Fabrice Bak. "La précocité dans tous ses états"

Je suis en train de finir avec un enthousiasme grandissant "La précocité dans tous ces états" de Fabrice Bak.
Malgré le coût plus élevé que la plupart des autres livres traitant de la douance, c'est le meilleur investissement que j'ai fait à ce sujet.
Sa grille de lecture semble s'inspirer des théories de Piaget. Je dis semble car je n'ai pas eu le courage d'aller reprendre ces théories auxquelles j'ai toujours été étanche (ben oui, j'ai un cerveau assez étanche à certaines formes de pensée et de réflexion...).

Bak ne se contente pas de décrire la douance et toutes ses forces avec les revers de médailles qu'on a tous expérimenté avec plus ou moins de bonheur ou de malheur. De ce regard nait une prise en charge structurée avec une cohérence qui personnellement me rassure à la seule lecture. Ce concept de structures-mère de la pensée me séduit dans le sens où en découle la possibilité très pragmatique de porter secours à certains types de défaillance de la pensée qui concourent aux difficultés des douancés (quand ils en ont...).

On peut en faire de nombreuses critiques négatives que vous pouvez lire sur adulte surdoué : adulte-surdoue.fr/livres-articles/precocite-dans-tous-ses-etats-fabrice-bak-t4135.html
Je les partage pour la plupart, elles sont judicieuses et à propos.
Elles n'enlèvent rien à ce que j'ai pu retirer de cet ouvrage.
Ce livre m'offre de belles ouvertures et je ne l'ai pas encore fini... J'y retourne!

Zébravalia a écrit:bonjour cuicui
tu peux nous faire un récapitulatif rapide de cette grille de lecture ? en choisissant un exemple précis par exemple ? pour mieux comprendre ce que tu expliques à propos de "décoincer" sa pensée.

Bonjour/soir Zébravalia,

Non, je ne peux pas encore faire un récapitulatif. Et je me demande si c'est possible. Ce livre est très dense. Certains passages obligent à aborder des notions qui étaient nouvelles pour moi et je ne suis pas sûre d'avoir encore tout intégrer. Il explique sous un angle nouveau pour moi tout le développement de la pensée du petit enfant jusqu'à l'âge adulte ( en référence à Piaget?).

Suite en cours de maturation

Coucou!
  J'espère qu'il y a un gardien en haut de ce grand phare!
Je crois que je vais continuer ma route à terre, je ne suis pas sûre d'avoir un bon sextant!

Une fois la lecture terminée j'ai le ressenti d'avoir fait un voyage très intéressant mais heureusement que j'avais déjà visité le pays. Je suis parfaitement incapable d'en faire un album photos pour le présenter à d'autres! Voici quand même quelques zooms sur image.

Un grand bravo à faire serait d'applaudir pour ce qui est celui de prévenir les familles sur les dérives de tous genres en matière de précocité. Ses conseils de vigilance sont des plus avisés. Ça fait pas mal de temps que je navigue dans la douance et j'en ai entendu des vertes et des pas mûres, même auprès de pro.
Un bémol pour les associations citées qui sont très peu représentées en milieu rural. Je n'ai jamais pu avoir des aides concrètes de leur part. Bref être vaut mieux être z, riche et intelligent en ville qu'à la campagne, mais on apprend à exploiter d'autres avantages.
J'ai apprécié qu'il souligne avec bon sens que l'école n'est pas un lieu de thérapie mais bien un lieu d'apprentissage et que donc il vaut mieux s'appuyer sur des pédagogues que sur des thérapeutes en tout genre.
J'ai vraiment glané de ci de là de judicieux conseils plein de bon sens, auxquels on accède facilement seul pour peu qu'on ne soit pas débordé par des situations anxiogènes. Les débordements anxieux pouvant faire perdre pied, il est bon de trouver ces repères écrits.

Le gros problème de ce livre reste qu'il est mal structuré, qu'il aborde quantités d'aspects comme s'il voulait être exhaustif. Sachant qu'il est impossible de l'être, on a l'impression que l'auteur a fait des coupes franches dans la description qu'il voulait faire et du coup, de temps en temps on se sent paumé.

