Salut, les autres.
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Zat Cnidaire Barnum
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Re: Salut, les autres.
Tu vas attirer tous les pervers qui fument, probablement.
Carla de Miltraize VI- Messages : 5789
Date d'inscription : 10/07/2012
Re: Salut, les autres.
Comme ce n'est pas un fil Zeetic, je peux te le dire sans ambiguïté :
Tu roxes, Zat.
Tu roxes, Zat.
Fifrelin- Messages : 167
Date d'inscription : 10/02/2016
Age : 37
Re: Salut, les autres.
Heureusement, certains ne fument pas.Carla de Miltraize III a écrit:Tu vas attirer tous les pervers qui fument, probablement.
Sometimes, core and heart are the two faces of the same coin, and scars on them did not devalue the coin, they only made it unique, we can't do anything but aknowledge it
(C'est en anglais parce que j'aime pas faire des phrases bilingues :p)
Invité- Invité
Re: Salut, les autres.
C'est nul, comme toute fille.
sylvaing- Messages : 8
Date d'inscription : 09/07/2016
Re: Salut, les autres.
Merci pour vos lectures et vos retours. C'est étrange, ce "coming-out", pour moi. Cette exposition.
Bref.
(sylvaing, bienvenue chez les nuls.)
Bref.
(sylvaing, bienvenue chez les nuls.)
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
Date d'inscription : 29/06/2011
Re: Salut, les autres.
- attention gros mots:
- (putaing cong merdeg)
Carla de Miltraize VI- Messages : 5789
Date d'inscription : 10/07/2012
Age : 104
Localisation : Toulouse *** Se guérir de nos malaises de l’âme implique souvent une bonne dose d’humilité, d’accueil de la nature humaine et de sympathie envers autrui et surtout envers nous-mêmes. Daniel Desbiens
Re: Salut, les autres.
nan mais moi je suis pas nul. Regarde ma prés. Cela pue la haute vérité. Y en a trop, on sait plus quoi en faire.
sylvaing- Messages : 8
Date d'inscription : 09/07/2016
Re: Salut, les autres.
Merci de ne pas citer ce post si vous y répondez.
Quand j'étais petite fille, j'étais la petite grosse. Oui, pas de bol, en plus d'être l'intello de service, haha.
Je te passe les raisons du pourquoi du comment, ça te regarde pas. C'est assez moche comme raisons, et autant te dire que vu l'âge que j'avais c'était pas vraiment ma faute.
Je m'étais un peu amourachée du grand frère de ce mec de ma classe (fascinant détail) qui s'appelait Quentin. Quentin, lui, je peux te dire qu'il givait pas un seul fuck de moi, évidemment. C'est pas important. J'étais donc une petite fille à l'école primaire et tout le monde se doublement moquait de moi. Même ma grand-mère bitchait dans mon dos, c'est te dire la névrose question amour-propre. Et moi j'étais si triste, si mal dans moi-même, que j'en venais à espérer m'endormir et ne pas me réveiller. Et mourir, donc, soyons explicites.
Parfois, je me racontais des histoires dans ma tête le soir avant de m'endormir. J'ai créé une sorte de monde parallèle où les choses allaient bien pour moi. Dans ce monde-là, Quentin venait me voir dans la cour de l'école, moi la petite fille toute encombrée dans ce gros corps qu'elle ne reconnaissait pas. Et il venait avec une sorte d'aiguille (de pic à bigorneaux ? vas savoir ← ceci est une private joke fépagaf), et il « perçait » cette grosse bouée dans laquelle j'étais coincée. Et mon corps se dégonflait, et alors apparaissait la vraie moi, comme j'étais à l'intérieur. La jolie petite fille normale, celle qui pouvait courir avec les autres et qui n'avait pas besoin de se cacher pour le « loup bisou » (si je t'attrape je te fais un bisou) de peur d'essuyer trop d'expressions de dégoût.
Le fait est que Quentin, évidemment, a bien jalousement gardé ses pics à bigorneaux pour lui. Bon, après j'assume pas trop de pas avoir déjà été féministe à 8 ans, je pense que je suis pas une vraie surdouée et que j'ai raté ma vie de militante, mais ça c'est une autre question.
Il faut que je te dise un truc, à toi qui ne sais pas. A toi qui est grand et beau et fort et qui n'a pas de bourrelets, de vergetures, whatever. Qui ressemble à quelqu'un de bien.
Toi qui a été alimenté normalement. Toi qui a trouvé d'autres façons de te punir, de te remplir, de compenser tes névroses, ton manque d'amour, ton manque de plaisir, que sais-je. Toi qui fume, qui te mutile, qui joue frénétiquement, qui fuit, qui boit, qui te drogue, qui lit, qui pleure, qui dort, qui meurt.
Tu as de la chance : ta faiblesse, ta faille, elle ne se voit pas sur ton corps. Ce n'est pas la première chose que l'on voit de toi. Peut-être que même parfois tu peux montrer autre chose de toi d'abord, peut-être même que certains n'y ont pas accès, à cette faiblesse, peut-être que tu peux la cacher et la garder là où elle doit être : dans ton intimité. Hors de l'espace public et de la liberté d'expression(quelle plaie !) des autres.
Profite.
Ma faiblesse se voit littéralement depuis l'autre bout de la rue.
Et il faut que je te dise que c'est invivable. C'est faux, c'est FAUX, quand on te dit que c'est cool, qu'on assume, qu'on s'en fout. C'est faux. C'est un putain de mensonge et je ne crois pas une seule des personnes qui disent ça. T'as beau avoir toute la vie, toutes les vies que tu veux, tous les bonheurs, tout, tout... c'est faux, il te reste ce truc dégueulasse au fond de toi. En tout cas, moi, il me le reste.
Ce truc dégueulasse que me font les gens. Comme par exemple toi et ton doigt frêle qui me pointe.
Parce que voilà, on vit dans un monde où on n'a pas le droit de taper sur les noirs, les arabes, les femmes, les vieux, les malades, les homos, etc etc. Tout le monde compte, c'est beau hein ?
Je vois une exception : les gros. Oui ! La discrimination, le mépris anti-gros, ça fait bien, ça fait presque sain ! C'est acceptable voire désirable, de faire des blagues sur les gros, de faire des commentaires, de juger. Ça te distancie, hein ? Parce qu'à toi, connard, ça t'arrivera jamais, hein, de tomber malade, d'avoir des soucis, de déprimer parce que Téléfoot c'est fini, et de prendre 50kg, hein ? Le petit Jésus s'y est engagé, TANT MIEUX POUR TOI. Parce que toi t'es pas un bouseux sans volonté qui se gave de MacDo à longueur de journée sans bouger son cul escarré de son canapé, hein ? Félicitations, mec, félicitations. T'es sain, t'es grand, le métabolisme ça se mérite.
T'as pas idée du nombre de fois où j'ai entendu ou vu une blague, un jugement, sur les gros. Ou sur moi. Et où j'ai, avant tout, eu envie de me justifier. De dire « J'ai été maltraitée alimentairement parlant. », « Si tu voyais, je suis clairement parmi mes colocs celle qui mange le plus équilibré, ça veut rien dire. », et autres bullshit que tu n'aurais pas cru et qui m'auraient rendue sale et fragile. Alors toutes ces fois, je n'ai juste rien dit. Mais t'sais quoi ? Je t'emmerde. OUAIS. Tu me roules dans une fange de « manque de volonté » imaginaire. Tu n'as aucune idée du combat que c'est.
Mais vas-y, continue à faire tes blagues sur les gros. Continue à me regarder de travers quand mes fesses dépassent du siège du tram MERCI BIEN tu crois que ça me fait plaisir de te toucher avec ta tronche de mec qui fait du consulting et des stages de rafting ? Ah ouais c'est bien fait pour ma gueule, hein, j'avais qu'à pas. Et j'aurais qu'à.
J'ai qu'à pas m'asseoir là, j'ai qu'à faire un régime, j'avais qu'à pas me laisser aller, et puis pour qui je me prends à m'imposer aux gens comme ça ? Vas-y ferme ta gueule laisse-moi me taper mon métro-boulot-dodo en paix, et galérer en silence.
Oui je rage. Oui je suis en colère. « Les obèses » ceci, « les obèses » cela. Les obèses morbides viendront te bouffer les orteils pendant que tu dors, espèce de p'tit con. Commence par te renseigner sur ce que ça représente en matière d'IMC et de silhouette et arrête de m'imaginer sur un fauteuil-chariot électrique en train d'acheter 5kg de beurre de cacahuète au Wallmart.
Je vais te raconter une anecdote (cette fois-ci sans morceau de Quentin dedans) :
L'an dernier je suis partie en vacances avec des amis. Des gens biens (bon ce sont des amis, t'as vu). On est allés à la plage en passant par des allées de sable fin et des dunes. Et moi, j'ai de tout petits pieds, j'suis une mini-meuf. Par contre effectivement j'pèse le poids d'un baleineau, et donc si t'es pas trop mauvais en physique blabla tu comprendras vite pourquoi mes pieds, à chaque putain de pas, s'enfonçaient jusqu'à la cheville dans le sable. Mes potes, eux, ils marchaient tranquille. Et moi, à chaque pas, c'était Fort Boyard. Je ne sais pas si tu imagines l'effort physique que ça représente de soulever un baleineau mort enfoncé jusqu'à la cheville dans le sable à chaque pas pendant quelque centaines de mètres et puis PAR-DESSUS UNE DUNE. C'est un peu comme marcher avec des parpaings accrochés aux pieds. Et, en prime, bien sûr, parce que faut pas en parler de ça, il faut sortir ta plus belle Poker Face. J'ai pleuré, là comme ça devant mes potes pendant mes vacances, j'étais triste jusqu'au plus profond de moi. Comme une pauvre fille au milieu des dunes, ptain j'ai pleuré j'aurais voulu que tout s'arrête. Qu'on m'achève, moi la sous-humaine. Ce fut un des moments les plus humiliants de toute ma vie.
J'y suis pas retournée, à la plage, les jours suivants. Je ne pouvais pas revivre ça et remontrer cette image de moi à mes amis.
C'est marrant, hein ? C'est tellement drôle tout ça. C'est bien fait pour moi « j'avais qu'à pas ».
Tu vois, se lever chaque jour en tant que gros ou que grosse (je vais même pas faire semblant de dire « personne en situation de grosseur », parce que « gros.se » c'est juste une identité à tes yeux), et sortir de chez soi affronter la rue, manger au resto (parfois même au MacDo OUI), aller bosser, acheter une glace et te balader, voire aller à un rencard, rencontrer un ami (ça se trouve lui aussi il est gros et alors là j'te raconte pas le combo!), aller à la piscine, prendre le tram avec tes fesses qui dépassent du siège, et tout ça pour en arriver à te rencontrer toi... toi le teubé qui va dire à tes amis que « les gens comme ça faut pas qu'ils s'étonnent, ils ont juste pas de volonté », « moi je m'en fous du physique chez quelqu'un, tant qu'il/elle est pas gros.se quand même j'suis pas un animal », « rah j'ai mal au bide j'ai encore mangé comme un.e gros.se », qui à « elle est jolie ? » répond sans faire attention « bah... elle est un peu grosse... », qui va peut-être regarder les gens avec dédain dans la rue VOIRE les insulter, toi qui va valider toutes ces conneries, de près ou de loin... vivre tout ça, et en arriver à te rencontrer, et ensuite rentrer, se nourrir, se coucher, se relever, vivre, te re-rencontrer, etc. Tout ça, tu n'as pas le moindre départ d'idée de ce que ça peut représenter comme volonté pour juste pas se crever la peau chaque putain de jour. Et pas pour faire émerger le vrai moi caché en-dedans, si tu vois ce que je veux dire.
