Se définir en littérature.....
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Se définir en littérature.....
Je vous propose de poster des textes qui définiraient votre humeur du moment ou des états d'âme passés !
Je commence par Raymond Queneau, tiré du livre " Courir les rues, battre la campagne, Fendre les flots ":
Ce à quoi je répondrais " fluctuat nec mergitur". A votre tour !
Je commence par Raymond Queneau, tiré du livre " Courir les rues, battre la campagne, Fendre les flots ":
TEMPÊTE SOUS UN CRANE
"Noire est l'encre le long des digues
noire est la nuée autour des mâts
mais il y a des taches blanches
plus noires que l'horizon - là-bas
Faudra-t-il devenir dingue
et se perdre dans l'océan
le drame emplit la surface
de l'esprit cabossé- là-bas
Comment sortir de la tourmente
comment nager contre le flot
comment déphaser les sanglots
de la sirène alarmante
Un rai soudain vient à pâlir
l'oiseau s'envole et puis revient
apportant le brin de laurier
qui rend à l'eau sa verdeur primitive
mais le navire est-il sauvé ?
"Noire est l'encre le long des digues
noire est la nuée autour des mâts
mais il y a des taches blanches
plus noires que l'horizon - là-bas
Faudra-t-il devenir dingue
et se perdre dans l'océan
le drame emplit la surface
de l'esprit cabossé- là-bas
Comment sortir de la tourmente
comment nager contre le flot
comment déphaser les sanglots
de la sirène alarmante
Un rai soudain vient à pâlir
l'oiseau s'envole et puis revient
apportant le brin de laurier
qui rend à l'eau sa verdeur primitive
mais le navire est-il sauvé ?
Ce à quoi je répondrais " fluctuat nec mergitur". A votre tour !
claudius33- Messages : 26
Date d'inscription : 15/09/2014
Age : 51
Localisation : Pluton
Re: Se définir en littérature.....
Bonjour Claudius,
Bon courage pour maintenir le navire à flots.
Mon humeur du moment, en Pessoa !
Lorsque je dors de nombreux rêves, je sors dans la rue, les yeux grands ouverts, mais voguant encore dans leur sillage et leur assurance. Et je suis stupéfié de mon automatisme, qui fait que les autres m’ignorent. Car je traverse la vie quotidienne sans lâcher la main de ma nourrice astrale, tandis que mes pas au long des rues s’accordent et s’harmonisent aux desseins obscurs de mon imagination semi-dormante. Et cependant je marche normalement ; je ne trébuche pas, je réponds correctement ; j’existe.
Mais au premier instant de répit, dès que je n’ai plus besoin de surveiller ma marche, pour éviter des véhicules ou ne pas gêner les passants, dès que je n’ai plus à parler au premier venu, ni la pénible obligation de franchir une porte toute proche – alors je pars de nouveau sur les eaux du rêve, comme un bateau de papier à bouts pointus, et je retourne une nouvelle fois à l’illusion languissante qui avait bercé ma vague conscience du matin naissant, au son des carrioles qui légumisent.
C’est alors au beau milieu de la vie, que le rêve déploie ses vastes cinémas. Je descends une rue irréelle de la Ville Basse, et la réalité des vies qui n’existent pas m’enveloppe tendrement le front d’un chiffon blanc de fausses réminiscences. Je suis navigateur, sur une mer ignorée de moi-même. J’ai triomphé de tout, là où je ne suis jamais allé. Et c’est une brise nouvelle que cette somnolence dans laquelle je peux avancer, penché en avant pour cette marche sur l’impossible.
Chacun de nous a son propre alcool. Je trouve assez d’alcool dans le fait d’exister. Ivre de me sentir, j’erre et marche bien droit. Si c’est l’heure, je reviens à mon bureau, comme tout le monde. Si ce n’est pas l’heure encore, je vais jusqu’au fleuve pour regarder le fleuve, comme tout le monde. Je suis pareil. Et derrière tout cela, il y a mon ciel, où je me constelle en cachette et où je possède mon infini.
Le livre de l'intranquillité - Fernando Pessoa
Bon courage pour maintenir le navire à flots.
Mon humeur du moment, en Pessoa !
