Epistémo-mo-th**f***er
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Epistémo-mo-th**f***er
J'aime bien les sciences en générale donc l'épistémologie par extension (si vous avez des bons bouquins au passage je suis preneur de titre et d'auteurs).
Il y a une dichotomie assez simple qui me taraude.
Avez vous déjà eu à faire à deux grands principes que seraient la démarche inductive (données => hypothèse) d'une part et la démarche hypothéticodéductive (hypothèse => méthodologie => données) d'autre part ? Sans sources, comme ça je sais qu'elles sont souvent mises en opposition et que c'est un vieux débat.
J'en déduis que ces principes supposent qu'il est possible pour l'humain d'émettre des hypothèses sur le monde sans se baser sur les données.
Cette supposition est absurde puisque toute hypothèse émerge d'une réflexion et d'une analyse des données même non voulu.
Du coup, je ne comprends pas cette dichotomie.
J'ai fais quelque recherches infructueuses.
Je me dis que peut être vous avez déjà réglé ce problème.
Help.
Merci.
Il y a une dichotomie assez simple qui me taraude.
Avez vous déjà eu à faire à deux grands principes que seraient la démarche inductive (données => hypothèse) d'une part et la démarche hypothéticodéductive (hypothèse => méthodologie => données) d'autre part ? Sans sources, comme ça je sais qu'elles sont souvent mises en opposition et que c'est un vieux débat.
J'en déduis que ces principes supposent qu'il est possible pour l'humain d'émettre des hypothèses sur le monde sans se baser sur les données.
Cette supposition est absurde puisque toute hypothèse émerge d'une réflexion et d'une analyse des données même non voulu.
Du coup, je ne comprends pas cette dichotomie.
J'ai fais quelque recherches infructueuses.
Je me dis que peut être vous avez déjà réglé ce problème.
Help.
Merci.
Re: Epistémo-mo-th**f***er
En utilisant la distinction de Jean-Pierre Changeux entre percepts et concepts, on peut exprimer les choses ainsi :
— il y a en nous des percepts;
— les percepts (éventuellement avec des concepts) permettent d'obtenir des concepts;
— on peut tester l'adéquation d'un concept avec des percepts;
— les concepts (éventuellement avec des percepts) permettent d'obtenir d'autres concepts;
— éventuellement, il y a en nous des concepts, indépendamment de percepts.
À partir de simples concepts, on peut en obtenir d'autres. Ainsi en mathématique, et les théories physiques sont mathématiques.
C'est par exemple le cas de la découverte de la planète Neptune, prévue par Le Verrier au moyen du calcul, grâce auquel Galle put l'observer. Ce qui fit dire à Arago que Le Verrier « vit le nouvel astre au bout de sa plume ». Mais bien sûr cela dépendait d'observations antérieures, qui indiquaient des perturbations non comprises de l'orbite de la planète Uranus.
Dernière édition par Pieyre le Jeu 22 Jan 2015 - 16:49, édité 1 fois (Raison : précisions)
Pieyre- Messages : 20908
Date d'inscription : 17/03/2012
Localisation : Quartier Latin
Re: Epistémo-mo-th**f***er
J'ai encore du mal à me restreindre à des titres sobres. Je mets ça sur le compte de la jeunesse. Elle a bon dos.
Merci d'introduire ces "concepts" que je ne connaissais pas. A mon sens cela reste une démarche en boucle (ouverte) et c'est en partie ce vers quoi je voulais amener.
C'est à dire qu'il y a retour de confrontation entre ce qui est pensé du monde à partir d'une expérience primaire pour la modifier, l'adapter. Quelqu'un de têtu persistera à demander : "certes, mais au début, au tout début, par quoi les choses commencent ?"
Ce type de réflexion amène à considérer qu'il y a un début et une fin à tout et que la continuité ne puisse pas intervenir dans ce genre de problématique.
Je me demande comment ne pas arriver à une telle conclusion (celle du fonctionnement en boucle ouverte) assez rapidement ainsi que ce qui a pu empêcher l'intervention de ce genre de contradiction dans les esprit (des scientifiques/philosophes des sciences). Je sais que la systémique et la notion de rétroaction n'est venue s'introduire que tard mais quand même ...
Merci d'introduire ces "concepts" que je ne connaissais pas. A mon sens cela reste une démarche en boucle (ouverte) et c'est en partie ce vers quoi je voulais amener.
C'est à dire qu'il y a retour de confrontation entre ce qui est pensé du monde à partir d'une expérience primaire pour la modifier, l'adapter. Quelqu'un de têtu persistera à demander : "certes, mais au début, au tout début, par quoi les choses commencent ?"
Ce type de réflexion amène à considérer qu'il y a un début et une fin à tout et que la continuité ne puisse pas intervenir dans ce genre de problématique.
Je me demande comment ne pas arriver à une telle conclusion (celle du fonctionnement en boucle ouverte) assez rapidement ainsi que ce qui a pu empêcher l'intervention de ce genre de contradiction dans les esprit (des scientifiques/philosophes des sciences). Je sais que la systémique et la notion de rétroaction n'est venue s'introduire que tard mais quand même ...
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Mon auteur préféré est Karl Popper. Parmi ses livres, je retiens en particulier :Bibo a écrit:J'aime bien les sciences en générale donc l'épistémologie par extension (si vous avez des bons bouquins au passage je suis preneur de titre et d'auteurs).
Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance ;
La logique de la découverte scientifique ;
Conjecture et réfutations.
Cela dit, je ne les ai pas tous lus.
