La substantifique moelle de Bumblebeep
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La substantifique moelle de Bumblebeep
La personne
27 ans, fort accent franc-comtois, aime le fromage et bosse dans le paramédical.
Les zébrures
Quand j’étais en primaire, lors d’une leçon sur l’imparfait, l’instit nous a demandé de trouver un verbe du 1er groupe à conjuguer à l’imparfait. J’ai proposé « allécher ».
La passion
Le langage (étonnant, hein?). Comment il est apparu dans l’espèce humaine, comment on l’acquiert, comment on le perd, les relations avec le corps (cf cognition incarnée) et les autres facultés cognitives, les différences et les contacts entre langues, et surtout : pourquoi, comment raconte-t-on des histoires ?
J’ai l’intuition que le propre de l’humanité n’est pas tant le langage que le discours.
Le rêve
Devenir écrivaine.
Les autres passe-temps
Nager. Marcher. Réfléchir aux communautés humaines, à leurs asservissements, leur potentiel bienfaiteur et libérateur aussi. Faire des puzzles. Cuisiner végétarien. Récupérer l’épluche-légume accidentellement jeté dans la poubelle avec les épluchures. Apprendre l’allemand et le finnois ; pester contre la phonologie de l’anglais bien qu’étant bilingue. Trouver et caresser des chats.
27 ans, fort accent franc-comtois, aime le fromage et bosse dans le paramédical.
Les zébrures
Quand j’étais en primaire, lors d’une leçon sur l’imparfait, l’instit nous a demandé de trouver un verbe du 1er groupe à conjuguer à l’imparfait. J’ai proposé « allécher ».
La passion
Le langage (étonnant, hein?). Comment il est apparu dans l’espèce humaine, comment on l’acquiert, comment on le perd, les relations avec le corps (cf cognition incarnée) et les autres facultés cognitives, les différences et les contacts entre langues, et surtout : pourquoi, comment raconte-t-on des histoires ?
J’ai l’intuition que le propre de l’humanité n’est pas tant le langage que le discours.
Le rêve
Devenir écrivaine.
Les autres passe-temps
Nager. Marcher. Réfléchir aux communautés humaines, à leurs asservissements, leur potentiel bienfaiteur et libérateur aussi. Faire des puzzles. Cuisiner végétarien. Récupérer l’épluche-légume accidentellement jeté dans la poubelle avec les épluchures. Apprendre l’allemand et le finnois ; pester contre la phonologie de l’anglais bien qu’étant bilingue. Trouver et caresser des chats.
Bumblebeep- Messages : 26
Date d'inscription : 19/07/2017
Localisation : Grenoble
Re: La substantifique moelle de Bumblebeep
J'aime tellement ta présentation (sa concision, son pragmatisme, son humour) que ça me donnerait presque envie d'en faire une aussi (mieux vaut tard que jamais).
Flifla- Messages : 835
Date d'inscription : 23/08/2016
Re: La substantifique moelle de Bumblebeep
La quête de l'épluche-légume me semble bien compliquée, je te souhaite de passer une bonne aventure, et beaucoup de courage, tu en auras besoin.
Pour le reste, enfin, principalement pour ce qui est du langage, en passant sur Quora il y a quelques jours, j'étais tombé sur une question qui mettait en relation le langage et la pensée, cette fameuse "petite voix dans la tête" qui est présente quand on lit, quand on pense, ou pour tout un tas de raisons différentes. Est-ce que tu penses qu'il est possible de penser (Beaucoup trop de pensées dans ces quelques lignes, ça ne va pas du tout !) sans langage ? Si oui, comment se formulent nos idées dans notre tête ?
Ah, oui, et bienvenue à toi ! q:
Pour le reste, enfin, principalement pour ce qui est du langage, en passant sur Quora il y a quelques jours, j'étais tombé sur une question qui mettait en relation le langage et la pensée, cette fameuse "petite voix dans la tête" qui est présente quand on lit, quand on pense, ou pour tout un tas de raisons différentes. Est-ce que tu penses qu'il est possible de penser (Beaucoup trop de pensées dans ces quelques lignes, ça ne va pas du tout !) sans langage ? Si oui, comment se formulent nos idées dans notre tête ?