Ah et les intensités sont variables, bien sûr, mais ça vaut aussi pour les gens qui disent « tu sais moi je méprise personne mais bon chacun ses goûts et ses limites ». Oué oué, moi non plus je méprise personne mais j'préfère quand même sortir avec des mecs blancs, j'sais pas pourquoi les arabes ils m'attirent vraiment pas, mais j'suis pas raciste hein, c'est juste que légouélékouleur haha, tu reprendras bien un peu de rosé ? C'est le même délire. Sauf que si j'aime pas les arabes parce qu'ils sont tous pareils, tous des voleurs qui sentent l'oignon, je fais au moins semblant de le cacher. Toi tu l'avances en étendard, parce que t'assumes, parce que t'es fier. Fantastique.
Alors ouais, je te hais. Je te crache à la gueule. T'es moche. T'es borné. Et t'es bête comme un balai à franges. Je souhaite que tu t'étouffes avec tes certitudes. Y'a que ça à dire.
Quand j'étais petite fille, j'étais la petite grosse. Oui, pas de bol, en plus d'être l'intello de service, haha.
Je te passe les raisons du pourquoi du comment, ça te regarde pas. C'est assez moche comme raisons, et autant te dire que vu l'âge que j'avais c'était pas vraiment ma faute.
Je m'étais un peu amourachée du grand frère de ce mec de ma classe (fascinant détail) qui s'appelait Quentin. Quentin, lui, je peux te dire qu'il givait pas un seul fuck de moi, évidemment. C'est pas important. J'étais donc une petite fille à l'école primaire et tout le monde se doublement moquait de moi. Même ma grand-mère bitchait dans mon dos, c'est te dire la névrose question amour-propre. Et moi j'étais si triste, si mal dans moi-même, que j'en venais à espérer m'endormir et ne pas me réveiller. Et mourir, donc, soyons explicites.
Parfois, je me racontais des histoires dans ma tête le soir avant de m'endormir. J'ai créé une sorte de monde parallèle où les choses allaient bien pour moi. Dans ce monde-là, Quentin venait me voir dans la cour de l'école, moi la petite fille toute encombrée dans ce gros corps qu'elle ne reconnaissait pas. Et il venait avec une sorte d'aiguille (de pic à bigorneaux ? vas savoir ← ceci est une private joke fépagaf), et il « perçait » cette grosse bouée dans laquelle j'étais coincée. Et mon corps se dégonflait, et alors apparaissait la vraie moi, comme j'étais à l'intérieur. La jolie petite fille normale, celle qui pouvait courir avec les autres et qui n'avait pas besoin de se cacher pour le « loup bisou » (si je t'attrape je te fais un bisou) de peur d'essuyer trop d'expressions de dégoût.
Le fait est que Quentin, évidemment, a bien jalousement gardé ses pics à bigorneaux pour lui. Bon, après j'assume pas trop de pas avoir déjà été féministe à 8 ans, je pense que je suis pas une vraie surdouée et que j'ai raté ma vie de militante, mais ça c'est une autre question.
Il faut que je te dise un truc, à toi qui ne sais pas. A toi qui est grand et beau et fort et qui n'a pas de bourrelets, de vergetures, whatever. Qui ressemble à quelqu'un de bien.
Toi qui a été alimenté normalement. Toi qui a trouvé d'autres façons de te punir, de te remplir, de compenser tes névroses, ton manque d'amour, ton manque de plaisir, que sais-je. Toi qui fume, qui te mutile, qui joue frénétiquement, qui fuit, qui boit, qui te drogue, qui lit, qui pleure, qui dort, qui meurt.
Tu as de la chance : ta faiblesse, ta faille, elle ne se voit pas sur ton corps. Ce n'est pas la première chose que l'on voit de toi. Peut-être que même parfois tu peux montrer autre chose de toi d'abord, peut-être même que certains n'y ont pas accès, à cette faiblesse, peut-être que tu peux la cacher et la garder là où elle doit être : dans ton intimité. Hors de l'espace public et de la liberté d'expression(quelle plaie !) des autres.
Profite.
Ma faiblesse se voit littéralement depuis l'autre bout de la rue.
Et il faut que je te dise que c'est invivable. C'est faux, c'est FAUX, quand on te dit que c'est cool, qu'on assume, qu'on s'en fout. C'est faux. C'est un putain de mensonge et je ne crois pas une seule des personnes qui disent ça. T'as beau avoir toute la vie, toutes les vies que tu veux, tous les bonheurs, tout, tout... c'est faux, il te reste ce truc dégueulasse au fond de toi. En tout cas, moi, il me le reste.
Ce truc dégueulasse que me font les gens. Comme par exemple toi et ton doigt frêle qui me pointe.
Parce que voilà, on vit dans un monde où on n'a pas le droit de taper sur les noirs, les arabes, les femmes, les vieux, les malades, les homos, etc etc. Tout le monde compte, c'est beau hein ?
Je vois une exception : les gros. Oui ! La discrimination, le mépris anti-gros, ça fait bien, ça fait presque sain ! C'est acceptable voire désirable, de faire des blagues sur les gros, de faire des commentaires, de juger. Ça te distancie, hein ? Parce qu'à toi, connard, ça t'arrivera jamais, hein, de tomber malade, d'avoir des soucis, de déprimer parce que Téléfoot c'est fini, et de prendre 50kg, hein ? Le petit Jésus s'y est engagé, TANT MIEUX POUR TOI. Parce que toi t'es pas un bouseux sans volonté qui se gave de MacDo à longueur de journée sans bouger son cul escarré de son canapé, hein ? Félicitations, mec, félicitations. T'es sain, t'es grand, le métabolisme ça se mérite.
T'as pas idée du nombre de fois où j'ai entendu ou vu une blague, un jugement, sur les gros. Ou sur moi. Et où j'ai, avant tout, eu envie de me justifier. De dire « J'ai été maltraitée alimentairement parlant. », « Si tu voyais, je suis clairement parmi mes colocs celle qui mange le plus équilibré, ça veut rien dire. », et autres bullshit que tu n'aurais pas cru et qui m'auraient rendue sale et fragile. Alors toutes ces fois, je n'ai juste rien dit. Mais t'sais quoi ? Je t'emmerde. OUAIS. Tu me roules dans une fange de « manque de volonté » imaginaire. Tu n'as aucune idée du combat que c'est.
Mais vas-y, continue à faire tes blagues sur les gros. Continue à me regarder de travers quand mes fesses dépassent du siège du tram MERCI BIEN tu crois que ça me fait plaisir de te toucher avec ta tronche de mec qui fait du consulting et des stages de rafting ? Ah ouais c'est bien fait pour ma gueule, hein, j'avais qu'à pas. Et j'aurais qu'à.
J'ai qu'à pas m'asseoir là, j'ai qu'à faire un régime, j'avais qu'à pas me laisser aller, et puis pour qui je me prends à m'imposer aux gens comme ça ? Vas-y ferme ta gueule laisse-moi me taper mon métro-boulot-dodo en paix, et galérer en silence.
Oui je rage. Oui je suis en colère. « Les obèses » ceci, « les obèses » cela. Les obèses morbides viendront te bouffer les orteils pendant que tu dors, espèce de p'tit con. Commence par te renseigner sur ce que ça représente en matière d'IMC et de silhouette et arrête de m'imaginer sur un fauteuil-chariot électrique en train d'acheter 5kg de beurre de cacahuète au Wallmart.
Je vais te raconter une anecdote (cette fois-ci sans morceau de Quentin dedans) :
L'an dernier je suis partie en vacances avec des amis. Des gens biens (bon ce sont des amis, t'as vu). On est allés à la plage en passant par des allées de sable fin et des dunes. Et moi, j'ai de tout petits pieds, j'suis une mini-meuf. Par contre effectivement j'pèse le poids d'un baleineau, et donc si t'es pas trop mauvais en physique blabla tu comprendras vite pourquoi mes pieds, à chaque putain de pas, s'enfonçaient jusqu'à la cheville dans le sable. Mes potes, eux, ils marchaient tranquille. Et moi, à chaque pas, c'était Fort Boyard. Je ne sais pas si tu imagines l'effort physique que ça représente de soulever un baleineau mort enfoncé jusqu'à la cheville dans le sable à chaque pas pendant quelque centaines de mètres et puis PAR-DESSUS UNE DUNE. C'est un peu comme marcher avec des parpaings accrochés aux pieds. Et, en prime, bien sûr, parce que faut pas en parler de ça, il faut sortir ta plus belle Poker Face. J'ai pleuré, là comme ça devant mes potes pendant mes vacances, j'étais triste jusqu'au plus profond de moi. Comme une pauvre fille au milieu des dunes, ptain j'ai pleuré j'aurais voulu que tout s'arrête. Qu'on m'achève, moi la sous-humaine. Ce fut un des moments les plus humiliants de toute ma vie.
J'y suis pas retournée, à la plage, les jours suivants. Je ne pouvais pas revivre ça et remontrer cette image de moi à mes amis.
C'est marrant, hein ? C'est tellement drôle tout ça. C'est bien fait pour moi « j'avais qu'à pas ».
Tu vois, se lever chaque jour en tant que gros ou que grosse (je vais même pas faire semblant de dire « personne en situation de grosseur », parce que « gros.se » c'est juste une identité à tes yeux), et sortir de chez soi affronter la rue, manger au resto (parfois même au MacDo OUI), aller bosser, acheter une glace et te balader, voire aller à un rencard, rencontrer un ami (ça se trouve lui aussi il est gros et alors là j'te raconte pas le combo!), aller à la piscine, prendre le tram avec tes fesses qui dépassent du siège, et tout ça pour en arriver à te rencontrer toi... toi le teubé qui va dire à tes amis que « les gens comme ça faut pas qu'ils s'étonnent, ils ont juste pas de volonté », « moi je m'en fous du physique chez quelqu'un, tant qu'il/elle est pas gros.se quand même j'suis pas un animal », « rah j'ai mal au bide j'ai encore mangé comme un.e gros.se », qui à « elle est jolie ? » répond sans faire attention « bah... elle est un peu grosse... », qui va peut-être regarder les gens avec dédain dans la rue VOIRE les insulter, toi qui va valider toutes ces conneries, de près ou de loin... vivre tout ça, et en arriver à te rencontrer, et ensuite rentrer, se nourrir, se coucher, se relever, vivre, te re-rencontrer, etc. Tout ça, tu n'as pas le moindre départ d'idée de ce que ça peut représenter comme volonté pour juste pas se crever la peau chaque putain de jour. Et pas pour faire émerger le vrai moi caché en-dedans, si tu vois ce que je veux dire.
Ah et les intensités sont variables, bien sûr, mais ça vaut aussi pour les gens qui disent « tu sais moi je méprise personne mais bon chacun ses goûts et ses limites ». Oué oué, moi non plus je méprise personne mais j'préfère quand même sortir avec des mecs blancs, j'sais pas pourquoi les arabes ils m'attirent vraiment pas, mais j'suis pas raciste hein, c'est juste que légouélékouleur haha, tu reprendras bien un peu de rosé ? C'est le même délire. Sauf que si j'aime pas les arabes parce qu'ils sont tous pareils, tous des voleurs qui sentent l'oignon, je fais au moins semblant de le cacher. Toi tu l'avances en étendard, parce que t'assumes, parce que t'es fier. Fantastique.
Alors ouais, je te hais. Je te crache à la gueule. T'es moche. T'es borné. Et t'es bête comme un balai à franges. Je souhaite que tu t'étouffes avec tes certitudes. Y'a que ça à dire.
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
Date d'inscription : 29/06/2011
Re: Salut, les autres.
Bah cocotte, autant c'est hachement bien pondu, autant ca me broie les boyaux de te lire...
Invité- Invité
Re: Salut, les autres.
Putain... Mort aux cons !
<3
<3
Carla de Miltraize VI- Messages : 5789
Date d'inscription : 10/07/2012
Age : 104
Localisation : Toulouse *** Se guérir de nos malaises de l’âme implique souvent une bonne dose d’humilité, d’accueil de la nature humaine et de sympathie envers autrui et surtout envers nous-mêmes. Daniel Desbiens
Re: Salut, les autres.
