Quand j'étais con.
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Quand j'étais con.
Il y a quelque chose de pire qu'une personne qui s'estime surdouée et qui ne l'est pas.
C'est celui qui s'estime con et qui est surdoué.
Je m'explique.
Ayant été élevé dans un cadre si étriqué que pour rentrer dans ma chambre je devais mettre des patins, où les lectures familiales
se bornaient à "nous deux/bonne soirée" et la contruction des avions de combat Allemand de la dernière guerre et le tout de surcroit dans un village d'altitude de trois cent habitants isolé la moitié de l'année par la neige, il m'aurait été difficile de déployer une pensée originale, singulière et lettrée.
Mon environnementr social d'alors se composait de mon copain, P. Qui était fils de manouche, plus musclé que Shwartznegger, dont le père était probablement en prison, et fils d'une femme qui vivait avec Tony, le tenancier Calabrais du bistrot local.
Pour ce qui est de ma scolarité, le medecin qui me suivait avait fini par faire un mot à la directrice de mon établissement pour me permettre d'être auditeur libre dès la cinquième (à cause de quelques difficultés d'adaptation sur lesquelles je reviendrai peut-être).
Mon monde culturel se limitait alors aux quelques disques de mon frêre qui n'habitait pas très loin et aux disques de M. le fils de M. qui s'occupait de moi quand ma mère était absente pour cause d'hopitalisation.
J'allais chercher du lait à la fruitière (oui, ça s'appelle comme ça) je faisais des boules de neige et le reste du temps je me faisais chier mais alors chier comme un rat mort quand les copains épiloguaient pendant des heures sur les moteurs de mobylettes, voire pour ce qui est de P. quand ils passaient des heures dans une grange à les monter et à les démonter.
Pas de cinéma. Pas de bibliothèque, pratiquement pas d'école, pas de magasins de disques. Une eglise, deux bistrots et des poivreaux.
Je me forçais à m'interesser à ce qui intéressaient les jeunes de mon âge - mobylettes, clopes, et plus tard vacancières et cuites mémorables. Je me forçais.
Je n'avais pour ainsi dire jamais vu une ville. Quand j'en voyais une, mettons Chambery, j'avais l'impression d'être à Las vegas.
Stimulation zero.
Si vous le voulez bien, faisons un grand bond vers le futur.
Après des épisodes successifs d'hospitalisons en hp sans nombre pour "dépression mal étiquettée", "psychose maniaco-depressive" "Anxiété généralisée" et même "tendances autistiques", la rencontre avec la drogue (jamais des dures) l'abus systématique de médicaments tels que les ludes (plus durs que les dures ?) quelques déménagements pour des lieux tout aussi improbables que le premier, j'ai fini par être sauvé par Georges.
Là je bois comme un trou, j'écris jour et nuit et je me comporte comme le pire beauf de toute la région dans mes rapports avec les filles, les bistrots et je fréquente les abrutis du coin qui me paraîssent tout à fait formidables. Dont des brutes dangereuses capables de tuer "vachement cool"...Soupir. le médecin affirma à mes parents que j'allais mourir à cause de l'intensité de mes souffrances morales. On me donne tant de cachets que ma langue et mes ongles se fendent. Je tremble. Mon cerveau est en miettes.
Encore un bond dans le futur.
je suis à Lyon. J'ai réussi mon équivalent du bac, je suis allé aux beaux-arts (très peu, l'école j'ai pas l'habitude).
Dans mon dos une bibliothèque. Devant moi, une bibliothèque. Autour de moi des étudiants avec des bibliothèques.
En quelques mois j'ingère toutes les connaissances dont je me sers encore aujourd'hui. je m'inscris à la bibliothèque, à la fac catho,
je dévalise les rayons des libraires, et comme dans le film "limitless" tout se met à s'éclairer autour de moi. J'ai encore mes habitudes de beauf des campagnes, (pastaga, rires niais pour des conneries) mais peu à peu, j'apprends des vocabulaires, des concepts - en amateur - des esthétiques.
Peu à peu quelqu'un en moi redresse la tête.
Mes doses de médicament sont devenues dérisoires. Je bouffe de l'info, je me roule dedans. n'ayant quasiment pas été scolarisé, je n'ai aucun préjugé; je suis totalement dépolitisé alors. Je ne sais pas ce qu'est la diiférence entre la gauche et la droite. Alors je demande des explications.
