas la dernière. Ouf.
Pas de place assise, mais ce coin lui convenait, finalement. Elle ouvrit son livre. Dans le glossaire, le mot "pentagramme" lui redonna espoir. Elle se voyait déjà, cherchant frénétiquement les livres ésotériques, le cœur battant... Elle savait qu'elle n'avait pas surmonté toutes ces épreuves pour rien. Elle trouverait au moins là-bas une piste à ce mystère familial qui s'était transmis de mère en fille.

------
Mes 10 mots:

style
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buffle
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nucléaire
calfeutré
concentrique
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convenable
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Message par L✭uphilan Dim 15 Déc 2013 - 16:12

Je m'y essaye aussi :-)
Même si, comme toujours, j'ai énormément de mal à poster ^^




Les cohortes de buffles qui faisaient valser la poussière du sol sec de l'été se sont perdues dans les tanneries irrespirables, dans les éternuements des gosses mal payés qui gagneront bientôt une mauvaise fièvre.

Le plus grand prédateur du buffle n'est plus le tigre ou le lion. Le plus grand prédateur, c'est le salon. Le salon confortable et les intérieurs cuir.

Le matin frémissant s'est perdu dans des sonneries de réveil électronique, dans les tracas retentissants des petits coeurs des hommes pressés qui ont oublié qu'il suffit de regarder les étoiles pour se sentir milliardaire. Mais les étoiles, ils ne les voient plus. Ils ont découvert le gaz, le pétrole et l'énergie nucléaire et ont fait fuir la nuit. La nuit et ses étoiles.

Ils mènent une vie convenable dans un environnement convenable et se posent des questions convenables. Ils se sont calfeutrés dans des univers artificiels et ne fréquentent plus que des cercles concentriques, centrés autour d'eux-mêmes, où les relations humaines ne sont guère plus que des exercices de style.

Un jour, peut-être, les hommes pressés regarderont leur divan deux places où ils n'auront cessé de se sentir seuls et ils verront des buffles courir dans de hautes herbes sèches. Ils sentiront la vie qui s'en va sous les fronts chauds des enfants tanneurs et leurs paupières cèderont sous l'impact des larmes qu'ils ne se connaissaient pas.

Au détour d'un visage détrempé, soudain un coeur qui s'ouvre.

Ainsi, certains jours de folie, m'arrive-t-il d'espérer.





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Claironner
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Message par Plume de Chat Dim 15 Déc 2013 - 17:09

Depuis presque dix ans maintenant, je tâtonne dans le noir, comme un vulgaire cloporte embourbé sous une pierre. J'aimerais vraiment que quelqu'un éclaire ma lanterne mais pour l'instant, je n'ai pas encore eu le privilège de rencontrer cet être providentiel. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir cherché ! J'ai traîné mes guêtres dans des pays aussi divers que la Suède, le Brésil, le Japon et la Nouvelle-Zélande. J'ai fouillé inlassablement, sans me décourager. Mais à ce jour, je me dois de vous livrer un cuisant constat d'échec, qui à l'instant où je l'évoque, teinte mes joues d'écarlate.

Un jour, j'en ai eu assez de chercher ailleurs ce que je n'ai jamais trouvé chez moi. Je suis retourné dans ma ville, dans mon pays, dans mon cocon de murs lambrissés et d'imaginaire. J'ai vécu d'expédients, travaux saisonniers, cueillettes de pommes, vendanges. Le matériel n'a jamais revêtu beaucoup d'importance pour moi, de toute manière. Je suis sec et frugal, l'un de ces êtres dont la vie intérieure est vorace comme un trou noir. Je suis une singularité. L'espace et le temps ploient où je passe.

Je vais vous dire ce qui a vraiment de l'importance pour moi : contempler les ors scintillants d'un crépuscule, voir danser des éclats de lumière irisée dans une quelconque flaque de caniveau, rêver, refaire le monde inlassablement. Le refaire, et puis le défaire. Pénélope serait fière de moi : je suis son meilleur héritier.

Mais il y a les autres, les miasmes sans cesse brassés qui s'échappent de leurs naseaux, leur supériorité claironnée, leur matérialité implacable. Malgré tout, j'espère encore trouver une solution à mon mal. Vous serez surpris; je le suis moi-même. Demain, j'aurai mon premier cours de yoga du rire.

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Message par Invité Ven 27 Déc 2013 - 12:40

L’idée d’un renouveau, je l’ai voilà longtemps
Délivrée en pâture aux démons de l’ennui.
Elle supplie d’un ton minable et repoussant
De lui accorder grâce et l’ôter à la nuit.

Etrange champ de trèfles où j’ai perdu ma chance,
J’effeuille tout mon être au rythme des échecs,
Et contemple un soleil brillant par son absence
Dérisoire, outrageante, implacable et infecte.

Au chant du désespoir, je réponds d’une plainte
Sortie de ma gorge torturée par l’angine
Et frappe mes coups sourds sur la douleur éteinte,
Survivante d'un coeur que ma peur illumine.

Qu’importe les doux mots, les encouragements,
Les havres de loisir, les effluves qui planent,
Aucun de ces luxes ne saurait vivement
Nourrir mon attente, pot où ma fleur se fane.

Si peu de moi demeure et malgré tout je suis.
Je ne suis que l’ombre qui porte ma lanterne
Pour éclairer l’horreur, ce gouffre de l’oubli,
Où mon souvenir meurt sous un drapeau en berne.

Si peu de moi demeure et malgré tout je suis !

J'écorcherai ma peau ! Arracherai mes dents !  
Plumerai mon verbe ! Déchirerai mes toiles !
Soumettrai mon esprit ! Le privant de sommeil !
Creuserai des cratères ! Assècherai des fleuves !
Abrattrai des montagnes ! Buvrai des océans !
Détruirai les planètes ! Eteindrai les étoiles !
Crèverai les systèmes ! Et broierai le Soleil !
Pour révéler la source où mon désir s’abreuve !

...Aubergine What a Face

----------

Oisif
Crème
Mauve
Outrance
Oiseau
Liberté
Violence
Couper
Crachat
Majesté


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Message par Invité Ven 27 Déc 2013 - 16:38

Ah des vers, carrément ! (même si tu as filouté pour l'aubergine Razz)
(J'en profite pour remercier tous les participants : c'est un plaisir de lire vos propositions !)

...

Il n’y a rien de plus surfait que cette image de l’écrivain – penseur – oisif asservi, attablé au fond (ou sur la terrasse) d’un petit café, bourgeois bohème, rock’n’roll ou résolument chic, qui se met à songer à ce qui fut sa vie. Pourtant, c’est bien ce que je fis ce jour-là. J’avais bien choisi mon cadre – café tranquille du Quartier Latin, verre de vin, six heures du soir (prescription aisée) – pour faire le bilan, établir les comptes. Je ne fumais pas, mais l’envie y était… Je n’avais même pas grand-chose à contempler, dans l’humble précipice de mon existence (pire encore, on n’y voyait pas grand-chose : il y avait trop de brouillard), mais, après tout… J’étais encore assez jeune – tout juste ! – pour avoir une excuse. Et je regardais passer les gens… Classique. Je pensais au temps qui passe. Je me demandais, dans mes instants de faiblesse, comment changer le monde – sentimentaliser correctement – faire un bon livre (l’ordre n’est qu’indicatif). Les plus naïfs m’auraient sans doute répondu : peut-être en trouvant l’amour, en en faisant un livre, qui changerait le monde… mais les naïfs ne sont pas des gens fréquentables. Une femme, non loin, ôtait son foulard d’un geste distrait, et la soie exhalait doucement la senteur d’un parfum de prix… C’était à la fois tendre et beau. Je me laissai aller, un instant, à la contempler… jusqu’à ce qu’elle tourne vers moi sa petite tête d’oiseau trop bien dressé… Les miracles ont toujours été de courte durée. Dans son œil, et dans celui de tous les autres, ce même rejet tranquille, sans outrance ni vacarme. La solitude s’accommode aussi bien du bruit que du silence. Et cela m’était un tremplin comme un autre, pour mes romans de la vie intérieure.