Nous sommes, et franchement souvent je le pense à regret, des animaux sociaux. Finalement, 'C.Z. parlait d'isopraxie sur le chat hier, on ne fait pas mieux que ça : nous répétons de proches en proches des comportement qui, vu de loin semble très élaborés mais à y regarder de plus près on s'aperçoit de la simplicité et l'automatisme qui sous-tend nos comportements.
Nous sommes tous responsables. Je précise d'emblée, responsable n'est pas coupable. Ça ne veut pas dire "c'est notre faute" mais "c'est à nous de voir nos défauts et les assumer". Et assumer n'est pas revendiquer, c'est même plutôt l'inverse ici. Si la société nous impose des normes, grandir, mûrir, c'est questionner ces normes. C'est long, c'est difficile, c'est dangereux quand on n'a qu'elles comme repères. Tout le monde ne peut pas le faire, et ceux qui peuvent le font rarement. Et personne ne le fait totalement.
J'ai vécu ce que tu décris. Même le type de situation à la plage, mais pour d'autres raisons, et je ne suis certainement pas le seul. Pourtant je suis tout ce qu'il y a de plus moyen - taille, poids, apparence -. J'ai été quelques mois avec une fille hors norme physiquement, très grande, ancienne obèse - parce qu'opérée -. Il est, à mon étonnement, et au sien - et ça dénote mes préjugés également - qu'elle a en fait passé une vie certes pas simple, mais bien plus que moi. Elle fut effarée d'entendre mes "expériences" sociales, qui n'intéressent personne ici mais rejoignent amplement celles que tu décris. Écrire ces trois lignes où je n'en parle pas me fait déjà mal. Et pourtant, sans différence visible, je sais qu'au moins je passe inaperçu tant qu'il n'y a pas d'interaction
Mais je suis responsable d'être qui je suis, et c'est à moi d'en gérer les conséquences. Tu l'es de ce que tu es (encore une fois, ça ne veut pas dire : c'est ta faute) : grosse, sensible, manifestement douée au moins pour l'écriture, et je n'en doute pas pour d'autres choses.
Si je dis ça ce n'est pas pour expliquer que le monde a le droit de se foutre de toi. Mais parce que si toi, moi, chacun, sommes responsables de ce que nous sommes, alors tu as raison, d'exprimer à tous, ton exaspération, ta douleur, parce qu'elle ne viennent pas de toi, mais des autres, de ce qu'on dit sans faire attention, au nom d'une norme, au nom d'un humour douteux basé sur des normes, au nom de ce que tu devrais supporter parce que tu es ce que et qui tu es, et que ce n'est pas dans la norme.
Parce que tous les blaireaux qui "assument" ces réflexions, en réalité ils te font assumer leurs incapacités et leurs limites. Et encore je me mets dans le lot : j'ai mes incapacités et mes limites.
Je n'ai pas ton talent pour l'écriture, j'espère avoir su faire passer le sens de ce que je voulais dire. Pas de pitié, de la compréhension, pas d'espoir ni de petits papillons virevoltant au son du chant des oiseaux, mais un soutien, pour ce que ça peut compter, à ton texte qui n'est pas à mon avis du défoulement ni de l’épanchement (ou quoi qu'on puisse en dire de cet ordre), mais un beau moyen de rétablir - un tout petit peu - un équilibre qui n'est pas en ta faveur.
Nous sommes tous responsables. Je précise d'emblée, responsable n'est pas coupable. Ça ne veut pas dire "c'est notre faute" mais "c'est à nous de voir nos défauts et les assumer". Et assumer n'est pas revendiquer, c'est même plutôt l'inverse ici. Si la société nous impose des normes, grandir, mûrir, c'est questionner ces normes. C'est long, c'est difficile, c'est dangereux quand on n'a qu'elles comme repères. Tout le monde ne peut pas le faire, et ceux qui peuvent le font rarement. Et personne ne le fait totalement.
J'ai vécu ce que tu décris. Même le type de situation à la plage, mais pour d'autres raisons, et je ne suis certainement pas le seul. Pourtant je suis tout ce qu'il y a de plus moyen - taille, poids, apparence -. J'ai été quelques mois avec une fille hors norme physiquement, très grande, ancienne obèse - parce qu'opérée -. Il est, à mon étonnement, et au sien - et ça dénote mes préjugés également - qu'elle a en fait passé une vie certes pas simple, mais bien plus que moi. Elle fut effarée d'entendre mes "expériences" sociales, qui n'intéressent personne ici mais rejoignent amplement celles que tu décris. Écrire ces trois lignes où je n'en parle pas me fait déjà mal. Et pourtant, sans différence visible, je sais qu'au moins je passe inaperçu tant qu'il n'y a pas d'interaction
Mais je suis responsable d'être qui je suis, et c'est à moi d'en gérer les conséquences. Tu l'es de ce que tu es (encore une fois, ça ne veut pas dire : c'est ta faute) : grosse, sensible, manifestement douée au moins pour l'écriture, et je n'en doute pas pour d'autres choses.
Si je dis ça ce n'est pas pour expliquer que le monde a le droit de se foutre de toi. Mais parce que si toi, moi, chacun, sommes responsables de ce que nous sommes, alors tu as raison, d'exprimer à tous, ton exaspération, ta douleur, parce qu'elle ne viennent pas de toi, mais des autres, de ce qu'on dit sans faire attention, au nom d'une norme, au nom d'un humour douteux basé sur des normes, au nom de ce que tu devrais supporter parce que tu es ce que et qui tu es, et que ce n'est pas dans la norme.
Parce que tous les blaireaux qui "assument" ces réflexions, en réalité ils te font assumer leurs incapacités et leurs limites. Et encore je me mets dans le lot : j'ai mes incapacités et mes limites.
Je n'ai pas ton talent pour l'écriture, j'espère avoir su faire passer le sens de ce que je voulais dire. Pas de pitié, de la compréhension, pas d'espoir ni de petits papillons virevoltant au son du chant des oiseaux, mais un soutien, pour ce que ça peut compter, à ton texte qui n'est pas à mon avis du défoulement ni de l’épanchement (ou quoi qu'on puisse en dire de cet ordre), mais un beau moyen de rétablir - un tout petit peu - un équilibre qui n'est pas en ta faveur.
Invité- Invité
Re: Salut, les autres.
T'es chiante avec ton "Merci de ne pas citer ce post si vous y répondez"... C'pas pratique !
Bon alors, je réponds et tu ne seras peut être pas d'accord, mais tant pis, c'est comme ça que je vois les choses. En fait, j'ai exactement le même problème mais en sens inverse... Ouais je sais, tu m'as vu et tu te dis peut être "Connasse ! (avec un B steuplé) Comment peux tu prétendre me comprendre ou même vivre ce que je vis alors que t'es fine comme une brindille ! Poufiasse (ouais, je sais, j'en rajoute)"...
Ben ouais.
Aujourd'hui, je fais 45kg. Je ne suis pas fine, je suis maigre. Le mec qui me dit que je suis fine, c'est qu'il veut baiser, c'est tout.
J'ai toujours été maigre.
J'vais te copiter, plagier, reprendre ton texte et le refaire à la sauce 'C.Z.'s life.
Quand j'étais petite fille, j'étais maigre. Oui, pas de bol, en plus d'être la fille bizarre qui ne savait pas jouer comme tout le monde sur la cours de récrée...
Je te passe les raisons du pourquoi du comment, ça te regarde pas. C'est assez moche comme raisons, et autant te dire que vu l'âge, c'était pas de ma faute.
Je ne m'étais amourachée de personne au primaire parce que déjà, j'comprenais pas bien la différence qu'il pouvait y avoir entre une fille et un garçon, sinon que les garçons avaient un zizi et les filles un minou. Putain, t'aurais vu ma tête quand ma cousine m'a sorti ces mots à la con...
Bref, ma mère avait autre chose à foutre, pour ma grand mère j'étais trop petite pour être intéressante, et pour les autres adultes, ben en gros c'était ça :
- pendant tout le primaire, mes parents étaient soupçonnés de maltraitance... ils étaient absents beaucoup, mais pas violents... Bon, on s'est pris des baffes, mais bon... Bref, j'étais la seule gamine à voir le médecin une à deux fois par an à l'école. Ma mère, la seule chose qu'elle me disait c'était : "Lui dis surtout pas que tu fais encore pipi au lit sinon ça va me retomber sur la gueule..." OK.
- pendant tout le collège et une partie du lycée, j'étais forcément anorexique... du coup, à la cantine, j'étais surveillée... Putain, j'te jure, ces cons, ils m'ont même accompagnée aux chiottes une ou deux fois, histoire d'être sûr. J'étais toujours sur la liste pour voir le médecin scolaire, qui vérifiait l'état de mes dents.
- depuis le lycée, je suis forcément une toxico-anorexique-hystérique-borderline c'que tu veux, mais pas une personne normale.
- depuis le lycée, je suis une fille, de 35ans, mais une fille. Jamais une femme.
C'est vrai, le gros s'en prend plein la gueule, mais le maigre aussi. Le gros, on évite encore de le lui balancer à la gueule, on le fait dans son dos... Le maigre, il a le droit de se le prendre en pleine poire de la part de : les gosses, les adultes, les profs (connards), les filles, les garçons, tout le monde à part ceux qu'en n'ont rien à foutre de ta gueule. Dès fois tu te dis "au moins ils s'inquiètent pour moi" et d'autre fois tu leur balances "mais putain lâche moi merde, JE MANGE NORMALEMENT".
J'ai bien aimé ton histoire de pic à bigorneau. En fait, j'en ai une dans le même goût. Entre le CM2 et la 6è, pendant les vacances, un garçon m'a demandé "Pourquoi t'es aussi maigre ?" Et là, éclair de génie, j'ai trouvé tout de suite une réponse métaphorique "parce que j'ai un loup solitaire dans mon ventre qui mange tout à ma place"... Et il est parti en courant rejoindre ses potes "Elle a le ver solitaire ! ahahah !" Putain, c'que je me suis sentie seule.
J'adore les remarques des gens aussi. Une fois, une meuf bourrée m'a sorti "de toute façon, maigre comme tu es, tu ne peux exciter que les pédés ou les pédophiles refoulés". Sympa hein ? Le mieux c'est que ça blesse parce que tu te dis qu'elle a certainement raison, alors tu finis par te méfier des mecs qui te regardent...
J'en ai une autre pas mal... L'année dernière, une amie me présente un petit jeune (7ans de moins que moi...) en me disant qu'il aime bien les filles fines et vu que je voulais un plan cul, ça tombait à pique. On baise et le gars me sort après s'être retiré "je veux plus baiser avec toi, t'es trop maigre, ça me dégoûte". BAM ! Mange toi ça dans la gueule, comme si ça ne suffisait pas que ce soit un bande mou. J'me suis rassurée comme j'ai pu en me disant que le type rejetait sur moi comme il pouvait le fait qu'il avait une demi molle.
Mon ex, celui qui m'a larguée par sms et qui m'en envoie toutes les 4 semaines parce qu'il n'a pas trouvé d'autre trou à remplir, m'a sorti un jour "en fait, quand t'étais petite, y'a un pédophile qui t'a tripoté les nénés et du coup, t'as jamais voulu qu'ils poussent, lol"... Putain t'es trop drôle toi, c'est dingue...
J'en ai marre d'être maigre. C'est sûr, j'ai pas les problèmes de santé liés au surpoids, par contre, j'ai le cerveau qui sature super vite si je loupe un repas... Si je ne fais pas mes trois repas par jour, j'pleure, j'm'énerve, j'déprime, j'fais ma pignouse sur le chat... Bref.
Mais faut manger ! Taggle... J'fais ce que je peux, j'me force autant que je peux pour le petit dèj', j'essaie d'arrêter de fumer en me disant que ça va servir à quelque chose. Je veux devenir un femme. Tout le monde s'en fout ? Faut s'aimer comme on est ? L'homme de ta vie t'aimera comme tu es ? Bullshit, t'as raison, c'est des conneries, enfin... des croyances. Je m'accepte pour mieux changer, mais l'espoir n'est pas vraiment là.