Je vais aux concerts. Ça me donne l'impression d'être le type le plus branché du monde !
Et bien que vous le croyiez ou non, à un an près, un an de plus dans mon milieu familial, j'étais mort. Cerveau desséché, en cendres,
en éponge, obligé d'être promené en voiture la nuit à cause de l'anxiété que j'étais.
Il s'en est fallu d'un cheveu. D'un millième.
Tout ça parce que l'idée qu'un gosse puisse avoir un tant soit peu plus de besoin intellectuel que les autres n'a jamais effleuré l'idée de personne. j'étais au tombeau dans ma propre chair. j'étais plongé corps et âme dans les plus profondes ténèbres. J'avais totalement dépéri. Incapable d'aimer, de la moindre empathie. Hébété par ma bêtise. Ma distraction, c'étaient les pilues gobées n'importe comment, juste pour ne plus sentir ce vide effroyable dans mon plexus solaire, ce trou noir qui m'avalait, arrachait de mes yeux tout rayon de lumière. Prèt à tuer, prèt à me tuer. La plupart du temps saoul. Et cela est à lire littéralement.
Personne au monde n'aurait pu, dans ce désastre humain, dans cette loque mentale, détecter le moindre surdoué.
C'est l'univers tout entier qui s'était ligué pour se foutre de ma gueule. J'allais dans des centres de réadaptation sociale.
J'ai été mis à la porte de tois d'entre eux en un an. J'ai travaillé une fois dans l'un d'entre eux. J'ai fabriqué un tabouret, puis retour en Hp.
Et pourtant je l'étais. Et pourtant, parce que je l'étais la vie mortelle de mes semblables me tuait à petit feu.
Alors si vous croisez un "monsieur Plume" (Henri Michaux) et que vous avez le moindre doute, dîtes-lui qu'après tout c'est possible.
Je vous en conjure !
Même un fantôme, même un con fini, qui ne l'est en fait que par imitation, et que cela tue, même un type incapable d'aimer, entièrement centré sur lui-même avec son indicible douleur au cœur, celle qui tue à la fois l'âme, le corps et l'esprit, même lui si ça se trouve, ce con qui gesticule en disant des inepties, il en est peut-être !
Ce clodo, cette pute, cet interné, il en est peut-être.
Ce petit "monsieur tout le monde" qui sourit toute la journée et qui chiale tout seul le soir devant le miroir de sa salle de bain, il en est peut-être.
C'est celui qui s'estime con et qui est surdoué.
Je m'explique.
Ayant été élevé dans un cadre si étriqué que pour rentrer dans ma chambre je devais mettre des patins, où les lectures familiales
se bornaient à "nous deux/bonne soirée" et la contruction des avions de combat Allemand de la dernière guerre et le tout de surcroit dans un village d'altitude de trois cent habitants isolé la moitié de l'année par la neige, il m'aurait été difficile de déployer une pensée originale, singulière et lettrée.
Mon environnementr social d'alors se composait de mon copain, P. Qui était fils de manouche, plus musclé que Shwartznegger, dont le père était probablement en prison, et fils d'une femme qui vivait avec Tony, le tenancier Calabrais du bistrot local.
Pour ce qui est de ma scolarité, le medecin qui me suivait avait fini par faire un mot à la directrice de mon établissement pour me permettre d'être auditeur libre dès la cinquième (à cause de quelques difficultés d'adaptation sur lesquelles je reviendrai peut-être).
Mon monde culturel se limitait alors aux quelques disques de mon frêre qui n'habitait pas très loin et aux disques de M. le fils de M. qui s'occupait de moi quand ma mère était absente pour cause d'hopitalisation.
J'allais chercher du lait à la fruitière (oui, ça s'appelle comme ça) je faisais des boules de neige et le reste du temps je me faisais chier mais alors chier comme un rat mort quand les copains épiloguaient pendant des heures sur les moteurs de mobylettes, voire pour ce qui est de P. quand ils passaient des heures dans une grange à les monter et à les démonter.
Pas de cinéma. Pas de bibliothèque, pratiquement pas d'école, pas de magasins de disques. Une eglise, deux bistrots et des poivreaux.