Ah, oui, et bienvenue à toi ! q:
Invité- Invité
Re: La substantifique moelle de Bumblebeep
Ah, la grande question de la pensée avec ou sans langage ! Eh bien pour répondre il faudra déjà différencier entre langue et langage ; il y a plusieurs manières de le faire, beaucoup de chercheurs pas d'accord là-dessus, mais je vais en choisir une qui devrait permettre une réflexion relativement (!!!) succincte et claire. Je vais commencer par évoquer la langue, et l'hypothèse dite de Sapir et Worf.
Les références théoriques auxquelles j'adhère le plus voient le langue (celle partagée par une communauté) comme étant une sorte de prisme au travers duquel on aborde la réalité. L'exemple le plus frappant étant celui d'individus incapables de discerner autant de couleurs "de base" que nous, francophones, dans le spectre lumineux : mettons que bleu et vert soient une seule et même couleur pour eux, simplement parce que dans leur culture, la langue parlée n'a pas de dénominations différentes pour vert et bleu. Donc si tu leur présentes un papier bleu et un vert, même avec des nuances bien différenciées, ils te diront que c'est pareil. Ça peut aller dans l'autre sens aussi, on parle bien des Inuits capables de distinguer de nombreux matériaux intrinsèquement différents là où un occidental ne voit que de la "neige", tout au plus qualifiée de poudreuse, verglacée, etc. D'où le casse-tête phénoménal de la traduction ! Les professionnel-le-s le savent bien : traduttore traditore, le traducteur est un traître, au sens où il ne pourra jamais être entièrement fidèle à la langue d'origine du texte qu'il traduit, sauf peut-être pour les énoncés les plus concrets, simples et factuels. Et encore...
Donc en fait la langue perpétuée par une culture "découpe" le réel en catégories qui guident la perception et le jugement de ses locuteurs. Dans ce cadre-là, on peut se dire que penser sans langage ou tout du moins sans LANGUE est impossible, car les concepts mêmes que vous manipulez mentalement, vous les avez formés au travers de votre (ou vos !) langues. Ce qui est particulièrement intéressant, c'est qu'alors la langue pose nécessairement des limites à ce que vous pouvez concevoir, et en même temps, vous fournit le matériau pour dépasser ces limites. Plus vous maîtrisez votre langue, plus vous pouvez l'explorer et la manier de façon à, peut-être un jour, mettre en mots ce qui n'a pas été conceptualisé par votre culture avant. C'est l'entièreté du travail des poètes, et une bonne partie de celui des écrivains, philosophes, voire des chercheurs dans toutes les disciplines.
Ça donc c'est pour la langue. Le langage serait plutôt vu comme une capacité, pour chaque individu, de créer des énoncés selon des règles qui correspondent à sa langue. Et là ça devient plus délicat, car beaucoup de choses interviennent, le contexte social, linguistique et psychologique, le substrat neurologique, ... . Si beaucoup d'entre nous formons mentalement des énoncés pour guider notre réflexion et notre action, il semble qu'il y ait des gens chez qui ça se passe différemment. Certaines personnes autistes ou victimes d'AVC sont non-verbales mais peuvent mener à bien des actions qui montrent bien leur capacité de pensée élaborée. (Encore faut-il préciser que, dans de nombreux cas, existent des troubles exécutifs qui enrayent la planification et la réalisation de ces actions ; et que les liens entre fonctions exécutives et langages sont complexes et loin d'être élucidés). D'ailleurs mêmes des personnes autistes capables de s'exprimer par écrit, voire par oral, décrivent un mode de pensée qui se fait plus en images qu'en mots.