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Je ne sais pas si c'est bien ce que tu veux dire, mais en effet il y a un certain bouclage du système.Bibo a écrit:A mon sens cela reste une démarche en boucle (ouverte)
En notant P un ensemble de percepts, C un ensemble de concepts, & la combinaison des uns aux autres et => ce qui permet d'en obtenir, cela correspond aux règles :
— P => C
— C => C
— C & P => C
Mais il faut noter que le bouclage se fait surtout sur les concepts, qui peuvent être à l'origine ou au résultat. Les percepts quant à eux ne sont qu'à l'origine.
En gros, la démarche inductive c'est P => C, la démarche hypothético-déductive C1 & P => C2 (une sorte d'induction généralisée) et le raisonnement mathématique (notamment déductif) C1 => C2.
Mais, ce qui est proprement physique et non simplement mathématique, c'est le rapport au réel, c'est-à-dire le fait que des percepts se forment en nous et le fait qu'on puisse tester l'adéquation de concepts au réel, enfin ce que nous percevons du réel, c'est-à-dire encore des percepts. C'est ce qui exprime plus clairement encore que les percepts sont toujours à l'origine et non à une position quelconque d'un système qui bouclerait dans tous les sens.
On peut donc réécrire plus précisément la démarche inductive :
— P (obtenu par observation)
— P => C (induction d'un modèle hypothétique)
et la démarche hypothético-déductive :
— C1, obtenu auparavant, par exemple par la démarche inductive, est pris comme hypothèse
— P (obtenu selon de nouvelles observations)
— test d'adéquation de P et d'éléments de C1, dont certains sont réfutés; on les ôte, d'où C'1
— C'1 & P => C2 (induction d'un nouveau modèle, qui corrige ou englobe C1)
— Au début il y a des perceptions, ou même simplement des sensations si l'on considère que la perception est un mécanisme complexe qui transmet les sensations à la conscience. En ce sens on pourrait considérer que les percepts sont des concepts, en partie inconscients, et les distinguer des affects, qui eux ne le sont pas. Mais ce n'est pas si important.Quelqu'un de têtu persistera à demander : "certes, mais au début, au tout début, par quoi les choses commencent ?"
Ce type de réflexion amène à considérer qu'il y a un début et une fin à tout et que la continuité ne puisse pas intervenir dans ce genre de problématique.
— Juste après, il y a des conceptions primitives qui nous viennent dès lors qu'on perçoit.
— Toujours dans le même mouvement, il y a un jugement d'adéquation que nous établissons entre les deux : ça semble aller, ou alors ça ne va pas. C'est le sens de la réfutation au sens de Popper.
Cela fait déjà beaucoup comme début, non ?
Et même, on pourrait considérer le second de mes points en enlevant la perception, c'est-à-dire en envisageant que certains concepts nous viennent directement, selon la conception d'Idées platoniciennes qui existeraient indépendamment de nous, dans une autre réalité, d'où le fait qu'on puisse les percevoir, selon une autre perception.
Tout au moins il y a une version faible de cela, dans la construction mathématique, qui ne fonctionne pas que par déduction. Il y a en effet une sorte d'induction mathématique : dans C1 => C2, on prend appui sur C1 pour construire C2, qu'on n'aurait pu construire seul, mais il s'agit bien d'un mode primitif là aussi, donc d'un début.
Avec tout cela, qu'est-ce qui n'est pas début ? Eh bien c'est juste la déduction, c'est-à-dire la démonstration mathématique (le résultat je veux dire et non le processus), qu'on peut vérifier de façon automatique par logiciel, indépendamment de l'esprit humain.
C'est considérer que nous sommes essentiellement au début, alors que l'automatisme n'est qu'à la fin.
La systémique ajoute une dynamique, mais il n'empêche que tout raisonnement peut être ramené à des règles statiques.Je sais que la systémique et la notion de rétroaction n'est venue s'introduire que tard mais quand même ...
Pieyre- Messages : 20908
Date d'inscription : 17/03/2012
Localisation : Quartier Latin
Re: Epistémo-mo-th**f***er
@Cyril : Merci, j'avais fais un tour sur sa fiche wiki ... mais ne savait pas par quoi commencer.
@ Pieyre, dans ce modèle, le Percepts ne sont jamais reconfigurer / remis en question ?
Il ne servent que de bases (ou de marche intermédiaire) à l'évolution des Concepts ?
Je me dis que l'élaboration d'un Concept doit forcément venir déformer par l'hypothèse les perceptions, c'est à dire qu'un cadre est créé qui prend en compte le réel. Or si j'ai une vision nouvellement organisée de certaines données du réel, alors cela vient modifier mes Percepts, non ?
J'ai l'impression que tu abordes cette idée là :
Est-ce implicite ?
@ Pieyre, dans ce modèle, le Percepts ne sont jamais reconfigurer / remis en question ?
Il ne servent que de bases (ou de marche intermédiaire) à l'évolution des Concepts ?
Je me dis que l'élaboration d'un Concept doit forcément venir déformer par l'hypothèse les perceptions, c'est à dire qu'un cadre est créé qui prend en compte le réel. Or si j'ai une vision nouvellement organisée de certaines données du réel, alors cela vient modifier mes Percepts, non ?
J'ai l'impression que tu abordes cette idée là :
Seulement, n'est évoqué ici qu'une nouvelle observation et non pas une nouvelle observation sous l'éclairage des Concepts.Pieyre a écrit:
On peut donc réécrire plus précisément la démarche inductive :
— P (obtenu par observation)
— P => C (induction d'un modèle hypothétique)
et la démarche hypothético-déductive :
— C1, obtenu auparavant, par exemple par la démarche inductive, est pris comme hypothèse
— P (obtenu selon de nouvelles observations)
— test d'adéquation de P et d'éléments de C1, dont certains sont réfutés; on les ôte, d'où C'1
— C'1 & P => C2 (induction d'un nouveau modèle, qui corrige ou englobe C1)
Est-ce implicite ?
