Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
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Philippe
julien
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Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
Lettres à un jeune poète
par
Rainer – Maria Rilke
Chap IV
En séjour à Worpswede, près de Brême, le 16 juillet 1903.
J’ai quitté Paris il y a une dizaine de jours, souffrant et las. Je suis venu dans cette grande plaine du Nord dont l’étendue, le calme et le ciel devraient me guérir. Mais je suis entré dans une longue pluie qui laisse enfin aujourd’hui percer une éclaircie sur le pays balayé d’inquiétude. Je profite de cette éclaircie pour venir vous saluer.
Très cher Monsieur Kappus, j’ai laissé longtemps sans réponse une lettre de vous. Non certes que je l’eusse oubliée ; elle est de celles qu’on relit toujours quand on les retrouve. Je vous y ai vu de tout près. Je parle de votre lettre du 2 mai ; vous vous en souvenez certainement. La relisant aujourd’hui dans le grand calme de ces lointains, votre beau souci de la vie m’émeut encore plus qu’à Paris, où tout résonne autrement et se perd dans le bruit assourdissant qui fait vibrer toutes choses. Ici, où un pays puissant m’entoure, sur lequel traînent les vents des mers, je sens que sur ces questions et ces sentiments qui ont dans leur tréfonds une vie propre, nul homme ne saurait vous répondre. Les meilleurs se trompent d’ailleurs dans leurs mots quand ils leur demandent d’exprimer le subtil, parfois l’inexprimable. Je crois cependant que vous ne resteriez pas sans réponses si vous vous teniez à des choses comme celles qui refont actuellement mes yeux. Si vous vous accrochez à la nature, à ce qu’il y a de simple en elle, de petit, à quoi presque personne ne prend garde, qui, tout à coup, devient l’infiniment grand, l’incommensurable, si vous étendez votre amour à tout ce qui est, si très humblement vous cherchez à gagner en serviteur la confiance de ce qui semble misérable, - alors tout vous deviendra plus facile, vous semblera plus harmonieux et, pour ainsi dire, plus conciliant. Votre entendement restera peut – être en arrière, étonné : mais votre conscience la plus profonde s’éveillera et saura. Vous êtes si jeune, si neuf devant les choses, que je voudrais vous prier, autant que je sais le faire, d’être patient en face de tout ce qui n’est pas résolu dans votre cœur. Efforcez – vous d’aimer vos questions elles-mêmes, chacune comme une pièce qui vous serait fermée, comme un livre écrit dans une langue étrangère. Ne cherchez pas pour le moment des réponses qui ne peuvent vous être apportées, parce que vous ne sauriez pas les mettre en pratique, les « vivre ». Et il s’agit précisément de tout vivre. Ne vivez pour l’instant que vos questions. Peut – être, simplement en les vivant, finirez vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses. Il se peut que vous portiez en vous le don de former, le don de créer, mode de vie particulièrement heureux et pur. Poursuivez en ce sens, - mais surtout, confiez vous à ce qui vient. Quand ce qui vient sort d’un appel de votre être, d’une indigence quelconque, prenez-le à votre compte, ne le haïssez pas. Les voies de la chair sont difficiles, certes. Mais c’est du difficile que nous devons porter. Presque tout ce qui est grave est difficile ; et tout est grave. Si seulement vous parvenez à le reconnaître, si vous arrivez par vous-même, par vos dons à vous, par votre nature, par votre expérience à vous depuis votre enfance, par votre puissance propre, à créer qui soit bien à vous et dégagé de toute convention, de toute mode, - alors vous ne devez plus craindre de vous perdre et d’être indigne de votre bien le plus précieux.
La volupté de la chair est une chose de la vie des au même titre que le regard pur, que la pure saveur d’un beau fruit sur notre langue. Elle est une expérience sans limites qui nous est donné, une connaissance de tout l’univers, la connaissance même dans sa plénitude et sa splendeur. Le mal n’est pas dans cette expérience, mais en ceci que le plus grand nombre en mésusent, proprement la galvaudent. Elle n’est pour eux qu’un excitant, une distraction dans les moments fatigués de leur vie, et non une concentration de leur être vers les sommets ; Les hommes ont du manger aussi, fait autre chose ; indigence d’un côté, pléthore de l’autre, ont troublé la clarté de ce besoin. Ainsi ont été troublés tous les besoins simples et profonds, par lesquels la vie se renouvelle. Mais chacun, pour soi-même, peut les clarifier et les vivre clairement. Sinon tous, du moins l’homme de solitude. Il est donné à celui-là de reconnaître que toute beauté, chez les animaux comme chez les plantes, est une forme durable et nue de l’amour et du désir. Il voit les animaux et les plantes s’accoupler, se multiplier et croître, avec patience et docilité, non pour servir la loi du plaisir ou de la souffrance, mais une loi qui dépasse plaisir et souffrance et l’emporte sur toute volonté ou résistance. Fasse que ce mystère, dont la terre est pleine jusque dans ses moindres choses, l’homme le recueille avec plus d’humilité : qu’il le porte, qu’il le supporte plus gravement ! Au lieu de le prendre à la légère, qu’il ressente combien il est lourd ! Qu’il ait le culte de sa fécondité. Qu’elle soit de la chair ou de l’esprit, la fécondité est « une » : car l’œuvre de l’esprit procède de l’œuvre de chair et partage sa nature. Elle n’est que la reproduction en quelque sorte plus mystérieuse, plus pleine d’extase, plus « éternelle » de l’œuvre charnelle. « Le sentiment que l’on est créateur, le sentiment que l’on peut engendrer, donner forme » n’est rien sans cette confirmation perpétuelle et universelle du monde, sans l’approbation mille fois répétée des choses et des animaux. La jouissance d’un tel pouvoir n’est indiciblement belle et pleine que parce qu’elle est riche de l’héritage d’engendrements et d’enfantements de millions d’êtres. En une seule pensée créatrice revivent mille nuits d’amour oubliées qui en font la grandeur et le sublime. Ceux qui se joignent au cours des nuits, qui s’enlacent, dans une volupté berceuse, accomplissent une œuvre grave. Ils amassent douceurs, gravités et puissances pour le chant de ce poète qui se lèvera et dira d’inexprimables bonheurs. Tous ils appellent l’avenir. Et, même quand ils font fausse route, quand ils sont aveugles dans leurs étreintes, l’avenir vient. Un homme de plus se lève, et du fond du hasard, semblant seul ici obéi, s’éveille la loi qui veut que tout germe fort et puissant perce son chemin vers l’œuf qui s’avance ouvert. Ne vous laissez pas tromper par les apparences. Dans le profond tout est loi. Et pour ceux qui vivent mal ce mystère, qui se fourvoient, - et c’est le plus grand nombre, - le mystère n’est perdu que pour eux-mêmes. Ils ne le transmettent pas moins aux autres, comme une lettre scellée, sans en rien connaître. Que l’infinie variété des cas, la multiplicité des mots qui les désignent, ne vous fassent pas douter la. Tout est peut-être régi par une vaste maternité, une commune passion. La beauté de la jeune fille, de cet être qui, comme vous le dites si joliment, « n’a encore rien donné », est faite à la fois du pressentiment, du désir et de l’effroi de la maternité. La beauté de la femme quand elle est mère est faite de la maternité qu’elle sert : et quand elle est parvenue à la vieillesse, de ce grand souvenir qui vit en elle. L’homme, me semble-t-il, est aussi maternité, au physique et au moral ; engendrer est pour lui une manière d’enfanter, et c’est réellement « enfanter » que de créer de sa plus intime plénitude. Les sexes sont peut-être plus parents qu’on ne le croit ; et le grand renouvellement du monde tiendra sans doute en ceci : l’homme et la femme, libérés de toutes leurs erreurs, de toutes leurs difficultés, ne se rechercheront plus comme des contraires, mais comme des frères et sœurs, comme des proches. Ils uniront leurs humanités pour supporter ensemble, gravement, patiemment, le poids de la chair difficile qui leur a été donnée.
