Poem - Poema - Poesia - Gedicht - Wiersz

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Message par Invité Dim 23 Mar 2014 - 19:32

Objectif de ce topic ? Faire decouvrir des poètes de toutes origines.
Vous pouvez donc poster des poèmes dans n'importe quelle langues.

Je commence par un poème qui me fascine, car il est à la suite de la chanson "Night in white satin" des Moody blues.

"Late Lament"

Breathe deep the gathering gloom,
Watch lights fade from every room.
Bedsitter people look back and lament,
Another day's useless energy spent.
Impassioned lovers wrestle as one,
Lonely man cries for love and has none.
New mother picks up and suckles her son,
Senior citizens wish they were young.
Cold hearted orb that rules the night,
Removes the colours from our sight.
Red is grey and yellow white.
But we decide which is right.
And which is an illusion?

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Message par Pieyre Ven 28 Mar 2014 - 5:15

J'ai un gros problème avec les poèmes en langue étrangère : je ne maîtrise pas suffisamment les langues pour les apprécier pleinement, et en traduction j'ai l'impression qu'il ne reste rien. Il ne s'agit pas du sens, que je peux entendre assez bien, notamment en anglais, mais de bien juger du choix de chaque mot en fonction de la prosodie. Alors j'en viens à penser que pour bien apprécier un poème en langue étrangère, il faudrait le traduire soi-même, pas de façon littérale comme on trouve dans les anthologies bilingues, mais de façon transposée, en restituant avant tout son rythme propre.
Il n'y a que lorsque le poème correspond au texte d'une chanson que j'adhère sans me poser ces questions, sans doute parce que la musique établit ce liant qui me manque en général.

Mais voici un poème trouvé dans l'anthologie de la poésie anglaise de Penguin Books que j'ai pu apprécier directement.
Il s'agit de Sudden light de Dante Gabriel Rossetti.

        I have been here before,
            But when or how I cannot tell:
        I know the grass beyond the door,
            The sweet keen smell,
    The sighing sound, the lights around the shore.

        You have been mine before,—
            How long ago I may not know:
        But just when at that swallow's soar
            Your neck turn'd so,
    Some veil did fall,—I knew it all of yore.

        Has this been thus before?
            And shall not thus time's eddying flight
        Still with our lives our love restore
            In death's despite,
    And day and night yield one delight once more?

Pieyre

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Message par Invité Ven 28 Mar 2014 - 10:19

Tres joli poeme Pieyre.
Peut etre qu'un poeme en anglais te parlerait mieux musicalement si tu le lisais à voix haute.
Si j'ai la motivation ce week-end, je t'en lirai un (en mp3).

Un ami m'avait fait découvrir ce poeme de John Keats.
Ecoute cette version lue par Ben Whishaw. Les mots sont compliqués à comprendre mais ecoute juste le bercement des mots...


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Message par Invité Ven 28 Mar 2014 - 10:40

Pieyre a écrit:J'ai un gros problème avec les poèmes en langue étrangère : je ne maîtrise pas suffisamment les langues pour les apprécier pleinement, et en traduction j'ai l'impression qu'il ne reste rien. Il ne s'agit pas du sens, que je peux entendre assez bien, notamment en anglais, mais de bien juger du choix de chaque mot en fonction de la prosodie. Alors j'en viens à penser que pour bien apprécier un poème en langue étrangère, il faudrait le traduire soi-même, pas de façon littérale comme on trouve dans les anthologies bilingues, mais de façon transposée, en restituant avant tout son rythme propre.
Il n'y a que lorsque le poème correspond au texte d'une chanson que j'adhère sans me poser ces questions, sans doute parce que la musique établit ce liant qui me manque en général.

