Morceaux de vie

Bibliothèque nationale de France, genre 14h20.

L'escalator est en panne. A chaque fois que je m'apprête à m'élancer dans un escalator en panne, que je m'apprête à poser le pied sur la première marche - ça s'appelle une marche, sur un escalator ?- il se passe systématiquement la même chose.

Mon corps est programmé pour compenser le mouvement de l'escalator. Je ne pose pas le pied comme s'il s'agissait d'un vulgaire escalier, non, je pose le pied de façon dynamique et compensatoire, pour me laisser entraîner dans le mouvement dès le pied posé, la main agrippée à la rambarde - ça s'appelle une rambarde, etc ?

Mais, cette évolution subtile du corps humain, cet acquis superbe de la vitesse de l'escalator dans le mouvement de la jambe, devient vite ridicule quand celui-ci est en panne.

Car alors, il semble impossible de faire machine arrière, si j'ose dire. Quand il est en panne, le mouvement devient non pas gracieux mais saccadé, non pas pro-actif mais subi. Oui, quand il est en panne, quand tu poses ton pied, il y a cette réaction bizarre (quel mot autre que bizarre pourrais-je employer ?), ce "ah ben non, il n'avance pas, il faut que je marche classiquement".

Alors, ok, je veux bien subir quand je ne fais pas attention.

Mais, cet après-midi, je suis partie à la guerre. J'ai regardé cet escalator, j'ai réfléchi une fois encore sur ce mouvement étrange de mise de pied sur marche, et j'ai décidé d'aller au combat dignement, la tête bien droite, le buste relevé. Quand t'es une femme, tu peux pas aller à la guerre, de toute façon, il faut choisir ses batailles. La mienne sera celle de l'escalator. Et le buste relevé, ça plaît bien.

Mais, non. Non. Échec lamentable. J'ai posé mon pied, en me concentrant, "non, il n'avance pas, pose ton pied normalement, pouffiasse", mais j'ai exécuté à nouveau le mouvement compensatoire-mais-en-fait-non-il-fallait-pas.

La victoire de l'acquis sur l'inné. La machine sur l'homme.

Coucou à tous, j'espère que je pourrai passer du bon temps ici.

Quelle entrée en matière géniale, j'ai ris et je me suis passionné pour ce problème d'escalator-qui-te-fait-faire-des-trucs-bizarre.

Bienvenue chez les fous en liberté

le pire c'est de descendre un escalator en panne ! bienvenue

Le pire c'est de tomber dans un escalator qui monte.
J'adore la chute de cette blague, on la goûte sans faim. Pose tes godasses et mets-toi à l'aise.