Ma faiblesse, ma faille, elle se voit sur mon corps, depuis l'autre bout de la rue. Tiens, tu sais pas la dernière ? On me l'a sortie y'a quelques semaines... Je suis maigre, donc je suis forcément frigide... Putain, ils ont été la chercher loin celle là...
Putain, moi aussi j'aimerais qu'ils s'étouffent avec leurs certitudes de merde.
Bon alors, je réponds et tu ne seras peut être pas d'accord, mais tant pis, c'est comme ça que je vois les choses. En fait, j'ai exactement le même problème mais en sens inverse... Ouais je sais, tu m'as vu et tu te dis peut être "Connasse ! (avec un B steuplé) Comment peux tu prétendre me comprendre ou même vivre ce que je vis alors que t'es fine comme une brindille ! Poufiasse (ouais, je sais, j'en rajoute)"...
Ben ouais.
Aujourd'hui, je fais 45kg. Je ne suis pas fine, je suis maigre. Le mec qui me dit que je suis fine, c'est qu'il veut baiser, c'est tout.
J'ai toujours été maigre.
J'vais te copiter, plagier, reprendre ton texte et le refaire à la sauce 'C.Z.'s life.
Quand j'étais petite fille, j'étais maigre. Oui, pas de bol, en plus d'être la fille bizarre qui ne savait pas jouer comme tout le monde sur la cours de récrée...
Je te passe les raisons du pourquoi du comment, ça te regarde pas. C'est assez moche comme raisons, et autant te dire que vu l'âge, c'était pas de ma faute.
Je ne m'étais amourachée de personne au primaire parce que déjà, j'comprenais pas bien la différence qu'il pouvait y avoir entre une fille et un garçon, sinon que les garçons avaient un zizi et les filles un minou. Putain, t'aurais vu ma tête quand ma cousine m'a sorti ces mots à la con...
Bref, ma mère avait autre chose à foutre, pour ma grand mère j'étais trop petite pour être intéressante, et pour les autres adultes, ben en gros c'était ça :
- pendant tout le primaire, mes parents étaient soupçonnés de maltraitance... ils étaient absents beaucoup, mais pas violents... Bon, on s'est pris des baffes, mais bon... Bref, j'étais la seule gamine à voir le médecin une à deux fois par an à l'école. Ma mère, la seule chose qu'elle me disait c'était : "Lui dis surtout pas que tu fais encore pipi au lit sinon ça va me retomber sur la gueule..." OK.
- pendant tout le collège et une partie du lycée, j'étais forcément anorexique... du coup, à la cantine, j'étais surveillée... Putain, j'te jure, ces cons, ils m'ont même accompagnée aux chiottes une ou deux fois, histoire d'être sûr. J'étais toujours sur la liste pour voir le médecin scolaire, qui vérifiait l'état de mes dents.
- depuis le lycée, je suis forcément une toxico-anorexique-hystérique-borderline c'que tu veux, mais pas une personne normale.
- depuis le lycée, je suis une fille, de 35ans, mais une fille. Jamais une femme.
C'est vrai, le gros s'en prend plein la gueule, mais le maigre aussi. Le gros, on évite encore de le lui balancer à la gueule, on le fait dans son dos... Le maigre, il a le droit de se le prendre en pleine poire de la part de : les gosses, les adultes, les profs (connards), les filles, les garçons, tout le monde à part ceux qu'en n'ont rien à foutre de ta gueule. Dès fois tu te dis "au moins ils s'inquiètent pour moi" et d'autre fois tu leur balances "mais putain lâche moi merde, JE MANGE NORMALEMENT".
J'ai bien aimé ton histoire de pic à bigorneau. En fait, j'en ai une dans le même goût. Entre le CM2 et la 6è, pendant les vacances, un garçon m'a demandé "Pourquoi t'es aussi maigre ?" Et là, éclair de génie, j'ai trouvé tout de suite une réponse métaphorique "parce que j'ai un loup solitaire dans mon ventre qui mange tout à ma place"... Et il est parti en courant rejoindre ses potes "Elle a le ver solitaire ! ahahah !" Putain, c'que je me suis sentie seule.
J'adore les remarques des gens aussi. Une fois, une meuf bourrée m'a sorti "de toute façon, maigre comme tu es, tu ne peux exciter que les pédés ou les pédophiles refoulés". Sympa hein ? Le mieux c'est que ça blesse parce que tu te dis qu'elle a certainement raison, alors tu finis par te méfier des mecs qui te regardent...
J'en ai une autre pas mal... L'année dernière, une amie me présente un petit jeune (7ans de moins que moi...) en me disant qu'il aime bien les filles fines et vu que je voulais un plan cul, ça tombait à pique. On baise et le gars me sort après s'être retiré "je veux plus baiser avec toi, t'es trop maigre, ça me dégoûte". BAM ! Mange toi ça dans la gueule, comme si ça ne suffisait pas que ce soit un bande mou. J'me suis rassurée comme j'ai pu en me disant que le type rejetait sur moi comme il pouvait le fait qu'il avait une demi molle.
Mon ex, celui qui m'a larguée par sms et qui m'en envoie toutes les 4 semaines parce qu'il n'a pas trouvé d'autre trou à remplir, m'a sorti un jour "en fait, quand t'étais petite, y'a un pédophile qui t'a tripoté les nénés et du coup, t'as jamais voulu qu'ils poussent, lol"... Putain t'es trop drôle toi, c'est dingue...
J'en ai marre d'être maigre. C'est sûr, j'ai pas les problèmes de santé liés au surpoids, par contre, j'ai le cerveau qui sature super vite si je loupe un repas... Si je ne fais pas mes trois repas par jour, j'pleure, j'm'énerve, j'déprime, j'fais ma pignouse sur le chat... Bref.
Mais faut manger ! Taggle... J'fais ce que je peux, j'me force autant que je peux pour le petit dèj', j'essaie d'arrêter de fumer en me disant que ça va servir à quelque chose. Je veux devenir un femme. Tout le monde s'en fout ? Faut s'aimer comme on est ? L'homme de ta vie t'aimera comme tu es ? Bullshit, t'as raison, c'est des conneries, enfin... des croyances. Je m'accepte pour mieux changer, mais l'espoir n'est pas vraiment là.
Ma faiblesse, ma faille, elle se voit sur mon corps, depuis l'autre bout de la rue. Tiens, tu sais pas la dernière ? On me l'a sortie y'a quelques semaines... Je suis maigre, donc je suis forcément frigide... Putain, ils ont été la chercher loin celle là...
Putain, moi aussi j'aimerais qu'ils s'étouffent avec leurs certitudes de merde.
'C.Z.- Messages : 2910
Date d'inscription : 16/02/2015
Age : 43
Localisation : Côte d'Azur (de la Bretonie)
Re: Salut, les autres.
Cz : moi je te comprends... M'aura fallu deux enfants et 42 balais pour, enfin (!) prendre du poids.
Encore que, tant avec l'aîné que la cadette, j'ai eu droit à cette réflexion : on dirait une gamine avec son petit frère/soeur dans les bras.
Et ma main dans la tronche, tu la veux en 14 ans aussi ?
Tu vois Zat, le poids, la taille, bref tout le truc sur physique, y'a intérêt d'être dans la norme, sinon...
Encore que, tant avec l'aîné que la cadette, j'ai eu droit à cette réflexion : on dirait une gamine avec son petit frère/soeur dans les bras.
Et ma main dans la tronche, tu la veux en 14 ans aussi ?
Tu vois Zat, le poids, la taille, bref tout le truc sur physique, y'a intérêt d'être dans la norme, sinon...
Invité- Invité
Re: Salut, les autres.
Merci Zat. Ca fait du bien de lire ça.
Ca envoie grave. Tout ce que je vois de gros chez toi, c'est ton courage et ton talent.
Et à toutes les connasses avec un B, grosses maigres, petites, grandes et j'en passe
Ca envoie grave. Tout ce que je vois de gros chez toi, c'est ton courage et ton talent.
Et à toutes les connasses avec un B, grosses maigres, petites, grandes et j'en passe
Invité- Invité
Re: Salut, les autres.
Zat, j'aime beaucoup la façon dont tu racontes ta grossitude.
J'aime aussi beaucoup la version maigritude de CZ.
Ce n'est pas simple de vivre avec une difference, surtout si elle se voit, et surtout si ca entraîne une douleur physique qui t'empêches d'oublier.
J'aime aussi beaucoup la version maigritude de CZ.
Ce n'est pas simple de vivre avec une difference, surtout si elle se voit, et surtout si ca entraîne une douleur physique qui t'empêches d'oublier.
Invité- Invité
Re: Salut, les autres.
On baise et le gars me sort après s'être retiré "je veux plus baiser avec toi, t'es trop maigre, ça me dégoûte".
C'est pas un fake? Il y a vraiment des gens qui sont capables de sortir des trucs pareils!!!!
Cela me laisse toujours pantois, incroyable.
david50- Messages : 5185
Date d'inscription : 16/09/2013
Re: Salut, les autres.
Merci pour cet avertissement liminaire, qui me console presque. Car je fais effectivement partie des malheureux dont la démarche à ton endroit fut foulée au pied, restée lettre-morte sous le coup de cet accès de panique et de dégoût que nous découvrons donc là.Valium Oriental a écrit:[Ceci tient lieu de présentation d'excuses pour ceux dont les MPs sont restés sans réponse. Cela me rend triste. Je vous demande pardon.]
Tu as finalement regretté ton initiative sur Zeetic, et je le comprends parfaitement. Je ne suis pas venu ici me plaindre, du tout ; seulement t'apporter mon soutien dans ce mal-être existentiel qui était absolument indécelable dans ton annonce sous le pseudonyme de Valium Oriental. Un pseudo relatif aux opiacés qui m'apparaît a posteriori, à présent que je connais ton histoire et ta problématique, comme une tentative de chloroformer cette douleur lancinante que tu exprimes là...?
Un fil de présentation pas banal, en tout cas, où il se dit des choses fortes, des anecdotes terribles, frappantes par le désarroi qu'elles trahissent, la violence qu'elles charrient, le malaise bilieux qu'elles documentent avec acidité et amertume. « De toutes nos maladies, la plus sauvage, c'est le mépris de notre être. » [Montaigne]
Ne désespérons jamais, ni de nous-même, ni des autres, de leur capacité à nous accepter tel que nous sommes, pourvu que nous sachions prendre le risque primordial d'aller vers eux, et donc de leur plaire : « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront. » [René Char]
Kadjagoogoo- Messages : 900
Date d'inscription : 15/11/2014
Localisation : Lyon (Dabrowski Point)
Re: Salut, les autres.
Merci Kadjagoogoo. Pour ta compréhension, tes citations et le reste. Il est vrai que j'ai pris peur, je n'ai pas d'autre explication. J'ai senti l'inadéquation de ma démarche et de mon/mes envie/s. Et je n'ai su faire autrement qu'une marche arrière froide, par instinct de préservation sûrement.
J'ai choisi, pour rebondir sur ta citation, de ne plus prendre de risque gratuit avec mon coeur (qui a grand besoin d'être épargné, je ne le constate que bien tardivement).
Concernant le malaise existentiel, je pense qu'il est moins présent que tu ne sembles le lire dans mon fil. Je vais bien. Je ne suis pas une boule de douleur. Ce sont simplement les choses que je voulais écrire. Parce que j'ai bien plus de difficulté à écrire mon bonheur que mes contrariétés. Parce qu'écrire mon bonheur me semble, je crois, indécent, impudique.
La vie est belle, multicolore, elle me parle. J'ai envie de faire des tas de jolis projets.
Merci pour vos lectures, ne vous inquiétez pas pour moi.
"Everything's gonna be okay in the end. If it's not okay, then it's not the end."
J'ai choisi, pour rebondir sur ta citation, de ne plus prendre de risque gratuit avec mon coeur (qui a grand besoin d'être épargné, je ne le constate que bien tardivement).