Effectivement, les traductions sont décevantes ...quand elles ne sont pas carrément erronées ou trahissant le sens sous prétexte d'être poétiques ! Mais c'est presque mission impossible de retrouver un choix de mots et un rythme poétiques dans la traduction (en fait, j'admire souvent la prouesse des traducteurs ou je compatis, selon). C'est la raison pour laquelle je ne cherche pas à traduire en français les poèmes étrangers. Lire de la poésie en langues étrangères m'a amenée à lire la poésie d'une manière beaucoup plus profonde : du fait de ne pas saisir d'emblée aussi facilement qu'en français ce qui a trait au rythme, à la musique, à tout ce qui relève de l'aspect sonore, j'ai commencé, par nécessité, à répéter le poème lentement, plusieurs fois, souvent à haute voix. Ce faisant, je rentre en général de plus en plus intimement dans l'univers du poème, le sens s'en élargit, et sa poétique sonore se dégage peu à peu plus vivement, en dépit des incontournables restrictions liées au fait que la langue me reste étrangère. Ce processus de contemplation s'est révélé si riche qu'il s'est propagé à ma lecture des poèmes français, en en décuplant l'effet. C'est un peu comme rester un long moment en contemplation devant un tableau. Je ne suis pas toujours d'humeur aussi contemplative, mais quand je le suis, cette méditation prolongée devant un tableau ou un poème s'avère si intense qu'elle me marque à vie. Il y a eu réel contact, impact, transformation. Je repars à la fois un peu autre et un peu plus moi-même, mon monde intérieur fertilisé par celui de l'oeuvre d'art.
En comparaison, ce que je lis (ou regarde) plus rapidement ne me laisse qu'une impression bien pâle; pas inexistante ou dépourvue de valeur, mais maigre : je ne reste qu'à la frange d'un univers au lieu d'y pénétrer.



*




Carlos Drummond de Andrade
, poète brésilien

Souvenir plein de gratitude : il y a quelques années, grâce aux conseils d'un ami brésilien dans une fnac à Lisbonne,
j'ai découvert ce poète et acheté deux recueils de ses poèmes. Un très beau cadeau...



Poema que aconteceu


Nenhum desejo neste domingo
nenhum problema nesta vida
o mundo parou de repente
os homens ficaram calados
domingo sem fim nem começo.


A mão que escreve este poema
não sabe o que está escrevendo
mas é possível que se soubesse
nem ligasse.




Os Ombros Suportam o Mundo


 
Chega um tempo em que não se diz mais: meu Deus.
Tempo de absoluta depuração.
Tempo em que não se diz mais: meu amor.
Porque o amor resultou inútil.
E os olhos não choram.
E as mãos tecem apenas o rude trabalho.
E o coração está seco.

Em vão mulheres batem à porta, não abrirás.
Ficaste sozinho, a luz apagou-se,
mas na sombra teus olhos resplandecem enormes.
És todo certeza, já não sabes sofrer.
E nada esperas de teus amigos.

Pouco importa venha a velhice, que é a velhice?
Teus ombros suportam o mundo
e ele não pesa mais que a mão de uma criança.
As guerras, as fomes, as discussões dentro dos edifícios
provam apenas que a vida prossegue
e nem todos se libertaram ainda.
Alguns, achando bárbaro o espetáculo
prefeririam (os delicados) morrer.
Chegou um tempo em que não adianta morrer.
Chegou um tempo que a vida é uma ordem.
A vida apenas, sem mistificação.

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Message par Invité Ven 28 Mar 2014 - 10:53

Très beau ce poème. Je l'ai lu en imaginant l'accent brésilien, ca donne encore plus de relief Smile

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Message par Princeton Ven 28 Mar 2014 - 11:41

Bonjour !

Merci pour la vidéo, elle est magnifique.

Votre discussion sur la traduction m'a intéressé. Je n'aime pas les traductions, je lis dans les langues que je maîtrise, l'anglais et le français surtout, et j'ai un mal fou à lire des ouvrages traduits, sauf par nécessité ou quand la tentation est trop forte... J'ai toujours pensé que les traductions avilissaient, corrompaient la pensée d'un auteur, dans une plus ou moins grande mesure, mais toujours dans une certaine mesure. Je me souviens que j'ai toujours détesté faire des thèmes ou des versions, traduire en somme, parce que je savais que je déformais toujours le texte, je rendais immanquablement le parfait imparfait, je faisais ce que je déteste : des approximations.