Mais tout ce qui ne sera qu’un jour lointain possible au nombre, l’homme de solitude peut dès maintenant en jeter la base, la bâtir de ses mains qui se trompent moins. Aussi, cher Monsieur, aimez votre solitude, supportez-en la peine : et que la plainte qui vous en vient soit belle. Vous dites que vos proches vous sont lointains ; c’est qu’il se fait un espace autour de vous. Si tout ce qui est proche vous semble loin, c’est que cet espace touche les étoiles, qu’il est déjà très étendu. Réjouissez-vous de votre marche en avant ; personne ne peut vous y suivre. Soyez bon envers ceux qui restent en arrière, sûr de vous et tranquille en face d’eux. Ne les tourmentez pas avec vos doutes. Ne les effrayez pas par votre foi, par votre enthousiasme : ils ne pourraient comprendre. Cherchez à communier avec eux dans le simple et dans le fidèle : cette communion ne doit pas nécessairement subir les mêmes transformations que vous. Aimez en eux la vie sous une forme étrangère. Ayez de l’indulgence pour ceux à qui l’âge fait redouter cette solitude à laquelle vous vous abandonnez. Evitez de nourrir le drame toujours pendant entre parents et enfants ; il use tant la force des enfants, et il épuise cet amour des vieux qui n’a pas besoin de comprendre pour agir t pour réchauffer. Ne leur demandez pas conseil. Renoncez à être compris d’eux. Croyez seulement en un amour, qui vous est gardé comme un bien d’héritage. Soyez certain qu’il y a dans cette amour une force, une bénédiction qui peuvent vous accompagner, aussi loin que vous alliez.
Il est bien que vous adoptiez d’abord une carrière qui vous rende indépendant et vous livre entièrement, et dans tous les sens, à vous-même. Attendez patiemment de savoir si votre vie la plus profonde se sent à l’étroit dans le cadre de votre métier. Je tiens ce métier pour difficile et plein d’exigences, alourdi qu’il est par le conventionnel, ne laissant aucune place à la personnalité. Mais votre solitude, même dans ces conditions contraires, vous sera soutien et foyer ; c’est d’elle que vous tiendrez tous vos chemins.
Mes vœux sont prêts à vous y accompagner, et ma confiance.
Vôtre
Rainer Maria Rilke
[justify]
par
Rainer – Maria Rilke
Chap IV
En séjour à Worpswede, près de Brême, le 16 juillet 1903.
J’ai quitté Paris il y a une dizaine de jours, souffrant et las. Je suis venu dans cette grande plaine du Nord dont l’étendue, le calme et le ciel devraient me guérir. Mais je suis entré dans une longue pluie qui laisse enfin aujourd’hui percer une éclaircie sur le pays balayé d’inquiétude. Je profite de cette éclaircie pour venir vous saluer.
Très cher Monsieur Kappus, j’ai laissé longtemps sans réponse une lettre de vous. Non certes que je l’eusse oubliée ; elle est de celles qu’on relit toujours quand on les retrouve. Je vous y ai vu de tout près. Je parle de votre lettre du 2 mai ; vous vous en souvenez certainement. La relisant aujourd’hui dans le grand calme de ces lointains, votre beau souci de la vie m’émeut encore plus qu’à Paris, où tout résonne autrement et se perd dans le bruit assourdissant qui fait vibrer toutes choses. Ici, où un pays puissant m’entoure, sur lequel traînent les vents des mers, je sens que sur ces questions et ces sentiments qui ont dans leur tréfonds une vie propre, nul homme ne saurait vous répondre. Les meilleurs se trompent d’ailleurs dans leurs mots quand ils leur demandent d’exprimer le subtil, parfois l’inexprimable. Je crois cependant que vous ne resteriez pas sans réponses si vous vous teniez à des choses comme celles qui refont actuellement mes yeux. Si vous vous accrochez à la nature, à ce qu’il y a de simple en elle, de petit, à quoi presque personne ne prend garde, qui, tout à coup, devient l’infiniment grand, l’incommensurable, si vous étendez votre amour à tout ce qui est, si très humblement vous cherchez à gagner en serviteur la confiance de ce qui semble misérable, - alors tout vous deviendra plus facile, vous semblera plus harmonieux et, pour ainsi dire, plus conciliant. Votre entendement restera peut – être en arrière, étonné : mais votre conscience la plus profonde s’éveillera et saura. Vous êtes si jeune, si neuf devant les choses, que je voudrais vous prier, autant que je sais le faire, d’être patient en face de tout ce qui n’est pas résolu dans votre cœur. Efforcez – vous d’aimer vos questions elles-mêmes, chacune comme une pièce qui vous serait fermée, comme un livre écrit dans une langue étrangère. Ne cherchez pas pour le moment des réponses qui ne peuvent vous être apportées, parce que vous ne sauriez pas les mettre en pratique, les « vivre ». Et il s’agit précisément de tout vivre. Ne vivez pour l’instant que vos questions. Peut – être, simplement en les vivant, finirez vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses. Il se peut que vous portiez en vous le don de former, le don de créer, mode de vie particulièrement heureux et pur. Poursuivez en ce sens, - mais surtout, confiez vous à ce qui vient. Quand ce qui vient sort d’un appel de votre être, d’une indigence quelconque, prenez-le à votre compte, ne le haïssez pas. Les voies de la chair sont difficiles, certes. Mais c’est du difficile que nous devons porter. Presque tout ce qui est grave est difficile ; et tout est grave. Si seulement vous parvenez à le reconnaître, si vous arrivez par vous-même, par vos dons à vous, par votre nature, par votre expérience à vous depuis votre enfance, par votre puissance propre, à créer qui soit bien à vous et dégagé de toute convention, de toute mode, - alors vous ne devez plus craindre de vous perdre et d’être indigne de votre bien le plus précieux.