Lorsque je dors de nombreux rêves, je sors dans la rue, les yeux grands ouverts, mais voguant encore dans leur sillage et leur assurance. Et je suis stupéfié de mon automatisme, qui fait que les autres m’ignorent. Car je traverse la vie quotidienne sans lâcher la main de ma nourrice astrale, tandis que mes pas au long des rues s’accordent et s’harmonisent aux desseins obscurs de mon imagination semi-dormante. Et cependant je marche normalement ; je ne trébuche pas, je réponds correctement ; j’existe.
Mais au premier instant de répit, dès que je n’ai plus besoin de surveiller ma marche, pour éviter des véhicules ou ne pas gêner les passants, dès que je n’ai plus à parler au premier venu, ni la pénible obligation de franchir une porte toute proche – alors je pars de nouveau sur les eaux du rêve, comme un bateau de papier à bouts pointus, et je retourne une nouvelle fois à l’illusion languissante qui avait bercé ma vague conscience du matin naissant, au son des carrioles qui légumisent.
C’est alors au beau milieu de la vie, que le rêve déploie ses vastes cinémas. Je descends une rue irréelle de la Ville Basse, et la réalité des vies qui n’existent pas m’enveloppe tendrement le front d’un chiffon blanc de fausses réminiscences. Je suis navigateur, sur une mer ignorée de moi-même. J’ai triomphé de tout, là où je ne suis jamais allé. Et c’est une brise nouvelle que cette somnolence dans laquelle je peux avancer, penché en avant pour cette marche sur l’impossible.
Chacun de nous a son propre alcool. Je trouve assez d’alcool dans le fait d’exister. Ivre de me sentir, j’erre et marche bien droit. Si c’est l’heure, je reviens à mon bureau, comme tout le monde. Si ce n’est pas l’heure encore, je vais jusqu’au fleuve pour regarder le fleuve, comme tout le monde. Je suis pareil. Et derrière tout cela, il y a mon ciel, où je me constelle en cachette et où je possède mon infini.
Le livre de l'intranquillité - Fernando Pessoa
Basilice- Messages : 1936
Date d'inscription : 01/11/2012
Localisation : Tout dépend des moments
Re: Se définir en littérature.....
j'adore ce sujet! Merci claudius
Un passage qui m'a marquée par sa justesse lors de ma dernière lectureAlessandro Baricco, Homère Iliade [Chryséis après avoir été rendue à son père par Agamemnon]
Pouvez-vous imaginer ce que fut, après, ma vie? Parfois je rêve de poussière, d'armes, de richesses et de jeunes héros. C'est toujours le même endroit, sur la rive de la mer. Il y a une odeur de sang et d'hommes. Je vis là, et le rois des rois jette au vent sa vie et son peuple, pour moi : pour ma beauté et pour ma grâce. Quand je me réveille, mon père est là, près de moi. Il me caresse et me dit : tout est fini, ma fille. Dors. Tout est fini.
Pouvez-vous imaginer ce que fut, après, ma vie? Parfois je rêve de poussière, d'armes, de richesses et de jeunes héros. C'est toujours le même endroit, sur la rive de la mer. Il y a une odeur de sang et d'hommes. Je vis là, et le rois des rois jette au vent sa vie et son peuple, pour moi : pour ma beauté et pour ma grâce. Quand je me réveille, mon père est là, près de moi. Il me caresse et me dit : tout est fini, ma fille. Dors. Tout est fini.
Re: Se définir en littérature.....
Je suis bien d'accord, c'est une excellente idée de sujet, merci Claudius !
Cela ne concerne pas spécialement mon humeur du moment, mais quand on me parle de se définir en littérature, je pense tout de suite à cette citation, à laquelle je reviens souvent :
(C'est un extrait d'une de ses lettres).
Cela ne concerne pas spécialement mon humeur du moment, mais quand on me parle de se définir en littérature, je pense tout de suite à cette citation, à laquelle je reviens souvent :
Jean de Tinan a écrit:« Je crois que de moi et de ceux qui me ressemblent, on pourrait dire qu'ils miment la vie au lieu de la vivre, en croyant la vivre - ils font des gestes - Ils baisent des mains, ou ils écrivent des livres, ils sanglotent d'amour, ou ils causent avec leur éditeur ; comme des Pierrots de comédie italienne. Ils ne sont même pas sincères : ils miment. Et puis un jour ils s'aperçoivent qu'ils sont vides, qu'ils n'existent pas. Et ils continuent à mimer, par habitude, par paresse - ou bien ils deviennent enragés, veulent se conquérir, s'efforcent par tous les moyens, et alors ... échouent ou réussissent ? »
(C'est un extrait d'une de ses lettres).
