Je me suis trompé... enfin je crois...

Bonjour,

C'est un peu délicat pour moi à expliquer car je n'ai pas l'habitude de raconter ma vie, mais je dois dire que je suis un peu (beaucoup) paumé alors...

Durant toute ma vie, ou une large partie de ma vie disons, on m'a toujours dit que je ne servais à rien, que je n'étais pas bon à rien mais mauvais à tout, que j'allais finir à la rue etc. Ces propos venaient de mes parents, de la famille en général et évidement, des profs. Je n'ai jamais eu la moyenne au delà de la classe de CP, sauf en histoire, peut être... Un catastrophe scolaire.

J'ai redoublé deux fois au collège et je me suis fait virer de quatre collèges différents, pour finir par sortir du système scolaire avec un brevet série technologique.

Durant les quelques années qui ont suivi, j'ai enchainé des petits boulots: cours à domicile (oui, c'est contradictoire), garde d'enfants, j'ai bossé dans le milieu du spectacle, de la danse...

Un jour, tout à fait par hasard (ce serait un peu long à expliquer), je suis allé à la fac de droit de ma ville lors d'une porte ouverte et j'ai découvert qu'on pouvait rentrer en études de droit en faisant une Capacité en droit. Je trouvais ça étonnant et je me suis inscrit sans trop y croire, convaincu de ma "nullitude".

J'ai réussi à valider les deux années de ce diplôme et j'ai fini par rentrer en Licence. Là, je me suis mis une pression de dingue en me disant "les autres ont le bac...s'ils ne comprennent pas, c'est que je comprends mal en croyant comprendre [les cours]". Mais j'ai réussi à tenir parce que j'étais intéressé et j'ai pu passer mes trois années de Licence sans trop de douleur.

J'ai poursuivi en Master 1, puis en Master 2... et comme je n'avais jamais vu les études comme une manière d'avoir un job, je me suis retrouvé là sans trop savoir quoi faire. Je me suis dit que j'allais faire avocat... Sauf qu'on m'a invité à poursuivre en Doctorat. J'ai donc passé un concours d'école doctorale dans une grande fac parisienne et j'ai obtenu un financement. J'étais donc payé pour faire ma thèse et accessoirement pour faire cours.

Mes années de thèses ont été un vrai rêve. J'ai pu faire tout ce que je voulais. J'avais des charges de cours intéressant. J'ai publié sans trop de mal. J'ai fini ma thèse dans les temps et j'ai obtenu un prix et une publication... bref, nickel !

J'ai ensuite demandé la qualification aux fonctions de maitre de conférence que j'ai obtenu. Sauf qu'il n'y avait pas de poste cette année là dans ma section CNU. Donc, rien. Alors je me suis inscrit en école d'avocat (passerelle sans concours)... et c'est là que tout est parti en vrille.

Durant les six mois de formation à l'école, ça a été une vraie catastrophe. Le fait d'être passé par la passerelle et de ne pas avoir passé le concours d'entrée était très mal vu, ce que j'ignorais. Je me suis fait descendre en flèche par les formateurs dès qu'ils en avaient l'occasion. Aux examens blancs, ils m'ont pourri comme jamais (des 1 et des 2 à la pelle, notes que je n'ai jamais eu de toute ma scolarité universitaire). J'ai commencé a sérieusement déprimé et en juillet, à la fin de cette période, j'étais au fond du trou.

Les six mois suivants, je suis allé en stage au tribunal judiciaire. J'assistais aux audiences, je rédigeais des décisions etc... Tout s'est bien passé, même très bien et j'ai eu toutes les appréciations maximums de mon maître de stage.

Depuis six mois, je suis en stage en cabinet d'avocat, et même son de cloche. Tout va très très bien et j'ai là encore toutes les appréciations maximums et une promesse de collaboration une fois l'examen d'avocat en poche.

Depuis environs un mois, je pense beaucoup à l'avenir et à cet examen. J'ai peur de le rater et que l'école me refasse le même coup qu'à l'examen blanc. Ils m'ont bien fait comprendre que ne pas avoir passé le concours était une chose qu'ils n'appréciaient pas. Le plus paradoxale là dedans, c'est que je corrige ce concours moi-même car j'ai les qualifications pour ça. Encore, l'examen de sortie en école d'avocat est très très simple, presque une formalité... Il y a 99% de réussite et ceux qui ne l'ont pas sont ceux qui ne se présentent pas ou qui ont noyé des chats en mettant la vidéo sur Youtube.