Concernant le malaise existentiel, je pense qu'il est moins présent que tu ne sembles le lire dans mon fil. Je vais bien. Je ne suis pas une boule de douleur. Ce sont simplement les choses que je voulais écrire. Parce que j'ai bien plus de difficulté à écrire mon bonheur que mes contrariétés. Parce qu'écrire mon bonheur me semble, je crois, indécent, impudique.
La vie est belle, multicolore, elle me parle. J'ai envie de faire des tas de jolis projets.
Merci pour vos lectures, ne vous inquiétez pas pour moi.
"Everything's gonna be okay in the end. If it's not okay, then it's not the end."
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
Date d'inscription : 29/06/2011
Re: Salut, les autres.
- merci:
- C'est idiot, mais merci pour tout ce que vous écrivez, comme vous l'écrivez, tous, et merci Zat pour ce fil, cela n'a l'air de rien, mais c'est simplement beau à lire, parfois cruel, surtout quand ça touche l'âme, et je supprime les citations que je voulais recopier, parfois c'est inopportun, j'ai pleuré (pas trop) et j'ai ri (assez) à propos de situations similaires et de réactions identiques, merci, désolé de n'avoir rien d'original à écrire. Pardonnes moi Zat de ne pas avoir de mots à la hauteur car je suis énormément dans l'émotion quand je te lis, toi et d'autres.
cyranolecho- Messages : 4873
Date d'inscription : 29/07/2015
Age : 53
Localisation : au pays de Candy... man
Re: Salut, les autres.
cyranolecho a écrit:
- merci:
C'est idiot, mais merci pour tout ce que vous écrivez, comme vous l'écrivez, tous, et merci Zat pour ce fil, cela n'a l'air de rien, mais c'est simplement beau à lire, parfois cruel, surtout quand ça touche l'âme, et je supprime les citations que je voulais recopier, parfois c'est inopportun, j'ai pleuré (pas trop) et j'ai ri (assez) à propos de situations similaires et de réactions identiques, merci, désolé de n'avoir rien d'original à écrire. Pardonnes moi Zat de ne pas avoir de mots à la hauteur car je suis énormément dans l'émotion quand je te lis, toi et d'autres.
Mais de rien cyranolecho, il n'y a rien à pardonner et je ne te trouve pas idiot du tout. Si j'ai pu te toucher et te faire rire, j'en suis humblement heureuse.
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
Date d'inscription : 29/06/2011
Re: Salut, les autres.
cyranolecho a écrit:
- merci:
C'est idiot, mais merci pour tout ce que vous écrivez, comme vous l'écrivez, tous, et merci Zat pour ce fil, cela n'a l'air de rien, mais c'est simplement beau à lire, parfois cruel, surtout quand ça touche l'âme, et je supprime les citations que je voulais recopier, parfois c'est inopportun, j'ai pleuré (pas trop) et j'ai ri (assez) à propos de situations similaires et de réactions identiques, merci, désolé de n'avoir rien d'original à écrire. Pardonnes moi Zat de ne pas avoir de mots à la hauteur car je suis énormément dans l'émotion quand je te lis, toi et d'autres.
moi aussi ... m'enfin Zat !
Invité- Invité
Re: Salut, les autres.
Les filles, j'ai les larmes aux yeux en vous lisant...
Je vous envoie pleins de
Et voilà pourquoi à chaque fois que l'on me complimente sur mon physique, je suis mal à l'aise. Gênée.
Je n'ai aucun mérite. Je n'y suis pour rien. Juste un hasard. Et je devrais dire "merci"???
J'ai juste de la chance de correspondre aux critères de "beauté" de la société dans laquelle je vis.
Cela me rends-t-il meilleure que les autres filles? HELL NO
Alors à toutes les biatchs qui se baladent dans la rue en se pavanant comme si elles avaient tout le mérite du monde pour leur physique, je leur dis MERDE!
Je vous envoie pleins de
Et voilà pourquoi à chaque fois que l'on me complimente sur mon physique, je suis mal à l'aise. Gênée.
Je n'ai aucun mérite. Je n'y suis pour rien. Juste un hasard. Et je devrais dire "merci"???
J'ai juste de la chance de correspondre aux critères de "beauté" de la société dans laquelle je vis.
Cela me rends-t-il meilleure que les autres filles? HELL NO
Alors à toutes les biatchs qui se baladent dans la rue en se pavanant comme si elles avaient tout le mérite du monde pour leur physique, je leur dis MERDE!
ADR- Messages : 953
Date d'inscription : 17/06/2015
Re: Salut, les autres.
A toi qui est si humble que tu n'exposes pas -toutes- tes répliques d'humour Zatesque sur ta présentation (alors qu'il y aurait de quoi se la péter !), Zat, je te salue.
♚ Strigide ♚- Messages : 345
Date d'inscription : 20/09/2013
Age : 96
Localisation : Ailleurs ?
Re: Salut, les autres.
♚ Strigide ♚ a écrit:A toi qui est si humble que tu n'exposes pas -toutes- tes répliques d'humour Zatesque sur ta présentation (alors qu'il y aurait de quoi se la péter !), Zat, je te salue.
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
Date d'inscription : 29/06/2011
Re: Salut, les autres.
Je suis donc de plus en plus tenté de me débarrasser de mon python qui écarte de moi les valeurs féminines authentiques et permanentes, en vue de vie à deux. Mais cette décision à prendre devient chaque jour plus difficile, car plus je suis anxieux et malheureux, et plus je sens qu'il a besoin de moi. Il le comprend et s'enroule autour de moi de toute sa longueur et de son mieux, mais parfois il me semble qu'il n'y en a pas assez et je voudrais encore des mètres et des mètres. C'est la tendresse qui fait ça, elle creuse, elle se fait de la place à l'intérieur mais elle n'est pas là, alors ça pose des problèmes d'interrogations et de pourquoi. Ce qui fait que ça s'enroule et ça s'enroule et il y a des jours que Gros-Câlin fait tant de noeuds qu'il n'arrive plus à se libérer de lui-même et ça donne des idées de suicide, à cause de l'oeuf de Colomb et du noeud gordien. Pour illustrer l'exemple, même une bonne paire de chaussures sous tous rapports a ce problème, lorsqu'on tire sur un bout du lacet et ça fait seulement un noeud de plus. La vie est pleine d'exemples, on est servi. Par exemple, justement, une délicatesse élémentaire m'empêche de m'approcher de Melle Dreyfus en roulant un peu les épaules en enfonçant ma chemises sous la ceinture du pantalon avec naturel et lui proposer de sortir, comme ça, droit dans les yeux, un vrai mec qui prend des risques et tire sur le bout du lacet sans savoir ce que ça donnera et si ça fera peut-être seulement un noeud de plus. Je pose donc qu'une délicatesse élémentaire m'empêche de faire des avances directes sans détour à Melle Dreyfus, car elle serait blessée dans son sentiment d'égalité, elle croirait que je suis raciste et que je me permets de lui proposer un bout de chemin parce qu'elle est une Noire et que donc "on peut y aller, on est entre égaux" et que j'exploite ainsi notre infériorité et nos origines communes.
[...]
D'ailleurs, mon problème principal n'est pas tellement mon chez-moi mais mon chez-les-autres. La rue. Ainsi qu'on l'a remarqué sans cesse dans ce texte, il y a dix millions d'usagés dans la région parisienne et on les sent bien, qui ne sont pas là, mais moi, j'ai parfois l'impression qu'ils sont cent millions qui ne sont pas là, et c'est l'angoisse, une telle quantité d'absence. J'en attrape des sueurs d'inexistence mais mon médecin me dit que ce n'est rien, la peur du vide, ça fait partie des grands nombres, c'est pour ça qu'on cherche à y habituer les petits, c'est les maths modernes.
[...]
J'ai renoncé également à faire parler Gros-Câlin d'une voix humaine pour ne pas le démystifier. Le truquage, il y en a marre. J'ai parfois l'impression que l'on vit dans un film doublé et que tout le monde remue les lèvres mais ça ne correspond pas aux paroles. On est tous post-synchronisés et parfois c'est très bien fait, on croit que c'est naturel.
[...]
Je ne sais quelle forme prendra la fin de l'impossible, mais je vous assure que dans notre état actuel avec ordre des choses, ça manque de caresses. Les savants soviétiques croient d'ailleurs que l'humanité existe et qu'elle nous envoie des messages radios à travers le cosmos.
[...]
Il ne nous restait que deux étages pour tout nous dire et je me taisais avec tout le don d'expression dont je suis capable. Je porte d'habitude des lunettes noires de cinéaste, pour me donner du poids, comme si j'étais quelqu'un qui risquait d'être reconnu, mais je ne les avais pas mises ce jour-là, car je me sentais d'humeur "que le diable m'emporte", assez mousquetaire. Je pus donc m'exprimer tout mon saoul, grâce à mon regard qui était tout nu, je disais tout à Irénée, je crois même que mon regard chantait, avec orchestre et virtuose. De ma vie je n'ai été aussi heureux dans un ascenseur.
[...]
- Nous allons vous laisser, dit Lamberjac.
Les deux autres aussi. Bien sûr, ils se marraient sans le montrer mais cela se sentait à la façon dont j'avais mal.
[...]
- C'est la faiblesse qui s'éveille !
Je n'avais même pas honte de mes larmes, à cause de la rosée de l'aube. Seulement je n'avais plus assez de gorge pour les avaler, car j'avalais depuis que j'avais gorge.
J'ai eu alors le mot de la fin.
- A bas l'existoir ! murmurai-je et le murmure c'est peut-être ce qu'il y a de plus fort.
Ils s'étaient tus. Il y avait un tel silence que l'on entendait presque quelque part ailleurs quelqu'un d'autre qui disait autre chose.
Romain Gary, Gros-Câlin.
Dernière édition par Zat Rathustra Barnum le Sam 23 Juil 2016 - 18:13, édité 1 fois
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
Date d'inscription : 29/06/2011
Re: Salut, les autres.
[...]Il s'agit de replacer les techniques punitives — qu'elles s'emparent du corps dans le rituel des supplices ou qu'elles s'adressent à l'âme — dans l'histoire de ce corps politique. Prendre les pratiques pénales moins comme une conséquence des théories juridiques que comme un chapitre de l'anatomie politique.
Kantorowitz a donné autrefois du « corps du roi » une analyse remarquable : corps double selon la théologie juridique formée au Moyen Age, puisqu'il comporte outre l'élément transitoire qui naît et meurt, un autre qui, lui, demeure à travers le temps et se maintient comme le support physique et pourtant intangible du royaume ; autour de cette dualité, qui fut, à l'origine, proche du modèle christologique, s'organisent une iconographie, une théorie politique de la monarchie, des mécanismes juridiques distinguant et liant à la fois la personne du roi et les exigences de la Couronne, et tout un rituel qui trouve dans le couronnement, les funérailles, les cérémonies de soumission, ses temps les plus forts. A l'autre pôle on pourrait imaginer de placer le corps du condamné; il a lui aussi son statut juridique; il suscite son cérémonial et il appelle tout un discours théorique, non point pour fonder le « plus de pouvoir » qui affectait la personne du souverain, mais pour coder le « moins de pouvoir » dont sont marques ceux qu'on soumet à une punition. Dans la région la plus sombre du champ politique, le condamné dessine la figure symétrique et inversée du roi. Il faudrait analyser ce qu'on pourrait appeler en hommage à Kantorowitz le « moindre corps du condamné ».
Si le supplément de pouvoir du côté du roi provoque le dédoublement de son corps, le pouvoir excédentaire qui s'exerce sur le corps soumis du condamné n'a-t-il pas suscité un autre type de dédoublement? Celui d'un incorporel, d'une « âme » comme disait Mably. L'histoire de cette « microphysique » du pouvoir punitif serait alors une généalogie ou une pièce pour une généalogie de l'« âme » moderne. Plutôt que de voir en cette âme les restes réactivés d'une idéologie, on y reconnaîtrait plutôt le corrélatif actuel d'une certaine technologie du pouvoir sur le corps. Il ne faudrait pas dire que l'âme est une illusion, ou un effet idéologique. Mais bien qu'elle existe, qu'elle a une réalité, qu'elle est produite en permanence, autour, à la surface, à l'intérieur du corps par le fonctionnement d'un pouvoir qui s'exerce sur ceux qu'on punit — d'une façon plus générale sur ceux qu'on surveille, qu'on dresse et corrige, sur les fous, les enfants, les écoliers, les colonisés, sur ceux qu'on fixe à un appareil de production et qu'on contrôle tout au long de leur existence.