Ayant déjà beaucoup lu en matière de psy et au-delà de l'aspect douance, je suis passée très facilement et rapidement sur les 3/4 du livre. J'ai retrouvé dans la bibliographie pas mal d'auteurs que j'ai lus donc je pense que ça m'a aidée à mieux appréhender l'ensemble. Aussi je n'ai rien découvert sur des aspects comme l'estime de soi, les relations qui deviennent toxiques dans un milieu familial fragile, les PN, les relations de couple, la sexualité, la parentalité, les différentes psychothérapies (à ce niveau il prêche pas mal pour sa paroisse quand même). J'ai été surprise de ne pas retrouver Alice Miller dans la bibliographie.

Ce que je vais faire de ce livre et quelle clé je vais prendre?
Le chapitre 2. Genèse de la pensée, organisation, les fameuses "structures-mère", la recherche de l'équilibre de la pensée, régulation, filtre ... Bcp de mots-clé pour moi dans ces 20 pages.
Je vais donc reprendre mes cours sur Piaget... enfin peut-être... (  ) 

En espérant à mon tour vous avoir donné une loupiote ou deux pour avancer.

Du chapitre 2, je retiendrais ce qui suit (sans savoir encore qu'elle sera l'application que j'en ferai ). Peut-être rien, mais déjà il me semble que ça donne du sens, que cela éclaire quelques passages de ma vie.

Deux sphères de la pensée se développent conjointement et avec une influence réciproque, l'une est de l'ordre de l'affectif et l'autre de l'ordre du cognitif.

Dans la petite enfance, la pensée s'exprime(rait) sous deux formes de réalités, celle du jeu, lieu où l'expression de l'affectif va se faire et celle de l'observation, soubassement de la sphère cognitive.
Ces deux formes d'expression de la pensée s'entremêlent et l'enfant passe d'un univers à l'autre sans cohérence. Le jeu est la réalité et la réalité est un jeu. (Par le jeu l'enfant intègre les règles observées dans son environnement.)
Petit à petit, les deux sphères vont se scinder (à la fin de la période dite symbolique) par la mise en place d'un filtre entre les deux.
Ce filtre seraitt issu de trois phénomènes
- la capacité de décentration de la pensée qui permet
- la prise de conscience (de la situation dans laquelle il se trouve)
- la capacité d'inhibition ( capacité d'adaptation aux exigences imposées par la réalité de l'adulte).
Ce filtre est opérant vers 3 1/2, 4 ans.
Ex: il est activé quand il quitte la récréation pour retrouver la classe et se recentrer sur les apprentissages.

Avant la mise en place du filtre, quand l'enfant joue, il colle à la réalité. Le jeu est un copié/collé de ce qu'il observe.
Après la mise en place du filtre, le jeu est ouvert à tout autre chose et s'il garde du sens, de la cohérence, le jeu permet l'émergence et la structuration de l'imaginaire.

Chez ht potentiel: la dissociation se met en place beaucoup plus tôt mais la pose du filtre ne peut se faire aussi tôt car pour cela, il faut que l'enfant soit confronté à des situations, à des évènements de la vie qui lui permettent de le mettre en place, situations en général rencontrées à un âge plus tardif. Donc ce filtre sera moins efficient, plus perméable. (voir les crises caractérielles brutales, intenses de certains enfants à cet âge-là). C'est ainsi que parfois l'envahissement affectif de la sphère cognitive fait perdre toute cohérence au niveau de la pensée.
Grande nécessité à ce moment-là de sollicitations et situations évènementielles très cohérentes pour éviter la dys-synchronie entre les deux sphères, ce filtre n'étant pas encore efficace alors que la dissociation sphère affective et sphère cognitive est déjà bien en place. Des sollicitations inadaptées, incohérentes peuvent perturber la mise en place de ce filtre.
On en retrouve les conséquences à l'adolescence avec submersion affective de la sphère cognitive qui ne permet pas la cohérence de la pensée => anxiété parfois massive. Ne pas banaliser ses interférences entre les deux sphères sinon prise en charge inefficace.
Si ce filtre ne se met pas en place l'adulte retrouve tout au long de sa vie cette fragilité. Les débordements émotionnels font alors parfois poser le diagnostic de dépression, ils vont être traités sans succès et sans fin. Seul outil parfois, l'hyperrationalisation des ressentis pour tenter d'éteindre le "feu de l'intérieur". Blindage et camouflage derrière une muraille pour que ne soit plus atteinte l'hypersensibilité.