Récemment, je me suis demandé si la peur de ne pas avoir cet examen n'était pas révélateur d'autre chose que le simple fait de ne pas devenir avocat. Je crois que ça me renvoi à mes échecs passé et à ce que j'ai pu croire de moi. J'ai peur que ça me fasse descendre de dix étages. Je me rends malade à cause de ça au point d'avoir réussi à me bloquer le dos... Je suis bouffé par l'angoisse. J'ai des insomnies... et d'autres trucs.

Ce matin, je me suis demandé ce que ça me ferait, au delà des résultats... Je pense qu'en dehors de l'aspect financier et de devoir trouver un autre job, ça me soulagerait peut être. Une seconde plus tard, je me dis le contraire. Pis je me dis que s'il n'y a pas de poste à la fac l'année prochaine je n'aurais pas de job alors j'aurais fait tout ça pour rien. Alors me vient en tête que je pourrais faire tout autre chose...et que ce serait pas plus mal. Et revient l'histoire de la thune... Bref... je suis perdu et je ne sors pas la tête de l'eau. Du tout. Si vous saviez dans quel état je me suis fichu...

Je crois que de manière inconsciente je cogite en tâche de fond depuis que j'ai foutu le nez dans cette connerie d'école d'avocat. Et je me retrouve à un mois des échéances (examens) complètement paumé sans savoir que faire et quoi penser. Je suis à deux doigts de tout arrêter et en même temps je peux me lever avec l'envie de foncer à cet examen. Je n'arrive plus à démêler quoi que ce soit de ce qui se trouve dans ma tête. Je sens que je ne tiendrai pas un mois de plus dans cet état là.

Je suis parfaitement conscient que mon discours fait un peu pleurnichard, mais je n'extériorise pas du tout et je me suis retrouvé face à "ça" (à moi-même?) sans trop m'y attendre et je me sens noyé.

Si quelqu'un à une réflexion utile. Je suis preneur...

Par avance, mille mercis à vous.

V.

Bonjour et bienvenue.

Le système scolaire mondial (oui, je vise large, ça ne se limite pas à ton école d'avocats) est très peu adapté à l'apprentissage véritable. On progresse bien mieux si on apprend en s'affranchissant de ses codes. Mais, et tu l'as vécu à tes dépens, les codes sont là pour une "bonne" raison : montrer patte blanche, prouver sa soumission au groupe. Ce que tu n'as pas fait (et ce n'est pas mon genre de reprocher ce genre de choses - j'ai moi même pratiqué, dans d'autres circonstances).

Après, je dirais de quand même passer les examens. Au cas où. Si tu as le diplôme en poche, alors tu pourras exercer, sans plus te trimballer les fâcheux. Sinon, les besoins en gens qui connaissent le droit sont nombreux, le chômage est bas (démographie oblige), donc il devrait y avoir des portes dérobées - reste à voir si elles te conviendront.

Il faut parfois faire semblant d'être soumis. J'ai fait ça quand j'étais appelé du contingent. Je faisais semblant d'être motivé. Juste ce qu'il fallait pour ne pas être remarqué - et pas emmerdé. C'est toujours un équilibre à trouver, juste en faire assez pour ne pas passer pour un alien, mais pas trop, sinon y y laisse sa santé.

Chapeau Victorien ! Félicitations pour ton parcours en dépit des vilaines remarques que tu as subies si longtemps.

Bon courage, tu vas y arriver !

Hello,

Ce n'est pas toi qui débloques, c'est le système. Tu le sais, et ça te rend dingue. Tu es à la porte d'un milieu totalement fermé sur lui-même, hyper-corporatiste, ultra-formaté, probablement gangréné. L'examen est assez facile et complexe à la fois pour pouvoir faire passer ou échouer sur commande. Si tu échoues à cet examen, c'est qu'ils en ont décidé ainsi, parce que tu leur fais peur. Ça ne dira rien de toi, si ce n'est que tes différences terrifient ce cercle étroit et fermé, cette "élite". J'espère que tu vas y aller apaisé, curieux de l'expérience, et pas dupe de la supercherie. A ce stade, ce n'est pas le niveau de prestation qui joue, la prestation est un prétexte. La même copie, la même performance, on peut en raconter ce qu'on veut, à la tête du client.