La volupté de la chair est une chose de la vie des au même titre que le regard pur, que la pure saveur d’un beau fruit sur notre langue. Elle est une expérience sans limites qui nous est donné, une connaissance de tout l’univers, la connaissance même dans sa plénitude et sa splendeur. Le mal n’est pas dans cette expérience, mais en ceci que le plus grand nombre en mésusent, proprement la galvaudent. Elle n’est pour eux qu’un excitant, une distraction dans les moments fatigués de leur vie, et non une concentration de leur être vers les sommets ; Les hommes ont du manger aussi, fait autre chose ; indigence d’un côté, pléthore de l’autre, ont troublé la clarté de ce besoin. Ainsi ont été troublés tous les besoins simples et profonds, par lesquels la vie se renouvelle. Mais chacun, pour soi-même, peut les clarifier et les vivre clairement. Sinon tous, du moins l’homme de solitude. Il est donné à celui-là de reconnaître que toute beauté, chez les animaux comme chez les plantes, est une forme durable et nue de l’amour et du désir. Il voit les animaux et les plantes s’accoupler, se multiplier et croître, avec patience et docilité, non pour servir la loi du plaisir ou de la souffrance, mais une loi qui dépasse plaisir et souffrance et l’emporte sur toute volonté ou résistance. Fasse que ce mystère, dont la terre est pleine jusque dans ses moindres choses, l’homme le recueille avec plus d’humilité : qu’il le porte, qu’il le supporte plus gravement ! Au lieu de le prendre à la légère, qu’il ressente combien il est lourd ! Qu’il ait le culte de sa fécondité. Qu’elle soit de la chair ou de l’esprit, la fécondité est « une » : car l’œuvre de l’esprit procède de l’œuvre de chair et partage sa nature. Elle n’est que la reproduction en quelque sorte plus mystérieuse, plus pleine d’extase, plus « éternelle » de l’œuvre charnelle. « Le sentiment que l’on est créateur, le sentiment que l’on peut engendrer, donner forme » n’est rien sans cette confirmation perpétuelle et universelle du monde, sans l’approbation mille fois répétée des choses et des animaux. La jouissance d’un tel pouvoir n’est indiciblement belle et pleine que parce qu’elle est riche de l’héritage d’engendrements et d’enfantements de millions d’êtres. En une seule pensée créatrice revivent mille nuits d’amour oubliées qui en font la grandeur et le sublime. Ceux qui se joignent au cours des nuits, qui s’enlacent, dans une volupté berceuse, accomplissent une œuvre grave. Ils amassent douceurs, gravités et puissances pour le chant de ce poète qui se lèvera et dira d’inexprimables bonheurs. Tous ils appellent l’avenir. Et, même quand ils font fausse route, quand ils sont aveugles dans leurs étreintes, l’avenir vient. Un homme de plus se lève, et du fond du hasard, semblant seul ici obéi, s’éveille la loi qui veut que tout germe fort et puissant perce son chemin vers l’œuf qui s’avance ouvert. Ne vous laissez pas tromper par les apparences. Dans le profond tout est loi. Et pour ceux qui vivent mal ce mystère, qui se fourvoient, - et c’est le plus grand nombre, - le mystère n’est perdu que pour eux-mêmes. Ils ne le transmettent pas moins aux autres, comme une lettre scellée, sans en rien connaître. Que l’infinie variété des cas, la multiplicité des mots qui les désignent, ne vous fassent pas douter la. Tout est peut-être régi par une vaste maternité, une commune passion. La beauté de la jeune fille, de cet être qui, comme vous le dites si joliment, « n’a encore rien donné », est faite à la fois du pressentiment, du désir et de l’effroi de la maternité. La beauté de la femme quand elle est mère est faite de la maternité qu’elle sert : et quand elle est parvenue à la vieillesse, de ce grand souvenir qui vit en elle. L’homme, me semble-t-il, est aussi maternité, au physique et au moral ; engendrer est pour lui une manière d’enfanter, et c’est réellement « enfanter » que de créer de sa plus intime plénitude. Les sexes sont peut-être plus parents qu’on ne le croit ; et le grand renouvellement du monde tiendra sans doute en ceci : l’homme et la femme, libérés de toutes leurs erreurs, de toutes leurs difficultés, ne se rechercheront plus comme des contraires, mais comme des frères et sœurs, comme des proches. Ils uniront leurs humanités pour supporter ensemble, gravement, patiemment, le poids de la chair difficile qui leur a été donnée.
Mais tout ce qui ne sera qu’un jour lointain possible au nombre, l’homme de solitude peut dès maintenant en jeter la base, la bâtir de ses mains qui se trompent moins. Aussi, cher Monsieur, aimez votre solitude, supportez-en la peine : et que la plainte qui vous en vient soit belle. Vous dites que vos proches vous sont lointains ; c’est qu’il se fait un espace autour de vous. Si tout ce qui est proche vous semble loin, c’est que cet espace touche les étoiles, qu’il est déjà très étendu. Réjouissez-vous de votre marche en avant ; personne ne peut vous y suivre. Soyez bon envers ceux qui restent en arrière, sûr de vous et tranquille en face d’eux. Ne les tourmentez pas avec vos doutes. Ne les effrayez pas par votre foi, par votre enthousiasme : ils ne pourraient comprendre. Cherchez à communier avec eux dans le simple et dans le fidèle : cette communion ne doit pas nécessairement subir les mêmes transformations que vous. Aimez en eux la vie sous une forme étrangère. Ayez de l’indulgence pour ceux à qui l’âge fait redouter cette solitude à laquelle vous vous abandonnez. Evitez de nourrir le drame toujours pendant entre parents et enfants ; il use tant la force des enfants, et il épuise cet amour des vieux qui n’a pas besoin de comprendre pour agir t pour réchauffer. Ne leur demandez pas conseil. Renoncez à être compris d’eux. Croyez seulement en un amour, qui vous est gardé comme un bien d’héritage. Soyez certain qu’il y a dans cette amour une force, une bénédiction qui peuvent vous accompagner, aussi loin que vous alliez.
Il est bien que vous adoptiez d’abord une carrière qui vous rende indépendant et vous livre entièrement, et dans tous les sens, à vous-même. Attendez patiemment de savoir si votre vie la plus profonde se sent à l’étroit dans le cadre de votre métier. Je tiens ce métier pour difficile et plein d’exigences, alourdi qu’il est par le conventionnel, ne laissant aucune place à la personnalité. Mais votre solitude, même dans ces conditions contraires, vous sera soutien et foyer ; c’est d’elle que vous tiendrez tous vos chemins.
Mes vœux sont prêts à vous y accompagner, et ma confiance.