Toujours, en effet, quelque chose n’avait pas fonctionné dans ma vie, sans que je sache quoi – ni pourquoi. Ce n’était pourtant pas faute de me faire violence… Les femmes, surtout, avaient toujours posé sur moi des yeux de verre – songes creux qui rechignent à vous voir, se refusent à vous aimer. Je dis cela en simili-métaphore, mais c’est ainsi que j’exprime les choses – non au plus près d’une vérité factice, dont les voiles sont toujours trompeurs (le même parfum, toujours), mais au plus près de ma sensation d’alors – ou du souvenir que j’en ai… Ce n’est pas subtil, sans doute, mais le vrai génie eût réussi à simplifier tout cela plus encore. Peut-être saurai-je aimer quand, enfin, je saurai rendre les choses simples…

J’en reviens toujours à ce problème, notons, mais ce n’est que le reflet inversé de la même chose – suivez-moi si vous le pouvez (moi je ne le peux pas). Cela fait quelques années que je déplore, bien tristement, mon impuissance d’aimer, mais n’est-ce point pour ne pas déplorer celle des autres… ? La rupture n’est-elle pas ailleurs, au fond ?

Qu’importe, sans doute. Depuis longtemps, j’ai cessé de me plaindre, au sens le plus simple du terme. Couper court aux lamentations me semblait une nécessité : il y avait là-dedans une lourdeur qui ne plaisait guère – ni à moi, ni aux autres. N’évite-t-on pas à tout prix ces gens qui charrient avec eux tous leurs petits malheurs, érigés sur le piédestal des tragédies humaines… ? Mes souffrances à moi sont toutes simples, elles ont cette prétention-là… Avec le temps, je les ai même dressées, apprivoisées – j’ai même appris à les terrasser d’un geste, sans l’aide de personne. Si bien que, souvent, j’ai oublié des adjuvants dans mon sillage… Toute liberté a son prix.

Les garçons qui tournaient autour de moi, dans la rumeur diffuse du café, me représentèrent assez bien la faillite de ma pensée. Je commandai un café crème – je m’adoucissais. Le bilan de  ma vie ne m’en semblait pas plus glorieux. Tout au plus pouvais-je représenter l’ennui – ou l’indifférence blessée, peut-être – érigés en majesté. La belle affaire. J’aperçus un homme dehors, l’œil figé sur la trace honteuse d’un crachat… et me surpris à me demander si je n’étais pas ainsi, dans ce même ridicule, à cesser de vivre pour contempler le rien – le pas-grand-chose… Sur la table, une fleur mauve n’en cessait plus de mourir. Artificiellement.

Et puis soudain, je me levai et sortit en toute volée. Dehors, je levai les yeux et soutins du regard le ciel grisâtre et clair… Était-ce la fragrance douce du parfum de cette femme, l’amertume du café sur mon ivresse naissante ou une de ces pensées sans formules qui nous traversaient parfois l’esprit…? Je ne sais. Mais j’avais repris confiance.



    abandonpalinodietelluriquetaudisconsidérersabbathiératiquevacillantcuircrainte

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Message par Plume de Chat Sam 28 Déc 2013 - 21:43

Bientôt un an que je traîne sur cette fichue planète...Surtout n'allez pas croire que je suis venu faire du tourisme ! N'allez pas imaginer que je jouis d'un inique sabbat prolongé. Oh non, la réalité est bien moins plaisante. Le Bureau m'a envoyé ici pour enquêter sur les multiples activités interlopes qu'abritent ce caillou. Et je peux vraiment dire que je me régale. De la boue verdâtre, des odeurs putrides, un ciel maronnasse, des taudis à perte de vue et partout, partout, des humanoïdes mal débarbouillés. C'est un vaste gourbi, rien d'autre. Un monde à l'abandon. Tous ceux qui ont pu partir se sont tirés d'ici ventre à terre. Les autres y croupissent.

Il y a vraiment de tout : des bleus, des gris, des verts, des petits, des gros, des pleins d'yeux, des velus, des bondissants. Certains ont le cuir tellement épais, que pour les dézinguer, il faudrait un lance-roquettes. En tout cas, ce n'est pas mon ridicule pisto-laser réglementaire qui y suffirait. Ca ne ferait que les chatouiller. Je passe sans les regarder. Pas le moment de les énerver !

Au bout de la rue, il y a ce que j'appellerais pudiquement un bar à hôtesses. Des femmes élancées à la peau bleue font onduler leurs tentacules en prenant une pose hiératique. Non merci, je ne suis pas intéressé. N'allez pas penser que je suis raciste ! Mais bon, moi, les tentacules, hein...

Et attendez, je ne vous ai pas parlé du pire : les tremblements de terre ! A toute heure du jour, de la nuit, on est surpris par ces maudites ondes telluriques. On se lève en sursaut, on s'éloigne au plus vite des murs vacillants et on prie pour que rien ne nous dégringole sur le coin de la pomme. Les autochtones y sont habitués. Ils ne dorment que d'un oeil. Moi, même au bout de tout ce temps je ne m'y fais pas. je suis crevé, je vis sur les nerfs. Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour une bonne nuit terrienne, sur un bon matelas et sans secousse !

Dire que c'est moi qui me suis porté volontaire ! Je pensais que ça me ferait changer d'air. Je sortais d'une histoire compliquée, j'avais besoin de prendre le large. Le chef m'avait prévenu que ça pourrait être long, mais je m'en balançais à l'époque. Et je ne savais pas ce qui m'attendait dans cette jungle. On m'avait présenté cette planète comme un monde agréable et mon enquête comme sans souci. Et moi, j'y ai cru comme un con.  Dès que j'arrive à contacter le chef, c'est à dire environ une fois tous les deux mois vu les communications pourries qu'on a ici, je le supplie de m'autoriser à rentrer sur Terre. Je préfère encore retrouver ma vie de paumé. Quelquefois, il me ricane simplement au nez. D'autres fois, il me lâche: "Ah ce n'est pas si simple, mon vieux, il faut considérer plusieurs paramètres...". La dernière fois, vous savez ce qu'il m'a sorti ? "Voilà ce qu'on appelle une palinodie" ! Une quoi ? Non mais vous vous rendez compte ? Quel gougnafier ! Il peut aller se faire voir, avec ses mots savants.

En attendant, moi, je reste ici. Je dois tenir encore et encore. Mais n'ayez crainte, pour planer, par contre, on trouve de tout !