Bon après ce joli laïus, il m'arrive parfois de préférer la version traduite à la version originale, c'est le cas notamment de la traduction du poème If de Kipling par André Maurois, "Etre un homme", et aussi d'une certaine traduction anglaise du sonnet XVII de Pablo Neruda, que voici sans plus attendre :

I love you without knowing how, or when, or from where.
I love you simply, without problems or pride:
I love you in this way because I do not know any other way of loving
but this, in which there is no I or you,
so intimate that your hand upon my chest is my hand,
so intimate that when I fall asleep your eyes close.

Une autre version a pour fin : "so intimate that when I fall asleep it is your eyes that close" que je trouve bien moins réussie, mais plus réussie que la version originale espagnole "tan cerca que se cierran tus ojos con mi sueno"... Version espagnole

Et voici un poème en anglais que j'aime bien, d'un de mes auteurs préférés, Charles Bukowski :

For Jane

225 days under grass
and you know more than I.
they have long taken your blood,
you are a dry stick in a basket.
is this how it works?
in this room
the hours of love
still make shadows.

when you left
you took almost
everything.
I kneel in the nights
before tigers
that will not let me be.

what you were
will not happen again.
the tigers have found me
and I do not care.

Et enfin, un petit dernier :

By the time you swear you're his,
Shivering and sighing.
And he vows his passion is,
Infinite, undying.
Lady make note of this
One of you is lying.

― Dorothy Parker
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Message par Invité Ven 28 Mar 2014 - 13:35

Princeton, je trouve la version originale en espagnol magnifique. Elle m'a plus touché qu'en anglais.
"tan cerca que se cierran tus ojos con mi sueno" ce qui est beau dans cette phrase est le double sens de sueno, qui signifie sommeil mais aussi Rêve.
Ca rend la phrase intraductible dans son double sens. On en revient donc à ton laius. L'original reste mieux ^^

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Message par Princeton Ven 28 Mar 2014 - 17:37

Ah, merci ! J'aime bien aussi le passage, je cite de mémoire, "I love you as certain dark things are to be loved : secretly, between the shadow and the soul". Quel talent...

Je comprends ton point de vue. J'aime mieux la version anglaise parce que lui tombe dans le sommeil, d'ailleurs j'aime cette expression en anglais, "to fall asleep", comme "to fall in love" (au passage, petite phrase d'un livre pour adolescentes américaines The Fault in our stars, de John Green : "I fell in love the way you fall asleep: slowly, and then all at once." Joli non ?), il y a une idée de mouvement, de chute... Et avec cette idée de chute, il me semble plus beau et logique que les yeux se ferment à la toute fin de la phrase, plutôt qu'ils se ferment d'abord parce que lui s'est endormi...

so intimate that
when i fall asleep
your eyes
close

...

Enfin, pour le coup c'est complètement subjectif !

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Message par Pieyre Ven 28 Mar 2014 - 17:51

Juste un détail : en français « sombrer dans le sommeil » me semble mieux dit que « tomber dans le sommeil » et « tomber amoureux » mieux que « tomber en amour ». L'intérêt de l'anglais c'est que les mots sont courts, qui sonnent davantage comme des notes de musique.

Mais là aussi c'est subjectif.

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Message par Princeton Ven 28 Mar 2014 - 19:38

Haha voilà, je ne suis pas fait pour les traductions, parce que pour moi, si "sombrer dans le sommeil" existe en français, comme "crouler sous le sommeil", et si "tomber dans le sommeil" ou "tomber endormi" n'existe malheureusement pas, le verbe sombrer a une connotation que tomber n'a pas. C'est to fall asleep, pas to sink asleep.

J'aime l'anglais, c'est ma langue préférée. Je préfère m'exprimer en anglais pour plein de choses, je la trouve plus simple, plus belle aussi souvent... Comme pour dire : to fall asleep. Et je trouve le mot asleep vraiment beau. Et le mot fall aussi. Bref, je crois que j'ai communiqué mon goût pour ces mots et cette expression magnifiques...

