Pret[ty]ium doloris.

par Clinamen Lun 2 Jan 2017 - 11:45

Quiconque prend l'épée périra par l'épée. Et quiconque ne prend pas l'épée (ou la lâche) périra sur la croix. Simone Weil

(...) juste une sensibilité accrue au sang caillé du Christ sur le poitrail des rouges-gorges ainsi qu'une compréhension de plus en plus fine, donc douloureuse, des conduites de chacun. Christian Bobin

La plus pure présence est un sang répandu. Yves Bonnefoy

Je ne sais pas si j'en suis (de la communauté HQI).

Je sais simplement que je suis sur-sensible à la chose intellectuelle, extrêmement émotive (c'était même marqué sur mes bulletins scolaires, "Clinamen est trop émotive", mon premier 17 a failli me tuer, d'ailleurs c'est Arielle Adda racontant sur l'antenne de France Inter le désespoir de la petite "surdouée" confrontée à l'épreuve de la mauvaise note qui m'a conduite jusqu'ici), et redoutablement empathique (imaginons que je me trouve face à quelqu'un et que dans la tête dudit quelqu'un, vienne à germer le (saugrenu(ou pas)) désir (même inconscient) de me voir trébucher : je suis si peu contrariante qu'en dépit de l'incontestable grâce et de l'agilité certaine qui me caractérisent, je finirai par tragiquement me prendre les pieds dans le tapis).

Je sais bien sûr la vanité de ce passage à l'acte (me présenter). Parce que :

Ce qui nous est arrivé, ou bien est arrivé à tout le monde, ou bien à nous seuls; dans le premier cas, ce n'est pas neuf, et dans le second, cela demeure incompréhensible.(Fernando Pessoa)

Mais je sais surtout, pour l'avoir expérimenté ici, sur ce forum que je hante depuis des mois, et ailleurs, ce qu'il est parfois possible de voir apparaître au détour d'un post ou d'un pseudo, l'occasion-cadeau d'un mot qui émeut/enseigne/éclaire/ranime :

Toute douceur toute ironie se rassemblaient
(...),
Les coups profonds du fer faisaient presque silence,
La lumière du glaive s’était voilée. Yves Bonnefoy

par Invité Lun 2 Jan 2017 - 12:35

Bienvenue !
17 était donc ta note la plus basse et a attenté à tes jours, attention car nous sommes en 17 désormais (oui, je sais et je sors...)
Mon premier 17, lui m'avait procuré un grand grand moment de joie...
Tes références, belles en l’occurrence, inspireraient beaucoup Nancy Huston qui les envisage comme de véritables professeurs de désespoir (et professions de désespoir).

Prenons par exemple celui-ci :

La plus pure présence est un sang répandu. Yves Bonnefoy

Hormis le sang impur qui abreuve nos sillons, la présence pure coulerait-elle vraiment pas dans les veines ? L'adjectif "répandu" me perturbe et peut sans doute en perturber plus d'un. Je ne parle pas de l'épée et de la croix de Simone qui, elle, s'est laissée mourir de faim.

par Fata Morgana Lun 2 Jan 2017 - 12:53

Attaquer d'entrée par un verset des évangiles peut être la meilleure ou la pire des choses. Personnellement, je prends, ça fera parti de mon pain de ce jour.
Bienvenue !

Je remarque que dans "clinamen" il y a "amen". Le hasard ?

par **Darth Lord Tiger Kalthu** Lun 2 Jan 2017 - 13:08

Bonjour et bienvenue parmi nous.

par Yoda300 Mar 3 Jan 2017 - 2:28

Bienvenue !

par Invité Mar 3 Jan 2017 - 12:37

C'était donc toi qui nous apportais cette sensation d'un forum peuplé de timides fantômes !

Bienvenue dans cet univers dans l'univers.

PS : Je te comprends, 17 est un peu trop impair pour être apprécié autant que 16 ou 18, voire 20, qui eux sont bien rassurants, le premier parce qu'il est carré, le deuxième parce qu'il est élevé, et le troisième parce qu'il fait semblant de nous faire croire qu'on a été parfait un instant !

par Kinred Mar 3 Jan 2017 - 14:09

Salut Clinamen.