Vas-y, sans trop te laisser impressionner, mais en leur laissant penser que tu te plies humblement au moule étroit, à la camisole de force.

Relax, enjoy the ride, tu as déjà appris plus de cette expérience que la plupart d'entre eux, en extra-curriculum.

Bats-toi, pour la forme, pour ne pas leur faciliter la tâche, pour secouer la grosse machine, sans te laisser broyer.

Hi there! Oui les doctorants ont mauvaise presse à l’école d’avocat car il y a un nombre certains de doctorats de complaisance « donnés » pour repêcher ceux qui se plantent au pre-CAPA. Et c’est aussi compliqué pour une profession de ne pas maîtriser son diplôme d’entrée pour le laisser dans les mains d’universitaires qui, pour beaucoup, n’ont aucune idée du monde du travail et des exigences de la profession. Mais il n’y a généralement que les
Docteurs de complaisance qui se font planter à la sortie: le jury sait faire la part des choses, ne t’inquiète pas.
Si c’est ce que tu veux faire, fonce, montre ton envie et t détermination: personne ne t’arrêtera! Tu ne te feras pas planter juste parce que tu es docteur.

Merci pour le complément professionnel vu du terrain, J043947.08+163415.7.

J'ajoute que je connais quelqu'un à qui on a fait subir le même genre de traitement, à l'issue d'une formation professionnalisante de niveau master, donc en spécialisation académique liée à une pratique de terrain (interprète). Les gens qui visent ce master passent par un bachelor (une licence) particulière (traduction), même si on peut passer par d'autres voies. La personne à laquelle je pense avait pu raccorder d'un parcours atypique, parce qu'elle avait le niveau et les qualités requises. On le lui a fait payer, et cher.    

Victorien a écrit:Et je me retrouve à un mois des échéances (examens) complètement paumé sans savoir que faire et quoi penser. Je suis à deux doigts de tout arrêter et en même temps je peux me lever avec l'envie de foncer à cet examen. Je n'arrive plus à démêler quoi que ce soit de ce qui se trouve dans ma tête. Je sens que je ne tiendrai pas un mois de plus dans cet état là.

Je suis parfaitement conscient que mon discours fait un peu pleurnichard, mais je n'extériorise pas du tout et je me suis retrouvé face à "ça" (à moi-même?) sans trop m'y attendre et je me sens noyé.

Si quelqu'un à une réflexion utile. Je suis preneur...

Par avance, mille mercis à vous.

V.

Sophrologie, relaxation, yoga.

Récemment, je me suis demandé si la peur de ne pas avoir cet examen n'était pas révélateur d'autre chose que le simple fait de ne pas devenir avocat. Je crois que ça me renvoi à mes échecs passé et à ce que j'ai pu croire de moi. J'ai peur que ça me fasse descendre de dix étages. Je me rends malade à cause de ça au point d'avoir réussi à me bloquer le dos... Je suis bouffé par l'angoisse. J'ai des insomnies... et d'autres trucs.

Psychothérapie.

La France est une vielle république de l'esprit. Il faut savoir que ce qui y compte dans une embauche, c'est le diplôme, l'appellation, le label, le nom, la recommandation, la réputation, le prestige. A l'étranger, les compétences devancent largement toutes ces autres notions qui n'en sont alors que les témoins. Lorsque l'on veut lancer sa carrière juridique, la place du diplôme prend quasiment l'entièreté de la place. Je suppose que c'est ce qu'on t'a bien fait comprendre tout au long de ta formation académique. Je te souhaite donc d'être fort. Lorsque l'on connait l'échec et l'effet qu'il a sur nous, la perceptive de se faire rabaisser est vertigineuse. Il faut aussi se dire qu'il est normal de ressentir un stress intense à l'approche des examens puisqu'ils constituent un enjeu pour toi. Il ne faut pas perdre pieds et garder la tête froide !

Enfin, je ne peux qu'essayer de te rassurer et de te donner confiance en te disant ceci : "Si tu as donné le meilleur de toi-même et que tu as échoué, alors tu ne pourras pas t'en vouloir".