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Bibo a écrit:J'aime bien les sciences en générale donc l'épistémologie par extension (si vous avez des bons bouquins au passage je suis preneur de titre et d'auteurs).
En plus de Karl Popper donc :
Pour une bonne introduction : "Invitation à la philosophie des sciences" de Bernard Jarosson (1992)
Je conseille pour ma part la lecture de Bernard d'Espagnat. Il a écrit un paquet de bouquins, j'ai lu "Penser la science ou les enjeux du savoir (1990)" et "Le réel voilé - Analyse des concepts quantiques, Fayard, 1994". D'Espagnat écrit bien, et situe parfaitement les débats en jeu. J'aime beaucoup sa théorie du "réel voilé".
Aussi : "Jean-Pierre Changeux & Paul Ricœur. (1998) Ce qui nous fait penser" : un dialogue plutôt soutenu entre un neuroscientifique et un philosophe sur les enjeux du savoir et de l'éthique. Passionnant !
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Canguilhem et Poincaré peuvent aussi être intéressants. Feyerabend également.
Invité- Invité
Re: Epistémo-mo-th**f***er
eXistenZ a écrit:...Feyerabend également.
Et donc Thomas Kuhn .
Et Gaston Bachelard non ?
Re: Epistémo-mo-th**f***er
En effet, c'est une difficulté du modèle percepts / concepts. Je ne sais pas ce qu'en pense Changeux, que je n'ai pas lu, mais c'est ce qui m'a conduit à mentionner la possibilité d'introduire des affects qui ne seraient constitués d'aucuns concepts.Bibo a écrit:Pieyre, dans ce modèle, le Percepts ne sont jamais reconfigurer / remis en question ?
Il ne servent que de bases (ou de marche intermédiaire) à l'évolution des Concepts ?
Je me dis que l'élaboration d'un Concept doit forcément venir déformer par l'hypothèse les perceptions, c'est à dire qu'un cadre est créé qui prend en compte le réel. Or si j'ai une vision nouvellement organisée de certaines données du réel, alors cela vient modifier mes Percepts, non ?
En fait j'emploie le terme de percept d'une façon assez abstraite, pour obtenir une caractérisation simple. Mais, d'après ce que j'ai compris, les percepts et les concepts ne sont que des processus neuronaux, qui émergent ou pas à la conscience. Les percepts proviennent des sens, mais le mécanisme de la perception les intègre sans doute au cerveau de façon conditionnée par les concepts qui leur sont apparentés. Ainsi quand on perçoit le ciel selon une certaine nuance de bleu, cela interagit avec des conceptions antérieurement acquises du ciel et du bleu. Quant aux concepts, il sont produit par la réflexion, mais à partir du stock de percepts et de concepts déjà présents, comme indiqué.
En fait, si l'on voulait établir mieux la présentation mathématique que j'ai indiquée, il vaudrait mieux remplacer le terme de percept par celui d'affect, ou de perception d'un quale (pluriel qualia), enfin un élément irréductible correspondant à nos sens. De même il vaudrait mieux remplacer le terme de concept par celui d'idée pure ou de modèle mathématique en tant que visés par la conscience.
Mais ce ne serait sans doute pas validé par Changeux, dans la mesure où l'on s'écarte de conceptions matérialistes. Il y a en effet selon moi un sens métaphysique à l'origine de la perception et de la conception.
Par ailleurs, je suis allé un peu vite pour caractériser ce qu'on appelle la démarche hypothético-déductive. J'ai présenté deux modèles de démarches inductives, la seconde qui généralise la première, c'est-à-dire deux méthodes de constitution d'un modèle explicatif. C'est que dans les deux cas le modèle obtenu est prédictif, sans qu'il y ait pourtant de déduction. La déduction est une méthode utilisée uniquement en mathématique, et ne saurait concerner le réel. Ce qu'on appelle déduction dans le modèle dit hypothético-déductif, c'est le fait que le modèle prédit par déduction la forme mathématique de certains phénomènes et qu'on peut ensuite tester la validité de cette forme en réalisant des observations de la réalité sous-jacente.
Dernière édition par Pieyre le Dim 25 Jan 2015 - 19:00, édité 1 fois (Raison : un mot pour un autre)
Pieyre- Messages : 20908
Date d'inscription : 17/03/2012
Localisation : Quartier Latin
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Harpo a écrit:eXistenZ a écrit:...Feyerabend également.
Et donc Thomas Kuhn .
Et Gaston Bachelard non ?
Ouais enfin Khun j'ai relevé quelques conneries dans ses bouquins...
Invité- Invité
Re: Epistémo-mo-th**f***er
En quoi ?Pieyre a écrit:
Mais ce ne serait sans doute pas validé par Changeux, dans la mesure où l'on s'écarte de conceptions matérialistes.
Merci Harpo pour les titres
Re: Epistémo-mo-th**f***er
J'ai commandé à Noël "Histoire populaire des sciences" par Clifford D. Conner. Pas vraiment de l'épistémologie, plus de l'histoire des sciences. Ca semble faire le lien, rétablir quelques idées reçues.
J'ai commencé aussi ""Introduction à la pensée complexe"" d'Edgar Morin. Mais c'était...complexe enfin, ça tombait pas super bien dans mon emploi du temps quand je l'ai loué à la bibliothèque donc pas pris le temps de lire plus du quart.