Je me forçais à m'interesser à ce qui intéressaient les jeunes de mon âge - mobylettes, clopes, et plus tard vacancières et cuites mémorables. Je me forçais.
Je n'avais pour ainsi dire jamais vu une ville. Quand j'en voyais une, mettons Chambery, j'avais l'impression d'être à Las vegas.
Stimulation zero.
Si vous le voulez bien, faisons un grand bond vers le futur.
Après des épisodes successifs d'hospitalisons en hp sans nombre pour "dépression mal étiquettée", "psychose maniaco-depressive" "Anxiété généralisée" et même "tendances autistiques", la rencontre avec la drogue (jamais des dures) l'abus systématique de médicaments tels que les ludes (plus durs que les dures ?) quelques déménagements pour des lieux tout aussi improbables que le premier, j'ai fini par être sauvé par Georges.
Là je bois comme un trou, j'écris jour et nuit et je me comporte comme le pire beauf de toute la région dans mes rapports avec les filles, les bistrots et je fréquente les abrutis du coin qui me paraîssent tout à fait formidables. Dont des brutes dangereuses capables de tuer "vachement cool"...Soupir. le médecin affirma à mes parents que j'allais mourir à cause de l'intensité de mes souffrances morales. On me donne tant de cachets que ma langue et mes ongles se fendent. Je tremble. Mon cerveau est en miettes.
Encore un bond dans le futur.
je suis à Lyon. J'ai réussi mon équivalent du bac, je suis allé aux beaux-arts (très peu, l'école j'ai pas l'habitude).
Dans mon dos une bibliothèque. Devant moi, une bibliothèque. Autour de moi des étudiants avec des bibliothèques.
En quelques mois j'ingère toutes les connaissances dont je me sers encore aujourd'hui. je m'inscris à la bibliothèque, à la fac catho,
je dévalise les rayons des libraires, et comme dans le film "limitless" tout se met à s'éclairer autour de moi. J'ai encore mes habitudes de beauf des campagnes, (pastaga, rires niais pour des conneries) mais peu à peu, j'apprends des vocabulaires, des concepts - en amateur - des esthétiques.
Peu à peu quelqu'un en moi redresse la tête.
Mes doses de médicament sont devenues dérisoires. Je bouffe de l'info, je me roule dedans. n'ayant quasiment pas été scolarisé, je n'ai aucun préjugé; je suis totalement dépolitisé alors. Je ne sais pas ce qu'est la diiférence entre la gauche et la droite. Alors je demande des explications.
Je vais aux concerts. Ça me donne l'impression d'être le type le plus branché du monde !
Et bien que vous le croyiez ou non, à un an près, un an de plus dans mon milieu familial, j'étais mort. Cerveau desséché, en cendres,
en éponge, obligé d'être promené en voiture la nuit à cause de l'anxiété que j'étais.
Il s'en est fallu d'un cheveu. D'un millième.
Tout ça parce que l'idée qu'un gosse puisse avoir un tant soit peu plus de besoin intellectuel que les autres n'a jamais effleuré l'idée de personne. j'étais au tombeau dans ma propre chair. j'étais plongé corps et âme dans les plus profondes ténèbres. J'avais totalement dépéri. Incapable d'aimer, de la moindre empathie. Hébété par ma bêtise. Ma distraction, c'étaient les pilues gobées n'importe comment, juste pour ne plus sentir ce vide effroyable dans mon plexus solaire, ce trou noir qui m'avalait, arrachait de mes yeux tout rayon de lumière. Prèt à tuer, prèt à me tuer. La plupart du temps saoul. Et cela est à lire littéralement.
Personne au monde n'aurait pu, dans ce désastre humain, dans cette loque mentale, détecter le moindre surdoué.
C'est l'univers tout entier qui s'était ligué pour se foutre de ma gueule. J'allais dans des centres de réadaptation sociale.
J'ai été mis à la porte de tois d'entre eux en un an. J'ai travaillé une fois dans l'un d'entre eux. J'ai fabriqué un tabouret, puis retour en Hp.
Et pourtant je l'étais. Et pourtant, parce que je l'étais la vie mortelle de mes semblables me tuait à petit feu.