Invité- Invité
Re: Se définir en littérature.....
"Vivre, aimer, tout est là. Le reste est ignorance..."
Victor Hugo, La légende des Siècles.
Victor Hugo, La légende des Siècles.
claudius33- Messages : 26
Date d'inscription : 15/09/2014
Age : 51
Localisation : Pluton
Re: Se définir en littérature.....
Bonjour
Un des textes les plus vertigineux qu'il m'ait été donné de lire. Je n'ai pas envie de le commenter. Est-il commentable ?
Les choses infiniment précieuses se suffisent à elle-mêmes.
Voici le lien de la Bibliothèque de Babel de Borges :
http://www.geekmaispastrop.com/wp-content/uploads/2010/04/bibliotheque-de-babel-jorge-louis-borges.pdf
Bonne lecture
Un des textes les plus vertigineux qu'il m'ait été donné de lire. Je n'ai pas envie de le commenter. Est-il commentable ?
Les choses infiniment précieuses se suffisent à elle-mêmes.
Voici le lien de la Bibliothèque de Babel de Borges :
http://www.geekmaispastrop.com/wp-content/uploads/2010/04/bibliotheque-de-babel-jorge-louis-borges.pdf
Bonne lecture
Thybo- Messages : 315
Date d'inscription : 09/08/2015
Localisation : Dunwich
Re: Se définir en littérature.....
Rimbaud...
Ô saisons ô châteaux,
Quelle âme est sans défauts ?
Ô saisons, ô châteaux,
J'ai fait la magique étude
Du Bonheur, que nul n'élude.
Ô vive lui, chaque fois
Que chante son coq gaulois.
Mais ! je n'aurai plus d'envie,
Il s'est chargé de ma vie.
Ce Charme ! il prit âme et corps.
Et dispersa tous efforts.
Que comprendre à ma parole ?
Il fait qu'elle fuie et vole !
Ô saisons, ô châteaux !
Et, si le malheur m'entraîne,
Sa disgrâce m'est certaine.
Il faut que son dédain, las !
Me livre au plus prompt trépas !
- Ô Saisons, ô Châteaux !
Ô saisons, ô châteaux
Ô saisons ô châteaux,
Quelle âme est sans défauts ?
Ô saisons, ô châteaux,
J'ai fait la magique étude
Du Bonheur, que nul n'élude.
Ô vive lui, chaque fois
Que chante son coq gaulois.
Mais ! je n'aurai plus d'envie,
Il s'est chargé de ma vie.
Ce Charme ! il prit âme et corps.
Et dispersa tous efforts.
Que comprendre à ma parole ?
Il fait qu'elle fuie et vole !
Ô saisons, ô châteaux !
Et, si le malheur m'entraîne,
Sa disgrâce m'est certaine.
Il faut que son dédain, las !
Me livre au plus prompt trépas !
- Ô Saisons, ô Châteaux !
Invité- Invité
Re: Se définir en littérature.....
Verlaine
Charleroi
Dans l'herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire.
Quoi donc se sent ?
L'avoine siffle.
Un buisson gifle
L'oeil au passant.
Plutôt des bouges
Que des maisons.
Quels horizons
De forges rouges !
On sent donc quoi ?
Des gares tonnent,
Les yeux s'étonnent,
Où Charleroi ?
Parfums sinistres !
Qu'est-ce que c'est?
Quoi bruissait
Comme des sistres?
Sites brutaux !
Oh ! votre haleine,
Sueur humaine,
Cris des métaux !
Dans l'herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire
Charleroi
Dans l'herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire.
Quoi donc se sent ?
L'avoine siffle.
Un buisson gifle
L'oeil au passant.
Plutôt des bouges
Que des maisons.
Quels horizons
De forges rouges !
On sent donc quoi ?
Des gares tonnent,
Les yeux s'étonnent,
Où Charleroi ?
Parfums sinistres !
Qu'est-ce que c'est?
Quoi bruissait
Comme des sistres?
Sites brutaux !
Oh ! votre haleine,
Sueur humaine,
Cris des métaux !
Dans l'herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire
Thybo- Messages : 315
Date d'inscription : 09/08/2015
Localisation : Dunwich
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