J'ai commencé aussi ""Introduction à la pensée complexe"" d'Edgar Morin. Mais c'était...complexe enfin, ça tombait pas super bien dans mon emploi du temps quand je l'ai loué à la bibliothèque donc pas pris le temps de lire plus du quart.
Thaïti Bob- Messages : 1850
Date d'inscription : 27/01/2012
Age : 37
Localisation : Avignon
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Je l'ai lu l'an dernier, avant de m'attaquer à La Méthode.Thaïti Bob a écrit:
J'ai commencé aussi ""Introduction à la pensée complexe"" d'Edgar Morin. Mais c'était...complexe enfin, ça tombait pas super bien dans mon emploi du temps quand je l'ai loué à la bibliothèque donc pas pris le temps de lire plus du quart.
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Changeux est matérialiste, autrement dit réductionniste. D'après ce que j'ai lu, il serait même déterministe, même si je ne connais pas sa position relativement à l'incidence des phénomènes quantiques dans le cerveau.Bibo a écrit:En quoi ?Pieyre a écrit:Mais ce ne serait sans doute pas validé par Changeux, dans la mesure où l'on s'écarte de conceptions matérialistes.
De ce point de vue matérialiste, la science construit, et pour cela il n'est pas forcément utile de se demander en vertu de quoi. Cela me paraît une éthique scientifique saine dans la mesure où elle se borne à être scientifique.
Mais, d'un point de vue humain, autrement dit selon une conception de la philosophie qui englobe la science sans s'y réduire, cela me paraît insuffisant.
Je sais bien que Changeux parle d'un matérialisme humaniste mais enfin, pour moi le matérialisme ne peut proposer qu'une conception fermée. Maintenant, cela peut suffire; tout le monde s'en moque du sens, du moment que ce n'est pas utile pour élaborer de nouveaux mécanismes; le sens, si l'on veut vraiment en dire quelque chose, eh bien c'est de s'éclater, non ?
Alors je reprends mon schéma en le précisant tout en le simplifiant :
— il nous vient des affects, de part le fait que nous existons au sein d'une réalité matérielle;
— ces affects donnent lieu à des percepts, c'est-à-dire des processus neuronaux qui leur sont associés, en relation avec d'autres processus neuronaux;
— il nous vient des concepts, c'est-à-dire des processus neuronaux associés à des formes idéelles, en relation avec d'autres processus neuronaux.
D'un point de vue purement rationnel, il n'y a donc plus que :
— P & C => C
Quand les concepts sont peu déterminants, il s'agit d'une induction simple, où percevoir nous permet de concevoir des objets formalisés.
Quand les percepts sont peu déterminants, il s'agit de déduction, c'est-à-dire de raisonnement mathématique (même si à un niveau élémentaire on peut juste parler de logique en un sens vague), ou alors de construction, c'est-à-dire de création.
Quand les deux sont déterminants, il s'agit d'une expérience scientifique (ou pré-scientifique), c'est-à-dire d'une induction dirigée intentionnellement dans le sens d'une acquisition de connaissance. Cela peut correspondre à la notion de démarche hypothético-déductive.
Ce que Changeux ne validerait peut-être pas, c'est que certains percepts nous arrivent sans être reliés à aucun autre processus neuronal. Ils émergent d'une réalité extérieure à notre cerveau, sans pour autant se présenter comme de simples phénomènes qui passent par nos sens. Au passage nous les éprouvons; c'est ce qui leur donne leur spécificité.
Et ce qu'il ne validerait sans doute pas, c'est que certains concepts qui nous viennent ne peuvent être interprétés comme des combinaisons d'autres processus neuronaux, mais qu'ils doivent dépendre d'une sorte de réalité platonicienne à partir de laquelle nous les reconnaissons.
Pieyre- Messages : 20908
Date d'inscription : 17/03/2012
Localisation : Quartier Latin
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Merci Pieyre pour ces explications.
Je ne comprends pas ce qui peut venir donner du grain à moudre à une vision matérialiste ? C'est un peu tautologique comme argumentaire non ?
Au contraire, il y a des indices d'une vérité objective qui n'est pas prédite par un modèle, qui nécessite la modification des modèles pour donner une cohérence à l'ensemble, chose qui nous amène à repenser la connaissance de base ... Si tout n'était que construit alors les modèles ne seraient pas falsifiables ? Si ?
A la limite je me dis que la vision matérialiste peut avoir du crédit si elles s'appliquent aux siens du vivants dans une certaine mesure, seulement elle ne peut s'attaquer à la physique. Donc, si elle n'est valable que pour une certaine partie des sciences elle ne peut relever d'une philosophie des sciences mais bien d'une philosophie d'une science.
Au contraire, il y a des indices d'une vérité objective qui n'est pas prédite par un modèle, qui nécessite la modification des modèles pour donner une cohérence à l'ensemble, chose qui nous amène à repenser la connaissance de base ... Si tout n'était que construit alors les modèles ne seraient pas falsifiables ? Si ?
A la limite je me dis que la vision matérialiste peut avoir du crédit si elles s'appliquent aux siens du vivants dans une certaine mesure, seulement elle ne peut s'attaquer à la physique. Donc, si elle n'est valable que pour une certaine partie des sciences elle ne peut relever d'une philosophie des sciences mais bien d'une philosophie d'une science.
Dernière édition par Bibo le Ven 6 Fév 2015 - 17:04, édité 1 fois
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Je ne suis pas sûr de bien répondre à toutes tes questions, mais tu pourras préciser.