Alors si vous croisez un "monsieur Plume" (Henri Michaux) et que vous avez le moindre doute, dîtes-lui qu'après tout c'est possible.
Je vous en conjure !
Même un fantôme, même un con fini, qui ne l'est en fait que par imitation, et que cela tue, même un type incapable d'aimer, entièrement centré sur lui-même avec son indicible douleur au cœur, celle qui tue à la fois l'âme, le corps et l'esprit, même lui si ça se trouve, ce con qui gesticule en disant des inepties, il en est peut-être !
Ce clodo, cette pute, cet interné, il en est peut-être.
Ce petit "monsieur tout le monde" qui sourit toute la journée et qui chiale tout seul le soir devant le miroir de sa salle de bain, il en est peut-être.
Dernière édition par Fata Morgana le Mer 25 Jan 2017 - 11:17, édité 1 fois
Fata Morgana- Messages : 20818
Date d'inscription : 09/02/2011
Age : 67
Localisation : Un pied hors de la tombe
Re: Quand j'étais con.
Un cercle se forme à nouveau, toujours drôle de constater comment à certains moments de nos vies nous avons des échanges avec certaines personnes, cela dure une seconde, un jour, ou plus...et cela se fait quand cela doit se faire.
Un saut de conscience en perspective.
C'était une parenthèse.
Quand il suffit d'un regard dans les yeux pour voir cette intelligence humaine, alors j'essaye avec douceur d'amener l'autre à s'ouvrir à ce qui se cache en lui (elle), parfois avec moins de douceur...
et je crois que le plus beau cadeau que l'on puisse me faire c'est un sourire,
un acte d'amour envers la vie, cette joie d'être qui rayonne.
Oui là je comprend, je sais pourquoi aimer.
Un saut de conscience en perspective.
C'était une parenthèse.
Quand il suffit d'un regard dans les yeux pour voir cette intelligence humaine, alors j'essaye avec douceur d'amener l'autre à s'ouvrir à ce qui se cache en lui (elle), parfois avec moins de douceur...
et je crois que le plus beau cadeau que l'on puisse me faire c'est un sourire,
un acte d'amour envers la vie, cette joie d'être qui rayonne.
Oui là je comprend, je sais pourquoi aimer.
Dernière édition par jolindien le Mer 25 Jan 2017 - 10:14, édité 1 fois
jolindien- Messages : 1602
Date d'inscription : 05/07/2015
Re: Quand j'étais con.
Fata Morgana
mouetterieusequiritpas- Messages : 110
Date d'inscription : 09/02/2017
Localisation : sur le rivage
Re: Quand j'étais con.
Merci de m'avoir fourni l'occasion de revenir sur ce fil mouette, je l'avais déjà enterré.
Fata Morgana- Messages : 20818
Date d'inscription : 09/02/2011
Age : 67
Localisation : Un pied hors de la tombe
Re: Quand j'étais con.
Pourtant il est ... pas con, justement.
Je me retrouve assez dans ton témoignage. Village plus grand, accès à la bibliothèque du village, internet à l'adolescence (ça m'a probablement sauvé, en même temps que ça a bien pourri ma capacité d'attention), tentatives de suicide, hosto psy et drogues dures.
Je sais que je suis pourtant intelligent et cultivé (avec des lacunes) mais ça percute pas au niveau de mon ressenti.
Je me retrouve assez dans ton témoignage. Village plus grand, accès à la bibliothèque du village, internet à l'adolescence (ça m'a probablement sauvé, en même temps que ça a bien pourri ma capacité d'attention), tentatives de suicide, hosto psy et drogues dures.
Je sais que je suis pourtant intelligent et cultivé (avec des lacunes) mais ça percute pas au niveau de mon ressenti.
5terlin9- Messages : 317
Date d'inscription : 12/12/2016
Re: Quand j'étais con.
internet à l'adolescence
Purée ! J'entends déjà mon oraison funêbre...
Fata Morgana- Messages : 20818
Date d'inscription : 09/02/2011
Age : 67
Localisation : Un pied hors de la tombe
Re: Quand j'étais con.
Bin t'es 31 ans moins jeune que moi hein
5terlin9- Messages : 317
Date d'inscription : 12/12/2016
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