Réalité historique de cette âme, qui à la différence de l'âme représentée par la théologie chrétienne, ne naît pas fautive et punissable, mais naît plutôt de procédures de punition, de surveillance, de châtiment et de contrainte. Cette âme réelle, et incorporelle, n'est point substance; elle est l'élément où s'articulent les effets d'un certain type de pouvoir et la référence d'un savoir, l'engrenage par lequel les relations de pouvoir donnent lieu à un savoir possible, et le savoir reconduit et renforce les effets de pouvoir. Sur cette réalité-référence, on a bâti des concepts divers et on a découpé des domaines d'analyse : psyché, subjectivité, personnalité, conscience, etc.; sur elle on a édifié des techniques et des discours scientifiques; à partir d'elle, on a fait valoir les revendications morales de l'humanisme. Mais il ne faut pas s'y tromper : on n'a pas substitué à l'âme, illusion des théologiens» un homme réel, objet de savoir, de réflexion philosophique ou d'intervention technique. L'homme dont on nous parle et qu'on invite à libérer est déjà
en lui-même l'effet d'un assujettissement bien plus profond que lui. Une « âme » l'habite et le porte à l'existence, qui est elle-même une pièce dans la maîtrise que le pouvoir exerce sur le corps. L'âme, effet et instrument d'une anatomie politique ; l'âme, prison du corps.*
Que les punitions en général et que la prison relèvent d'une technologie politique du corps, c'est peut-être moins l'histoire qui me l'a enseigné que le présent. Au cours de ces dernières années, des révoltes de prison se sont produites un peu partout dans le monde. Leurs objectifs, leurs mots d'ordre, leur déroulement avaient à coup sûr quelque chose de paradoxal. C'étaient des révoltes contre toute une misère physique qui date de plus d'un siècle : contre le froid, contre l'étouffement et l'entassement, contre des murs vétustes, contre la faim, contre les coups. Mais c'étaient aussi des révoltes contre les prisons modèles, contre les tranquillisants, contre l'isolement, contre le service médical ou éducatif. Révoltes dont les objectifs n'étaient que matériel ? Révoltes contradictoires, contre la déchéance, mais contre le confort, contre les gardiens, mais contre les psychiatres ? En fait c'était bien des corps et de choses matérielles qu'il était question dans tous ces mouvements, comme il en est question dans ces innombrables discours que la prison a produits depuis le début du XIXe siècle. Ce qui a porté ces discours et ces révoltes, ces souvenirs et ces invectives, ce sont bien ces petites, ces infimes matérialités. Libre à qui voudra de n'y voir que des revendications aveugles ou d'y soupçonner des stratégies étrangères. Il s'agissait bien d'une révolte, au niveau des corps, contre le corps même de la prison. Ce qui était en jeu, ce n'était pas le cadre trop fruste ou trop aseptique, trop rudimentaire ou trop perfectionné de la prison, c'était sa matérialité dans la mesure où elle est instrument et vecteur de pouvoir; c'était toute cette technologie du pouvoir sur le corps, que la technologie de l'« âme » — celle des éducateurs, des psychologues et des psychiatres — ne parvient ni à masquer ni à compenser, pour la bonne raison qu'elle n'en est qu'un des outils. C'est de cette prison, avec tous les investissements politiques du corps qu'elle rassemble dans son architecture fermée que je voudrais faire l'histoire.[...]"
Michel Foucault, Surveiller et punir
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
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Re: Salut, les autres.
Je te fais un gros câlin aussi.
Fifrelin- Messages : 167
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Re: Salut, les autres.
Fifrelin a écrit:Je te fais un gros câlin aussi.
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
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Re: Salut, les autres.
Puisqu'on y est :
- Je ne recommencerai plus.
Je me calmai un peu. Nous étions assis sur le remblai tous les deux, les bras sur les genoux, regardant de l'autre côté. Il y avait une chèvre attachée à un arbre, un mimosa. Le mimosa était en fleurs, le ciel était très bleu, et le soleil faisait de son mieux. Je pensai soudain que le monde donnait bien le change. C'est ma première pensée d'adulte dont je me souvienne.
[...]
Vague et lancinant, tyrannique et informulé, un rêve étrange s’était mis à bouger en moi, un rêve sans visage, sans contenu, sans contour, le premier frémissement de cette aspiration à quelque possession totale dont l'humanité a nourri aussi bien ses plus grands crimes que ses musées, ses poèmes et ses empires, et dont la source est peut-être dans nos gènes comme un souvenir et une nostalgie biologique que l’éphémère conserve de la coulée éternelle du temps et de la vie dont il s’est détaché. Ce fut ainsi que je fis connaissance avec l’absolu, dont je garderai sans doute jusqu’au bout, à l’âme, la morsure profonde, comme une absence de quelqu'un.
[…]
Je mentirais aussi si je n'avouais pas que, malgré mes quatorze ans, je croyais encore un peu au merveilleux. Je croyais à la baguette magique et, en me risquant sur le court, je n'étais pas du tout sûr que quelque force entièrement juste et indulgente n'allait pas intervenir en notre faveur, qu'une main toute-puissante et invisible n'allait pas guider ma raquette et que les balles n'allaient pas obéir à son ordre mystérieux. Ce ne fut pas le cas. Je suis obligé de reconnaître que cette défaillance du miracle a laissé en moi une marque profonde, au point que j'en viens parfois à me demander si l'histoire du Chat botté n'a pas été inventée de toutes pièces, et si les souris venaient vraiment, la nuit, coudre les boutons sur le surtout du tailleur de Gloucester. Bref, à quarante-quatre ans, je commence à me poser certaines questions. Mais j'ai beaucoup vécu et il ne faut pas prêter trop d'attention à mes défaillances passagères.
[...]
Généralement, ma mère emportait avec elle, discrètement dissimulés au fond de son sac, du pain noir et des concombres salés, notre gourmandise préférée. On pouvait donc voir, à cette époque, vers neuf heures du soir, contemplant la foule de flâneurs, sur la Promenade des Anglais, une dame distinguée aux cheveux blancs et un adolescent en blazer bleu, assis discrètement le dos contre la balustrade, en train de savourer des concombres salés à la russe avec du pain noir, sur une feuille de papier journal posée sur leurs genoux. C'était très bon. Ce n'était pas suffisant. Mariette avait éveillé en moi une faim qu'aucun concombre au monde, même le plus salé, ne pouvait plus apaiser. Mariette nous avait quittés il y avait déjà deux ans, mais son souvenir continuait à couler dans mon sang et à me tenir éveillé la nuit. J'ai conservé jusqu'à ce jour, pour cette bonne Française qui m'avait ouvert la porte d'un monde meilleur, une gratitude profonde. Trente ans se sont écoulés, mais je peux dire, avec plus de vérité que les Bourbons, que depuis, je n'ai rien appris, ni rien oublié. Que sa vieillesse soit heureuse et paisible, et qu'elle sache qu'elle avait vraiment fait pour le mieux avec ce que le bon Dieu lui avait donné. Je sens que je vais m'attendrir si je continue plus longtemps sur ce sujet, alors, je m'arrête.
Mais il y avait donc un bon moment que Mariette n'était plus là pour me tendre la main et me secourir. Mon sang s'indignait dans mes veines et frappait à la porte avec une véhémence, une insistance, que les trois kilomètres, que je parcourais à la nage, chaque matin, ne parvenaient pas à calmer. Assis à côté de ma mère sur la Promenade des Anglais, je guettais toutes les merveilleuses porteuses de pain qui défilaient devant moi, je soupirais profondément, et je restais là, désemparé, mon concombre à la main.
Romain Gary, La promesse de l'aube.
Dernière édition par Zat Rathustra Barnum le Dim 24 Juil 2016 - 21:13, édité 1 fois
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
Date d'inscription : 29/06/2011
Re: Salut, les autres.
C'est l'éblouissement. Si subtile est l'irradiation qui m'enveloppe soudain, et si étendue, qu'elle touche presque à l'infini. Mais là n'est pas la chose extraordinaire. C'est le silence, un lac c'est de l'eau silencieuse.
De l'eau silence, étonnement devant l'incrédible et tout ce qui se répand à travers le mutisme de l'espace liquide, séparé à peine du ciel par une ceinture de brume, elle-même à peine moins bleue que l'air. Sensation de se porter au plus près de soi, aventure qui vous chercher autant que vous la cherchez. Et puis surgie, - d'où ? une brise plie les plus hautes branches, dégage un peu plus l'horizon. S'exaltant, l'atmosphère crépite alors d'étincelles de liberté, de bravoure.
[...]
Seuls les grands arbres rêvent tout haut, la fournaise gelée du crépuscule au-dessus d'eux, la mer en-dessous, jamais assez proche, l'engoulevent - un cri pour toute une solitude - quelque part. Tout est là, mais le monde rentre en soit.
[...]
Ça fait du bien là où on se sent bien, et ça fait encore plus mal dans le reste, dans ce qui peut avoir mal. On ne sait comment faire avec un chant aussi beau, déchirant à force d'être beau, et aussi tranquillement désolé. Et il importe peu qu'il ne soit pas connu de vous, la nostalgie dont il est traversé, gonflé, vous le rend aussitôt familier et vous parle votre langue. Qui part ne peut plus remettre ses pas dans ses pas. Nostalgie, douce, cruelle, il joue le Musicien, il est une heure, puis il est deux heures, l'air devient si pur à l'entour, il vous laisse une telle sensation de froidure quand il vous descend dans les poumons, qu'on pourrait croire que personne ne l'a respiré jusque-là. On le retient en soi, on ne se résigne pas à s'en séparer. Le jour se lève. Il se lève alors que la nuit ne s'est pas couchée encore. Sur les plus grands arbres des pointes de feu allumées par le soleil flambent et le chant continue, heureux et passionné, les oiseaux l'accompagnent, il fait de plus en plus jour et le chant gagne en légèreté, filaments de soie sur lesquels danse déjà le rêve ensoleillé du jour, trame où s'entretissent encore : murmure de la brise, bougonnement de l'océan, ruisselis des feuilles, - et toujours ces bruits de la vie qui se frotte les yeux.
Mohammed Dib, Les terrasses d'Orsol.
Dernière édition par Zat Rathustra Barnum le Lun 25 Juil 2016 - 17:08, édité 2 fois
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
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Re: Salut, les autres.
Coucou
Carla de Miltraize VI- Messages : 5789
Date d'inscription : 10/07/2012
Age : 104
Localisation : Toulouse *** Se guérir de nos malaises de l’âme implique souvent une bonne dose d’humilité, d’accueil de la nature humaine et de sympathie envers autrui et surtout envers nous-mêmes. Daniel Desbiens
Re: Salut, les autres.
Ce n'était pas la vanité qui l'attirait vers le miroir, mais l'étonnement d'y découvrir son moi. Elle oubliait qu'elle avait devant les yeux le tableau de bord des mécanismes physiques. Elle croyait voir son âme qui se révélait à elle sous les traits de son visage. Elle oubliait que le nez est l'extrémité de l'amenée d'air aux poumons. Elle y voyait l'expression fidèle de sa nature.
Elle s'y contemplait longuement, et ce qui la contrariait parfois c'était de retrouver sur son visage les traits de maman. Alors, elle n'en mettait que plus d'obstination à se regarder et tendait sa volonté pour s'abstraire de la physionomie maternelle, en faire table rase et ne laisser subsister que ce qui était elle-même. Y parvenait-elle, c'était une minute enivrante : l'âme remontait à la surface du corps, pareille à l'équipage qui s'élance du ventre du navire, envahit le pont, agite les bras vers le ciel et chante.