Et ça m'intrigue beaucoup. Je ne saurais pas alors te dire "comment se formulent nos idées dans notre tête" si on parvient à penser sans langage. Une piste, je crois, est dans le système sensoriel. Les personnes autistes ont toutes un fonctionnement sensoriel particulier, ainsi que celles qui, sans forcément recevoir le diagnostic d'autisme, montrent des capacités et comportements très hors-normes comme le syndrome du savant. Daniel Tammet (auteur de "je suis né un jour bleu") décrit comment la synesthésie lui permet de calculer avec une rapidité extrême. Pour lui les nombres ont des couleurs, formes, textures... qui lui en donnent une connaissance très évidente, intuitive, contrairement à nous qui devons les manipuler comme des abstractions. Albert Einstein disait ne pas penser en mots, mais dans un mélange de sensations visuelles et "musculaires" (on dirait peut-être kinesthésiques de nos jours). Sans m'avancer car je ne suis pas neurologue, c'est comme si, chez ces personnes, les perceptions physiques étaient d'emblée manipulables comme des concepts, alors que chez les neurotypiques elles doivent emprunter des circuits plus longs et complexes avant d'en arriver à ce point, circuits impliquant notamment le langage.
Tout ça soulève d'énormes questions telles que l'origine des langues (c'est bien beau de dire qu'on ne peut pas penser sans langues, mais alors d'où viennent les langues ?) et le rapport langue-language (la langue permet au langage d'exister, ou l'inverse ? ou les deux ?). Mais si je commence maintenant, dans 10 ans j'y suis encore.
P.S. : s'il y a sur ce forum de vrai-e-s linguistes qui me lisent, des dur-e-s, des tatoué-e-s, et surtout des diplômé-e-s, je leur demande pardon pour toutes les éventuelles inexactitudes. Je mettrai des sources plus tard pour celles et ceux que ça intéresserait, parce que là je commence à avoir mal au dos.
Les références théoriques auxquelles j'adhère le plus voient le langue (celle partagée par une communauté) comme étant une sorte de prisme au travers duquel on aborde la réalité. L'exemple le plus frappant étant celui d'individus incapables de discerner autant de couleurs "de base" que nous, francophones, dans le spectre lumineux : mettons que bleu et vert soient une seule et même couleur pour eux, simplement parce que dans leur culture, la langue parlée n'a pas de dénominations différentes pour vert et bleu. Donc si tu leur présentes un papier bleu et un vert, même avec des nuances bien différenciées, ils te diront que c'est pareil. Ça peut aller dans l'autre sens aussi, on parle bien des Inuits capables de distinguer de nombreux matériaux intrinsèquement différents là où un occidental ne voit que de la "neige", tout au plus qualifiée de poudreuse, verglacée, etc. D'où le casse-tête phénoménal de la traduction ! Les professionnel-le-s le savent bien : traduttore traditore, le traducteur est un traître, au sens où il ne pourra jamais être entièrement fidèle à la langue d'origine du texte qu'il traduit, sauf peut-être pour les énoncés les plus concrets, simples et factuels. Et encore...
Donc en fait la langue perpétuée par une culture "découpe" le réel en catégories qui guident la perception et le jugement de ses locuteurs. Dans ce cadre-là, on peut se dire que penser sans langage ou tout du moins sans LANGUE est impossible, car les concepts mêmes que vous manipulez mentalement, vous les avez formés au travers de votre (ou vos !) langues. Ce qui est particulièrement intéressant, c'est qu'alors la langue pose nécessairement des limites à ce que vous pouvez concevoir, et en même temps, vous fournit le matériau pour dépasser ces limites. Plus vous maîtrisez votre langue, plus vous pouvez l'explorer et la manier de façon à, peut-être un jour, mettre en mots ce qui n'a pas été conceptualisé par votre culture avant. C'est l'entièreté du travail des poètes, et une bonne partie de celui des écrivains, philosophes, voire des chercheurs dans toutes les disciplines.
