Mayotte 101ème département
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Mayotte 101ème département
Je viens de vivre une année sur l'île de Mayotte, un endroit finalement assez méconnu. Des amis là-bas me disaient avant que je rentre en métropole "il faut qu'on parle plus de nous" et mes élèves se demandaient "M'sieur vous direz du bien de nous ?"
Alors je vais en parler ici, en tout cas, je vais essayer. Je leur dois pour tout ce qu'ils m'ont donné.
Un ami m'en parlait depuis longtemps,Nicolas. Il faut que tu voies, que tu racontes, tu dois le mettre sur ton blog. Il en avait mal, rongé par l'alcool et par des images trop fortes pour son cœur déjà saignant. Alors un jour je l'ai accompagné. A Kawéni d'abord.
Kawéni, c'est la zone commerciale et industrielle de Mayotte qui ressemble à toutes les zones de France mais qui comme partout à Mayotte, n'as rien à voir avec le reste de la France. Derrière les devantures abimées, derrière la tôle et la pauvreté, c'était encore pire.
Nicolas livre du matériel médical, quand la sécurité sociale paye. Mais pour cette gamine, la sécurité sociale avait décidé qu'elle ne payerait plus, elle pouvait être hospitalisée à Anjouan, l'île comorienne voisine, encore plus pauvre, tant pis pour elle !!
Nous sommes rentrés dans les ruelles, un sol jonché d'ordure, pas de lien entre les cases plus misérables les unes que les autres. On vit ici à même la terre battue, au milieu des poulets, des zébus et de la puanteur. Les enfants courent et jouent pieds nus, tout dépenaillés .
On est entré dans la case et là à même le sol dans une case où l'on retrouvait tout de même une télévision elle était là, un légume, pas de moteur et pas de cerveau, rien. Et la sécurité sociale avait décidé qu'on ne pouvait payer ces nutriments. Des bonnes âmes comme Nico se débrouillaient pour qu'elles survivent.
Il me disait :" prends des photos" mais je suis resté pétrifié, impuissant, effrayé par le quartier, je me sentais gêné voyeur, inutile et impuissant, je n'ai pas bougé, pas parlé, rien. Peut être que par empathie, je me suis transformé moi aussi en légume.
Nous sommes ensuite allé à Mamoudzou. On y trouve LA rue commerçante de l'île, la bien nommée Rue du Commerce, aujourd'hui la seule rue piétonne de l'île, presque un bout de métropole. Et là juste en dessous de cette rue à, une quinzaine de mètres en contrebas, dans une ruelle à l'apparence correcte à l'échelle de Mayotte, nous sommes rentrés dans une cour en terre battue, à l'intérieur, des espaces en béton, je ne saurais comment les nommer, je ne tenais pas debout dedans , à peine plus de place que dans l'habitacle moyen d'une voiture. Et encore une enfant oubliée, six personnes vivent dans cet espace. La mère désemparée mais souriante a bien accueilli le petit frère de Nicolas. Encore la même histoire, la sécu, un légume et toujours pas de photo.
Cavani, banlieue chic de Mamoudzou. Plus tard la femme de l'ami médecin de ma mère qui vit là me dira "mais non, il n'y a pas de bidonvilles à Mayotte, c'est juste comme ça qu'ils vivent"......
Et pourtant, à quelques petites centaines de mètres de chez eux, visibles depuis leur jolie terrasse, moi j'y suis rentré et j'ai vu, je ne sais pas comment on peut appeler ça. En comparaison tout ce que j'ai pu voir des favelas me semble luxueux. J'étais effrayé, inconfortable, les enfants nous courraient autour, ravis de voir 2 blancs apporter de l'animation. Moi j'avais peur, sans comprendre pourquoi, confronté à la misère absolue. On quitte une ruelle déjà effarante et on monte sur une butte de terre battue, la sur un espace minuscule, des dizaines et des dizaines de cases, agglutinées les unes aux autres, fabriquées de bric et de tôle à même la terre battue. Les chemins entre les cases ? Ils sont fabriqués avec les déchets et des pneus récupérés. Car il faut bien grimper l'impressionnante pente qui accompagne ce quartier. Je me demande encore à chaque grosse averse, si tout ça ne va pas s'effondrer. Et encore la même petite fille, la même sécu et toujours pas de photo.