Vôtre
Rainer Maria Rilke
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julien- Messages : 27
Date d'inscription : 11/04/2010
Age : 40
Localisation : Paris
Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
Quand les ombres du soir s’allongent dans la vallée, quand les jardins du jour s’emplissent de mystère et de musique, qu’est-ce donc qui fait ainsi battre le cœur ? C’est la nuit qui lentement s’approche et substitue aux claires différences la confusion, c’est la nuit qui passe l’estompe sur les frontières soigneusement dressées par la lumière du jour, et submerge dans son loisir infini les durs dilemmes du savoir. Les cloisonnements et les compartimentages de la raison diurne fondent dans la ténèbre diffluente, dans la nuit indivise : l’homme découvre un nouveau monde où toutes sortes d’espérances et de facilités magiques s’offrent à sa liberté. Car ce sommeil nocturne qui peu à peu nous enveloppe n’est pas une torpeur vide mais un sommeil peuplé de songes merveilleux : c’est le sommeil d’une conscience noctambule qui découche et se promène sur les toits. L’enchantement de minuit dédommage pour la perte de ses illusions l’homme copernicien désenchanté : il compense la résignation des individus à exister ici ou là ; il nous refait en somme une chevalerie et une magie. À minuit, n’importe quoi déteint sur n’importe quoi, les contradictions nouent dans l’ombre des pactes occultes, l’armée immense des possibles envahit les chemins de la causalité. Ce doux naufrage, cet envoûtement qui est l’effet de la nuit, sont nécessaires à notre existence ; oui, nous avons besoin de cette parenthèse enchantée ; nous avons besoin de ce ciel clandestin et d’une causalité féerique qui échappent aux obligations prosaïques du jour, nous avons besoin de cette poussière des scintillements et des constellations où s’embrouille les fils de la causalité.
Vladimir Jankélévitch, extrait de Quelque part dans l’inachevé, en collaboration avec Béatrice Berlowitz , 1ère éd. 1978, Gallimard; éd. de réf. 1989, Folio essais, 319 pages.
Vladimir Jankélévitch, extrait de Quelque part dans l’inachevé, en collaboration avec Béatrice Berlowitz , 1ère éd. 1978, Gallimard; éd. de réf. 1989, Folio essais, 319 pages.
Invité- Invité
Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
Super Marre à bout a écrit:L’enchantement de minuit dédommage pour la perte de ses illusions l’homme copernicien désenchanté : il compense la résignation des individus à exister ici ou là ; il nous refait en somme une chevalerie et une magie.
Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
ptèt pour ça que les gens intelligents se couchent tard
Invité- Invité
Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
Merci Julien pour ce texte que je me promettais de lire déjà depuis trop longtemps... il n'y a pas d'âge pour le découvrir, pourtant comme j'aurais aimé le lire plus tôt, il m'aurait été permis de le relire encore plus...
C'est lors d'une interview de Dennis Hopper qui était venu exposer ses photos à Paris il y a quelques 3-4 ans...où il citait Rilke, que j'ai entrevu pour la première fois ces mots.
Merci encore.
Et merci aussi Super Marre...."l'armée immense des possibles envahit les chemins de la causalité".... J'écrivais aujourd'hui ma difficulté à choisir depuis que j'étais consciente de mes possibles, difficulté à renoncer à certains d'entre eux (même momentanément) simplement par manque de temps, et je comprends bien mieux pourquoi mes nuits sont si denses et intenses aujourd'hui...
Merci à vous deux pour cette richesse partagée.
C'est lors d'une interview de Dennis Hopper qui était venu exposer ses photos à Paris il y a quelques 3-4 ans...où il citait Rilke, que j'ai entrevu pour la première fois ces mots.
Merci encore.
Et merci aussi Super Marre...."l'armée immense des possibles envahit les chemins de la causalité".... J'écrivais aujourd'hui ma difficulté à choisir depuis que j'étais consciente de mes possibles, difficulté à renoncer à certains d'entre eux (même momentanément) simplement par manque de temps, et je comprends bien mieux pourquoi mes nuits sont si denses et intenses aujourd'hui...
Merci à vous deux pour cette richesse partagée.
Manou- Messages : 1894
Date d'inscription : 01/05/2010
Age : 56
Localisation : Pas loin de Paname
Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
Hello,
Rainer Maria Rilke est l’un des rares poètes (avec Baudelaire) auxquels je sois sensible. La lecture des « Lettres un jeune poète » passe toutefois difficilement le temps : c’est un texte très érotique, où l’amour semble réservé aux grandes âmes… Y’a un petit côté pédéraste un peu irritant (« oui tu écris bien, jeune homme, aah ! qu’est ce que tu écris bien, ça te dit qu’on se rencontre ?... ah finalement non, ne nous rencontrons pas, c'est tellement plus romantique " )…Toutefois Rilke a écrit d’autres beaux textes (Les Vergers, Les élégies de Duino…), où il a développé les thèmes des « anges sur Terre », qui accompagnent les humains, des amants qui se donnent « bouche contre bouche, soif contre soif » et qui ont inspiré des auteurs (écrivains et cinéastes) que je recommande très chaudement !!!
En premier lieu Peter Handke et, parmi ses nombreux livres « L’angoisse du gardien de but au moment du pénalty » : un homme suit une femme dans la rue et décide, sans aucune raison, de la tuer. Il n’a pas conscience de son acte, n’éprouve aucun remord, c’est une sorte de « road movie » littéraire, où les actions se suivent sans qu’aucun commentaire ne vienne perturber le récit. Très beau !! Et puis surtout, il y a Wim Wenders. « Les ailes du désir »…. Un ange observe les humains, s’enamoure d’une foraine (une trapéziste, magnifique Solveig Dommartin), décide de quitter sa condition d’ange du ciel pour renouer avec sa condition humaine. Il choisit la vie sur terre, dans la magnifique ville de Berlin, pour retrouver forme humaine et partager avec nous ce qui fait la singularité de notre condition : on aime les filles, on les regarde, on les aime et on souffre. C’est absolument sublime et, bizarrement, le film supporte très bien les années (il a pas vieilli, quoi^^). Les textes sont de Peter Handke mais auraient pu être de Rilke : en allemand ça donne « Als das kind, kind war, war es die zeit der folgenden Fragen : Warum bin ich ich, und nicht du, warum bin ich hier, und nicht dort… » ce qui en français donne « lorsque l’enfant était encore enfant, il se posait ces questions : « Pourquoi suis-je moi, et pas « toi », pourquoi suis-je ici, et non pas là, où commence l’espace, et quand se termine le temps ? ». Non, non, je suis pas pédant à citer en allemand, c’est juste que le film en VOST est vraiment très beau, et que je le conseille à tous les fans de Rilke ;-)
Rainer Maria Rilke est l’un des rares poètes (avec Baudelaire) auxquels je sois sensible. La lecture des « Lettres un jeune poète » passe toutefois difficilement le temps : c’est un texte très érotique, où l’amour semble réservé aux grandes âmes… Y’a un petit côté pédéraste un peu irritant (« oui tu écris bien, jeune homme, aah ! qu’est ce que tu écris bien, ça te dit qu’on se rencontre ?... ah finalement non, ne nous rencontrons pas, c'est tellement plus romantique " )…Toutefois Rilke a écrit d’autres beaux textes (Les Vergers, Les élégies de Duino…), où il a développé les thèmes des « anges sur Terre », qui accompagnent les humains, des amants qui se donnent « bouche contre bouche, soif contre soif » et qui ont inspiré des auteurs (écrivains et cinéastes) que je recommande très chaudement !!!