Non seulement elle ressemblait physiquement à sa mère, mais j'ai parfois l'impression que sa vie n'a été qu'un prolongement de la vie de sa mère, un peu comme la course d'une boule de billard est le prolongement du geste exécuté par le bras d'un joueur.
Où et quand avait pris naissance ce geste qui allait plus tard devenir la vie de Tereza ?
[…]
Au bout de quelque temps, le plus triste des hommes mourut en prison, et maman, suivie de Tereza, partit avec l'escroc s'installer dans une petite ville au pied des montagnes. Le beau-père était employé de bureau, maman était vendeuse de magasin. Elle eut encore trois enfants. Puis, un jour qu'elle se regardait une fois de plus dans la glace, elle s'aperçut qu'elle était vieille et laide. Ayant constaté qu'elle avait tout perdu, elle chercha un coupable. Coupable, tout le monde l'était. Coupable son premier mari, viril et mal aimé, qui lui avait désobéi quand elle lui chuchotait à l'oreille de faire attention. Coupable son second mari, peu viril et bien aimé, qui l'avait entraînée loin de Prague dans une petite ville de province et courait après toutes les jupes, de sorte qu'elle n'en finissait pas d'être jalouse. Contre ses deux maris, elle était désarmée. Le seul être humain qui lui appartenait et ne pouvait lui échapper, l'otage qui pouvait payer pour tous les autres, c'était Tereza.
D'ailleurs, il était peut-être exact qu'elle était responsable du sort maternel. Elle : l'absurde rencontre d'un spermatozoïde du plus viril des hommes et d'un ovule de la belle des belles. En cette seconde fatidique nommée Tereza, maman avait commencé le marathon de sa vie gâchée.
Maman expliquait inlassablement à Tereza qu'être mère c'est tout sacrifier. Ses paroles étaient convaincantes parce qu'elles exprimaient l'expérience d'une femme qui avait tout perdu à cause de son enfant. Tereza écoutait et croyait que la plus haute valeur de la vie c'est la maternité, et que la maternité est un grand sacrifice. Si la maternité est le Sacrifice même, le destin d'une fille, c'est la Faute que rien ne pourra jamais racheter.
Bien entendu, Tereza ignorait l'épisode de la nuit où maman avait chuchoté à l'oreille du plus viril des hommes de faire attention. Elle se sentait coupable, mais c'était une culpabilité indéfinissable, comme le péché originel. Elle faisait tout pour l'expier. Maman l'ayant retirée du collège, elle travaillait comme serveuse depuis l'âge de quinze ans, et, tout ce qu'elle gagnait, elle le lui remettait. Elle était prête à tout pour mériter son amour. Elle prenait soin du ménage, s'occupait de ses frères et soeurs, passait tout le dimanche à gratter et laver. C'était dommage, car au lycée c'était la plus douée de sa classe. Elle voulait s'élever, mais pour elle, dans cette petite ville, où s'élever ? Elle faisait la lessive et un livre était posé près d'elle à côté de la baignoire. Elle tournait les pages et le livre était mouillé de gouttes d'eau.
A la maison, la pudeur n'existait pas. Maman allait et venait dans l'appartement en sous-vêtements, parfois sans soutien-gorge, parfois même, les jours d'été, toute nue. Son beau-père ne se promenait pas tout nu, mais il attendait toujours que Tereza fût dans la baignoire pour entrer dans la salle de bains. Un jour qu'elle s'y était enfermée à clé, maman fit une scène : « Pour qui te prends-tu ? Qu'est-ce que tu te crois ? Il ne va pas te la manger, ta beauté ! »
(Cette situation montre on ne peut plus clairement que la haine de la mère pour la fille était plus forte que la jalousie que lui inspirait son mari. La faute de la fille était immense, même les infidélités du mari y étaient contenues. Que son mari lorgne Tereza, maman pouvait encore l'admettre, mais pas que sa fille veuille s'émanciper et ose revendiquer des droits, ne serait-ce que le droit de s'enfermer à clé dans la salle de bains.)
Un jour d'hiver, maman se promenait nue dans une pièce avec la lumière allumée. Tereza courut baisser le store pour qu'on ne pût voir sa mère depuis l'immeuble d'en face. Elle l'entendit rire aux éclats derrière elle. Le lendemain, des amies rendirent visite à maman. Une voisine, une collègue du magasin, une institutrice du quartier et deux ou trois femmes qui se réunissaient régulièrement. Tereza vint passer un instant avec elles, accompagnée du fils d'une des dames, un garçon de seize ans. Maman en profita aussitôt pour raconter comment Tereza avait voulu protéger sa pudeur. Elle riait, et toutes les femmes s'esclaffaient. Puis, maman fit remarquer : « Tereza ne veut pas admettre qu'un corps humain, ça pisse et ça pète. » Tereza était écarlate, mais maman poursuivait : « Qu'y a-t-il de mal à ça ? » Et aussitôt, répondant elle-même à sa question, elle lâcha des pets sonores. Toutes les femmes riaient.
Maman se mouche bruyamment, donne aux gens des détails sur sa vie sexuelle, exhibe son dentier. Elle sait le dégager d'un coup de langue avec une surprenante agilité, laissant la mâchoire supérieure retomber sur les dents du bas dans un large sourire ; son visage donne soudain la chair de poule.
Son manège n'est qu'un geste brutal qui renie sa jeunesse et sa beauté. Au temps où les neuf soupirants s'agenouillaient en cercle autour d'elle, elle veillait avec un soin scrupuleux sur sa nudité. C'était à l'aune de sa pudeur qu'elle jaugeait le prix de son corps. Si elle est impudique à présent, elle l'est radicalement, avec son impudeur elle tire un trait solennel sur la vie et elle crie bien haut que la jeunesse et la beauté, qu'elle a surestimées, n'ont en fait aucune valeur.
Tereza me paraît être le prolongement de ce geste-là, de ce geste de sa mère rejetant au loin sa vie passée de jeune et belle femme.
(Et si Tereza elle-même a des allures nerveuses, si ses gestes manquent de gracieuse lenteur, il ne faut pas s'en étonner. Ce grand geste de sa mère, autodestructeur et violent, c'est elle, c'est Tereza.)
Maman réclame pour elle justice et veut que le coupable soit châtié. Elle insiste pour que sa fille reste avec elle dans le monde de l'impudeur où la jeunesse et la beauté n'ont aucun sens, où l'univers n'est qu'un gigantesque camp de concentration de corps identiques dont l'âme est invisible.
Maintenant, nous pouvons mieux comprendre le sens du vice caché de Tereza, de ses longues stations répétées devant le miroir. C'était un combat avec sa mère. C'était le désir de ne pas être un corps comme les autres corps, mais de voir sur la surface de son visage l'équipage de l'âme surgir du ventre du navire. Ce n'était pas facile parce que l'âme, triste, craintive, effarouchée, se cachait au fond des entrailles de Tereza et avait honte de se montrer.
Milan Kundera, L'insoutenable légèreté de l'être
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
Date d'inscription : 29/06/2011
Re: Salut, les autres.
Carla de Miltraize III a écrit:
Coucou
Coucou !
Pour les retardataires, un résumé de ce fil :
Dernière édition par Zat Cnidaire Barnum le Mer 7 Déc 2016 - 22:23, édité 1 fois
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
Date d'inscription : 29/06/2011
Re: Salut, les autres.
Zat Rathustra Barnum a écrit:Merci de ne pas citer ce post si vous y répondez.
Oui, je sais, je suis une insoumise :p
Parce que je suis la plus connasse de tes amies, je n'avais pas encore pris le temps de passer par ici, alors que...
Je suis tellement heureuse de lire ce que je lis, de te voir t'ouvrir, de voir la Zatacarapace se fissurer...
J'imagine que, considérant les discussions précédentes, tu sais à quel point je suis d'accord, à quel point je réalise, à quel point je...
De l'explosion peut venir l'éclosion.
Si je voulais être cyniquement drôle, je dirais "une jolie fleur dans une peau d'vache"... Et je me trouverais d'une finesse absolue
Ah, ces corps qui nous emmerdent... Ne t'ai-je pas raconté, ce type, dont je m'étais amourachée par ici il y a 5 ans (virtuellement, donc), et qui, la première fois qu'il m'a vue m'a dit "Nan mais tu te rends compte de ce que tu as fait à ton corps ?". Bâtard. Ouais. Va te faire foutre pauvre con.
Je m'amuse souvent à imaginer ces gens si plein des bonnes intentions, me recommandant de faire du sport, ou je ne sais quelle activité magique qui me ferait perdre du poids, pratiquer avec moi cette activité en portant un "sur-corps" lesté d'une trentaine de kilos... Vouais, tu ferais moins l'malin gamin !
J'ai appris à éviter les dunes, mais c'est parce que je suis rousse et que le soleil ne me réussit pas... tavu ((c)Zat 2015)...
Bon, du coup, quand les autres font des kilomètres à pieds dans des endroits tout aussi relous qu'inaccessibles, moi, j'leur fais des crêpes et des madeleines au citron en les attendant à leur retour
Mais se posent éternellement ces questions et ces dilemmes incessants...
Peut-on m'aimer dans ce corps ? Pire, si on m'aime pour mon corps (comme ce type qui voulait baiser une maigre...), c'est foutu.
Et encore... Il faut savoir, moi, je ne me reconnais pas quand je me vois dans ce corps. Parce que l'image que j'ai de moi, c'est celle d'une femme jolie, légère, pétillante, fluide, énergique... Comme l'est sûrement un peu mon "esprit" (ou quel que soit le nom qu'on veut bien donner à ce truc).
Mais si on ne m'aime que pour mon esprit, alors je ne suis pas d'accord non plus. Car j'ai envie qu'on désire aussi mon corps...
Du coup, je touche perpétuellement les limites de mes contradictions et des leurs...
Et quand on ne m'aime pas, quoi qu'on me dise, je penserai systématiquement que c'est à cause de mon corps...
Et puis, je continue de voir mes potes photographes qui clichétisent des meufs toutes plus jolies les unes que les autres... Toujours minces, n'est-ce pas... Photographier un gros, c'est toujours comme une sorte d'acte de courage, de rébellion ou que sais-je... Un peu agaçant aussi... Vas-y, fais une super jolie photo de moi dénudée, juste pour voir...
C'est pareil ça... Ces gens qui ne comprennent pas qu'il m'est insupportable de me voir en photo... Évidemment, vu le décalage entre l'image intérieure et l'image extérieure... (Guitry disait : "les femmes ne trouvent leur portrait ressemblant que lorsqu'il ressemble à ce qu'elles voudraient être"... Ben tiens... )
Je continue de me questionner sur les proportions, sur la beauté, sur son importance, sur sa valeur.
Je ne souffre pas non plus, je me suis habituée, depuis le temps... Petite, grosse, rousse, intelligente... J'ai fini par apprendre à dire "je suis grasse comme un loukoum" (et je suis sûre que personne n'a la culture suffisamment merdique que j'ai pour savoir par quel film cela a bien pu être inspiré... )
Quoi qu'il en soit, je suis contente d'être venue faire un petit tour par ici.
Je te fais grâce des cœurs_love tout ça. S'pas la peine non ?
'Sengabl- Messages : 2065
Date d'inscription : 09/10/2011
Age : 53
Localisation : ça dépend !
Re: Salut, les autres.
- Vous, je me méfie de vous.
- De moi, Pukka sahib ? Mais je ne suis qu'un pauvre esclave européen sous-alimenté; Je fais le malin, je grogne, mais, en réalité, je suis à vendre. Voulez-vous m'acheter ?
- Voyons un peu les dents. Hum ! Avez-vous une âme ?
- Point. Jamais eu. Sais pas ce que c'est.
- Des convictions politiques ?
- Moi ? Mais vous me prenez pour un homme libre, ma parole ?
- Vous venez pourtant de gagner une guerre.
- Lorsqu'une guerre est gagnée, mon Maître, ce sont les vaincus qui sont libérés, pas les vainqueurs.