Je suis revenu de là secoué, perturbé, impuissant. Je me sentais vulgaire et voyeur, je n'ai jamais écrit cette article pour lequel Nicolas m'a fait venir, je n'ai pas trouvé le courage. Mais je me rappelle d'une chose, tout ça c'était en France, et 50000 personnes vivent comme cela ici, ça je ne l'oublierais pas, et je me rappellerais que je n'ai rien fait.
Moi je suis resté perturbé et confus, et pourtant tout autour des sourires, des vrais sourires de ceux qui vous rentrent dans le corps, j'en ai été incapable, ils m'ont impressionné et je me suis senti petit.
Alors je vais en parler ici, en tout cas, je vais essayer. Je leur dois pour tout ce qu'ils m'ont donné.
Un ami m'en parlait depuis longtemps,Nicolas. Il faut que tu voies, que tu racontes, tu dois le mettre sur ton blog. Il en avait mal, rongé par l'alcool et par des images trop fortes pour son cœur déjà saignant. Alors un jour je l'ai accompagné. A Kawéni d'abord.
Kawéni, c'est la zone commerciale et industrielle de Mayotte qui ressemble à toutes les zones de France mais qui comme partout à Mayotte, n'as rien à voir avec le reste de la France. Derrière les devantures abimées, derrière la tôle et la pauvreté, c'était encore pire.
Nicolas livre du matériel médical, quand la sécurité sociale paye. Mais pour cette gamine, la sécurité sociale avait décidé qu'elle ne payerait plus, elle pouvait être hospitalisée à Anjouan, l'île comorienne voisine, encore plus pauvre, tant pis pour elle !!
Nous sommes rentrés dans les ruelles, un sol jonché d'ordure, pas de lien entre les cases plus misérables les unes que les autres. On vit ici à même la terre battue, au milieu des poulets, des zébus et de la puanteur. Les enfants courent et jouent pieds nus, tout dépenaillés .
On est entré dans la case et là à même le sol dans une case où l'on retrouvait tout de même une télévision elle était là, un légume, pas de moteur et pas de cerveau, rien. Et la sécurité sociale avait décidé qu'on ne pouvait payer ces nutriments. Des bonnes âmes comme Nico se débrouillaient pour qu'elles survivent.
Il me disait :" prends des photos" mais je suis resté pétrifié, impuissant, effrayé par le quartier, je me sentais gêné voyeur, inutile et impuissant, je n'ai pas bougé, pas parlé, rien. Peut être que par empathie, je me suis transformé moi aussi en légume.
Nous sommes ensuite allé à Mamoudzou. On y trouve LA rue commerçante de l'île, la bien nommée Rue du Commerce, aujourd'hui la seule rue piétonne de l'île, presque un bout de métropole. Et là juste en dessous de cette rue à, une quinzaine de mètres en contrebas, dans une ruelle à l'apparence correcte à l'échelle de Mayotte, nous sommes rentrés dans une cour en terre battue, à l'intérieur, des espaces en béton, je ne saurais comment les nommer, je ne tenais pas debout dedans , à peine plus de place que dans l'habitacle moyen d'une voiture. Et encore une enfant oubliée, six personnes vivent dans cet espace. La mère désemparée mais souriante a bien accueilli le petit frère de Nicolas. Encore la même histoire, la sécu, un légume et toujours pas de photo.
Cavani, banlieue chic de Mamoudzou. Plus tard la femme de l'ami médecin de ma mère qui vit là me dira "mais non, il n'y a pas de bidonvilles à Mayotte, c'est juste comme ça qu'ils vivent"......
