Rejet familial

Nouvelle sur le forum.

Aînée d’une fratrie de 4 enfants, famille dysfonctionnelle, mère gravement dépressive depuis mes 6 ans, et père dans le déni de la situation, se réfugiant dans un surinvestissement professionnel.
Depuis toute petite, on compte sur moi : j’ai été la gouvernante, la femme de ménage, l’aide aux devoirs : bref, le substitut aux missions parentales, des responsabilités qui n’étaient clairement pas de mon âge.
Depuis 4-5 ans, à la suite d’un trauma, ma sensibilité a pris le dessus sur ma personnalité.
Aussitôt, tous les membres de ma famille me sont tombé dessus : ils se sont persuadés les uns les autres que j’étais bipolaire.

Et c’est là que j’ai merdé.
Pensant leur donner des clefs, j’ai révélé mon intimité :
- je consulte depuis longtemps
- aucun des psychiatres consultés ne constate chez moi de bipolarité
- en revanche j’ai été testée et identifiée HPI ;

Malheur à moi ! Je n’aurais jamais du en parler, ça a été pris comme de l’insolence.

Depuis, ils ont tous coupé les ponts les uns après les autres avec moi.

Ça n’était pourtant, j’en suis sûre une surprise pour personne dans ma famille :
Ma précocité dans l’acquisition du langage, de la lecture et de l’écriture a toujours fait l’objet de plaisanteries (désagréables pour moi).

J’ai du mal à penser que ce soit simplement un rejet par jalousie.

J’ai plutôt l’impression que l’on m’en veut d’avoir brisé un tabou.

Cette attitude de rejet est très douloureuse. Je ne comprends pas les motivations.
J’ai besoin d’un éclairage, d’une explication :
Quelqu’un ici peut-il m’aider ?

Merci.

Bonjour.
En dehors de cette famille tu n’as personne ?

Si, mon conjoint : profil atypique, dans le spectre asperger...

La blessure de rejet ça se travaille, chacun a sa méthode.
Dans ce qu’il reste de ma famille on ne se parle quasiment pas non plus donc je n’ai pas de conseil sauf «trace ton chemin».

Pour le moment, je serai bien incapable d’avancer et de tracer mon chemin tant que je n’aurai pas compris les motivations du rejet.
Ça se reproduit en permanence :
- amicalement ;
- dans ma profession ;
Et maintenant
- avec ma famille.
Je retourne le problème dans tous les sens ; on dirait bien que ça vient de moi, mais je ne trouve pas le bug.

.

Il y a certainement plusieurs choses là dessous. Je vais en creuser une, il y en a certainement d'autres (à commencer par la piste ouverte par My_Illusion).

Moi, je vois la peur d'une perte de contrôle. Quelqu'un qui est bipolaire est facile à contrôler. En tant que personne, mais aussi en tant que récit collectif. On sait ou on va, avec l'ainée bipolaire, c'est une folle, on a toute les raisons du monde de la manipuler, de lui faire faire ce qu'on veut qu'elle fasse, elle ne sait rien de ce qui est bon pour elle.

La surdouée, en revanche, elle, est dangereuse. Elle est dangereuse parce qu'elle n'est ni folle ni conforme. Donc on ne sait pas l'inscrire dans un récit collectif ou on pourrait facilement la contrôler. Faute de pouvoir la contrôler, on s'en débarrasse. On écarte le danger. Danger non pas direct (je ne crois pas que tu sois un danger au sens légal, ou au sens sécuritaire), mais danger pour l'équilibre psychologique de gens qui se sont construits un univers ou le respect de la conformité est la condition si ne qua non de l'équilibre du groupe, et ou une surdouée est encore moins conforme qu'une bipolaire.

Il existe évidemment d'autres formes de groupe. Ton mari est Asperger. Bien que pas mal de choses diffèrent entre asperger et surdoués, le rejet de la part de groupes excessivement conformistes est un thème commun. Il est un point commun sur lequel tu peux construire un espace de vie qui te sera plus favorable. N'attends pas, comme My_Illusion le dit, beaucoup de la part de ceux qui t'ont rejeté. Tant qu'ils se sentiront menacés par le simple fait que tu sois, ils ne seront pas en mesure d'écouter tes messages, quels qu'ils soient. Le temps va travailler, certains se feront une raison, d'autres non. En attendant, construis ailleurs, avec un allié de poids : ton asperger de mari.

C'est pareil pour la profession, d'ailleurs : si tu est dans un milieu ou les surdoués sont rares, et les conformistes partout (c'est le point le plus important), tu auras soit à te mouler dans leur conformisme (mais ça risque de te faire très mal), soit à accepter d'être le vilain petit canard. J'ai la chance d'être dans un boite avec pas mal de zèbres, et même si ça pose aussi son lot de problèmes, c'est quand même plus respirable pour moi.

(après, Ronald, on peut être à la fois surdoué et conformiste )

Névromon a écrit:(après, Ronald, on peut être à la fois surdoué et conformiste    )

Oui, il y a plusieurs types de surdoués. Fanny Nusbaum parle de "fluides" et de "complexes", par exemple, il existe d'autres classifications, jamais très précises. Le truc, c'est que la grande majorité des gens qui finiront sur Zebra crossing seront des "complexes", tout simplement parce que les "fluides" ont une vie bien plus fluide et ne ressentent pas le besoin d'en parler.