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Nuage
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Dernière édition par Plume de Chat le Dim 29 Déc 2013 - 22:07, édité 2 fois (Raison : fautes d'orthographe+correction mineure...)
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Message par Invité Lun 30 Déc 2013 - 12:20

Je te l’offre ma main, insoupçonné ami,
Nid où tu te loves à l’abri du tangage
Et tisses notre lien dans l’aise du langage,
Univers tortueux mais refuge érudit.

Moi, candide lecteur, que tu saoûl de tes feintes,
Tes belles figures, admirables pensées,
J’aime ton mouvement, tes vapeurs insensées,
Et puise dans tes mots l’ivresse de l’absinthe.

Mon coeur est tout à toi. A mes lamentations,
Tu portes ton remède infusé dans l'esprit
Et m’offre un voyage dans un train en folie
Elancé sur les rails d'un monde en collision.

Un monde où se rencontrent et s’inventent à la fois
Magiciens, chats, héros, danses, princesses, charmes,
Exploits, amours, ruses, désirs, lâchetés, larmes,
Horreurs, mensonges, sorts, abandons et effrois.

Comme autant de bonheurs égayant ma misère,
Je tourne tes feuilles, pétales délicates,
Respire leurs odeurs et survole de hâte
Ton paysage encré de rêves et de vers.

Hélas, voici la fin venue prendre son dû
En clôturant le bal et refermant la page
Où tes ultimes dirs, comme de beaux nuages,
Ont décoré mon ciel autant qu’elles m’ont plu.

J’ouïe rire l’orage de mon inspiration,
Se moquer bassement et sans un geste tendre
De mon âme apeurée qu’il saisit pour la rendre
Aux contes miséreux de la déréliction.

Ma bouche incarnate, sur ton corps couleur jais,
Pose un baiser sincère et un souffle amoureux.
Et ma main tremblante, fusse-t-elle un hôte heureux,
Te rend à la table, lit où tu dors en paix.

---------

Linceul
Vécu
Solitaire
Dépravation
Jouïr
Tendance
Appauvrir
Maladie
Bonté
Couverture


Dernière édition par ✿ Lucas <3 ✿♥ le Sam 8 Fév 2014 - 13:47, édité 1 fois

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Message par Invité Dim 5 Jan 2014 - 18:54

Je ne sais si c'était voulu, mais lire ces mots mis ensemble m'a évoqué un texte pas très sage, Lyhan. Razz

---------------------

Il n’est pas besoin d’histoire, dans certains domaines. J’aurais pu vous conter, par le menu, une rencontre – anodine ou significative. Des regards qui s’échangent, des mots qui ne se disent pas. Des lettres, peut-être, si l’on choisit de se la jouer à l’ancienne… Tenez, j’en ai même quelques unes sous le coude, d’histoires romanesques… Elles feraient tout à fait bien. Tout cela pour mener à la même chose – ce à quoi nous aimerions tant donner du sens, parce que cela en a un, bien sûr, sans que l’on sache exactement lequel… Mais est-ce bien nécessaire ? Voudriez-vous que, bien docilement, comme à chaque fois, je plaque le spectre de mes histoires vécues sur des bribes d’amours solitaires… ? Va, j’ai assez donné dans ce vice-là. Cette fois-ci, pas de transpositions, peu de fantômes. Je ne veux laisser vivre que cette vision fugace de deux corps, qui s’étreignent, dans la pénombre. Un lit pour seul décor – les draps en désordre, les chairs moites. Les mains en voyage, le long des courbes et des angles, dessinent une silhouette estompée. Et puis les yeux qui se ferment – que sert-il de voir… ? – et c’est un frisson au creux qui ventre, qui s’épanche et se répand… Oh, qu’est-il besoin de leur inventer une histoire, à ces gens-là ? C’est tout de même une singulière maladie que de vouloir à tout prix définir cet élan sincère et direct qui est le leur, et de le placer dans une progression habituée – une progression habituelle. N’est-ce point appauvrir leur silence que de placer dessus les mots de tous les jours, ceux que l’on utilise pour tous les amours, même les plus vils… ? Leur amour, à eux, c’est une liberté, une indépendance. Qu’importe s’il n’existe que dans l’imaginaire changeant de leur cœur, et s’il a déjà disparu demain. Qu’importe demain… ? Le jour existe-t-il encore, lorsque vous vous abandonnez dans les bras de l’autre, prêt à tout offrir, à tout concéder ? J’aimerais, comme eux, jouir des couchers de soleil sans horizon. Ne me préoccuper de rien. Les sentiments viendront, à leur heure, dans le secret linceul des draps souillés. Et puis le jour poindra… Ils reprennent leur souffle, tombent l’un à côté de l’autre, le geste essoufflé, le cœur hagard. Leurs regards se cherchent, et ils se disent mille choses qu’ils ne se diront jamais… du fond des yeux. Cela a ouvert des portes et des fenêtres – plus d’entrées qu’ils ne veulent vers leurs forteresses intérieures. L’un comme l’autre auront la bonté de ne pas s’aventurer trop avant. Ils savent, d’instinct, que cela n’est pas permis. S’ils s’aiment, par instant, c’est par oubli…

Et puis un silence. Les respirations s’altèrent, il y a comme des accrocs sur la trame de leurs caresses. Et sans crier gare, sans jamais un mot, ils se précipitent à nouveau l’un vers l’autre, plus forts de ce qu’il s’est déjà passé entre eux. Sans doute feront-ils demain comme si cela avait été une erreur, une maladresse, une faiblesse passagère. Peut-être même un rien de dépravation mal assumée, que l’on n’évoquera qu’avec un semblant de honte. L’on a souvent tendance à rejeter nous-mêmes ce qui a eu plus d’importance que cela n’en devait avoir… Mais que peut signifier l’avenir… ? Les voilà rivés l’un à l’autre, avec l’ardeur d’un désir qui n’a aucune espèce de sens. La couverture, tombée au pied du lit, semble un voile que l’on a soudain retiré des apparences…


---------

Inspiré
Clown
Aurore
Subir
Intermittences
Perdu
Dernier
Testament
Machineries
Gazouiller

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Message par Plume de Chat Jeu 9 Jan 2014 - 20:54

Le chat de Schrödinger vous le dira : il faut qu'une boîte soit ouverte ou fermée ! Ou plutôt devrait-il dire : il faut qu'elle soit ouverte Et fermée ? Si vous venez le voir pour repartir inspiré, vous risquez d'être déçu. Pour l'instant, il ne pourra pas vous répondre, car il est dans tous ses états ! Vous risquez de subir de longs moments d'attente avant qu'il soit en mesure de vous chanter le plus quantique des cantiques. En attendant, asseyez-vous confortablement, et écoutez-moi vous dérouler la trame de ce qui ressemble à s'y méprendre à une existence humaine.

A première vue, je suis un clown. L'un de ceux qui trébuchent sur chaque marche de la vie. Je fais partie des amuseurs involontaires les plus talentueux de mon planétoïde. Et cela, croyez-moi, ce n'est pas offert au premier pékin venu. Mon public, lui, enfile les événements comme des perles. Moi, mon ami, je jongle ! Je les envoie en l'air, je les regarde flotter, et j'attends que la gravitation me les ramène. Je les brasse et ils valsent, valsent ! Je ne m'ennuie jamais.