Sympa, ta présentation. Si je comprends bien, le "désespoir de la mauvaise note" que tu décris provient du fait que ton 17 était au-dessous des notes que tu avais l'habitude de recevoir. Or, justement, le désespoir naît d'un espoir déchu. Si tu te sentais capable d'avoir 19 ou 20, il n'y a rien d'étonnant à ce que tu aies ressenti de la déception face à ton 17. Donc, bien qu'il y ait indéniablement un côté socialement malvenu à se plaindre d'une note que la plupart des élèves envient, il n'en reste pas moins que ton ressenti ait été légitime. Le fait que tu aies été affectée par ton résultat souligne d'ailleurs en toi une certaine sensibilité.

Sinon, je ne sais pas dans quelles proportions s'est trouvée ta réaction émotionnelle face à ton "échec relatif". Il se peut effectivement que tu éprouves quelques difficultés à contrôler tes émotions et à les maintenir à un niveau d'intensité approprié. L'émotivité est une question de disproportion entre la cause de l'émotion et l'intensité avec laquelle elle s'exprime. Par ailleurs, il se peut aussi que ta réaction ait été tout à fait proportionnée, mais que justement l'incapacité de ton prof de l'époque à se mettre à ta place l'ait poussé injustement à te qualifier d'émotive, ce que tu auras peut-être facilement assimilé de par ton statut d'élève.

Finalement, l'empathie fait appel à ta capacité à te mettre à la place de l'autre pour comprendre ce qu'il ressent. Ceci dit, j'ai l'impression que ton histoire de tapis marque plutôt chez toi une tendance à préférer te soumettre au désir de l'autre plutôt que d'agir en fonction de tes propres intérêts. Et sur ce sujet, la vraie question que tu dois te poser est... pourquoi ?

Au plaisir de te voir hanter le forum ! Wink

par Clinamen Ven 3 Fév 2017 - 0:11

@ izo : merci d'avoir pris la peine de me recadrer et merci de t'être montrée courtoise dans ton recadrage (bien qu'être qualifiée - entre les lignes - de perturbante et de désespérante = un peu aïe ! quand même (en même temps, on reste raccord avec l'intitulé du fil)).
Loin de moi l'idée de faire l'apologie du martyre : avant d'être pretty, mourir de faim ou supplicié sur la croix, c'est d'abord et surtout sacrément douloureux. Ne pas en vouloir autant pour soi donc, à moins d'avoir l'étoffe d'un saint. Simone Weil n'a pas choisi de s'affamer. Elle avait intrinsèquement et inextinguiblement faim d'absolu. Et en dépit d'une santé très fragile, elle ne pouvait se résigner à manger plus que ce à quoi la population rationnée avait droit.

Sinon, belle expression que ton "professeurs de désespoir", presque aussi belle que Nancy Huston avec ses grands yeux mélancoliques et sa bouche sensuelle et charnue, parfaite. Mais je trouve plus belles encore (et surtout plus vraies) "les larmes souriantes plus haut que l’angoisse ou l’espoir" (= réconciliation des contraires sur le plan au-dessus) de Bonnefoy (qui ne glorifie pas - tel un chantre patriote - le "sang répandu", mais le constate et l'intègre (et le surmonte?)).

@ Fata Morgana : merci pour cet accueil chaleureux, charitable Fata.
(...) hasard ? Nécessité.

@ Kalthu et @ Yoda : merci. Et merci !

@ Aube et @ Kinred : merci de donner votre bénédiction au fantôme (ni perfectionniste ni masochiste) que je (dés)incarne régulièrement sur ce forum.

par ortolan Ven 3 Fév 2017 - 0:36

par Clinamen Ven 3 Fév 2017 - 1:06

Qui, si je criais, entendrait mon cri parmi la hiérarchie des anges ?
Et cela même serait-il, et que l'un d'entre eux me prenne sur son cœur :
Sa présence serait trop forte et j'y succomberais.
Car le beau n’est rien d'autre que le commencement du terrible, à peine supportable ;
Et encore, si nous l'admirons tant, c'est parce qu'il dédaigne de nous anéantir.
Tout ange est terrible. (Rainer Maria Rilke)

Chaque être crie en silence pour être lu autrement.
On lit, mais aussi on est lu par autrui. Interférences de ces lectures.
Forcer quelqu'un à se lire soi-même comme on le lit (esclavage). Forcer les autres à vous lire comme on se lit soi-même (conquête). Mécanisme. Le plus souvent, dialogue de sourds. Simone Weil

par Clinamen Ven 3 Fév 2017 - 1:18

ortolan a écrit:Bienvenue sur le forum, Clinamen

Merci...