Oui, c'est subjectif, et légèrement hors-sujet ! (J'ai du mal avec les règles Pieyre ! Smile )

Encore des poèmes !!!
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Message par Invité Ven 28 Mar 2014 - 20:18

C'est comme ca que je les aime moi les fils, comme des conversations IRL

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Message par Zwischending Ven 28 Mar 2014 - 20:42

Allen Ginsberg, A supermarket in California

        What thoughts I have of you tonight, Walt Whitman, for I walked down the sidestreets under the trees with a headache self-conscious looking at the full moon.
         In my hungry fatigue, and shopping for images, I went into the neon fruit supermarket, reaming of your enumerations!
         What peaches and what penumbras!  Whole families shopping at night!  Aisles full of husbands!  Wives in the avocados, babies in the tomatoes!--and you, Garcia Lorca, what
were you doing down by the watermelons?

         I saw you, Walt Whitman, childless, lonely old grubber, poking among the meats in the refrigerator and eyeing the grocery boys.
         I heard you asking questions of each: Who killed the pork chops?  What price bananas?  Are you my Angel?
         I wandered in and out of the brilliant stacks of cans following you, and followed in my imagination by the store detective.
         We strode down the open corridors together in our solitary fancy tasting artichokes, possessing every frozen delicacy, and never passing the cashier.

      Where are we going, Walt Whitman?  The doors close in an hour. Which way does your beard point tonight?
         (I touch your book and dream of our odyssey in the supermarket and feel absurd.)
         Will we walk all night through solitary streets?  The trees add shade to shade, lights out in the houses, we'll both be lonely.

       Will we stroll dreaming of the lost America of love past blue automobiles in driveways, home to our silent cottage?
         Ah, dear father, graybeard, lonely old courage-teacher, what America did you have when Charon quit poling his ferry and you got out on a smoking bank and stood watching the boat disappear on the black waters of Lethe?

(version audio par ici)

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Message par Pieyre Sam 29 Mar 2014 - 1:22

Quelques remarques encore, Princeton1, puisque Parisette nous y autorise. J'ai un certain goût pour la traduction, quand il s'agit d'un sens clair qu'il s'agit de restituer de façon précise. Pourtant avec la poésie c'est une autre histoire. En soi ce serait un défi supplémentaire qui ne me déplairait pas. Mais le français et l'anglais me paraissent trop dissemblables. L'anglais est souvent imprécis dans sa structure même, quand l'imprécision doit plutôt être choisie en français.

Ainsi en français on pourrait dire que « tomber dans le sommeil » n'a pas un sens précis, parce que le sommeil est un état et qu'il s'agit de signifier une modification d'état plutôt qu'un changement de lieu, même symbolique. De même avec « tomber endormi », on attendrait plutôt « tomber, endormi », ce qui est plus clair mais qui a une autre signification. C'est pour cela que « sombrer dans le sommeil », ou « glisser dans le sommeil » si c'est plus progressif, me semblent préférables, parce qu'on sent mieux le passage. On pourrait à la limite dire aussi dire « tomber en sommeil », si l'expression était attestée, pour les mêmes raisons qu'on préfère « tomber en désuétude » à « tomber dans la désuétude ». Ou alors il y aurait « tomber de sommeil », de sens assez clair aussi, puisqu'il s'agit effectivement d'un mouvement de chute potentielle. Mais il s'agit encore d'un autre sens.

Alors je suis d'accord que les mots anglais sont souvent plus simples et plus beaux quand à la richesse d'assonances qu'ils permettent, mais c'est je pense que c'est au détriment d'un sens nettement articulé. En particulier l'anglais utilise moins les déterminants et prépositions entre les termes pour préciser un lien logique. Sur le plan de la traduction je pense donc qu'on doit naviguer entre les solutions extrêmes : se limiter au sens le plus explicite ou transposer le poème (la licence poétique ne suffisant pas).
C'est cette dernière solution qui m'intéresse. Quand le poète choisit un mot, la forme est primordiale, sinon autant écrire en prose. Il aurait très pu en choisir un autre de sens sensiblement différent. Si le traducteur veut rendre compte de la forme, il peut donc selon moi sacrifier le sens. Mais même cela ne suffira pas. Il faudra aussi adapter la forme à celles qui sont possibles dans la langue où l'on traduit.
J'essaierai d'en fournir des exemples en transposant moi-même certains poèmes, que j'en connaisse ou non la langue puisque, dans cette perspective, ce n'est pas si important.