La conception matérialiste concerne l'univers dans sa globalité. Elle affirme qu'il y a une substance matérielle qui constitue toute réalité, de sorte que les éléments de la nature et leurs phénomènes se suffisent à eux-mêmes, à leur formation, à leur mouvement et à leur développement. La conception de la matière ayant évolué, la substance peut être plutôt considérée comme une énergie ou un champ. Ainsi un champ permet de modéliser des phénomènes concernant des objets dont le paramètre varie en fonction du lieu de l'espace. Ils existent sans support matériel, mais ils nécessitent la présence de sources, où l'on retrouve ce qu'on entend par matière (champ électromagnétique, champ gravitationnel).
Bon, ça, ce n'est qu'un résumé de ce que je lis sur Wikipédia. Maintenant, pour faire le lien avec la perception humaine, je considère que ce champ de matière ou d'énergie, c'est ce qui correspond à nos sensations (quand nous touchons un objet, quand nous sommes affectés par la chaleur ou par un champ magnétique). C'est ce qui nous a conduit à considérer qu'il y avait une réalité objective en dehors de nous. À la frontière de nos perceptions, ou de nos sensations plutôt, nous éprouvons quelque chose qui n'est pas nous, en ce que nous le recherchons (quand nous ressentons du plaisir) ou nous le fuyons (quand c'est de la douleur). C'est subjectif mais, dans la mesure où nous pouvons nous entendre avec les autres subjectivités pour y distinguer une réalité de même nature, nous le considérons comme objectif et nous construisons des modèles qui en rendent compte.
Si je ramène le matérialisme à nous-mêmes, c'est parce que le seul critère d'adhésion à une conception c'est ce que nous appréhendons. Envisager un modèle du monde indépendamment de notre existence, quel sens cela pourrait-il en effet avoir ?
Mais, justement, en fonction de notre façon d'appréhender la réalité vécue, plusieurs voies s'offrent.
Je ressens, donc j'existe
On peut récuser la notion d'affect, c'est-à-dire considérer qu'elle se confond avec celle de percept. La sensation ne serait donc qu'une information. En gros, le plaisir, c'est une information qui nous permet de prendre en compte que quelque chose en nous s'accroît, la douleur que quelque chose diminue. Cela concerne notre survie et notre développement, donc c'est une information qui peut emplir le champ de notre conscience, mais ce n'est qu'une information. Nous pourrions donc ne pas en tenir compte, si nous nous entraînions à la maintenir dans des limites aussi restreintes que nous le voulons, pour exercer notre volonté d'une façon qui en reste aussi indépendante que possible.
Une telle conception me paraît intenable. En particulier, ce n'est pas parce qu'on peut contrôler sa souffrance, voire la supprimer qu'elle est réduite à l'état d'information objective, c'est-à-dire susceptible d'être décrite de façon exacte, de sorte qu'elle pourrait être transmise comme information à un autre que nous qui alors pourrait la comprendre comme nous la comprenons. La souffrance est personnelle. Elle n'est pas transmissible dans sa spécificité. Et il suffit d'avoir souffert une fois dans sa vie pour que la souffrance existe comme expérience singulière. Pour moi cela échappe au matérialisme.
Je pense, donc j'existe
Par ailleurs on peut récuser la notion d'idée pure, ou de forme idéelle. C'est-à-dire que l'on considérera que tout concept qui nous vient n'est jamais que la combinaison d'autres processus neuronaux, percepts et concepts. Il n'y a donc pas d'invention ou de création. Dans certaines circonstances, la complexité s'accroît d'elle-même, en fonction des lois physiques. Et en effet il y a des modélisations informatiques où, à partir d'objets et de lois d'évolution très simples, on parvient à des formes très complexes.
Là aussi cette conception me paraît intenable. On peut invoquer le premier théorème d'incomplétude de Gödel pour tenter de la récuser. En particulier, on sait que dès lors qu'une théorie est suffisamment complexe pour qu'on puisse y faire des calculs ordinaires, ce qui n'est pas grand-chose, eh bien il n'est pas possible d'obtenir une méthode mécanique pour tester si un énoncé est ou non un théorème. Cela signifierait qu'une simple combinaison des concepts ne peut pas permettre d'obtenir tous les concepts, autrement dit qu'il faut parfois inventer de nouveaux concepts. C'est discutable sans doute mais c'est pour mettre sur la voie du libre arbitre, qui seul me permet de rendre compte de la diversité des inventions ou créations. Et le libre arbitre échappe au matérialisme.
La conception matérialiste concerne l'univers dans sa globalité. Elle affirme qu'il y a une substance matérielle qui constitue toute réalité, de sorte que les éléments de la nature et leurs phénomènes se suffisent à eux-mêmes, à leur formation, à leur mouvement et à leur développement. La conception de la matière ayant évolué, la substance peut être plutôt considérée comme une énergie ou un champ. Ainsi un champ permet de modéliser des phénomènes concernant des objets dont le paramètre varie en fonction du lieu de l'espace. Ils existent sans support matériel, mais ils nécessitent la présence de sources, où l'on retrouve ce qu'on entend par matière (champ électromagnétique, champ gravitationnel).
Bon, ça, ce n'est qu'un résumé de ce que je lis sur Wikipédia. Maintenant, pour faire le lien avec la perception humaine, je considère que ce champ de matière ou d'énergie, c'est ce qui correspond à nos sensations (quand nous touchons un objet, quand nous sommes affectés par la chaleur ou par un champ magnétique). C'est ce qui nous a conduit à considérer qu'il y avait une réalité objective en dehors de nous. À la frontière de nos perceptions, ou de nos sensations plutôt, nous éprouvons quelque chose qui n'est pas nous, en ce que nous le recherchons (quand nous ressentons du plaisir) ou nous le fuyons (quand c'est de la douleur). C'est subjectif mais, dans la mesure où nous pouvons nous entendre avec les autres subjectivités pour y distinguer une réalité de même nature, nous le considérons comme objectif et nous construisons des modèles qui en rendent compte.