Avant d'exploser, il faut que tu arrives à t'apaiser.
Prends un peu de temps pour toi, pour faire quelque chose qui te fait plaisir et te détend. Il est important de lâcher prise par moment.
Je suis plutôt bavarde et ne veux pas monopoliser ton fil, j'ai quelques pistes à te proposer ( philo/psycho), si tu veux, nous pouvons échanger en mp.
Al

Je vous remercie pour vos conseils. Je dois dire que cette période de flottement me met dans une espèce de brouillard totalement toxique dont je n'arrive pas à sortir. Je suis bien conscient de ne pas rentrer dans les clous mais tenter de m'y adapter rend la supercherie d'autant plus grande et palpable. C'est comme si je faisais un bon en arrière de plusieurs années pour me retrouver dans cette situation où je ne me sentais légitime en rien. Je pense que beaucoup ici connaisse ce sentiment qui est vraiment très désagréable. Je n'arrive pas à prendre la moindre distance et je m'enferme dans des pensées contreproductives au point d'en faire des rêves quasiment chaque nuit...

Merci à tous...

.... bon en arrière de plusieurs années ... Je n'arrive pas à prendre la moindre distance ...

L'humain est un animal social, on est tous totalement interdépendants. On est construit par nos expériences, qui peuvent être destructrices, et qui laissent des empreintes plus ou moins profondément ancrée.

Les maux relatifs à ce qui s'est joué jeune, on met des années à mettre des mots dessus, puis des années supplémentaires à dépasser (ou pas) ce qui nous a plombé.

Tu comprends ce qui t'arrive, et ça te fait une belle jambe, parce que la résolution cognitive ne suffit pas à la résolution affective et viscérale.

Prends soin de toi. N'hésite pas à demander un coup de pouce temporaire à un médecin, pour sortir de la spirale infernale.

C’est compliqué quand on part en vrille comme ça. Je suis très spécialiste de ce genre de descentes en enfer sans ABS. Généralement je m’arrête quand je lâche prise, quand j’arrête de vouloir remonter la pente à l’envers à toutes forces alors que la pente est trop aiguë et savonneuse pour y arriver. La petite machine arrête de s’emballer dans la tête quand j’en arrive au point que c’est tellement insupportable que je dis: stop! je m’en fous, je n’y peux rien,, je m’en remets à l’univers, j’abandonne, advienne que pourra!
Subitement, je respire mieux et je recommence à retrouver mes moyens.

"Tu comprends ce qui t'arrive, et ça te fait une belle jambe, parce que la résolution cognitive ne suffit pas à la résolution affective et viscérale."

Excellent remarque Tospsy Turvy. Oui, cela génère une forme de sentiment d'impuissance assez déstabilisante et étouffante...et cela enchaine très très bien avec la remarque de J043947.08+163415.7 !... car ce que tu relates de la manière dont tu lâches prise, j'ai connu cela et je réagissais comme cela avant. Mais...il y a bien longtemps. Ayant été relativement à l'abri dans mon cocons en doctorat, je n'avais trop rien à craindre (pour des dizaines de raisons qu'il serait fastidieux d'exposer)... J'ai perdu ce mécanisme de défense à force de trop de confort. C'est très étonnant d'ailleurs, car j'ai pourtant vécu comme cela la majorité de mon existence. Le lire de quelqu'un d'autre est assez agréable quand même ! Merci à vous deux !

Petit tips que j’ai mis en place de manière systématique désormais et qui finit par porter ses fruits: quand je me vois commencer à glisser, je dis à haute voix: « Stop: ça va bien se passer ».

Tu as pris les chemins de traverse pour arriver là où tu es. Tu n'as pas été formaté progressivement, comme tous les autres. Ca fait de toi quelqu'un d' "à part", qui va posséder un regard différent, avec les mêmes compétences.
La question est au final : pourras tu utiliser cette différence comme un atout ? ou devras tu te plier à ce que sont/font tous les autres ?

N'est ce pas l'enfermement qui te fait peur ?
J'ai un peu l'impression que jusqu'alors, tu réalisais un "jeu"/"défi", mais que là, tu passes à une normalisation qui peut sembler moins exaltante.
Peut-être que le "jeu/défi" pourrait être maintenu si tu mettais tes compétences aux services d'une cause ?

Pas obligé de répondre, je mets les questions qui me viennent, juste au cas où elles auraient un sens pour toi.