En attendant, voici un poème en italien, de Pétrarque, que j'ai découvert grâce à ce forum.

    Benedetto sia 'l giorno

    Benedetto sia 'l giorno, e 'l mese, e l'anno,
    e la stagione, e 'l tempo, e l'ora, e 'l punto,
    e 'l bel paese, e 'l loco ov' io fui giunto
    da' duo begli occhi, che legato m'hanno;

    e benedetto il primo dolce affanno
    ch'i' ebbi ad esser con Amor congiunto,
    e l'arco, e le saette ond'i' fui punto,
    e le piaghe che 'n fin al cor mi vanno.

    Benedetto le voci tante ch'io
    chiamando il nome de mia donna ho sparte,
    e i sospiri, e le lagrime, e l' desio;

    e benedetto sian tutte le carte
    ov'io fama l'acquisto, e l' pensier mio,
    ch'è sol di lei, si ch' altra non v' ha parte.

Pieyre

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Message par Princeton Dim 30 Mar 2014 - 1:35

Pieyre a écrit:le français et l'anglais me paraissent trop dissemblables. L'anglais est souvent imprécis dans sa structure même, quand l'imprécision doit plutôt être choisie en français.

Alors je suis d'accord que les mots anglais sont souvent plus simples et plus beaux quand à la richesse d'assonances qu'ils permettent, mais c'est je pense que c'est au détriment d'un sens nettement articulé.

Salut Pieyre,

Merci pour ton message, je comprends. Je suis d'accord, je trouve l'anglais et le français "trop dissemblables".

Pour moi, je préfère l'anglais, notamment dans l'expression des sentiments, justement parce qu'il est "plus global", et que j'ai une tendance à aimer voir de loin, globalement, simplement, synthétiquement. Et puis j'ai parfois l'impression que le français a des distinctions superflues, ou du moins que moi je ne comprends pas. Après je le préfère pour les choses techniques. Je me suis toujours demandé combien il y avait de mots dans la langue de Shakespeare, et combien dans celle de Molière...

Par exemple, au mot français de charité, beaucoup de Bibles anglaises conservent le mot love (idem pour le mot français espérance, là où l'anglais garde le mot hope). Je ne lis la Bible qu'en anglais. Exemple : 1 Corinthians 13:13

"And now these three remain: faith, hope and love. But the greatest of these is love." (traduction NIV)

"Maintenant donc ces trois choses demeurent: la foi, l'espérance, la charité; mais la plus grande de ces choses, c'est la charité." (traduction Louis Segond)

Ma préférence va de loin à la version anglaise. Plus c'est simple, plus j'aime. A force de créer des distinctions, des catégories, je trouve qu'on diminue la force, la beauté, la pureté, l'intensité d'un concept. Parler de "charité", même si le terme a été galvaudé, me donne l'impression de tamiser l'amour, comme une espèce de respect a maxima, de gentillesse... Ce n'est certainement pas l'amour dont parlent Saint Paul et Jésus avant lui.

Mais je m'égare encore ! Décidément !

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Message par Zwischending Dim 30 Mar 2014 - 3:22

Hello princeton1,

Pour l'exemple sur le terme de ''charité", c'est assez complexe, étant donné que le texte original est grec, puis a été disséminé de langues en langues, en passant notamment par le latin. La traduction de Segond semble à mon sens présupposer que le lecteur connaisse la signification du terme gréco-latin de ''charitas'' - c'était le cas à la Renaissance, et encore, chez une frange spécifique de la population, ça l'est moins de nos jours -.
Vu sous un certain angle, la version anglaise est une meilleure traduction, en effet.