En premier lieu Peter Handke et, parmi ses nombreux livres « L’angoisse du gardien de but au moment du pénalty » : un homme suit une femme dans la rue et décide, sans aucune raison, de la tuer. Il n’a pas conscience de son acte, n’éprouve aucun remord, c’est une sorte de « road movie » littéraire, où les actions se suivent sans qu’aucun commentaire ne vienne perturber le récit. Très beau !! Et puis surtout, il y a Wim Wenders. « Les ailes du désir »…. Un ange observe les humains, s’enamoure d’une foraine (une trapéziste, magnifique Solveig Dommartin), décide de quitter sa condition d’ange du ciel pour renouer avec sa condition humaine. Il choisit la vie sur terre, dans la magnifique ville de Berlin, pour retrouver forme humaine et partager avec nous ce qui fait la singularité de notre condition : on aime les filles, on les regarde, on les aime et on souffre. C’est absolument sublime et, bizarrement, le film supporte très bien les années (il a pas vieilli, quoi^^). Les textes sont de Peter Handke mais auraient pu être de Rilke : en allemand ça donne « Als das kind, kind war, war es die zeit der folgenden Fragen : Warum bin ich ich, und nicht du, warum bin ich hier, und nicht dort… » ce qui en français donne « lorsque l’enfant était encore enfant, il se posait ces questions : « Pourquoi suis-je moi, et pas « toi », pourquoi suis-je ici, et non pas là, où commence l’espace, et quand se termine le temps ? ». Non, non, je suis pas pédant à citer en allemand, c’est juste que le film en VOST est vraiment très beau, et que je le conseille à tous les fans de Rilke ;-)
Invité- Invité
Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
Je tombe sur ce sujet par hasard... avec une tendre mélancolie : Rilke a joué un rôle "important" et très à part dans mon parcours spirituel...
Les "lettres" de Rilke ne donnent à voir que le regard intemporel du poète qui, introspectif, solitaire, se concentre, en lui-même, en souffrance, en silence, pour mieux "être", pour mieux vivre, pour mieux ressentir : il n'y a dans ce livre rien d'autre à apprendre.
On peut difficilement écrire quelque chose de plus éloignée de la vérité, pardon, les mots ont un sens et j'ai bien du mal à croire que vous soyez sincère en pensant cela.ddistance a écrit:La lecture des « Lettres un jeune poète » passe toutefois difficilement le temps : c’est un texte très érotique, où l’amour semble réservé aux grandes âmes… Y’a un petit côté pédéraste un peu irritant
Les "lettres" de Rilke ne donnent à voir que le regard intemporel du poète qui, introspectif, solitaire, se concentre, en lui-même, en souffrance, en silence, pour mieux "être", pour mieux vivre, pour mieux ressentir : il n'y a dans ce livre rien d'autre à apprendre.
__Byzantin__- Messages : 96
Date d'inscription : 17/01/2013
Age : 35
Localisation : Paris
Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
Oui, en écrivant ce message, j'avais parfaitement conscience d'aller un peu loin, j'ai eu envie de le supprimer, et puis je me suis dit : "tant pis, ce qui est dit est dit, au moins ça réveillera le topic Rilke qui croupit en bas du forum..." Aussi je suis très heureux de constater qu'il existe sur ce site au moins un admirateur de Rilke, soucieux de le défendre (et pourquoi pas d'en parler un tout petit peu) !! (Je tends une perche, là...)
En fait mon problème avec Rilke, ce n'est pas tant son écriture, qui est la plus lyrique qui se puisse imaginer, c'est que les seules personnes qu'il m'ait été donné de rencontrer, fans elles aussi du poète, se prenaient pour de "grandes âmes" et éprouvaient un malin plaisir à crier au monde leur profonde souffrance. Alors j'avoue : mon erreur à été de ne pas toujours savoir dissocier Rilke des mauvaises relations que je me suis faites à cause de lui. Mais sur ce forum je n'ai rencontré que des gens bien, j'en veux pour preuve le caractère mesuré de votre réponse.
Bien évidemment ^^
En fait mon problème avec Rilke, ce n'est pas tant son écriture, qui est la plus lyrique qui se puisse imaginer, c'est que les seules personnes qu'il m'ait été donné de rencontrer, fans elles aussi du poète, se prenaient pour de "grandes âmes" et éprouvaient un malin plaisir à crier au monde leur profonde souffrance. Alors j'avoue : mon erreur à été de ne pas toujours savoir dissocier Rilke des mauvaises relations que je me suis faites à cause de lui. Mais sur ce forum je n'ai rencontré que des gens bien, j'en veux pour preuve le caractère mesuré de votre réponse.
j'ai bien du mal à croire que vous soyez sincère en pensant cela
Bien évidemment ^^
Invité- Invité
Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
Heureux de voir que ce texte plait. j'ai bien fait de vous le mettre à l'époque.
Il m'a bien aidé moi aussi, je suis absolument d'accord avec ce que dit byzantin , un texte qui fait grandir, particulièrement quand on est un surdoué qui a du mal a trouver sa place parmi ses congénères.
Il m'a bien aidé moi aussi, je suis absolument d'accord avec ce que dit byzantin , un texte qui fait grandir, particulièrement quand on est un surdoué qui a du mal a trouver sa place parmi ses congénères.
julien- Messages : 27
Date d'inscription : 11/04/2010
Age : 40
Localisation : Paris
Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
Vous êtes décidément, Monsieur, bien excessif.ddistance a écrit:En fait mon problème avec Rilke, ce n'est pas tant son écriture, qui est la plus lyrique qui se puisse imaginer
Pour avoir relevé ça vous remontez dans mon estime mais, est-ce bien important...ddistance a écrit:Mais sur ce forum je n'ai rencontré que des gens bien, j'en veux pour preuve le caractère mesuré de votre réponse.
__Byzantin__- Messages : 96
Date d'inscription : 17/01/2013
Age : 35
Localisation : Paris
Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
J’ai profité des récents « échanges » avec Byzantin pour relire les « Lettres à un jeune poète », et vérifier si le temps n’avait pas perverti mes souvenirs du texte… et c’est le cas ! Il n’y a manifestement, dans les échanges entre Rilke et le jeune Kappus, aucune tension sexuelle… je crois tout de même discerner dans ces échanges une certaine perversité, j’y reviendrai… Pour ce qui est de Rilke, il ne fait que donner au jeune poète des conseils de bon aloi : honnêteté intellectuelle, méfiance envers l’ironie (qui empêche d’aborder les choses en profondeur)… il conseille également de ne pas céder à l’asociabilité, de faire toujours bonne figure auprès de ses proches. Je ne sais pas comment on parle du livre dans les milieux universitaire, mais je veux bien croire qu’on en parle comme d’un « bon guide pour qui subit les affres de la création ».
Après relecture, je crois avoir retrouvé ce qui m’avait rebuté à l’époque (j’ai dû le lire vers mes 20 ans) : c’est le portrait qui en creux se dessine du jeune poète. De lui on sait qu’il est ultra-sensible, asocial, sans doute dépressif. Il écrit quelques vers, qu’il envoie à des éditeurs, et se fait rabrouer. Il les envoie aussi à Rilke : celui-ci lui fait comprendre qu’il faut « encore travailler »…. Ah ! Si ! En 1904 (un an après le début de leur correspondance), Rilke distingue un « bon » poème de Kappus, son meilleur, et trouve le poème digne d’être cité. Voilà le poème en question :
« SONNET »
A travers ma vie tremble sans plainte,
Sans soupirs, profonde et sombre, une douleur.