Si je ramène le matérialisme à nous-mêmes, c'est parce que le seul critère d'adhésion à une conception c'est ce que nous appréhendons. Envisager un modèle du monde indépendamment de notre existence, quel sens cela pourrait-il en effet avoir ?
Mais, justement, en fonction de notre façon d'appréhender la réalité vécue, plusieurs voies s'offrent.
Je ressens, donc j'existe
On peut récuser la notion d'affect, c'est-à-dire considérer qu'elle se confond avec celle de percept. La sensation ne serait donc qu'une information. En gros, le plaisir, c'est une information qui nous permet de prendre en compte que quelque chose en nous s'accroît, la douleur que quelque chose diminue. Cela concerne notre survie et notre développement, donc c'est une information qui peut emplir le champ de notre conscience, mais ce n'est qu'une information. Nous pourrions donc ne pas en tenir compte, si nous nous entraînions à la maintenir dans des limites aussi restreintes que nous le voulons, pour exercer notre volonté d'une façon qui en reste aussi indépendante que possible.
Une telle conception me paraît intenable. En particulier, ce n'est pas parce qu'on peut contrôler sa souffrance, voire la supprimer qu'elle est réduite à l'état d'information objective, c'est-à-dire susceptible d'être décrite de façon exacte, de sorte qu'elle pourrait être transmise comme information à un autre que nous qui alors pourrait la comprendre comme nous la comprenons. La souffrance est personnelle. Elle n'est pas transmissible dans sa spécificité. Et il suffit d'avoir souffert une fois dans sa vie pour que la souffrance existe comme expérience singulière. Pour moi cela échappe au matérialisme.
Je pense, donc j'existe
Par ailleurs on peut récuser la notion d'idée pure, ou de forme idéelle. C'est-à-dire que l'on considérera que tout concept qui nous vient n'est jamais que la combinaison d'autres processus neuronaux, percepts et concepts. Il n'y a donc pas d'invention ou de création. Dans certaines circonstances, la complexité s'accroît d'elle-même, en fonction des lois physiques. Et en effet il y a des modélisations informatiques où, à partir d'objets et de lois d'évolution très simples, on parvient à des formes très complexes.
Là aussi cette conception me paraît intenable. On peut invoquer le premier théorème d'incomplétude de Gödel pour tenter de la récuser. En particulier, on sait que dès lors qu'une théorie est suffisamment complexe pour qu'on puisse y faire des calculs ordinaires, ce qui n'est pas grand-chose, eh bien il n'est pas possible d'obtenir une méthode mécanique pour tester si un énoncé est ou non un théorème. Cela signifierait qu'une simple combinaison des concepts ne peut pas permettre d'obtenir tous les concepts, autrement dit qu'il faut parfois inventer de nouveaux concepts. C'est discutable sans doute mais c'est pour mettre sur la voie du libre arbitre, qui seul me permet de rendre compte de la diversité des inventions ou créations. Et le libre arbitre échappe au matérialisme.
Pieyre- Messages : 20908
Date d'inscription : 17/03/2012
Localisation : Quartier Latin
Re: Epistémo-mo-th**f***er
J'avais une mauvaise compréhension du matérialisme. Mon dernier poste ne veut donc pas dire grand chose, mais il est agréable de te sentir dans ma tête en quelque sorte, n'ayant pas besoin de correctes formulations pour alimenter l'objet de questionnement.
J'y reviendrais.
J'y reviendrais.
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Je dirais en effet que chaque souffrance est spécifique, que cela soit celle d'autrui vécue par nous ou celle d'autrui vécue par autrui, simplement parce que ces perceptions sont dépendantes de spécificités sensitives du matériel biologique neuronal de chacun. Il me semble donc que cette spécificité est ontologiquement présente, ce qui veut dire qu'un métarialisme pur n'existerait pas en tant que capacité à identifier de manière objective un réel. Or, cet absolu n'est pas nécessaire à mon sens pour identifier un monde qui échapperait à nos sens premiers. Et quand bien même, je crois que nous pourrons un jour ou l'autre avoir accès au comment de la capacité de chacun à avoir une perceptions spécifique. Je pense donc que cela échappe au materialisme pour l'instant, mais plus pour longtemp.Pieyre a écrit:
La souffrance est personnelle. Elle n'est pas transmissible dans sa spécificité. Et il suffit d'avoir souffert une fois dans sa vie pour que la souffrance existe comme expérience singulière. Pour moi cela échappe au matérialisme.
Pourquoi ? Est ce que le concept de capacité émergente ne vient pas régler ce problème ? Il y a une création car elle est non réductible mais dépendante de processus précédents/sous-jacents.Pieyre a écrit:
Par ailleurs on peut récuser la notion d'idée pure, ou de forme idéelle. C'est-à-dire que l'on considérera que tout concept qui nous vient n'est jamais que la combinaison d'autres processus neuronaux, percepts et concepts. Il n'y a donc pas d'invention ou de création.
Re: Epistémo-mo-th**f***er
J'ai formulé les deux points de façon assez affirmative. Mais, dans la mesure où j'en donne une interprétation non matérialiste, il ne m'est pas possible de la justifier complètement. Si je veux être cohérent avec moi-même, cela ne sera même jamais possible.