Et pourtant, à quelques petites centaines de mètres de chez eux, visibles depuis leur jolie terrasse, moi j'y suis rentré et j'ai vu, je ne sais pas comment on peut appeler ça. En comparaison tout ce que j'ai pu voir des favelas me semble luxueux. J'étais effrayé, inconfortable, les enfants nous courraient autour, ravis de voir 2 blancs apporter de l'animation. Moi j'avais peur, sans comprendre pourquoi, confronté à la misère absolue. On quitte une ruelle déjà effarante et on monte sur une butte de terre battue, la sur un espace minuscule, des dizaines et des dizaines de cases, agglutinées les unes aux autres, fabriquées de bric et de tôle à même la terre battue. Les chemins entre les cases ? Ils sont fabriqués avec les déchets et des pneus récupérés. Car il faut bien grimper l'impressionnante pente qui accompagne ce quartier. Je me demande encore à chaque grosse averse, si tout ça ne va pas s'effondrer. Et encore la même petite fille, la même sécu et toujours pas de photo.
Je suis revenu de là secoué, perturbé, impuissant. Je me sentais vulgaire et voyeur, je n'ai jamais écrit cette article pour lequel Nicolas m'a fait venir, je n'ai pas trouvé le courage. Mais je me rappelle d'une chose, tout ça c'était en France, et 50000 personnes vivent comme cela ici, ça je ne l'oublierais pas, et je me rappellerais que je n'ai rien fait.
Moi je suis resté perturbé et confus, et pourtant tout autour des sourires, des vrais sourires de ceux qui vous rentrent dans le corps, j'en ai été incapable, ils m'ont impressionné et je me suis senti petit.
nans- Messages : 67
Date d'inscription : 01/06/2011
Age : 46
Localisation : La Seyne sur mer
Re: Mayotte 101ème département
Ben tu viens de l'écrire cet article...bouleversant...
Manou- Messages : 1894
Date d'inscription : 01/05/2010
Age : 56
Localisation : Pas loin de Paname
Re: Mayotte 101ème département
Merci pour ce témoignage, Nans.
J'ai déjà vu ce qu'était la misère, mais pendant un temps très court et dan un autre lieu.
Comme toi, j'ai été impressionné par les enfants.
Le bonheur se lisait sur leurs visages. Les gens n'avaient rien, sauf leur immense générosité et leur humanité.
Souhaites-tu revenir là-bas un jour ?
J'ai déjà vu ce qu'était la misère, mais pendant un temps très court et dan un autre lieu.
Comme toi, j'ai été impressionné par les enfants.
Le bonheur se lisait sur leurs visages. Les gens n'avaient rien, sauf leur immense générosité et leur humanité.
Souhaites-tu revenir là-bas un jour ?
Yack- Messages : 720
Date d'inscription : 14/04/2011
Age : 40
Localisation : Paris
Re: Mayotte 101ème département
On ne peut pas sauver la terre entière.
La France, à force d'y avoir trop cru, est en train d'entraîner une majorité de sa population dans la précarité et le malheur. Mayotte n'est qu'un gouffre financier de plus, et n'est française que par pur intérêt politique.
La France, à force d'y avoir trop cru, est en train d'entraîner une majorité de sa population dans la précarité et le malheur. Mayotte n'est qu'un gouffre financier de plus, et n'est française que par pur intérêt politique.
Dernière édition par Ahlala le Ven 3 Juin 2011 - 8:47, édité 1 fois (Raison : Oui, oui, c'est moi le monstre)
ahlala- Messages : 922
Date d'inscription : 08/02/2010
Age : 47
Localisation : Peu importe
Re: Mayotte 101ème département
yack a écrit:Merci pour ce témoignage, Nans.
J'ai déjà vu ce qu'était la misère, mais pendant un temps très court et dan un autre lieu.
Comme toi, j'ai été impressionné par les enfants.
Le bonheur se lisait sur leurs visages. Les gens n'avaient rien, sauf leur immense générosité et leur humanité.
Souhaites-tu revenir là-bas un jour ?
Pourquoi pas... Je ne pourrais pas t'en dire plus, je n'en sais pas plus.
Ahlala a écrit:On ne peut pas sauver la terre entière.
La France, à force d'y avoir trop cru, est en train d'entraîner une majorité de sa population dans la précarité et le malheur. Mayotte n'est qu'un gouffre financier de plus, et n'est française que par pur intérêt politique.