Concernant le nombre de vocables concurrents en français et en anglais : il me semble bien (pas les sources en main, c'est donc à prendre avec des pincettes) que l'anglais comprend plus de termes qu'en français.
D'une part de par son histoire : pour un même concept / un même objet, la langue a compris de façon conjointe - l'usage a fini par discriminer les emplois - un mot d'origine saxonne, et un mot d'origine romane. Un exemple : ''mutton'' et ''sheep'', où le premier d'origine française (plus précisément, normande - type langue d'oïl en France) désigne la viande de l'animal, et l'autre l'animal vivant (cela me fait sourire que ce soit le terme d'origine française qui désigne la viande apprêtée... est-ce que la réputation culinaire française date des invasions normandes ?  Laughing )
Autre exemple de ces ''doublons'' qui se sont ensuite différenciés : ''heart'' et ''core''.

D'autre part, l'on trouverait dans le lexique anglais plus de vocables par rapport à ce qui se rapporte aux cinq sens et au compte-rendu des perceptions sensitives (son, couleur, etc).
De fait, la langue anglaise dite littéraire est plus riche, au niveau du lexique, que la langue française.

Une des difficultés de la traduction anglais > français vient de là. Mais même entre langues issues d'une même branche romane, comme le français et l'italien, des difficultés peuvent s'avérer insurmontables, et faire grimacer le traducteur. Mais, hum, je vais m'arrêter là...

(j'ai fait un an d'études autour de la traductologie, et, ach, nostalgie / sensucht / saudade... Razz)

Pour rester dans l'thème :

On Translating Eugene Onegin *

1
What is translation? On a platter
A poet’s pale and glaring head,
A parrot’s screech, a monkey’s chatter,
And profanation of the dead.
The parasites you were so hard on
Are pardoned if I have your pardon,
O, Pushkin, for my stratagem:
I traveled down your secret stem,
And reached the root, and fed upon it;
Then, in a language newly learned,
I grew another stalk and turned
Your stanza patterned on a sonnet,
Into my honest roadside prose–
All thorn, but cousin to your rose.
2
Reflected words can only shiver
Like elognated lights that twist
In the black mirror of a river
Between the city and the mist.
Elusive Pushkin! Persevering,
I still pick up Tatiana’s earring,
Still travel with your sullen rake.
I find another man’s mistake,
I analyze alliterations
That grace your feasts and haunt the great
Fourth stanza of your Canto Eight.
This is my task–a poet’s patience
And scholastic passion blent:
Dove-droppings on your monument.


Vladimir Nabokov

*:
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Message par Invité Jeu 10 Avr 2014 - 11:46

Robert Frost


Question

A voice said, Look me in the stars
And tell me truly, men of earth,
If all the soul-and-body scars
Were not too much to pay for birth.



A Prayer in Spring

Oh, give us pleasure in the flowers to-day;
And give us not to think so far away
As the uncertain harvest; keep us here
All simply in the springing of the year.

Oh, give us pleasure in the orchard white,
Like nothing else by day, like ghosts by night;
And make us happy in the happy bees,
The swarm dilating round the perfect trees.

And make us happy in the darting bird
That suddenly above the bees is heard,
The meteor that thrusts in with needle bill,
And off a blossom in mid air stands still.

For this is love and nothing else is love,
The which it is reserved for God above
To sanctify to what far ends He will,
But which it only needs that we fulfil.



Acquainted with the Night

I have been one acquainted with the night.
I have walked out in rain -- and back in rain.
I have outwalked the furthest city light.

I have looked down the saddest city lane.
I have passed by the watchman on his beat
And dropped my eyes, unwilling to explain.

I have stood still and stopped the sound of feet
When far away an interrupted cry
Came over houses from another street,

But not to call me back or say good-bye;
And further still at an unearthly height,
A luminary clock against the sky

Proclaimed the time was neither wrong nor right.
I have been one acquainted with the night.



*

Et un de ses plus célèbres, "the road Not Taken" dont quelques vers sont devenus une citation
"deux routes s'offraient à moi, et là j'ai pris celle où on n'allait pas, et ça a fait toute la différence"


The Road Not Taken

Two roads diverged in a yellow wood,
And sorry I could not travel both
And be one traveler, long I stood
And looked down one as far as I could
To where it bent in the undergrowth;

Then took the other, as just as fair,
And having perhaps the better claim
Because it was grassy and wanted wear;
Though as for that, the passing there
Had worn them really about the same,

And both that morning equally lay
In leaves no step had trodden black.
Oh, I marked the first for another day!
Yet knowing how way leads on to way
I doubted if I should ever come back.