Problématique centrale= fragilisation du filtre mal mis en place chez un hqi non diagnostiqué, non pris en charge.
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L'équilibre de la pensée:

C'est la capacité à agir sur et interagir avec son environnement. Toute situation nouvelle met en stimulation les deux sphères qui sans être étanches l'une à l'autre, ni invasives l'une de l'autre vont permettre d'élaborer une pensée cohérente nourrie à la fois par l'une et par l'autre sphère. Parfois de façon ponctuelle face à un évènement nouveau douloureux ou très intense, l'individu "accuse le choc" mais peu à peu le filtre s'active et il peut retrouver sa cohérence interne en sollicitant la sphère cognitive. L'équilibre relève d'une interrelation, d'une régulation réciproque.
L'état d'équilibre est rarement perçu. Nous percevons plus les états de déséquilibre  qui nécessitent un rééquilibrage qui coûte autant sur le plan affectif que sur le plan cognitif.

Les structures-mère seraient des processus de la pensée qui tisseraient ce filtre.
F. Bak et son équipe en repèrent 5.

1) La décentration:
Processus qui permet à l'enfant d'élargir son champ de conscience. Au début la pensée se réduit à recevoir les informations et à les traiter à partir de la seule perspective de l'individu. Peu à peu, il sort de ce mode et se libère(?) de son égocentrisme. La décentration permet à l'individu de passer de la subjectivité à l'objectivité, il intègre l’existence d'autres points de vue. (le terme de "se libérer" me perturbe car je pense que l'égocentrisme, sans connotation péjorative d'ordre moral, reste un mode d'acter sa pensée sans qu'il ne soit besoin de s'en libérer mais juste de prendre conscience d'où le "je" parle. Je ne peux "croire"en un monde absolument objectif. Sinon d'où la créativité émergerait-elle?)

2) La généralisation:
"Transfert d'un processus de raisonnement identifié comme cohérent à d'autres situations analogues".
L'individu devient capable de repérer et corriger ses propres erreurs et ainsi de compenser ses conflits cognitifs internes...

3) L'anticipation:
"Prévision explicite, par la pensée, d'une action et de sa conséquence impliquant une planification représentative".
Permet une adaptation du sujet à la réalité.
Dans le registre affectif, elle devient un mode de défense contre les angoisses liées à l'incertitude de l'avenir.
Elle interconnecte les apprentissages des expériences du passé et du présent et met en scène des situations à venir (imagination). Imagination et raisonnement interagissent, le second régulant le premier. Son objectif étant de créer un lien cohérent entre le présent et le à-venir.


4) L'inhibition:
Sélection des informations pertinentes par rapport à d'autres et renoncer à une activité lorsqu'elle est reconnue comme n'ayant pas de solution.
..." donne à la pensée la possibilité de se développer car elle va permettre une sélection des processus les plus adéquats pour aboutir efficacement à un problème et favoriser un coût cognitif moindre." Tri automatique entre "utile" et "inutile".
(
5) La classification:
Capacité à organiser différents éléments les uns par rapport aux autres en fonction des ressemblances et des différences.
(je n'ai pas compris ce qu'il en dit pas p111/112).

Ainsi d'après F. Bak, ces structures interagissent et sont régulées par la dernière, les classifications, qui joueraient "le rôle de thermostat pour permettre un fonctionnement harmonieux de l'ensemble tant sur le plan cognitif que sur le plan affectif".