Mais, vous devez avoir faim ? J'ai avec moi un fromage des plus savoureux. Vous n'en voulez pas ? Vraiment ? Dommage...J'avais dans ma poche un gâteau, mais je dois l'avoir perdu. Ah, attendez...Il me reste un bonbon à la menthe. J'espère que ça vous conviendra ? Je suis dans l'une de mes phases où je les adore. Il n'y a rien de plus étonnant que ces intermittences du goût, vous ne trouvez pas ?
Hum, excusez-moi si cette demande vous paraît incongrue, mais pourrais-je récupérer le papier d'emballage ? J'en fais des lunettes pour voir la vie en bleu quand elle est grise.

Bien, revenons-en au sujet : mon auguste personne. Ou plutôt, les impénétrables machineries du temps. Voyez-vous, j'aimerais voyager à rebrousse-poil. A rebrousse-temps. A rebrousse-vie ! Vous me prenez pour un fou, n'est-ce pas ? Si si, je le vois bien ! Ne vous inquiétez pas, même si mes neurones chantent la Cucaracha, je ne suis pas dangereux pour une unité monétaire. Je ne suis qu'un vieil excentrique. J'ai vécu des tas de vies. J'ai été homme, femme, prêtre, danseuse, marin, personnage politique, infirmière, guerrier. Maintenant, je suis juste perdu. Le temps fait des méandres, mais il n'y a pas de passé. On ne peut plus revenir au même endroit, la falaise s'effondre derrière nos pas.

Vous en avez sûrement assez de m'entendre gazouiller, et l'aurore est encore bien loin. Ca y est, le sort a tranché : le chat est vivant !  
Je vous laisse l'interroger, il en sait probablement plus que moi.

Vous savez quoi ? Vous m'êtes sympathique. Et surtout, vous m'avez écouté avec attention. Ca ne m'était jamais arrivé auparavant. Je suis vivant et je suis mort. Mais lorsque le temps m'aura froissé comme une vulgaire feuille de papier et que sera arrivé le jour dernier, je ne vous oublierai pas dans mon testament.


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Message par Invité Ven 10 Jan 2014 - 10:37

Bonjour Smile
Je me lance sans trop de convictions^^
_____________________________________

Une vie, dites vous? Non je ne crois pas... Le temps passe et nous somme toujours autant...
Je crois plutôt en ces centaines de billions de vies dilapidées...
Comment? A cause des guerres incessantes, dites vous?..... Mais... De quelles guerres parlez vous au juste?
Celles les plus visibles? Celles, mettant fin à l'existence par moyen armé dans une cause "juste"?
Celles engendrées par la faim croissante de certains êtres?
Ou encore les guerres de cette nouvelle ère?
Non, ne répondez point et... écoutez...
Non, nous ne somme point sur la scène d'un théâtre prestigieux où la vie s'avère représentative...
Pourtant beaucoup agissent ainsi... Par imposture....
Non! taisez vous et écoutez... je vous en prie!
Cette usurpation n'agi pas davantage sur autrui que sur eux!
Pourquoi? Parce qu'ils se laissent bercer par cette illusion... réconfortante... jusqu'à ce que la mort les fauche...
Peu rassemble chaque pièces du puzzle et ose le contempler en sa totalité...
Beaucoup finissent leurs vies sur un rocher anguleux... seul... Bien qu'ils faisaient partis du colossal banc de poissons...
Les Oubliés... Ceux qui se figurent notre condition par ces mots:
"Au commencement,
Nous avons été crées,
pour vivre ensemble, mais rapidement
nous nous haïssions...
Car au vrai commencement
Lorsque nous fûmes crées
Nous étions haïs..."

Certainement des mots d'Anarchie qui sonnent aux creux de vos oreilles...
Néanmoins ces paroles s'avèrent plutôt fondées...
Non! Pitié! Regardez vous! Vous avez la chance ce posséder toutes ces clés! Et qu'en faites vous! Rien! Juste devenues un de ces maudits porte-bonheur poussiéreux!  Certains n'ont que le chant d'un rossignol pour ouvrir les portes, beaucoup meurent devant le seuil, bien qu'ayant tenté leurs chances...
Alors que vous, vous êtes vivant, ici en sécurité avec vos pairs! Alors que vous avez assez de clé dans votre trousseau pour sauvé le reste! Vous me dégoutez! En fait c'est vous le produit corrosif qui ronge nos vies!
Neiger! Vous ne connaissez pas! Nous sommes ces flocons, aux formes infinie, qu'a la vie aussi brève... Nous tombons au sol le recouvrant de blanc! Et vous, vous nous assassinez avec votre orgueil rayonnant jusque dans les recoins les plus sombres ou nous tentons de subsister!
Quoi!? Vous me proposez une place parmi les immortels aux yeux clos dans la soie en toile! C'est écœurant!
Je préfère mourir clamant la vérité...

Pourquoi m'avoir suivi? Pourquoi avoir passer la porte?
Ha! Vous êtes lâches, mon sang couvrira peut être la neige de rouge!
Mais la vérité éclatera...
Car nous, les Oubliés, ne somme qu'Un....


Vacuité
Véniel
ciel
exsangue
amblyopie
prolixe
port
attache
acéré
compas

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Message par Invité Sam 11 Jan 2014 - 11:54

Au contraire, Forsaken, merci de ta participation ! Ca fait plaisir de voir de nouvelles têtes ! Very Happy

-------

Faute de commencer une grande œuvre, j'en ai dessiné la calligraphie. C'est une erreur vénielle, un crime sans importance – j'ai toujours accordé trop de crédit aux détails – aux « esthétismes » dans toute leur splendeur – ... et pas assez au fond. Mes inachevés sont plein de petites choses belles et vaines qui se sont emmurés toutes seules, comme entre parenthèses. Elles reflètent avec amour leur vacuité naissante. C'est un joli circuit fermé, plein d'entrelacs tracés avec soin. Pendant longtemps, j'en étais fière : c'était joli, concret, bien rangé – rien ne dépassait... Moi qui n'avais jamais eu le sens des proportions, on aurait dit que j'avais tracé au compas les limites franches et claires de ma création – je l'avais bel et bien domestiquée.