par Clinamen Dim 5 Fév 2017 - 0:38

Nous l'appelons Wladimir parce que c'est un nom rare et qu'en effet il était unique en son genre. Ceux qui le trouvaient drôle guettaient un regard, un mot de lui, et il en était avare. Médiocrement habillé, il se comportait avec plus d'aisance que vêtu avec recherche, et c'était au fond un être bon, qui n'avait d'autre tort que de s'inventer et de s'attribuer des défauts qu'il n'avait pas. Il était principalement méchant avec lui-même. N'est-ce pas impardonnable ? [...]

Quelles étaient les origines de Wladimir ? Ma foi, c'étaient sans doute ses parents, ni plus ni moins. [...] Jamais on n'a vu un être à ce point satisfait et en même temps insatisfait. Nul ne fut plus rapide et, à l'inverse, plus indécis. [...] D'un tort subi, il ne se vengeait jamais, et se vengeait peut-être du même coup suffisamment ainsi. Ceux qui ne le traitaient pas comme il l'avait souhaité, il les laissait tomber, comme on dit, c'est-à-dire qu'il s'accoutumait à ne pas penser à bien des méchancetés. Il préservait ainsi sa vie intérieure de retomber à l'état sauvage, et ses pensées de prendre une dureté malsaine. [...] Il vénéra une femme, jusqu'à ce qu'elle commît une faute et qu'il ne lui fût plus possible d'avoir une passion pour elle. Elle eut un geste prématuré qui le fit rire d'elle, et il en fut heureux. Plaignant cette partenaire, il n'avait plus à se plaindre lui-même.

Il resta jeune et profita de cette force pour acquérir et pratiquer le respect de ceux qui ont le plus besoin qu'on ne passe pas froidement sans les voir : les faibles et les vieux. Disons-nous trop de bien de lui ?

Parfois il se conduit comme un viveur, fréquentant des bistrots malfamés. Il est des gens qui l'en blâment, mais qui, eux-mêmes, voudraient bien s'amuser une fois, ce que ne leur permettent pas toujours les milieux qu'ils fréquentent. On l'a imité, mais cet être original reste ce qu'il est. L'imitation est d'ailleurs chose fort naturelle.

Les copies peuvent aussi avoir leur charme, mais c'est de l'originalité seule que procède ce qui a une grande valeur.

(Robert Walser)

par Clinamen Dim 5 Fév 2017 - 0:57

par bodhi Dim 5 Fév 2017 - 4:37

bienvenue

par Clinamen Dim 5 Fév 2017 - 6:12

Merci plusquellecjc.

par ♥ Kiss Jong-il ♥ Dim 5 Fév 2017 - 7:09

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par Clinamen Lun 6 Fév 2017 - 7:10

♥ Kiss Jong-il ♥ a écrit:
(...) je serais ravi de te rencontrer un jour en vrai.

Sauf que je suis un fantôme et que les fantômes, en vrai, cela n'existe pas.
(Mais merci de ton intérêt ♥ Kiss Jong-il ♥.)

par Clinamen Lun 6 Fév 2017 - 19:54

Clinamen a écrit:

Wild THING (the Paul-Claude Racamier experience)

Objet-fétiche

Ce qui est refusé à l'objet, c'est qu'il ait une vie propre et une autonomie.

Objet-ustensile

Ce qui est refusé à l'objet, c'est d'avoir des désirs propres.

Objet-dépotoir

Ce qui est refusé à l'objet, c'est la valeur propre de ses intentions.

Objet-piédestal

Ce qui est refusé à l'objet, c'est d'avoir toute valeur propre (et tout crédit d'en avoir).

par Sun Simiao Lun 6 Fév 2017 - 20:15

Objet-fétiche : anti-définition. Vous n'avez rien compris.

Heureusement pour vous, je ne noterai pas.

par Clinamen Lun 6 Fév 2017 - 21:04

Sun Simiao a écrit: (...) je ne noterai pas.

Merci de ménager mon hypersensibilité Sun Simiao.

par Sun Simiao Lun 6 Fév 2017 - 21:47

You're welcome.

Pret[ty]ium doloris.

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