De par son expérience, F. Bak a constaté que les dysfonctionnements de ces structures-mère étaient souvent liés à un défaut de la structure-mère "classification", ce serait le régulateur qui serait le plus souvent défaillant.
Cela ne s'apprend pas, cela semble présent dans la pensée sans besoin d'apprentissage au cours de la période dite symbolique.
Par contre il semblerait qu'à l'adolescence cette structure-mère soit absente alors que ces enfants-là semblaient la posséder en bas-âge (4-5ans). Ils sont incapables de repérer une classification possible en classe, sous-classe...etc.. et ne peuvent agencer leur pensée, ce qui leur fait perdre l'aspect opérationnel de cette pensée qui est la leur..
D'après lui, ce serait par décalage de "nourrissage" scolaire qu'ils perdraient l'efficacité de ce régulateur, leurs besoins ne correspondant pas à ce qu'offre le système scolaire au moment où se présente ce besoin. Ce dernier sollicitant beaucoup plus tard cette structure-mère (par l'apprentissage de la grammaire par exemple), l'enfant précoce va laisser tomber peu à peu cet outil de la pensée qu'il possédait déjà. Il remplacera les classifications hiérarchiques par de simples collections figurales. A une question donnée, il répondra par une association d'idées et non pas par un déroulement de la pensée.
Les autres structures continuent de fonctionner mais les troubles vont apparaître du fait d'une coordination anarchique entre elles dont l'impact se retrouvera tant sur le plan cognitif qu'affectif. L'ensemble perd de sa fonctionnalité, de sa cohérence, de ce fait l'équilibre se rompt facilement. Il ne s'agit donc pas que d'un sous-emploi du potentiel mais d'une déstructuration. (attention à ne pas vouloir trop solliciter ces enfants-là pour réveiller un potentiel, car il est devenu impossible pour eux d'activer certaines compétences. A quoi bon "gaver" quelqu'un qui ne peut digérer.
(Et à titre préventif, repérer les hauts potentiels pour solliciter le régulateur des structures-mère à un moment adéquat pour qu'elles gardent leur efficience).
Je reviens plus tard pour en finir avec ce chapitre 2.

Chapitre 2 suite.

Les modes d'organisation anarchique des structures-mère et le tableau clinique chez les adultes...

F. Bak repère 4 modes de connexions anarchiques qui s'organisent sans la régulation "classification".
Généralement ces connexions se font entre deux structures-mère, plus rarement entre 3, auquel cas le tableau peut engendrer un trouble relevant d'une prise en charge psychiatrique.

1) Anticipation + décentration:
Cette organisation anarchique des structures-mère revient à la mise en place d'une sentinelle sur le qui-vive permanent. Le lien au monde ne se fait que par l'analyse permanente des dangers potentiels.
CAT:
Se mettre en mode "chacun son quart de veille".
Pour se recentrer un peu: le monde peut continuer de tourner sans moi, il y a d'autres veilleurs. Temps de pause vital.
Dans la capacité à anticiper, n'ai-je pas choisi la voie la plus catastrophique sans voir des embranchements (solutions) qui pourraient ouvrir vers d'autres chemins plus positifs?


2) Généralisation + anticipation
La raison garde à distance "raisonnable" les affects.
Tout est axé sur la dimension cognitive.
Avec besoin de maitrise sur l'environnement.


3) Décentration + généralisation:
"cascade affective", comme si la pensée calquait son ressenti émotionnel sur tout ce qui se passait aux alentours. La raison ne peut atténuer la charge émotionnelle.

4) Décentration + généralisation + anticipation:
L'anarchie est telle dans les connexions que cela conduit à une totale confusion de la pensée qui est submergée par tous les modes de structurations sans aucune efficacité opératoire, sans cohérence. Ce mode là est rare car en principe la relation ne s'établit qu'entre deux structures-mère.

5) Et qu'en est-il de la structure-mère "inhibition"?
Certaines organisations de la pensée vont être régulées par l'inhibition en lieu et place du thermostat "classifications".
Le résultat peut en être le repli quasi autistique.

Voilà, je sors ce morceau du brouillon et vous l'envoie.

Ces pages 101 à 129 sont pour moi les pages clés de ce livre.