Donc non, ce que je dis ne s'applique pas à tous les zèbres. Mais certains - et ils sont nombreux ici - ont tous les symptômes qui conviennent. Je ne sort pas ce discours à tous les nouveaux venus, loin s'en faut, hein. Mais certains correspondent suffisamment bien à l'archétype pour que je me permette de ressortir cette petite analyse. Tout ne leur correspondra pas, hein, on est sur de l'humain, mais généralement, ça leur parle pas mal.

Merci pour vos réactions.
Il y a là beaucoup d'informations qu'il me faut le temps de digérer avant de pouvoir répondre.
Je ne connais pas les travaux de Fanny Nusbaum. Je vais en prendre connaissance.

RonaldMcDonald a écrit:
Moi, je vois la peur d'une perte de contrôle. Quelqu'un qui est bipolaire est facile à contrôler. […]
La surdouée, en revanche, elle, est dangereuse. Elle est dangereuse parce qu'elle n'est ni folle ni conforme. Donc on ne sait pas l'inscrire dans un récit collectif ou on pourrait facilement la contrôler. Faute de pouvoir la contrôler, on s'en débarrasse. On écarte le danger.

Je commence par répondre ce point ; 
Ce que tu dis ici fait effectivement écho à du déjà entendu, mais professionnellement. Des retours que j’ai eus par indiscrétions : « SG, on la convoque à l’audition pour la forme, mais on écarte tout de suite son dossier, TROP DANGEREUSE ».

Je crois que tu viens de me donner une explication tout à fait plausible d’un problème qui se répète et que je ressasse en permanence sans y trouver du sens.

Le psychiatre qui me suis toune autour du pot depuis un moment déjà sans me donner les clefs.

Je cite : « vous êtes un mystère, c’est pour ça que ça coince avec votre entourage »
Et moi : « Comment ça un mystère ? Je ne comprends pas. Dans quel sens ? Mystique ou caché ? »
Lui : « non, vous êtes une énigme, vous êtes inclassable, et ça dérange. L.humain à besoin de mettre des étiquettes, de catégoriser »
Moi : « je ne comprends pas, parce que j’ai l.impression d.etre plutôt franche et directe, je ne dissimule rien, et je ne cherche pas non plus à manipuler. Ce n’est vraiment pas mon tempérament. »
C’est là qu.il me dit : « vous admettez quand même que vous êtes anti-conformiste ? »
Et moi : « Ah, bon ? Vous êtes sûr ? »

Il y a un profond décalage entre mon ressenti et la perception que les observateurs ont de moi.
Même si je me sens en décalage et pas à ma place, je n’imagine pas du tout être une menace ou un danger. Je me sens toujours l’imbecile du troupeau, celle qui n.a pas compris les consignes.

Pluvier a écrit:Pour le moment, je serai bien incapable d’avancer et de tracer mon chemin tant que je n’aurai  pas compris les motivations du rejet.
Ça se reproduit en permanence :
- amicalement ;
- dans ma profession ;
Et maintenant
-  avec ma famille.
Je retourne le problème dans tous les sens ; on dirait bien que ça vient de moi,  mais je ne trouve pas le bug.

Pose donc la question a ton entourage, amical, professionnel, familial.

Je pense que, quelque part en toi-même, tu sais de quoi il retourne : tu ne consultes pas depuis plusieurs années par hasard. Pour y être passé moi-même, je te dirais que le plus important n'est parfois pas ce que le psy nous dit, mais ce qu'on finit pas s'avouer à soi-même.

Pluvier a écrit:C’est là qu.il me dit : « vous admettez quand même que vous êtes anti-conformiste ? »

La question est excellente. Même si elle n'est pas forcément bien formulée.

Je la traduirais  par : tu n'as pas les reflexes standard de l'être humain standard. Tu n'est pas anti conformiste par choix volontaire, tu est anti conformiste parce que tu ne saisis pas ce qu'est la conformité, et tu est (un peu comme moi, d'ailleurs) bien incapable de t'y conformer. Tu n'as pas le choix. C'est presque la conformité qui est anti-Pluvier, en fait. La conformité s'auto alimente par toujours plus de conformité, et par l'éradication de tout ce qui ne rendre pas dans ce toujours plus de conformité.

Après, une fois que j'ai compris ça, j'ai accepté le fait d'être anti-conformiste. Je n'ai pas de télé. Je n'ai ni vu ni lu game of thrones. Je joue à des jeux vidéos qui ressemblent à des tableurs EXCEL. Voir je m'éclate avec des tableurs EXCEL autant qu'avec des jeux vidéo. Je ne sors pas en boite. Je ne bois pas d'alcool - par gout. Tout ceci fait de moi un anticonformiste. Eh bien soit. J'envoie chier les conformistes. J'embrasse le statut. Et je le vis bien.

Je ne crois pas que tu aie le choix d'un autre chemin que celui-là : embrasser ton manque de conformisme. Non pas par opposition, mais par simple constatation (le conformisme ne veut pas de toi). Tu vis ta vie, taille ta route, tu ne fais rien comme les autres (ni probablement comme moi, d'ailleurs, et ça c'est cool) et basta.

Pluvier a écrit:Pour le moment, je serai bien incapable d’avancer et de tracer mon chemin tant que je n’aurai  pas compris les motivations du rejet.
Ça se reproduit en permanence :
- amicalement ;
- dans ma profession ;
Et maintenant
-  avec ma famille.
Je retourne le problème dans tous les sens ; on dirait bien que ça vient de moi,  mais je ne trouve pas le bug.

Une piste différente de toutes les remarques pertinentes que l'on t'a données ci-dessus : connais-tu la thérapie des schémas ? (par exemple :ici ). Le fait que tu évoques des situations répétitives m'a fait penser à cette théorie de Jeffrey Young.
Bon courage !