De mes rêves la pure neige en fleur
Bénit mes jours les plus silencieux.
Mais plus souvent la grande question croise
Mon chemin. Je me fais petit et passe
Froid devant elle comme près d’un lac
Dont je n’oserais mesurer les flots.
Puis une souffrance en moi descend, morne
Comme le gris de nuits d’été sans éclat
Percée d’une étoile scintillante –çà et là- ;
Mes mains tâtonnent alors vers l’amour,
Car j’aimerais tant prier en des sons
Que ma bouche brûlante ne peut trouver…
(Franz Kappus)
A la lecture de ce poème , j’ai envie de dire :
1 / c’est quand même pas terrible terrible (« ma douleur », « ma souffrance »…)
2/ Et j’ai envie de m’adresser à Franz en ces termes « Ouh la la jeune homme, ça a vraiment pas l’air d’être la grande forme… et je te conseillerais de consulter au plus vite !! » (malheureusement pour lui, la psychanalyse n’existait pas encore…).
Donc voilà d’où vient ma gêne : je vois un jeune poète dépressif, pas très talentueux (sur ce point, je ne lui jette bien sûr pas la pierre ! Je ne suis pas plus doué que lui !)… mais qui pour chercher du réconfort envoie sa prose… à l’un des poètes les plus célèbres de son temps !!! Et la correspondance dure 5 ans ! Alors peut-être que je me trompe, mais à la lumière de la psychanalyse, j’ai bien envie d’appeler ça du masochisme… (peut-être les psys ont des termes plus précis pour désigner ce genre de relations). Je n'ose même pas imaginer à quoi pouvaient ressembler les autres poèmes…
Que sait-on enfin de Kappus ? Qu’il a conservé les lettres de Rilke, les a amenées chez un éditeur (pour une fois il s’est pas fait rabrouer ^^), et qu’on lui a demandé de rédiger l’introduction des « lettres à un jeune poète ». Kappus dans l’intro écrit : Rilke par ci, Rilke par là…. et en conclusion « Mais là où parle quelqu’un de grand, d’unique, les petits doivent se taire ». Les « petits » doivent se taire ??? (sous entendu : « les petits dont moi, Franz Kappus »…). Et bien franchement, j’ai mal pour lui… le pauvre, après 5 ans de correspondance, ça va toujours pas mieux !!
Voilà, je ne fais que donner mon point de vue (je n'oblige personne à être d’accord avec moi !)
Je ne fais pas l'erreur anachronique de reprocher à Rilke et Kappus de ne pas avoir lu Freud... mais j'ai quand même le droit de ressentir un certain malaise à l'endroit du jeune Kappus (Les "Lettres à un jeune poète", qui sont mondialement connues, ont quand même été écrites sur son dos...)
@ Byzantin : pour ce qui est du Rilke « lyrique » je pensais plutôt aux Sonnets à Orphée, aux Elégies de Duino, et aussi à des nouvelles dont je ne me rappelle plus le titre (vu que j’ai prêté les "Oeuvres complètes" et qu’on ne me les a jamais rendues)
Après relecture, je crois avoir retrouvé ce qui m’avait rebuté à l’époque (j’ai dû le lire vers mes 20 ans) : c’est le portrait qui en creux se dessine du jeune poète. De lui on sait qu’il est ultra-sensible, asocial, sans doute dépressif. Il écrit quelques vers, qu’il envoie à des éditeurs, et se fait rabrouer. Il les envoie aussi à Rilke : celui-ci lui fait comprendre qu’il faut « encore travailler »…. Ah ! Si ! En 1904 (un an après le début de leur correspondance), Rilke distingue un « bon » poème de Kappus, son meilleur, et trouve le poème digne d’être cité. Voilà le poème en question :
« SONNET »
A travers ma vie tremble sans plainte,
Sans soupirs, profonde et sombre, une douleur.
De mes rêves la pure neige en fleur
Bénit mes jours les plus silencieux.
Mais plus souvent la grande question croise
Mon chemin. Je me fais petit et passe
Froid devant elle comme près d’un lac
Dont je n’oserais mesurer les flots.
Puis une souffrance en moi descend, morne
Comme le gris de nuits d’été sans éclat
Percée d’une étoile scintillante –çà et là- ;
Mes mains tâtonnent alors vers l’amour,
Car j’aimerais tant prier en des sons
Que ma bouche brûlante ne peut trouver…
(Franz Kappus)
A la lecture de ce poème , j’ai envie de dire :
1 / c’est quand même pas terrible terrible (« ma douleur », « ma souffrance »…)
2/ Et j’ai envie de m’adresser à Franz en ces termes « Ouh la la jeune homme, ça a vraiment pas l’air d’être la grande forme… et je te conseillerais de consulter au plus vite !! » (malheureusement pour lui, la psychanalyse n’existait pas encore…).
Donc voilà d’où vient ma gêne : je vois un jeune poète dépressif, pas très talentueux (sur ce point, je ne lui jette bien sûr pas la pierre ! Je ne suis pas plus doué que lui !)… mais qui pour chercher du réconfort envoie sa prose… à l’un des poètes les plus célèbres de son temps !!! Et la correspondance dure 5 ans ! Alors peut-être que je me trompe, mais à la lumière de la psychanalyse, j’ai bien envie d’appeler ça du masochisme… (peut-être les psys ont des termes plus précis pour désigner ce genre de relations). Je n'ose même pas imaginer à quoi pouvaient ressembler les autres poèmes…
Que sait-on enfin de Kappus ? Qu’il a conservé les lettres de Rilke, les a amenées chez un éditeur (pour une fois il s’est pas fait rabrouer ^^), et qu’on lui a demandé de rédiger l’introduction des « lettres à un jeune poète ». Kappus dans l’intro écrit : Rilke par ci, Rilke par là…. et en conclusion « Mais là où parle quelqu’un de grand, d’unique, les petits doivent se taire ». Les « petits » doivent se taire ??? (sous entendu : « les petits dont moi, Franz Kappus »…). Et bien franchement, j’ai mal pour lui… le pauvre, après 5 ans de correspondance, ça va toujours pas mieux !!
Voilà, je ne fais que donner mon point de vue (je n'oblige personne à être d’accord avec moi !)
Je ne fais pas l'erreur anachronique de reprocher à Rilke et Kappus de ne pas avoir lu Freud... mais j'ai quand même le droit de ressentir un certain malaise à l'endroit du jeune Kappus (Les "Lettres à un jeune poète", qui sont mondialement connues, ont quand même été écrites sur son dos...)