Ça donc c'est pour la langue. Le langage serait plutôt vu comme une capacité, pour chaque individu, de créer des énoncés selon des règles qui correspondent à sa langue. Et là ça devient plus délicat, car beaucoup de choses interviennent, le contexte social, linguistique et psychologique, le substrat neurologique, ... . Si beaucoup d'entre nous formons mentalement des énoncés pour guider notre réflexion et notre action, il semble qu'il y ait des gens chez qui ça se passe différemment. Certaines personnes autistes ou victimes d'AVC sont non-verbales mais peuvent mener à bien des actions qui montrent bien leur capacité de pensée élaborée. (Encore faut-il préciser que, dans de nombreux cas, existent des troubles exécutifs qui enrayent la planification et la réalisation de ces actions ; et que les liens entre fonctions exécutives et langages sont complexes et loin d'être élucidés). D'ailleurs mêmes des personnes autistes capables de s'exprimer par écrit, voire par oral, décrivent un mode de pensée qui se fait plus en images qu'en mots.
Et ça m'intrigue beaucoup. Je ne saurais pas alors te dire "comment se formulent nos idées dans notre tête" si on parvient à penser sans langage. Une piste, je crois, est dans le système sensoriel. Les personnes autistes ont toutes un fonctionnement sensoriel particulier, ainsi que celles qui, sans forcément recevoir le diagnostic d'autisme, montrent des capacités et comportements très hors-normes comme le syndrome du savant. Daniel Tammet (auteur de "je suis né un jour bleu") décrit comment la synesthésie lui permet de calculer avec une rapidité extrême. Pour lui les nombres ont des couleurs, formes, textures... qui lui en donnent une connaissance très évidente, intuitive, contrairement à nous qui devons les manipuler comme des abstractions. Albert Einstein disait ne pas penser en mots, mais dans un mélange de sensations visuelles et "musculaires" (on dirait peut-être kinesthésiques de nos jours). Sans m'avancer car je ne suis pas neurologue, c'est comme si, chez ces personnes, les perceptions physiques étaient d'emblée manipulables comme des concepts, alors que chez les neurotypiques elles doivent emprunter des circuits plus longs et complexes avant d'en arriver à ce point, circuits impliquant notamment le langage.
Tout ça soulève d'énormes questions telles que l'origine des langues (c'est bien beau de dire qu'on ne peut pas penser sans langues, mais alors d'où viennent les langues ?) et le rapport langue-language (la langue permet au langage d'exister, ou l'inverse ? ou les deux ?). Mais si je commence maintenant, dans 10 ans j'y suis encore.
P.S. : s'il y a sur ce forum de vrai-e-s linguistes qui me lisent, des dur-e-s, des tatoué-e-s, et surtout des diplômé-e-s, je leur demande pardon pour toutes les éventuelles inexactitudes. Je mettrai des sources plus tard pour celles et ceux que ça intéresserait, parce que là je commence à avoir mal au dos.
Bumblebeep- Messages : 26
Date d'inscription : 19/07/2017
Localisation : Grenoble
Re: La substantifique moelle de Bumblebeep
En effet, le langage (Qui peut être non verbal.) est différent de la langue (Ok, elle peut également être écrite, voire même pensée, dans ce contexte, mais tu as compris.), ceci dit, en lisant ton message, je me suis demandé un truc ; qu'en est-il des personnes sourdes de naissance ? Quand nous pensons, on se parle, dans notre tête, il nous arrive même d'articuler. Que fait une personne sourde ? Elle visualise des mots ? Elle visualise un langage (Signe, ou plus classique.) au lieu de l'entendre ? Est-ce qu'il est possible de faire fonctionner certains sens - ici la vue - quand d'autres sont défectueux ?
Ce qui me fait me poser une autre question, par curiosité, si une personne ne peut ni entendre, ni voir, comment est-ce que ça se passerait chez elle ? Peut-être que tu pourras m'apporter des réponses, ou même des pistes. En tout cas, merci de ton message, je ne pensais pas avoir une réponse si complète, c'était agréable à lire !