I shall be telling this with a sigh
Somewhere ages and ages hence:
Two roads diverged in a wood, and I,
I took the one less traveled by,
And that has made all the difference.

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Message par Zwischending Lun 21 Avr 2014 - 11:51

The Brain is wider than the Sky


The Brain - is wider than the Sky-
For - put them side by side-
The one the other will contain
With ease - and You- beside-

The Brain is deeper than the sea-
For - hold them - Blue to Blue -
The one the other will absorb -
As Sponges - Buckets - do -

The Brain is just the weight of God -
For - Heft them - Pound for Pound -
And they will differ - if they do -
As Syllable from Sound-

Emily Dickinson
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Poem - Poema - Poesia - Gedicht - Wiersz  Empty Re: Poem - Poema - Poesia - Gedicht - Wiersz

Message par Princeton Lun 21 Avr 2014 - 14:19

Zwischending,

Je suis désolé de ne te répondre que maintenant. Merci pour toutes ces informations. Je trouve le mot saudade et le poème que tu viens de poster très beaux. Le second est à propos, sur un forum comme celui-ci ! J'ai beaucoup aimé le dernier vers, qui me laisse pensif (bon, ce n'est pas très difficile, vu que je suis toujours pensif).

verbena,

J'avais dû étudier pléthore de poèmes de Robert Frost au lycée, pour mon épreuve de littérature au baccalauréat (j'étais dans une section bilingue). J'étais même passé à l'oral sur un de ses poèmes. Etrangement, je ne me souviens de rien, à part le dernier poème que tu as proposé, et dont je me répète souvent les derniers vers... Pour me dire ensuite qu'on pourrait aller encore plus loin que Frost, en créant, pourquoi pas, nos propres routes...

Je vous propose le petit texte suivant, que je trouve très poétique, même si j'ignore s'il rentre dans les formes visées par ce sujet. C'est un passage de Ulysses, de James Joyce :

"... I was a Flower of the mountain yes when I put the rose in my hair like the Andalusian girls used or shall I wear a red yes and how he kissed me under the Moorish Wall and I thought well as well him as another and then I asked him with my eyes to ask again yes and then he asked me would I yes to say yes my mountain flower and first I put my arms around him yes and drew him down to me so he could feel my breasts all perfume yes and his heart was going like mad and yes I said yes I will Yes."

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Message par Violet H Mer 30 Avr 2014 - 16:32

A noiseless patient spider,
I mark’d where on a little promontory it stood isolated,
Mark’d how to explore the vacant vast surrounding,
It launch’d forth filament, filament, filament, out of itself,
Ever unreeling them, ever tirelessly speeding them.

And you O my soul where you stand,
Surrounded, detached, in measureless oceans of space,
Ceaselessly musing, venturing, throwing, seeking the spheres to connect them,
Till the bridge you will need be form’d, till the ductile anchor hold,
Till the gossamer thread you fling catch somewhere, O my soul.

A noiseless patient spider - Walt Whitman
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Message par Zwischending Jeu 1 Mai 2014 - 0:53

Vu qu'avait été évoquée dans les premiers messages du fil la question de l'audio, dans l'appréciation (et interprétation ?) des poèmes en langue étrangère, voici ce à quoi je me suis amusée, sur le poème posté plus haut, d'Allen Ginsberg (en adéquation au poème de Whitman posté par Violet H Wink)
- désolée pour les sifflantes -  : > Supermarket in California audio
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Message par Violet H Jeu 1 Mai 2014 - 0:59

J'aime tellement entendre les poèmes ! Very Happy
Et je suis définitivement fan d'Allen Ginsberg.
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Message par Invité Jeu 1 Mai 2014 - 1:11

No Man Is An Island


No man is an island,
Entire of itself,
Every man is a piece of the continent,
A part of the main.
If a clod be washed away by the sea,
Europe is the less.
As well as if a promontory were.
As well as if a manor of thy friend's
Or of thine own were:
Any man's death diminishes me,
Because I am involved in mankind,
And therefore never send to know for whom the bell tolls;
It tolls for thee. 