@ Byzantin : pour ce qui est du Rilke « lyrique » je pensais plutôt aux Sonnets à Orphée, aux Elégies de Duino, et aussi à des nouvelles dont je ne me rappelle plus le titre (vu que j’ai prêté les "Oeuvres complètes" et qu’on ne me les a jamais rendues)
Invité- Invité
Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
Franz et Rainer sont des allemands, des germaniques : ils écrivent et pensent donc en allemands et je me garderai bien de juger aussi radicalement un artiste, au sens noble, sur "une" traduction, nécessairement partiale, de sa correspondance privée...ddistance a écrit:A la lecture de ce poème , j’ai envie de dire :
1 / c’est quand même pas terrible terrible (« ma douleur », « ma souffrance »…)
La perception que nous avons du temps a bien évolué depuis cette époque car en 5 ans leur correspondance se "résume" à une petite dizaine de lettres... or j'écris bien plus de courriels, comme vous je suppose, chaque semaine...ddistance a écrit:Et la correspondance dure 5 ans !
Épargnez-le, il souffre déjà assez.ddistance a écrit:(malheureusement pour lui, la psychanalyse n’existait pas encore…).
Non, les "petits" ne "doivent" pas se taire comme vous semblez l'avoir compris mais le "peuvent" : c'est un pouvoir qu'il ne faut pas leur ôter car il y a de la grandeur à s'abaisser... nécessité fait loi or, Dieu ! L'âme a les siennes.ddistance a écrit:Rilke par ci, Rilke par là…. et en conclusion « Mais là où parle quelqu’un de grand, d’unique, les petits doivent se taire ». Les « petits » doivent se taire ??? (sous entendu : « les petits dont moi, Franz Kappus »…). Et bien franchement, j’ai mal pour lui… le pauvre, après 5 ans de correspondance, ça va toujours pas mieux !!
A mon sens la seule chose qu'on puisse, qu'on devrait faire, avec l'Art, c'est l'accepter comme expression d'une sincérité humaine : ce n'est pas facile; ça demande simplicité, humilité, patience et si j'ose dire, charité. En l'occurrence, dans ce genre de poésies, peut-être faut-il être torturé par l'existence pour y arriver ?
Est-ce la satisfaction de trouver un écho, une consolation dans une souffrance jumelle de la notre... ? Je ne sais pas, je saurai.
__Byzantin__- Messages : 96
Date d'inscription : 17/01/2013
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Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
ddistance a écrit:A la lecture de ce poème , j’ai envie de dire :
1 / c’est quand même pas terrible terrible (« ma douleur », « ma souffrance »…)
2/ Et j’ai envie de m’adresser à Franz en ces termes « Ouh la la jeune homme, ça a vraiment pas l’air d’être la grande forme… et je te conseillerais de consulter au plus vite !! » (malheureusement pour lui, la psychanalyse n’existait pas encore…).
Bonjour ddistance,
À propos de ta première remarque, il faut d'abord comprendre comment Rilke perçoit la démarche artistique. C'est exprimé très clairement dès la première lettre. Pour dire les choses simplement, c'est un exercice de sincérité, de vie authentique, et non un exercice de style. Voilà pourquoi Rilke peut juger ainsi ce poème.
Pour ce qui est de la psychanalyse, sache que Rilke connaissait Freud, il l'a même rencontré en 1915 ! (par l'intermédiaire de Lou-Andreas Salomé, son ancienne amante et confidente de longue date) Et, indépendamment de la question de l'efficacité de la psychanalyse qui se pose aujourd'hui, il faut comprendre que Rilke envisageait la souffrance d'une manière très particulière, comme aussi une manière de se développer et non comme une simple négativité. À propos de la psychanalyse, il parlait d'une "correction au stylo rouge" qui aurait risqué de lui faire perdre le sens personnel et vivant des épreuves qu'il traversait, autrement dit de briser la source même de son élan créatif. Je ne dis pas qu'il n'y a pas malgré tout une certaine morbidité dans cette conception, mais il faut au moins reconnaître aux poètes et aux êtres d'exception en général que la souffrance qu'ils ressentent n'est pas un mal anonyme à éradiquer, qu'elle a très souvent un sens éminemment personnel. Qu'elle peut-être une étape, difficile certes, dans le processus d'une édification plus complète de soi, notamment par la rupture difficile avec certains soutiens sociaux, par poursuite d'une nécessité intérieure.
Rilke peut être compris ainsi, mais aussi Rimbaud, et beaucoup d'autres encore.
tagore- Messages : 205
Date d'inscription : 04/08/2012
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Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
Bonjour Tagore,
Oui, si Rilke décide de ne considérer que l’exercice de sincérité, sans se soucier de l’exercice de style, alors je peux comprendre son jugement. Voilà un argument que je n’avais pas imaginé mais qui est parfaitement audible. (Je vais re-re-relire la première lettre ^^)
Merci beaucoup pour l’expression « correction au stylo rouge » que j’aime beaucoup !
Je précise mon propos sur la « souffrance » chez Rilke : j’ai entendu en lisant Rilke la même chose que toi : elle est « la source même de son élan créatif ». Nous sommes bien d’accord. Mais j’entends en même temps chez Rilke : « la souffrance n’a de valeur et n’est tolérable que si elle participe à un processus de création ». Cela revient à dire qu’elle est une matière première : une matière première qui n’a pas de valeur « en soi » mais qui en acquiert au fil du processus de création. Pourquoi j’insiste (bizarrement) sur ce point, et pourquoi je fais une fixette sur Kappus ?
On entre dans la partie personnelle de ce post, et qui n’engage que moi. J’ai rencontré des lecteurs de Rilke (à l’Université surtout) qui avaient très bien compris la première partie de la proposition (« La souffrance a de la valeur »… résultat j’ai entendu beaucoup de discours axés sur « ma souffrance, ma douleur, moi je, moi je, moi je… ») et n’avaient pas compris la seconde partie de la proposition (la douleur n’est tolérable –pour soi mais aussi pour les autres, sur lesquels on risque de « déborder »- que si elle participe à un processus de création). Je fais de Kappus le prototype de ces enquiquineurs, et si celui-ci revient dans les parages, je veux être le premier à lui donner la taloche qu’il mérite amplement !!
Tu me diras « Oui, mais Kappus, lui aussi, était impliqué dans un processus de création littéraire… » Mmoui… comment dire… moi aussi (comme tout le monde) j’ai écrit des vers (qui valent bien ceux de Kappus)… je ne me suis pas pour autant senti autorisé à écrire à Le Clézio ^^
Oui, si Rilke décide de ne considérer que l’exercice de sincérité, sans se soucier de l’exercice de style, alors je peux comprendre son jugement. Voilà un argument que je n’avais pas imaginé mais qui est parfaitement audible. (Je vais re-re-relire la première lettre ^^)
Merci beaucoup pour l’expression « correction au stylo rouge » que j’aime beaucoup !
Je précise mon propos sur la « souffrance » chez Rilke : j’ai entendu en lisant Rilke la même chose que toi : elle est « la source même de son élan créatif ». Nous sommes bien d’accord. Mais j’entends en même temps chez Rilke : « la souffrance n’a de valeur et n’est tolérable que si elle participe à un processus de création ». Cela revient à dire qu’elle est une matière première : une matière première qui n’a pas de valeur « en soi » mais qui en acquiert au fil du processus de création. Pourquoi j’insiste (bizarrement) sur ce point, et pourquoi je fais une fixette sur Kappus ?