PS : J'essaie de répondre correctement ce soir, là, avec un portable, c'est pas super plaisant d'écrire.
Ce qui me fait me poser une autre question, par curiosité, si une personne ne peut ni entendre, ni voir, comment est-ce que ça se passerait chez elle ? Peut-être que tu pourras m'apporter des réponses, ou même des pistes. En tout cas, merci de ton message, je ne pensais pas avoir une réponse si complète, c'était agréable à lire !
PS : J'essaie de répondre correctement ce soir, là, avec un portable, c'est pas super plaisant d'écrire.
Invité- Invité
Re: La substantifique moelle de Bumblebeep
Personnellement quand je parle du langage, je me contente du verbal, car le "langage" du corps par exemple est une tout autre chose, même si les deux travaillent ensemble dans la communication.
Les personnes sourdes de naissance, eh bien ça va dépendre de plusieurs choses. Déjà, si elles entendent quand même un peu, ou pas du tout (tous les sourds ne sont pas atteints de cophose = surdité totale). Et puis ça dépend de l'éducation qu'on leur a donnée, selon que l'enfant a reçu un implant ou appareillage et une éducation auditive précoce, ou qu'il a grandi dans une communauté utilisant principalement la langue des signes. Dans ce dernier cas, comme une langue signée est tout aussi naturelle et légitime qu'une langue orale, je ne serais pas étonnée que tout se passe de manière similaire, seulement les personnes sourdes, quand elles réfléchissent, pensent aux signes linguistiques exprimés gestuellement, et non oralement. Ça parait étonnant quand on est habitué au son, mais au final, il n'y a pas tant de différence. Les configurations des mains en langue des signes sont un peu comme les sons en langue orale ; leur position, leurs enchaînements déterminent le vocabulaire et la syntaxe ; les expressions du visage, l'ampleur et/ou la répétition des gestes marquent la prosodie (la "musique" du langage, qui nous permet de savoir si par exemple quelqu'un dit quelque chose joyeusement ou tristement, si c'est une question ou un ordre...). Mais pour être vraiment sûr de comment les sourd-e-s le vivent... Il faut leur demander !
"Est-ce qu'il est possible de faire fonctionner certains sens - ici la vue - quand d'autres sont défectueux ?" Oui, certaines études montrent même que les sourds congénitaux ont plus de facilités que les entendants pour détecter les mouvements dans leur champ de vision périphérique. Au niveau neurologique il semblerait que ces mêmes personnes, confrontés à certains stimuli visuels, aient des activations cérébrales dans les aires habituellement dédiées à l'audition chez les personnes entendantes.
"si une personne ne peut ni entendre, ni voir, comment est-ce que ça se passerait chez elle ?" Je te renvoie à l'histoire fascinante d'Hélène Keller (ici). Mais il faut noter qu'elle n'était pas tout-à-fait sourde et aveugle de naissance, et qu'elle avait certainement un intellect particulier, en plus d'une brillante éducatrice. Pour les sourds-aveugles congénitaux, il existe des centres spécialisés où on apprend à communiquer avec une "langue des signes tactile", c'est-à-dire que deux personnes se font face en se tenant les mains et appliquent différents gestes des doigts et des mains pour s'exprimer.