Mais c'était illusoire. L'élan, soudain réveillé, m'a rendue plus prolixe, et j'ai commencé à écrire ailleurs, partout – par besoin. Cela a envahi le reste, avec naturel, comme si cela avait toujours dû être ainsi... comme si l’écriture n'avait fait là que reconquérir un espace qui lui avait été volé. Je ne travaillais presque plus, je commençais à moins sortir : je souhaitais avant tout me ménager ce temps à moi, où je pourrai me retrouver devant l'abîme qu'est une feuille blanche – c'est pompeux, mais c'est un peu ça. Finis les timides jeux de miroir, finies ces qui ne sont que des interludes – des "pour passer le temps". C'était une nouvelle étape. On peut résumer ça de façon toute simple : j'ai navigué jusqu'ici en eaux connues, peut-être sans jamais quitter le port... Mais un hasard a voulu qu'on largue les amarres à ma place – une muse, peut-être... qui passait là et s'ennuyait un peu. Me voilà maintenant sans attaches, plus perdue que jamais, sans doute, devant tant de possibles... Alors peut-être – sans doute, même – que je m'égarerai un peu. Les calligraphies seront moins jolies, et je ferai des bêtises. Je tomberai, comme tout le monde, dans les clichés du genre, parlerai naïvement de « plume acérée » ou d'« yeux d'un bel azur pâle»... et du reste. Ce sont peut-être même des passages obligés. Mais je me forcerai avant tout à regarder le ciel quand bien même il me serait un éblouissement continuel. Peut-être bien que je souffre d'amblyopie littéraire, mais qu'à cela ne tienne : j'avancerai, l’œil en berne, sans savoir exactement où je vais. Mais j'irai, je me tracerai un chemin, où je m'escrimerai malgré tout... parce que tout de même, je me le suis trouvé. Cela n'a pas plus de sens que cela. Je n'y arriverai peut-être jamais, où j'y parviendrai épuisée, exsangue, comme vidée de toute ma substance.

Mais j'y vais, n'est-ce pas, et c'est déjà quelque chose.  

------

brasserie
divan
rencontrer
méditation
fataliste
rompu
guillemet
virgule
confiance
rarement

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Message par Plume de Chat Jeu 16 Jan 2014 - 17:31

Il était une fois une sirène qui buvait un verre d'eau...
Euh, non, je crois que je ferais mieux de commencer mon récit d'une manière moins abrupte, plus douce, plus...sinueuse ?
J'aime beaucoup les sirènes et je désespérais vraiment d'en rencontrer une un jour.
Et pourtant...

Chaque année, je les attends avec tant d'impatience, ces vacances ! S'arracher à cette existence abrutissante qui me rend, jour après jour, de plus en plus morne et fataliste.  Des vacances, me direz-vous ? Cette simple parenthèse, cette bouffée d'oxygène qui doit nous suffire à vivre le reste du temps en apnée ? Non, cette fois-ci, ce sera différent, car j'ai décidé de déménager. Retrouver la maison en bord de mer qui a abrité mes étés d'enfance, et y rester. Je ne reviendrai pas ici. Cette fois, mes vacances n'auront pas de fin.

Je n'ai rien emporté, j'ai tout laissé sur place. A quoi bon s'encombrer lorsqu'on part pour une nouvelle existence ? Il faut partir franchement, aller à l'aventure, avec assurance. Sinon, autant ne pas partir du tout. Là-bas, rien n'a changé. Les impressions sont restées les mêmes. La maison m'attend, dormante, inoccupée. J'ouvre les volets, je lui redonne vie. Le fantôme de ma grand-mère flotte entre ces murs. C'est un fantôme bienveillant, qui sent la lavande et le foin fraîchement coupé. Je m'installe dans le divan, là où elle avait l'habitude de s'asseoir pour faire ses mots croisés. Je crois qu'elle est heureuse de me voir. Elle reste un instant avec moi, puis sa présence s'évanouit, comme un songe au réveil. Mais je sais qu'elle reviendra. Elle est chez elle, après tout.

La plage est restée la même, elle aussi. Le vent me fouette, il fait voler mes cheveux et gonfle mes vêtements comme une voile. La lumière du soir est propice à la méditation. L'air du large me purifie, me nettoie des souillures de mon ancienne vie. Je marche longtemps. Mes pieds, enfin délivrés de leurs étouffantes chaussures, goûtent le contact du sable chaud qui s'écrase et se dérobe, puis de celui, dur et humide, léché en rythme par l'écume. Je ne vois même pas les autres. Ils ne sont plus là. La mer va et vient, la vie pulse dans mes veines et mon coeur peut enfin battre sans s'épuiser. L'asphyxie n'existe plus. Mon ancienne vie est devenue un monde entre guillemets. Je l'abandonne sans regrets. La mue est achevée.

C'est la faim qui me tire de mes songeries. Le crépuscule a retiré sa palette enchanteresse, et la nuit vient prendre ses droits. Je me souviens que non loin de là, il y a une petite brasserie où j'allais quelquefois, rarement, avec ma soeur et d'autres jeunes de notre âge. C'est une époque bien lointaine, et je ne sais pas si elle existe encore. A-t-elle été remplacée par une quelconque agence immobilière spécialisée dans la location de rêve balnéaire ? Non, elle est toujours là, minuscule, chaleureuse, avec son charme devenu suranné.

Je prends la petite table du fond et je commande un plat de moules marinière. Bientôt je remarque, assise non loin de moi, cette femme étrange. Elle me rend mon regard, me dévisage sans la moindre gêne. Elle ne sourit pas, mais ses yeux parlent pour elle. Elle n'a rien mangé, seul un verre d'eau pétillante trône devant elle. J'ai cru discerner dans ses cheveux des reflets bleu-vert, mais c'est la lumière qui a dû me jouer des tours. Sur sa joue, elle porte une cicatrice en forme de virgule, elle n'en est que plus énigmatique. Elle se lève, le sort est rompu. Je ne veux pas la perdre.

Elle est sur la plage. Elle se retourne. Elle marche vers moi.
- Tu n'es pas comme les autres. Veux-tu venir avec moi ?
Le reflet de la lune, fragmenté, danse sur les eaux.
Elle me prend la main, et nous nous abîmons dans les flots. J'ai peur soudainement.
- Je vais me noyer !
Elle m'a simplement répondu :
- Aie confiance.
La mer nous accueille en son sein. Je n'ai aucune difficulté à respirer.
Je sais que maintenant, entre terre et mer, je pourrai avoir une vie qui me ressemble.



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Dragon
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Pensée
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Route
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Message par Gayane Mer 22 Jan 2014 - 8:53

Bonjour, moi je me lance très timidement... faites comme si je n'étais pas là...

----------------------------------------------------


Qu’il était doux le temps que je passais jadis sur cette plage de bretagne…
Le vent sentait la liberté, et mes pas me portaient toujours vers des joies nouvelles et simples, les joies d’enfants aventureux et gais qui s’évertuent à explorer le monde qui les entoure.
A huit ans j’ai eu un cerf-volant.

Non pas ces cerfs-volants tout bêtes, avec un unique fil, que l’on doit emmener dans le ciel en courant, non… un beau cerf-volant rose et jaune fluo (bien que je déteste le rose, celui-ci était tout de même d’une élégance certaine pour l’époque). Un cerf-volant à deux « manettes », semblable au modèle « aile delta » très prisé en ce temps là, un engin merveilleux capable de faire d’extraordinaires loopings, tout en gardant le charme de la forme traditionnelle en losange, et de cette longue queue bleue, ce ruban, destiné à l’équilibrer.

Il était d’usage, sur cette plage venteuse, de faire soit de la planche à voile, soit du cerf-volant.
Les papas insouciants et peu bavards choisissaient de préférence la planche-à-voile.
Mais en tous les cas, le vent chantait la mélopée de l’évasion. L’évasion, il en était question.

Papa me paya peut être ce jour-là de quoi se faire pardonner à l’avance son silence.
Son silence et son impuissance face au dragon qui finirait par me servir de belle-mère pendant huit ans et mutilerait longtemps à l’avenir ma construction psychologique, le château sableux qui devait me servir de personnalité.
Il paya de quoi pardonner son absence, ses manquements, ses colères… et les quelques coups que nous échangeâmes plus tard.