On entre dans la partie personnelle de ce post, et qui n’engage que moi. J’ai rencontré des lecteurs de Rilke (à l’Université surtout) qui avaient très bien compris la première partie de la proposition (« La souffrance a de la valeur »… résultat j’ai entendu beaucoup de discours axés sur « ma souffrance, ma douleur, moi je, moi je, moi je… ») et n’avaient pas compris la seconde partie de la proposition (la douleur n’est tolérable –pour soi mais aussi pour les autres, sur lesquels on risque de « déborder »- que si elle participe à un processus de création). Je fais de Kappus le prototype de ces enquiquineurs, et si celui-ci revient dans les parages, je veux être le premier à lui donner la taloche qu’il mérite amplement !!
Tu me diras « Oui, mais Kappus, lui aussi, était impliqué dans un processus de création littéraire… » Mmoui… comment dire… moi aussi (comme tout le monde) j’ai écrit des vers (qui valent bien ceux de Kappus)… je ne me suis pas pour autant senti autorisé à écrire à Le Clézio ^^
Invité- Invité
Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
ddistance a écrit:Hello,
...
En premier lieu Peter Handke et, parmi ses nombreux livres « L’angoisse du gardien de but au moment du pénalty » : un homme suit une femme dans la rue et décide, sans aucune raison, de la tuer. Il n’a pas conscience de son acte, n’éprouve aucun remord, c’est une sorte de « road movie » littéraire, où les actions se suivent sans qu’aucun commentaire ne vienne perturber le récit. Très beau !! Et puis surtout, il y a Wim Wenders. « Les ailes du désir »….
J'imagine que tu sais que Wenders a aussi filmé une version de « L’angoisse du gardien de but au moment du pénalty »... Histoire de boucler la boucle Rilke / Handke / Wenders.
Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
Bonjour ddistance,
Merci pour ta réponse !
Pour être plus précis, je ne crois pas que pour Rilke la souffrance soit la condition sine qua non de la création, l'ambition de sa poésie étant, ultimement, une transfiguration de l'expérience humaine et une attitude d'acquiescement au monde. Ce qu'il souligne en revanche, c'est la nécessité d'une réelle disponibilité à la souffrance, de sa compréhension profonde, alors que l'on est trop habitué à vouloir simplement l'éviter à tout prix, distraitement et sans profit. Mais il s'agit bien, au travers de cette attitude, de dépasser le vécu de la souffrance.
Un bel exemple de création dans l'acquiescement, chez Rilke, ce sont ses derniers poèmes : les Poèmes français, notamment...
Pour ce qui est du reste de ton propos, il me semble que l'originalité des Lettres à un jeune poète, c'est justement qu'elles dépassent largement le cadre de la création artistique. Le processus de création dont Rilke parle plus fondamentalement (on en revient à la distinction exercice d'authenticité/exercice de style), c'est celui d'un avènement à soi. Dès lors, il faut reconnaître à la démarche de Kappus et à sa souffrance une valeur propre, indépendante de tout résultat littéraire ultérieur.
Là encore, c'est très bien dit dès la première lettre : "Il se pourrait qu'après cette descente en vous-même, dans le "solitaire" de vous-même, vous dussiez renoncer à devenir poète. [...] Alors même, cette plongée que je vous demande n'aura pas été vaine. Votre vie lui devra en tout cas des chemins à elle."
Autant il me semble que Kappus a raison de juger Rilke "grand" par rapport à lui quant au talent poétique, et ce de manière tout à fait saine, autant cela ne retire aucun droit à sa souffrance propre d'être écoutée et prise en compte. Dès lors, je ne vois pas en quoi il aurait dû se retenir d'écrire à un être qu'il estimait.
Cela serait déjà vrai en général, mais il faut en plus savoir que Rilke, quelques années plus tôt, avait souffert à la même place que Kappus, dans la même école militaire (Kappus l'indique dans son introduction). Cela ne pouvait que dessiner une communauté et approfondir encore davantage la relation d'empathie entre les deux hommes.
Merci pour ta réponse !
Pour être plus précis, je ne crois pas que pour Rilke la souffrance soit la condition sine qua non de la création, l'ambition de sa poésie étant, ultimement, une transfiguration de l'expérience humaine et une attitude d'acquiescement au monde. Ce qu'il souligne en revanche, c'est la nécessité d'une réelle disponibilité à la souffrance, de sa compréhension profonde, alors que l'on est trop habitué à vouloir simplement l'éviter à tout prix, distraitement et sans profit. Mais il s'agit bien, au travers de cette attitude, de dépasser le vécu de la souffrance.
Un bel exemple de création dans l'acquiescement, chez Rilke, ce sont ses derniers poèmes : les Poèmes français, notamment...
Pour ce qui est du reste de ton propos, il me semble que l'originalité des Lettres à un jeune poète, c'est justement qu'elles dépassent largement le cadre de la création artistique. Le processus de création dont Rilke parle plus fondamentalement (on en revient à la distinction exercice d'authenticité/exercice de style), c'est celui d'un avènement à soi. Dès lors, il faut reconnaître à la démarche de Kappus et à sa souffrance une valeur propre, indépendante de tout résultat littéraire ultérieur.
Là encore, c'est très bien dit dès la première lettre : "Il se pourrait qu'après cette descente en vous-même, dans le "solitaire" de vous-même, vous dussiez renoncer à devenir poète. [...] Alors même, cette plongée que je vous demande n'aura pas été vaine. Votre vie lui devra en tout cas des chemins à elle."
Autant il me semble que Kappus a raison de juger Rilke "grand" par rapport à lui quant au talent poétique, et ce de manière tout à fait saine, autant cela ne retire aucun droit à sa souffrance propre d'être écoutée et prise en compte. Dès lors, je ne vois pas en quoi il aurait dû se retenir d'écrire à un être qu'il estimait.
Cela serait déjà vrai en général, mais il faut en plus savoir que Rilke, quelques années plus tôt, avait souffert à la même place que Kappus, dans la même école militaire (Kappus l'indique dans son introduction). Cela ne pouvait que dessiner une communauté et approfondir encore davantage la relation d'empathie entre les deux hommes.
tagore- Messages : 205
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Re: Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
Harpo a écrit:
J'imagine que tu sais que Wenders a aussi filmé une version de « L’angoisse du gardien de but au moment du pénalty »... Histoire de boucler la boucle Rilke / Handke / Wenders.
Et bien en fait non, je ne savais pas ^^
Pourtant j'aime beaucoup les premiers road movies de Wenders (Alice dans les villes.....) Je vais peut-être aller voir ça, tiens !
@Tagore
Tes commentaires sont très justes !
Et ce que je retiens surtout de ton dernier post, c’est la notion d’acquiescement au monde, notion qui est à la source de mon admiration pour Rilke : acquiescement qui invite à une réconciliation avec le monde, relevé de toute réticence et de toute censure...
En tous les cas merci !!
Invité- Invité
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