Les personnes sourdes de naissance, eh bien ça va dépendre de plusieurs choses. Déjà, si elles entendent quand même un peu, ou pas du tout (tous les sourds ne sont pas atteints de cophose = surdité totale). Et puis ça dépend de l'éducation qu'on leur a donnée, selon que l'enfant a reçu un implant ou appareillage et une éducation auditive précoce, ou qu'il a grandi dans une communauté utilisant principalement la langue des signes. Dans ce dernier cas, comme une langue signée est tout aussi naturelle et légitime qu'une langue orale, je ne serais pas étonnée que tout se passe de manière similaire, seulement les personnes sourdes, quand elles réfléchissent, pensent aux signes linguistiques exprimés gestuellement, et non oralement. Ça parait étonnant quand on est habitué au son, mais au final, il n'y a pas tant de différence. Les configurations des mains en langue des signes sont un peu comme les sons en langue orale ; leur position, leurs enchaînements déterminent le vocabulaire et la syntaxe ; les expressions du visage, l'ampleur et/ou la répétition des gestes marquent la prosodie (la "musique" du langage, qui nous permet de savoir si par exemple quelqu'un dit quelque chose joyeusement ou tristement, si c'est une question ou un ordre...). Mais pour être vraiment sûr de comment les sourd-e-s le vivent... Il faut leur demander !
"Est-ce qu'il est possible de faire fonctionner certains sens - ici la vue - quand d'autres sont défectueux ?" Oui, certaines études montrent même que les sourds congénitaux ont plus de facilités que les entendants pour détecter les mouvements dans leur champ de vision périphérique. Au niveau neurologique il semblerait que ces mêmes personnes, confrontés à certains stimuli visuels, aient des activations cérébrales dans les aires habituellement dédiées à l'audition chez les personnes entendantes.
"si une personne ne peut ni entendre, ni voir, comment est-ce que ça se passerait chez elle ?" Je te renvoie à l'histoire fascinante d'Hélène Keller (ici). Mais il faut noter qu'elle n'était pas tout-à-fait sourde et aveugle de naissance, et qu'elle avait certainement un intellect particulier, en plus d'une brillante éducatrice. Pour les sourds-aveugles congénitaux, il existe des centres spécialisés où on apprend à communiquer avec une "langue des signes tactile", c'est-à-dire que deux personnes se font face en se tenant les mains et appliquent différents gestes des doigts et des mains pour s'exprimer.
Bumblebeep- Messages : 26
Date d'inscription : 19/07/2017
Localisation : Grenoble
Re: La substantifique moelle de Bumblebeep
PrShadoko a écrit:Est-ce que tu penses qu'il est possible de penser sans langage ? Si oui, comment se formulent nos idées dans notre tête ?
La pensée n'est -elle pas la première articulation d'un langage avant les langues ?
Bienvenue BumbelBeep
spiralebleue- Messages : 51
Date d'inscription : 12/07/2017
Age : 51
Localisation : Angers
Re: La substantifique moelle de Bumblebeep
Merci des précisions !
Histoire de clarifier quelques trucs avant de répondre à mon tour :
Quand je parlais de personnes sourdes, je parlais logiquement de personnes incapables de percevoir le moindre son (actuellement et plus jeune, sinon la base de référence est faussée), sinon l'exemple est moins pertinent.
Je ne suis pas convaincu que le langage du corps soit si différent que le langage parlé, les normes diffèrent en fonction des régions, des pays, des continents, tout comme le langage ! Mais oui, dans ce contexte, on parlait de langage parlé, quoi que, on passer après au langage des signes, puis tactile, mais là n'est pas le sujet.
Ceci étant dit, je pense que l'information la plus intéressante de ton message se trouve ici : "Au niveau neurologique il semblerait que ces mêmes personnes, confrontés à certains stimuli visuels, aient des activations cérébrales dans les aires habituellement dédiées à l'audition chez les personnes entendantes." parce qu'en partant de là, et en imaginant un peu comment ça marche (Je ne suis pas non plus neurologue, et je m'avance en disant ça, mais ça peut se tenir.) on se dit que la pensée, même si elle est représentée par la parole pour la plupart des gens, peut tout à fait être représentée par autre chose ; une forme d'expression, qu'elle soit orale, visuelle, tactile, etc...
Histoire de clarifier quelques trucs avant de répondre à mon tour :
Quand je parlais de personnes sourdes, je parlais logiquement de personnes incapables de percevoir le moindre son (actuellement et plus jeune, sinon la base de référence est faussée), sinon l'exemple est moins pertinent.