Dans les marelles puériles, les comptines et les jeux, j’aurais voulu noyer l’adolescente brisée que j’allais devenir. (Peut être le préssentais-je.) Brisée comme ce miroir sur lequel, dans une crise d’angoisse monumentale, j’avais jeté un tabouret, prémisse de la première lutte, de la première insulte, de la première terreur.

C’est que je ne le savais pas, mais à huit ans, je vivais l’apocalypse finale annonçant la disparition de ma famille.
Le divorce, les décès tout autour de moi, la fin du monde. La fin d’un monde dans lequel j’avais grandi… et qu’il me fallait quitter précipitamment, pour grandir trop vite.

En matière de famille, il eût fallu tout recommencer.

Mais il recommença sans moi. Dans une famille à lui, dont je ne suis que membre honoraire.
Je me suis retrouvée seule avec mon cerf-volant, à égrener mes faiblesses au lieu de faire la liste de mes atouts, à fustiger ma solitude plutôt que de l’apprécier pour me construire. J’ai grandi avec la marque d’un abandon généralisé, et la pensée constante que je l’avais mérité.

Et puis le temps est passé. Le cerf-volant a disparu.
Le sable n’est plus constellé d’algues, on nettoie la plage aujourd’hui pour les touristes.
On n’a pas épousé les dragons. On a choisi des dragons chinois, plus protecteurs, ceux qui ne brûlent pas ni ne déchirent.
J’ai déconstruit les châteaux de sable, je construis en brique à présent. Et je ne construis pas en Espagne.

Une autre pensée tinte souvent à mon oreille…
On chemine seul sur la routede notre vie pour chercher les briques du château de sa personnalité. Cependant, c’est en famille qu’on offre les cerf-volants.
Et celui que j’offrirai, moi, n’existera pas pour excuser. Il sera là pour célébrer l’enfance.

En matière de famille, je vais tout recommencer.

*


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silence
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Message par Arkange Mar 11 Mar 2014 - 13:34

Les dix mots dans l'ordre. Cent en tout.


L'enfant était là, sur ce banc, le corps tout enfoui dans ses langes. Il semblait regarder avec une certaine flegme l'astre lunaire, nullement affolé par le fait qu'à ses côtés plus personne ne veille.
Semblant insensible à l'opprobre, la génitrice s'était éloignée en silence. Pour elle, la maternité n'était pas au programme. Une danseuse se doit d'avoir une silhouette déliée, et elle savait qu'elle allait bientôt la retrouver. Encore quelques semaines et elle pourrait remonter sur scène, s'exposer et virevolter sous les regards attisés des banquiers et des joueurs de cartes.  




Dix glanés sur le topic « Inventons des mots » :
cramique a écrit:Pleiger: pleuvoir sous forme de neige pleine d'eau
cramique a écrit:Fourzitou: composé de tout les restes du frigo fourrés dans un plat et mis au four ou poêlé
SoleilSombre a écrit:Se ratatouiller: subir un échec cuisant
Rincemaje a écrit:Forumage
cramique a écrit:Truel: duel à trois
cramique a écrit:Pioupiouter: faire une bêtise (quand on est un pioupiou)
Jo Zeph In a écrit:Balournesses: mélange de balourdise et de délicatesse.
legarsenquestion a écrit:Poutchoumer:  activité  qui consiste à jouer avec des objets en s'imaginant des scènes et en imitant les bruits
Arkange a écrit:Alphonsiner: proposer des jeux intéressants (par exemple sur un forum de z)
Arkange a écrit:Ygoradainer: participer à vitesse grand V à plusieurs conversations à la fois (en mode oral et/ou écrit)
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Message par Invité Mar 25 Mar 2014 - 22:51

Il a l'air chouette ce jeu Very Happy

Spoiler:

Un peu long quand on ne connaît pas les définitions! (c'est quoi un pioupiou? et un forumage?)  Embarassed 

Voici une liste, plus facile:

  • Anorexie
  • Huître
  • Pyroclastie
  • Porc-épique
  • Aneth
  • Tabernacle
  • Carnavalesque
  • Tectonique
  • Pot de chambre
  • Abracadabrantesque


Dernière édition par Yul le Mar 25 Mar 2014 - 23:25, édité 12 fois (Raison : fautes de frappes et de balises, apparitions mystérieuses incompréhensibles et vexantes... on affine!)

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Message par Invité Sam 19 Avr 2014 - 13:46

Un amateur, pour tenter un texte avec ces dix nouveaux mots ? Smile

(je ne trouve pas le topic des néologismes, mais je profite de ce post pour faire un bisou au créateur du mot alphonsiner I love you )

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Message par Gayane Sam 19 Avr 2014 - 15:07

La mer danse à travers le hublot.
Ce n'est que le début. Je le sais, bientôt elle se déchaînera telle une furie à l'écume échevelée.
J'essaie de me distraire, mais voilà plus de trois mois que ça tangue sur ce rafiot de merde. La nausée me submerge même quand j'essaie de laisser vagabonder mon esprit et mon estomac me condamne à une anorexie forcée tant la vue de la moindre nourriture m'insupporte.
Tout au plus la lecture m'évade un instant de ma prison maritime, lorsque des Jeans et Pierres écrivent des conneries sur l'amour et le libertinage.
On n'en fait plus des comme ça. Aujourd'hui on a tout au plus des Bernards ou des Amélies... Jean et Pierre, c'est suranné.
Il faut dire qu'ils dépeignaient un siècle particulier avec leurs mondanités carnavalesques, leurs cigares, leurs lettres quasi-cryptées tant leur langage nous est devenu lointain.

Sur le bateau il me reste ça. Les lettres, les livres, et le mal de mer.

Je devais fixer mon tabernacle, c'était au programme... Il était gentil, serviable, intelligent, drôle, curieux, un peu artiste sur les bords... Mais en matière de bord, j'ai préféré en tirer un autre.
En fait de tendre nymphe, je suis un immonde porc-épique qui ne supporte pas les caresses, sa tendresse me révulse.
Alors je suis partie. J'ai embarqué. Je dérive. J'avais besoin d'un dérivatif, rien de plus logique. C'était illusoire.

Je pensais être ouverte, mais je suis meurtrie et aussi causante qu'une carpe. "Tu m'écriras un mail pour me raconter tout ça."
Te raconter quoi? Que l'huître que je suis ne t'aime pas?
Je suis esseulée, peut être, mais pas au point de suinter le pathétisme et de me déverser sur un homme qui a autre chose à faire. Quand on veut de mes nouvelles on vient les chercher.
Mieux vaut prendre la mer que d'avoir le cœur qui tangue sur la terre ferme.

La colère me remplit dans une si incroyable mesure que je crains, pour très bientôt une "pyroclastie destructrice", en coulée explosive du volcan que je suis et qui semblait éteint.
Et tu fondras dans la lave, tu n'auras même pas le temps de maudire ton arrogance et ton envie de me séduire que tu ne seras déjà plus qu'un nuage de vapeur.
Ton arrogance c'est de croire qu'on peut maîtriser les éléments. Tu imagines qu'un être humain peut faire face à la tectonique des plaques sans tomber. Tu crois que l'avalanche te passera au dessus, que tu flotteras sans dommages dans le tsunami et que le volcan ne te brûlera pas.
Avec ton abracadabrantesque candeur tu crois aux licornes.