Si l'on pousse le matérialisme jusqu'au bout, tout ce qu'il exprime, c'est que le monde est une structure mathématique, on pourrait dire une procédure informatique pour rendre compte de l'aspect temporel, même si ce n'est pas un temps psychologique, donc rien de si différent de l'espace. Et une structure mathématique se suffit à elle-même. Il ne sert à rien de dire qu'elle n'est pas tout, puisque, ce mot, tout, n'est pas définissable.
Aussi tes deux objections tiennent dans le principe, si l'on se place de l'intérieur du matérialisme, qui est le domaine même de la création de concepts explicites. Tout ce que je peux faire, c'est de tenter d'en montrer les limites, de sorte qu'on les formule de façon plus pertinente encore. C'est frustrant, mais je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus, sinon m'exprimer sous une forme morale ou esthétique, pour tenter de déborder les limites de la science. Rajouter encore de la raison à ce qui est, pour en montrer mieux l'incomplétude, ou retrancher encore de la raison à ce qui existe, pour en montrer mieux la singularité, deux voies possibles...
Ainsi, du côté de la perception, quand bien même on préciserait davantage les caractéristiques du plaisir ou de la douleur de façon biologique, au point par exemple de pouvoir déterminer l'intensité de cette dernière sans avoir recours à une estimation subjective de la part du patient, cela ne retirerait rien au fait qu'elle soit ressentie avec cette intensité. Certes on pourrait mieux comprendre à quel point autrui souffre, que ce soit douleur physique ou douleur psychique, et sans doute mieux lui apporter un soulagement, mais en quoi cela modifierait-il la singularité de cette douleur ? Aussi, considérer la souffrance comme une information qu'on pourrait traiter subjectivement de façon à ne plus souffrir, ou bien la considérer comme une illusion due à l'imperfection de notre condition terrestre, cela ne me convient pas.
Ainsi, du côté de la conception, la notion de capacité émergente ne fait que mettre en évidence l'accroissement de complexité qui peut se produire spontanément, enfin en vertu des lois d'évolution considérées. Les phénomènes ne correspondent pas à des lois linéaires, ils sont contraints par les limites de leur milieu de sorte qu'apparaissent des effets inattendus, il y a des boucles de rétroaction, et même il y a des effets quantiques qui échappent au déterminisme strict. Dans notre perspective, il est intéressant d'étudier tout cela pour comprendre mieux pourquoi on ne saurait prétendre démontrer le libre arbitre (ainsi le théorème d'incomplétude de la logique à strictement parler ne prouve rien). Mais cela permet aussi de comprendre pourquoi il n'est pas même exprimable rationnellement, donc que sa négation n'est pas démontrable non plus. En effet, ce dont on construit un modèle prédictif, ce n'est que de la physique ordinaire, aussi complexe soit-elle. Et pourtant je ne connais personne qui au quotidien admettrait qu'il se conduit comme un robot.
Si l'on pousse le matérialisme jusqu'au bout, tout ce qu'il exprime, c'est que le monde est une structure mathématique, on pourrait dire une procédure informatique pour rendre compte de l'aspect temporel, même si ce n'est pas un temps psychologique, donc rien de si différent de l'espace. Et une structure mathématique se suffit à elle-même. Il ne sert à rien de dire qu'elle n'est pas tout, puisque, ce mot, tout, n'est pas définissable.
Aussi tes deux objections tiennent dans le principe, si l'on se place de l'intérieur du matérialisme, qui est le domaine même de la création de concepts explicites. Tout ce que je peux faire, c'est de tenter d'en montrer les limites, de sorte qu'on les formule de façon plus pertinente encore. C'est frustrant, mais je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus, sinon m'exprimer sous une forme morale ou esthétique, pour tenter de déborder les limites de la science. Rajouter encore de la raison à ce qui est, pour en montrer mieux l'incomplétude, ou retrancher encore de la raison à ce qui existe, pour en montrer mieux la singularité, deux voies possibles...
Ainsi, du côté de la perception, quand bien même on préciserait davantage les caractéristiques du plaisir ou de la douleur de façon biologique, au point par exemple de pouvoir déterminer l'intensité de cette dernière sans avoir recours à une estimation subjective de la part du patient, cela ne retirerait rien au fait qu'elle soit ressentie avec cette intensité. Certes on pourrait mieux comprendre à quel point autrui souffre, que ce soit douleur physique ou douleur psychique, et sans doute mieux lui apporter un soulagement, mais en quoi cela modifierait-il la singularité de cette douleur ? Aussi, considérer la souffrance comme une information qu'on pourrait traiter subjectivement de façon à ne plus souffrir, ou bien la considérer comme une illusion due à l'imperfection de notre condition terrestre, cela ne me convient pas.
Ainsi, du côté de la conception, la notion de capacité émergente ne fait que mettre en évidence l'accroissement de complexité qui peut se produire spontanément, enfin en vertu des lois d'évolution considérées. Les phénomènes ne correspondent pas à des lois linéaires, ils sont contraints par les limites de leur milieu de sorte qu'apparaissent des effets inattendus, il y a des boucles de rétroaction, et même il y a des effets quantiques qui échappent au déterminisme strict. Dans notre perspective, il est intéressant d'étudier tout cela pour comprendre mieux pourquoi on ne saurait prétendre démontrer le libre arbitre (ainsi le théorème d'incomplétude de la logique à strictement parler ne prouve rien). Mais cela permet aussi de comprendre pourquoi il n'est pas même exprimable rationnellement, donc que sa négation n'est pas démontrable non plus. En effet, ce dont on construit un modèle prédictif, ce n'est que de la physique ordinaire, aussi complexe soit-elle. Et pourtant je ne connais personne qui au quotidien admettrait qu'il se conduit comme un robot.