Je ne suis pas convaincu que le langage du corps soit si différent que le langage parlé, les normes diffèrent en fonction des régions, des pays, des continents, tout comme le langage ! Mais oui, dans ce contexte, on parlait de langage parlé, quoi que, on passer après au langage des signes, puis tactile, mais là n'est pas le sujet.
Ceci étant dit, je pense que l'information la plus intéressante de ton message se trouve ici : "Au niveau neurologique il semblerait que ces mêmes personnes, confrontés à certains stimuli visuels, aient des activations cérébrales dans les aires habituellement dédiées à l'audition chez les personnes entendantes." parce qu'en partant de là, et en imaginant un peu comment ça marche (Je ne suis pas non plus neurologue, et je m'avance en disant ça, mais ça peut se tenir.) on se dit que la pensée, même si elle est représentée par la parole pour la plupart des gens, peut tout à fait être représentée par autre chose ; une forme d'expression, qu'elle soit orale, visuelle, tactile, etc...
Invité- Invité
Re: La substantifique moelle de Bumblebeep
spiralebleue a écrit:PrShadoko a écrit:Est-ce que tu penses qu'il est possible de penser sans langage ? Si oui, comment se formulent nos idées dans notre tête ?
La pensée n'est -elle pas la première articulation d'un langage avant les langues ?
(Je ne connais pas trop la politique de double post sur ce forum, mais répondant à deux messages bien différents, je préfère autant le faire en deux messages.)
À mon avis, il est clairement possible de penser sans pouvoir parler, en revanche, tout dépend de notre définition de la "pensée" quant il s'agit du langage.
Pour moi, la première articulation d'un langage (Parlé ou non, peu importe.) est le besoin d'expression, si on veut remonter un peu plus haut, on peut préciser que cette expression est lié à un besoin de base, comme exprimer la faim. Mais en fait c'est pas super important ; je vois surtout la pensée comme le lien entre plusieurs éléments, ce lien n'est pas nécessaire pour exprimer un élément indépendamment d'un autre. Pour éclaircir un peu mon idée - ou au moins essayer ! - on peut prendre pour exemple un ordinateur, il a un langage qui lui est propre, il est capable de communiquer, de s'exprimer, d'échanger, et en fonction de notre définition de la pensée, il peut également en être capable. Mais un ordinateur peut se contenter de nous donner un résultat à une demande, sans "penser", juste en exprimant une information, sans l’interpréter, sans quoi que ce soit.
'Fin bon, on divague un peu, à la base je voulais savoir comment pouvaient penser les gens qui ne peuvent pas s'exprimer oralement, je n'ai jamais affirmé ou voulu hiérarchiser le lien entre la pensée et le langage, c'est très clairement hors de mes compétences !
Invité- Invité
Re: La substantifique moelle de Bumblebeep
Quand je parlais de personnes sourdes, je parlais logiquement de personnes incapables de percevoir le moindre son (actuellement et plus jeune, sinon la base de référence est faussée), sinon l'exemple est moins pertinent.
Oh que si, c'est pertinent ! ^^ Les personnes partiellement sourdes reçoivent un input langagier très particulier, qui peut, d'après certains pros travaillant dans le milieu, mener à de plus grandes difficultés de langage et de pensée que chez les sourds totaux congénitaux. Comprendre pourquoi et comment, et quels sont leurs moyens de compensation, voilà une source précieuse d'informations pour mieux saisir ce qu'est le langage. Mais malheureusement, j'en sais peu sur le sujet.
Je ne suis pas convaincu que le langage du corps soit si différent que le langage parlé, les normes diffèrent en fonction des régions, des pays, des continents, tout comme le langage ! Mais oui, dans ce contexte, on parlait de langage parlé, quoi que, on passer après au langage des signes, puis tactile, mais là n'est pas le sujet.