J'ai embarqué parce que je préfère les sirènes aux licornes.
Chaque embrun me rappelle ce que je laisse vraiment derrière moi. Mon cœur est resté dans une contrée lointaine, un marin d'eau douce ne pourra jamais y avoir accès.
Pierre et Jean y ont accès. Ils regardent mon cœur avec tendresse, ce sont eux qui m'ont poussée à embarquer. En écrivains fantasques et quelque peu décadents, je sais qu'ils seront là pour me soutenir.
Vomir ses tripes c'est un peu la suite logique de l'amour ou du désamour. On le savait que ça influait sur l'estomac.

Depuis la cuisine monte une forte odeur de saumon à l'aneth.

La cloche sonne pour annoncer le repas.

Je cours dégobiller dans mon pot de chambre.





***

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Message par Invité Dim 20 Avr 2014 - 20:04

Sous les pas d'une jeune femme, le parquet inégalement poli frissonne en quelques craquements, quelques crépitements chantonnent au loin, tandis que la lourde porte en chêne miaule en se refermant. La pluie semble s'amuser à jouer les lâches au dehors. En fait de pluie, il s'agit plutôt d'une bruine légère, se déposant comme un épais manteau de froid sur la campagne alentours.
   En revenant à la pièce (qui offrait un refuge certain aux aléas maussades des éléments), on est d'abord marqué par de longs rayonnages en cerisier, qui soutiennent à grand peine un amoncellement d'ouvrages savants. Le livre trône ici en maître ! Il s'étale dans tout l'espace — du sol au plafond — jusqu'à l'odeur de papier humide qui emplit la salle, ne se mêlant qu'à regret aux fumées denses s'échappant du poêle à bois. Tout au plus peut-on apercevoir dans un coin un petit bureau surmonté d'un écritoire garni de papier à musique à peine entamé.
   Une épaisse charpente — un navire renversé — habille les froides hauteurs du bâtiment, toutes architecturées de voûtes austères et granitiques.

   Cette ambiance, qui réussissait ce curieux prodige de concilier chaleur organique et authentique dépouillement, contrastait fortement avec l'époque. À Paris, qu'elle avait quitté la veille, l'humeur était aux noctambulismes excessifs, de ceux qui vident l'âme et rendent veule le corps.
   Il en était assez de cette vie dérisoire qui avait failli lui emporter le souffle : fêtes somptueuses, débauche alcoolique, orgies de plaisirs faciles, richesses exaspérantes, à tout cela elle décidait de renoncer le cœur léger. Elle avait même laissé un napoléon au cocher, comme on laisse une obole en guise de pourboire.

   Prête, dépossédée du moindre souci, voilà qu'elle s'approche enfin du gardien des lieux.
« Que puis-je faire pour vous mon enfant ?
— Je souhaite entrer dans les ordres. »


---
agricole
yaourt
pain
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artiste
cynique
tombeau
flûte
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mesquin

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Message par Arkange Lun 21 Avr 2014 - 13:46

En ce lundi, pendant que des enfants cherchent les œufs, moi c'est un bisou que j'ai trouvé. Je le reçois et l'apprécie.

A chaque salon agricole, c'est la même chose : yaourt, pain, jambon, lard, saucisse fumée, fromage, les culs-terreux vont finir par me tuer. A croire que c'est dans leur nature de gaver. Je dis ça sans préjugé – d'ailleurs, celui qui a fait ce saucisson est un véritable artiste –  c'est juste mon estomac qui me rend cynique. Si je continue à manger comme ça, c'est dans un tombeau que je vais dormir ce soir ; faut vraiment que j'arrête. Oh flûte, des rillettes ! Des jolis filaments, pas trop de graisse : irrésistible ! Allez, après tout ce serait mesquin de refuser.  

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Message par Invité Mer 30 Avr 2014 - 21:21

"Et, c'était reparti pour une autre nuit..." ce dit tout bas Alice; un panier en osier, serrer dans le plis de son coude gauche...
Puis, avec rage elle vit qu'elle était habillée d'une robe bleu satin assorti au ruban qui enlaçait sont tablier tout blanc et, chaussait des bottine a talon tout aussi blanches...
"Et voici un accoutrement tout a fait adéquat pour partir en chasse....."
"Mais voyons Alice! A quels autres attifaits pensiez vous donc? La morigéna le Lapin lunaire habillé d'une veste marron chocolat et coiffé d'un chapeau de couleur identique....
"Ouille! Vous m'avait fait tellement peur que je m'en suis mordu la langue; cher Monsieur Lapin...." décria Alice d'un air maussade.
"Trêve de rechignement Mademoiselle!"
Entre deux éclats de rires Alice dit: "Moi! une libellule?! Voyons Cher Monsieur votre dictionnaire n'ai plus à jour dirait on!"
"Vos Aïeux seraient bien mécontent de vous voir ricaner d'un pauvre bougre comme moi.... Venez chère Alice je vous emmène...."
Tout à coup un carrosse indigo apparu; aussi décoré qu'un œuf Fabergé; laissant Alice la bouche ouverte les yeux écarquillés....
"Alice.... cessez immédiatement cet air de poule déplorable; votre minois vous mieux que cela trésor...."


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Attifait
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Autruche
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Aurifère

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Message par Carla de Miltraize VI Mer 30 Avr 2014 - 22:06

Balbeliboulba l' Abeille
en son bel Appareil
d'Algues et Alpaga
Attifée comme une Autruche
Au bal de l'Almanach
ne voyait pas de bonne Augure
Son expédition forcée en terre Australe,
"Aurifère qu'ils disent, je préfère les pistils".


Fourmis
Fée
Famille
Furie
Folie
Factice
Fumante
Félicité
Flute
Flattée
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Message par Pieyre Ven 2 Mai 2014 - 13:59

Chez les fourmis je me plaisais
Quand apparut soudain la fée...

La suivre et perdre amis, famille,
Charmé par la furie qui brille ?

Quelle folie d'entrer en lice
En un concours aussi factice,

Au chaud dans la ville fumante
Contre félicité latente...

Non, donnez-moi flûte enchantée
Et que flatteuse soit flattée !


Commode
Modiste
Distique
Ticket
Quêter
Terminé
Nénuphar
Farci
Cigare
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Message par Invité Ven 2 Mai 2014 - 14:50

Impressionnant, ce poème :DOn saluera aussi la participation d'Harpo avec cette même liste !

D'ailleurs, les mots de Pieyre m'inspirent pas mal, je vais essayer quelque chose.


Dernière édition par Alphonsine le Ven 2 Mai 2014 - 16:50, édité 2 fois

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Message par Invité Ven 2 Mai 2014 - 16:48

Les dix mots ont été placés ici !