John Donne

P.S. Repris par Hemingway en introduction de son roman "For whom the bell Tolls"

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Message par Clausule Jeu 1 Mai 2014 - 1:45

Parisette a écrit:Tres joli poeme Pieyre.
Peut etre qu'un poeme en anglais te parlerait mieux musicalement si tu le lisais à voix haute.
Si j'ai la motivation ce week-end, je t'en lirai un (en mp3).

Un ami m'avait fait découvrir ce poeme de John Keats.
Ecoute cette version lue par Ben Whishaw. Les mots sont compliqués à comprendre mais ecoute juste le bercement des mots...



ça n'a rien à voir (ou pas):
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Message par Invité Jeu 1 Mai 2014 - 2:03

Clausule et Parisette, c'est juste... au delà de mots. Thanks

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Message par Ecureuil Jeu 1 Mai 2014 - 4:50

Garden Abstract



The apple on its bough is her desire,---
Shining suspension, mimic of the sun.
The bough has caught her breath up, and her voice,
Dumbly articulate in the slant and rise
Of branch on branch above her, blurs her eyes.
She is prisoner of the tree and its green fingers.

And so she comes to dream herself the tree,
The wind possessing her, weaving her young veins,
Holding her to the sky and its quick blue,
Drowning the fever of her hands in sunlight.
She has no memory, nor fear, nor hope
Beyond the grass and shadows at her feet.


Hart Crane
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Message par Princeton Jeu 1 Mai 2014 - 5:26

Wine Pulse by Charles Bukowski

this is another poem about 2 a.m. and how I’m still at the
machine listening to the radio and smoking a good
cigar.
hell, I don’t know, sometimes I feel just like Van Gogh or
Faulkner or,
say, Stravinsky, as I sip wine and type
and smoke and there’s no magic as gentle as this.
some critics say I write the same things over and over.
well, sometimes I do and sometimes I don’t, but when I do the
reason is that it feels so right, it’s like making love and
if you knew how good it felt you would forgive me
because we both know how fickle happiness can be.
so I play the fool and say again that
it’s 2 a.m.
and that I am
Cezanne
Chopin
Celine
Chinaski
embracing everything:
the sweep of cigar smoke
another glass of wine
the beautiful young girls
the criminals and the killers
the lonely mad
the factory workers,
this machine here,
the radio playing,
I repeat it all again
and I’ll repeat it all forever
until the magic that happens to me
happens to you.
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Poem - Poema - Poesia - Gedicht - Wiersz  Empty Re: Poem - Poema - Poesia - Gedicht - Wiersz

Message par Clausule Jeu 1 Mai 2014 - 11:13

J'avais un poème de Marie Noël, que j'aime beaucoup, mais impossible de le retrouver sur internet..
Il commence par "Mon coeur d'enfant, un inconnu me l'a ravi". Peut-être que certains connaissent.
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Message par Ecureuil Jeu 1 Mai 2014 - 17:24

Todesfuge




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Message par Clausule Ven 20 Juin 2014 - 23:58

Après un rêve

Dans un sommeil que charmait ton image
Je rêvais le bonheur, ardent mirage,
Tes yeux étaient plus doux, ta voix pure et sonore,
Tu rayonnais comme un ciel éclairé par l'aurore;

Tu m'appelais et je quittais la terre
Pour m'enfuir avec toi vers la lumière,
Les cieux pour nous entr'ouvraient leurs nues,
Splendeurs inconnues, lueurs divines entrevues,

Hélas! Hélas! triste réveil des songes
Je t'appelle, ô nuit, rends-moi tes mensonges,

Reviens, reviens radieuse,
Reviens ô nuit mystérieuse!

(Anonyme, traduit de l'italien par Romain Bussine)

Ce poème mis en musique par Gabriel Fauré (certain connaissent peut-être d'autres versions, c'est la meilleure que j'aie trouvée)

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