Certes il existe des ressemblances. Mais le langage "linguistique" (pour ne pas dire langage parlé car j'inclus ici aussi le langage signé) a vraiment des particularités qui lui sont propres. Par exemple, la double articulation, montrée par Martinet : chaque langue a un répertoire fini de sons (ou de gestes !), qui se combinent en un répertoire fini de mots, qui se combinent eux-mêmes en une infinité d'énoncés possibles et de discours. Cela confère au langage un pouvoir de génération de sens inégalé. Dans ce lien , on compare le langage à des cris pour en expliquer la spécificité, mais la comparaison avec des gestes non linguistiques du corps (par exemple, un haussement d'épaules) est pertinente aussi. En revanche, les gestes des langues des signes sont bien linguistiques, car s'inscrivant dans un système qui est bel et bien organisé selon cette double articulation.
Bumblebeep- Messages : 26
Date d'inscription : 19/07/2017
Localisation : Grenoble
Re: La substantifique moelle de Bumblebeep
Bienvenue dans la Savane Bumblebeep!
Dams38- Messages : 95
Date d'inscription : 29/09/2016
Localisation : Grenoble
Re: La substantifique moelle de Bumblebeep
Quand je dis que ce n'est pas pertinent, je parlais précisément de cet exemple/de mon questionnement ! Les personnes partiellement sourdes mettent - comme tu le dis - des mécanismes de compensation en place, un peu comme la compensation visuelle, mais on change encore de sujet. Je voulais justement savoir (Dans ce cas précis.) comment est-ce que ça se passait quand le langage parlé (Oui, parlé, pas les signes.) n'était pas du tout présent. Quand il est partiellement présent, on tombe encore dans un autre cas. Après, ça ne me dérange absolument pas de parler de cas différents, au contraire, c'est juste que là, précisément, je partais du principe que l'audition était réduite à néant chez la personne. q:
Yup, je suis globalement d'accord avec toi pour le langage, mais de toute façon, le "langage" en général ne se limite que très rarement à un seul registre (Dit-il en écrivant sur un forum en utilisant uniquement le langage écrit, argh, le bon exemple.), bien souvent c'est un ensemble de sons, de déplacements, d'apparence, et de tout un tas d'autres choses qui permettent d'exprimer des sentiments, des émotions, des idées, ou que sais-je encore ; chaque langage a ses nuances, ses subtilités, mais quand tout se retrouve mélanger, on ne peut pas réellement séparer l'importance de chaque élément.
Yup, je suis globalement d'accord avec toi pour le langage, mais de toute façon, le "langage" en général ne se limite que très rarement à un seul registre (Dit-il en écrivant sur un forum en utilisant uniquement le langage écrit, argh, le bon exemple.), bien souvent c'est un ensemble de sons, de déplacements, d'apparence, et de tout un tas d'autres choses qui permettent d'exprimer des sentiments, des émotions, des idées, ou que sais-je encore ; chaque langage a ses nuances, ses subtilités, mais quand tout se retrouve mélanger, on ne peut pas réellement séparer l'importance de chaque élément.
Invité- Invité
Re: La substantifique moelle de Bumblebeep
spiralebleue a écrit:La pensée n'est -elle pas la première articulation d'un langage avant les langues ?Revenir en haut
Je ne suis pas sûre de ce que tu veux dire : il y aurait chez l'homme des habiletés et opérations cognitives de bases qui "préparent le terrain" pour l'avènement du langage ? Oui, probable. Cette question renvoie à la querelle des générativistes VS émergentistes. Pour les générativistes, les structures linguistiques sont quelque chose d'inné et de biologique, déjà "gravées" dans le cerveau à la naissance, et le fait de parler une langue ou une autre va les activer de telle ou telle façon. Pour les émergentistes, le langage au contraire n'a rien d'inné mais se construit sur la base des autres capacités perceptives, motrices et cognitives : l'audition, la vue, la mémoire, les émotions, la cognition sociale...
Bumblebeep- Messages : 26
Date d'inscription : 19/07/2017
Localisation : Grenoble
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