Voici donc la nouvelle liste :

- tentateur
- baron
- pareil
- oratoire
- volière
- ananas
- exprimer
- parade
- voluptueux
- logique

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Message par Invité Sam 30 Aoû 2014 - 11:39

Et pourquoi pas se faire une liste de néologismes, ou piocher dans le MotBot des mots-monstres tout bizarroïdes ? Razz

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Message par Invité Sam 31 Jan 2015 - 2:32

Quelque part en plein coeur des Caraïbes, un colibri dans sa volière dépérissait. A quelques battements d'ailes de là, une ronde de fleurs formait une infructueuse parade amoureuse : Etamine frémissait près de Carpelle sa voisine, mais celle-ci demeurait droite comme un "I". Malgré un art oratoire à nul autre pareil, Etamine ne savait plus comment lui exprimer son amour. Ce refus obstiné défiait sa logique à tel point qu'il avait même invoqué le baron samedi afin de punir la rebelle, en vain. Soudain il se dit : " Cet oiseau fera un parfait tentateur " et le sollicita ainsi : "Chante donc l'aubade pour moi et tu recevras un peu de nectar !". Le colibri ne se laissa pas prier : l'oiseleur n’eut pas plutôt ouvert la porte pour lui donner sa pitance qu'il s'enfuit. Il fut ravi de cette visite et la jolie voisine se laissa enfin couvrir de pollen, charmée par la voluptueuse mélodie. C'est ainsi que la famille Ananas s'agrandit. Personne n'en récolta les fruits, car ils avaient autant de graines qu'il en restait dans la cage vide.

cerf-voliste
pipeauter
déstresser
autobronzant
classieux
ringardiser
foldingue
acrosport
bobo
baladeur

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Message par Pieyre Sam 31 Jan 2015 - 17:27

C'est un beau dimanche de mai au parc des Buttes-Chaumont. Par une faveur exceptionnelle, due au fait que l'association Zebras Crossing, après vingt ans d'existence, vient de se voir reconnue d'utilité publique, le maire de Paris, qui avait joué en son temps un rôle éminent dans son renouveau, a autorisé qu'on y célèbre l'événement. Écoutons ce qui se dit parmi les organisateurs, arrivés tôt sur place.

— Tous les stands sont montés, vous avez pris note des dernières instructions, pas de problème particulier ?
— Euh, si... Arsène, notre cerf-voliste, s'est mis en tête au dernier moment de créer un nouveau modèle; et comme il a beaucoup procrastiné, il aura deux heures de retard.
— Bon, ça ira. On pourra toujours demander aux dronistes d'étendre un peu le champ de leur démonstration.
— Quant à moi, je crois qu'on pourrait nous reprocher de pipeauter les chiffres annoncés dans la brochure : 5% de gens directement concernés, 20% qui se reconnaîtrons, et tout le monde qui connaît quelqu'un qui...
— Bah, nous ne sommes pas des numéros; c'est ça qu'il faut comprendre.
— Ouais, il faut déstresser Basile. C'est pas un congrès scientifique quand même.
— Sinon je signale que j'ai regardé la météo sur le nouveau site de la station internationale : il n'y aura qu'un passage nuageux entre 15h34 et 15h49. On va économiser en autobronzant !
— Très bien, Casimir, mais, bon... du moment qu'on bronze de la tête...
— Attends, c'est pas un peu trop classieux tout ça, pour les gens qui seront là par hasard ?
— On ne pouvait quand même pas réserver le parc uniquement pour nous. C'est toujours intéressant de voir quelles réactions il y aura parmi les promeneurs.
— En effet, la condition pour ne pas se ringardiser, c'est de rester proche du peuple, tout en ne le flattant pas.
— D'accord, Diotime, mais il n'a jamais été dit qu'on avait une fonction politique, tout de même !
— En effet, il ne faut pas oublier que le zèbre est un peu foldingue !
— Bon, de mon côté, vous savez que je tiens à associer le corps et l'esprit, et je confirme que l'activité d'acrosport est parfaitement au point, jusqu'au niveau trois.
— C'est pas mal, mais tu crois pas que c'est un peu bobo ton truc, Énosine ?
— Eh, oh ! Si on veut que les parisiens retirent leur baladeur, il faut s'en donner les moyens !
— Allez, tout va bien ! Justement, lançons la musique...


Les mots pour le suivant :

Voyage
Nuit
Crédit
Draps
Guignol
Pipe
Féérie
Château
Pont
Rigodon

Pieyre

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Message par Pola Mar 10 Fév 2015 - 9:24

"Mlle Blanchette, vous êtes recalée"
"Mais, mais je..."

Voilà que la porte blindée venait de se refermer sur ses hésitations

Pola

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Message par Invité Sam 14 Fév 2015 - 14:49

Pola ?

Pieyre : Liste très Célinienne, si je ne me trompe ? Very Happy
Je tenterai quelque chose à l'occasion, mais que personne n'hésite à s'emparer de la liste avant moi !

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Message par Pieyre Sam 14 Fév 2015 - 23:46

En fait j'avais oublié d'annoncer les mots suivants, et je voulais faire au plus vite avant qu'on ne le remarque. Alors je me suis appuyé sur ce mot, voyage, et puis il suffisait de décliner dans ce registre...

Pieyre

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Message par virginie39 Jeu 26 Fév 2015 - 14:18

Je dois bien me creuser la tête pour savoir où et quand nous partirions en voyage. A ne pas dormir de la nuit, cherchant à élaborer dans mon esprit ce qui pourrait bien nous convenir, quitte à emprunter crédit. Je sue à trop y réfléchir; me voilà dans de beaux draps!
Par exemple, où pourrions-nous rencontrer Guignol fumant la pipe? Peut-être préférerais-tu une véritable féerie dominée par un château et de plusieurs arc-en-ciel, sur lesquels nous danserions le rigodon?
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Message par virginie39 Jeu 26 Fév 2015 - 14:23

zut, j'ai oublié les dix mots!

lune
plat
vague
mouvance
antre
fumée
maison
saison
minimaliste
légèreté
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Message par Arkange Mer 4 Mar 2015 - 12:26

virginie39 a écrit:zut, j'ai oublié les dix mots!

lune
plat
vague
mouvance
antre
fumée
maison
saison
minimaliste
légèreté

Zut, j'ai oublié les dix mots ! Bon, c'est vrai que je suis souvent dans la lune en ce moment. Rien qu'hier soir, mon plat mis au four, je me ballade sur le net en attendant que ça cuise. Je regarde vite fait un doc sur la nouvelle vague - j'adore "Le coup du berger (de Jacques Rivette) - puis j'enchaîne sur des trucs d'art moderne, genre mouvance dark, avec notamment un tableau représentant un pseudo-démon dans son antre, avec de la fumée lui sortant des naseaux. Sur le coup, l'odeur n'a pas plus attiré mon attention que ça : c'était congruent de l'image que je regardais, et rien d'inhabituel à ce qu'un léger effet sénesthésique se produise. Donc bref, je poursuis ma navigation. Toujours dans le dark : la toile d'une maison sur une toile d'araignée, comme prise au piège d'une veuve noire (qui d'ailleurs, sans que je sache pourquoi, sur un air de Vivaldi (les quatre saisons), me fait penser à Alphonsine...). J'apprécie la composition : sombre et minimaliste, puis le tracé : très fin, appuyé, marqué de légèreté. Mais toujours -et cette fois contrastant - cette odeur de fumée...
Ça y est, enfin jusqu'en haut de mon cerveau, c'est monté... mon repas est cramé.

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