Je ne sais pas si je dois me lancer dans une réponse, j'ai déjà une idée sur ce que pourraient être tes arguments et je pense que tu sens venir les miens.
Et petite précision, tu n'es pas un monstre pour apporter une opinion qui me semble empreinte d'une certaine logique.
Oui, on ne peut pas sauver la terre entière. C'est l'évidence...
Dire que Mayotte est un gouffre financier pour La France .... Pour l'état, je ne saurais dire, tu as probablement raison, mais je ne pourrais pas infirmer, ni confirmer tes propos, je n'ai pas les éléments concrets pour ça. Mais je peux t'assurer qu'elle n'est pas un gouffre financier pour tout un tas d'entreprises métropolitaines où réunionnaises qui se développent là-bas avec une grande facilité au détriment des entreprises locales.
"Mayotte n'est française que par pur intérêt politique" Si le "pur" intérêt politique est du côté français, n'y a-t-il pas une contradiction avec l'idée que la France veut sauver tout le monde d'après toi ???
D'après tes propos Ahlala, la France est dans le gouffre à cause de l'immigration, à cause des Dom, des Tom et de tous ses "apports" à l'étranger...
MAIS, même si je ne suis pas d'accord, c'est le lancement d'un débat POLITIQUE, et j'ai bien pris, le soin de ne pas poster dans la partie "sujet,tabou, religion, politique..." Je me place ici à hauteur d'Homme, je parle des gens avec qui j'ai vécu, je parle simplement d'êtres humains, de souffrances concrètes et d'histoires de vies. Ce texte je ne l'ai pas écrit hier, mais il y'a a quelques mois, avant de le mettre ici, je l'ai soigneusement expurgé de toute référence politique. Tu as bien senti mes "accointances" mais ce n'est pas le sujet je pense aussi intéressant soit-il.
Merci pour ton message
nans- Messages : 67
Date d'inscription : 01/06/2011
Age : 46
Localisation : La Seyne sur mer
Re: Mayotte 101ème département
Et merci pour ta réaction à mon message Nans, comme tu dis, on va pas se lancer dans un débat politique, c'est pas le lieu. Mais au dehors de cela, je n'ai jamais compris l'apitoiement (sous toutes ses formes, sur quoi que ce soit) c'est la partie intolérante de ma personnalité sans doute. Et aussi une grosse part de mon paradoxe intérieur (pour différentes raisons).
Tu m'as rappelé les témoignages de certaines connaissances qui revenaient d'Afrique traumatisées, mais ne voyaient pas que leurs potes crevaient un peu la dalle ou sous les ennuis de l'autre côté du canapé.
Je comprends ton point de vue
Tu m'as rappelé les témoignages de certaines connaissances qui revenaient d'Afrique traumatisées, mais ne voyaient pas que leurs potes crevaient un peu la dalle ou sous les ennuis de l'autre côté du canapé.
Je comprends ton point de vue
ahlala- Messages : 922
Date d'inscription : 08/02/2010
Age : 47
Localisation : Peu importe
Re: Mayotte 101ème département
Ahlala a écrit:Et merci pour ta réaction à mon message Nans, comme tu dis, on va pas se lancer dans un débat politique, c'est pas le lieu. Mais au dehors de cela, je n'ai jamais compris l'apitoiement (sous toutes ses formes, sur quoi que ce soit) c'est la partie intolérante de ma personnalité sans doute. Et aussi une grosse part de mon paradoxe intérieur (pour différentes raisons).
Tu m'as rappelé les témoignages de certaines connaissances qui revenaient d'Afrique traumatisées, mais ne voyaient pas que leurs potes crevaient un peu la dalle ou sous les ennuis de l'autre côté du canapé.
Je comprends ton point de vue
Ce paradoxe me choque aussi, tu as raison, s'apitoyer sur le bout du monde et ignorer ce que l'on a sous les yeux....
Mais (
nans- Messages : 67
Date d'inscription : 01/06/2011
Age : 46
Localisation : La Seyne sur mer
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