Pieyre- Messages : 20908
Date d'inscription : 17/03/2012
Localisation : Quartier Latin
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Pieyre a écrit:c'est que le monde est une structure mathématique, on pourrait dire une procédure informatique pour rendre compte de l'aspect temporel
Mouais, c'est discutable...
Invité- Invité
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Qu'est-ce qui est discutable ?
Ta citation donne à penser que j'avais cette conception, ce qui n'est pas le cas.
Ce qui est discutable, c'est qu'il soit légitime de croire cela, ou bien c'est que c'est une conséquence d'un matérialisme strict ?
Ta citation donne à penser que j'avais cette conception, ce qui n'est pas le cas.
Ce qui est discutable, c'est qu'il soit légitime de croire cela, ou bien c'est que c'est une conséquence d'un matérialisme strict ?
Dernière édition par Pieyre le Mar 10 Fév 2015 - 19:19, édité 1 fois (Raison : expression)
Pieyre- Messages : 20908
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Localisation : Quartier Latin
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Pieyre a écrit: Dans notre perspective, il est intéressant d'étudier tout cela pour comprendre mieux pourquoi on ne saurait prétendre démontrer le libre arbitre (ainsi le théorème d'incomplétude de la logique à strictement parler ne prouve rien). Mais cela permet aussi de comprendre pourquoi il n'est pas même exprimable rationnellement, donc que sa négation n'est pas démontrable non plus. En effet, ce dont on construit un modèle prédictif, ce n'est que de la physique ordinaire, aussi complexe soit-elle. Et pourtant je ne connais personne qui au quotidien admettrait qu'il se conduit comme un robot.
Est ce que d'une quelconque manière, si nous arrivons à prédire le comportement d'un individu à 100%, c'est à dire, si nous arrivont à projeter sur une écran ses images mentales et perceptions de toutes sortes et si des modèles prédictifs peuvent déterminer ce que chaque individu pourrait créer (mot qui perdrait au passage son sens) ou faire, alors, nous pourrions falsifier ton hypothèse ?
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Admettons que l'on puisse se représenter de façon extrêmement précise tout ce qui se passe au sein d'un individu. Ce serait toujours avec une précision limitée, ce qui entacherait toute prédiction, en raison de la sensibilité aux conditions initiales et de l'accroissement de la complexité (chaos déterministe, sans parler d'événements quantiques). D'ailleurs je me demande si l'on n'aurait pas le même problème avec le fonctionnement de nombre de mécanismes. Cela à moins de disposer un jour d'un ordinateur quantique, dont on annonce qu'il pourrait reproduire le fonctionnement de l'univers dans son ensemble.
Et puis le problème, avec le libre arbitre, c'est qu'il faudrait pouvoir formuler une hypothèse scientifique de ce qui est appréhendé en son fondement comme non rationnel. Je ne dis pas que ce soit voué d'avance à l'échec, si l'on était assuré que, pour un certain nombre de choix, le libre arbitre devait forcément se manifester. On aurait donc un modèle restreint du libre arbitre, ou de son mode d'action, qui serait réfutable.
Mais dans quel domaine privilégié de choix pourrait-on réaliser des observations déterminantes ?
Je ne considère pas que le libre arbitre consiste dans le fait de choisir d'une façon globale d'effectuer telle ou telle action ni même de développer telle ou telle réflexion. Ce serait plutôt comme une instance de contrôle, à la façon d'un employé chargé de vérifier la conformité (ici technique mais cela pourrait être aussi esthétique ou morale) de pièces sortant d'un moule, et qui en rejette une de temps à autre. Je crois que le libre arbitre existe en permanence en nous comme puissance, mais qu'en acte, parce que notre corps et notre esprit sont ajustés pour la survie et la réalisation d'une façon extrêmement fine, nous nous contentons de laisser en nous s'exprimer des choix automatiques ou de valider des réflexions qui nous paraissent amener à des résultats intéressants.
Et puis le problème, avec le libre arbitre, c'est qu'il faudrait pouvoir formuler une hypothèse scientifique de ce qui est appréhendé en son fondement comme non rationnel. Je ne dis pas que ce soit voué d'avance à l'échec, si l'on était assuré que, pour un certain nombre de choix, le libre arbitre devait forcément se manifester. On aurait donc un modèle restreint du libre arbitre, ou de son mode d'action, qui serait réfutable.
Mais dans quel domaine privilégié de choix pourrait-on réaliser des observations déterminantes ?
Je ne considère pas que le libre arbitre consiste dans le fait de choisir d'une façon globale d'effectuer telle ou telle action ni même de développer telle ou telle réflexion. Ce serait plutôt comme une instance de contrôle, à la façon d'un employé chargé de vérifier la conformité (ici technique mais cela pourrait être aussi esthétique ou morale) de pièces sortant d'un moule, et qui en rejette une de temps à autre. Je crois que le libre arbitre existe en permanence en nous comme puissance, mais qu'en acte, parce que notre corps et notre esprit sont ajustés pour la survie et la réalisation d'une façon extrêmement fine, nous nous contentons de laisser en nous s'exprimer des choix automatiques ou de valider des réflexions qui nous paraissent amener à des résultats intéressants.
Pieyre- Messages : 20908
Date d'inscription : 17/03/2012
Localisation : Quartier Latin
Re: Epistémo-mo-th**f***er
Un article intéressant qui traite du lien entre production en recherche et utilisation pratique par les professionnels de différentes disciplines.
http://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2009-4-page-853.htm
http://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2009-4-page-853.htm
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