Frottez-vous tout de même la figure, patron... Là. Ne vous laissez pas aller. Nous ne sommes pas à Buchenwald, ici...
- Non, grommela Tulipe, nous sommes dans le petit village à côté.
- Quoi ?
- Rien.
- A qui est cette brosse à dents ?
- Comment à qui ? A nous.
- On s'en sert pour remuer le sucre, expliqua oncle Nat.
- Rincez-vous tout de même la bouche, patron. Ne vous sentez-vous pas mieux ? Bon, je file. Je vais poser pour cette réclame de soutien-gorge.
- Nue ?
- Les seins seulement. Tata !
Oncle Nat rentra la tête sous ses couvertures, Tulipe prit un sandwich et se mit à manger. "Ce n'est pas Buchenwald qui est horrible, ce n'est pas Belsen que je n'arrive pas à oublier." Il continua à mâcher, distraitement; "Ce que je ne pardonne pas, ce n'est pas Dachau, cette ville de trente mille habitants voués à la torture, mais le petit village à côté, où les gens vivent heureux, travaillent dans les champs et respirent l'odeur de foin et de bon pain chaud..." Il ramassa les miettes dans le creux de sa main, puis les jeta dans sa bouche. "Le petit village à côté, avec ses gosses qui vont cueillir les marguerites dans les champs, les mères qui chantent des berceuses à leurs petits, les vieilles gens qui sommeillent sur le banc devant leur maison, le coeur en paix, le paysan qui donne à boire à ses bêtes, caresse son chien, aime sa femme..."
- Ce village est allemand, mon ami. Nous ne sommes pas responsables. Cessez de m'importuner et passez votre chemin.
- Nous l'habitons tous, Pukka Sahib. Nous habitons tous le village à côté, nous écoutons la musique, nous lisons des livres, nous faisons des plans pour passer les vacances à la mer, nous habitons tous le village à côté; la conscience, ce n'est pas une question de kilomètres.
- Pourquoi croyez-vous donc que nous nous sommes battus ?
- Pour défendre la paix de notre village et les jeux de nos enfants. Et maintenant nous voilà de retour, assis de nouveau au soleil, heureux d'entendre les meuglements familiers et troupeaux qui rentrent, de voir la poussière des sabots monter dans le soleil couchant, et le sourire bête et fat est de retour sur nos lèvres comme un charognard qui revient toujours percher sur la même branche, et qu'importe si le reste du monde est toujours un immense camp de mort lente, un grand Dachau, un Buchenwald des familles, pourvu que chantent les oiseaux et jouent lesl apins mignons, dans notre petit village à côté ?
- Allons, patron, mangez. Vous n'êtes pas en train de vous frapper, au moins ?
- Je ne me frappe pas, oncle Nat. Je rêve un peu.
Tulipe remua le sucre dans son café avec la brosse à dents. "Si on avait le courage de ses idées, on ferait la grève de la faim pour protester enfin contre le village maudit, le petit village heureux et paisible qui dort en marge de la misère du monde. Si on avait le courage de ses idées." Il ricana.
- Qu'est-ce qu'il y a, patron ? Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?
- Rien. Je rêve un peu.
Il but un peu de café. "On pourrait même lancer ainsi un de ces grands mouvements humanitaires, avec de jolis slogans comme "A bas l'isolationnisme des consciences ! Pour une humanité solidaire et indiviible, unissez-vous ! Contre le petit village à côté, tous unis et en avant ! Nous voulons que d'une communauté de souffrance sorte enfin une communauté d'action !" Ce ne sont pas les slogans qui manquent.
Il se leva et alla ouvrir la fenêtre. L'air frais les envahit comme un sang nouveau.
- Le jour se lève.
- Pas moyen de l'empêcher ? s'enquit Grinberg.
- Pas moyen.
- La nuit, dit Grinberg, c'est tout ce qu'on mérite.
- La foi, dit Flaps. il lui manque la foi. On ne peut pas vivre sans croire.
- Une sale nuit, dit Grinberg, froide, noire et sans sucre, comme le café des mauvais lieux...
Il se leva lourdement et se traîna jusqu'à la fenêtre. Avec son pardessus jeté sur les épaules, les manches vides battant comme des ailes fatiguées, son nez triste et ses yeux pâles, il avait l'air d'un vieux hibou. il se pencha. Harlem commençait à sortir de ses poubelles. Un jour blafard traînait sur les trottoirs.
- On a envie de l'aider, dit Flaps.
- Toi et ta charité chrétienne, dit Grinberg.
- Et voilà tout ce qu'il y a de nouveau, dit Costello. Le jour qui se lève. Un peu maigre, pour la première édition.
- En l'arrangeant un peu... dit Grinberg.
Il proposa :
- Le jour monte comme un drapeau blanc au-dessus des ruines.
- Le jour revient rôder sur les lieux du crime, offrit Costello.
- Il vient s'assurer que tous les morts sont bien morts, déclama Grindberg.
- Et que toutes les plaies sont bien ouvertes.
- Bzz, fit Flaps, avec triomphe, bzz.
- Il est pressé. Il faut qu'il passe à la banque, dit Grinberg.
- Et qu'il fouille dans les poubelles pour trouver un morceau de pain.
- Il faut qu'il paie ses dictateurs, dit Grinberg.
- Il faut qu'il fusille quelqu'un, dit Costello.
- Des milliers de types crèvent de faim à New York. Moi-même, j'ai crevé de faim à New York. Ça n'intéresse personne.
- On commence toujours par crever de faim, à New York, jusqu'au jour où l'on fait crever de faim les autres, dit Grinberg. C'est ce qu'on appelle "réussir".
Que pensez-vous de l'avenir de la civilisation ?
- Les civilisations n'ont pas d'avenir. Elles n'ont pas de présent non plus. Tout ce qu'elles ont, c'est un passé. La civilisation, c'est quelque chose que l'humanité dépose sur ses rives, à force de couler. C'est quelque chose que les hommes bâtissent derrière eux à force de mourir.
Il se mit soudain à pleurer.
- Seigneur, ayez pitié de moi ! sanglota-t-il. Rendez-moi mon géranium sur la fenêtre, mon canari dans sa cage, les amours roses sur mes rideaux, rendez-moi mon tabac et mes timbres-poste, mon bain chaud et mon chocolat le matin...
- C'est fou, observa Grinberg, c'est fou ce que vingt siècles de christianisme ont pu donner à un homme !
- Je vois une borne, annonça Biddle.
- Aha ! se réjouit Grinberg. Nous arrivons enfin !
- Il est marqué dessus : "Entrée interdite aux Juifs !"
- On s'en va ? proposa Grinberg. Ce n'est sûrement pas le chemin.
- Parle pour toi, intervint Flaps; On y va ? Nous sommes arrivés. Au revoir, Grinberg.
- Au revoir.
- Attendez, il y a une autre inscription sur cette borne, dit Biddle. "Negroes keep out", lut-il.
- On ne peut pas laisser ce vieux Grinberg seul, décida Flaps. On continue ?
- Ça ne sert à rien de continuer, dit Costello. Ça ne sert à rien d'errer pendant des millénaires. Il n'y a qu'à s'arrêter. Il n'y a qu'à se laisser crever sur place, de haine, de faim, d'humiliation et de mépris. L'humanité entière a disparu et la terre revient enfin à sa fraîcheur première !
- Là, là, là, dit Grinberg. Il ne faut pas toujours prendre tout au tragique.
- Je vous le dis, hurla Costello, l'humanité n'existe plus !
- Il y atout de même quatre vies alliées de sauvées ! constata Biddle, en se frottant les mains avec complaisance. J'ai une idée, ajouta-t-il.
- Vas-y.
- Si on faisait une humanité à quatre, une petite humanité à part, bien à nous, avec ses frontières, ses territoires d'"outre-mer", ses manuels d'histoire, sa mission spirituelle ?
- Edition spéciale, cria Biddle, la fin du monde !
- Ce n'est pas très original, dit Costello.
- Ce n'est peut-être pas très original, mais c'est quand même la première fois que ça arrive !
- Qu'est-ce que tu en sais ? dit Costello. Personne n'en sait rien. Ça arrive peut-être tous les jours sans qu'on le sache.
Cependant, le nouveau mouvement humanitaire prenait en Angleterre de telles proportions qu'il y eut une interpellation à la Chambre des Communes, à laquelle le Home Secretary répondit que l'association "Prière pour les Vainqueurs" ne menaçant, pour l'instant, ni la personne de Sa Majesté, ni celle du Mahatma Gandhi (hear! hear!) il ne voyait aucune raison de l'interdire. Un membre conservateur ayant demandé si le seul nom de "mouvement" ne suffisait pas à rendre suspecte une association dans un pays dont la force principale est l'immobilité, le Home Secretary répondit, dans l'émotion générale, que dans ce pays libre (hear! hear!), il ne voyait aucune raison, lui, ministre travailliste (cheers), de s'opposer à un mouvement quelconque, tant que celui-ci conservait un caractère nettement statique. Aussitôt, le gouvernement profita de l'enthousiasme des membres travaillistes devant cette noble déclaration, pour faire voter une série de mesure tendant à donner aux taudis un caractère de monument historique et pour prescrire aux propriétaires de veiller à les conserver tels quels, sous peine de poursuite pour tentatives subversives contres des institutions nationales ayant un caractère nettement sacré. Ce vote provoqua un tel enthousiasme dans le parti conservateur que dix mille paires de chaussettes furent tricotées immédiatement par les honorables membres de l'association dans tous les coins du pays et que cent cinquante thés de bienfaisance furent servi dans le West End en vingt-quatre heures, battant ainsi de vingt-cinq thés le record établi lors de la dernière famine du Bengale.
Pendant ce temps, le chômage chronique interdisait toujours aux ouvriers européens d'élever plus de deux enfants rachitiques à la fois; pendant ce temps, les gouvernements refusaient de lutter contre le taudis, faisant judicieusement remarquer qu'il valait bien mieux que la bombe atomique démolît des taudis que des palais de lumière et de salubrité; pendant ce temps, les gouvernements socialistes, appelés une fois de plus au pouvoir par des électeurs acharnés, pleuraient d'affolement sur le sein de leurs épouses et perdaient le sommeil, ne sachant plus que faire pour se faire pardonner : dissoudre le parti communiste, encourager les trusts, réduire les salaires, ou bien pouvaient-il espérer de passer inaperçus jusqu'aux prochaines élections, en promettant de ne rien faire et de ne toucher à rien ? Pendant ce temps, la terre était ronde, elle tournait, et l'humanité était une chenille géante, jetée sur le dos et tournant avec la terre ; elle agitait désespérément ses deux milliards de pattes farouches et impuissantes et son rêve était un humble rêve d'infirme : pouvoir se lever un jour et marcher, sans peur, marcher! au lieu de demeurer ainsi prostrée, à agiter furieusement ses pattes, à tourner avec la terre.
Romain Gary, Tulipe
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
Date d'inscription : 29/06/2011
Re: Salut, les autres.
Ma vie, mon oeuvre, présentement (et jusqu'à présentement) :
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
Date d'inscription : 29/06/2011
Re: Salut, les autres.
Ceux qui ont une idée de ce qu'ils font, se trompent probablement eux même :p
Invité- Invité
Re: Salut, les autres.
Voilà que soudain j'y pense, à quand je n'en suis pas revenue... du mal de vivre.
Voilà pourquoi on me retrouve dans les rues de mon quartier, à marcher, à tourner en rond. Oh, c'est bien, c'est beau, c'est joli, c'est Noël, trois libraires d'occasion à moins de 300m de chez moi, des bars, des petits restos, deux superettes qui ouvrent tard pour... pour les trucs dont j'estime avoir besoin, pour les trucs que je crave, de la salade de carottes, du fromage à ouatmille euros.
J'en pouvais plus, de ma gueule, avec mes cheveux longs là. C'est beau ah oui c'est entretenu gnagnagna. Je les coiffais plus. J'ai coupé. J'en pouvais plus, de ce joli appartement où rien ne m'est utile, de l'odeur de la soupe chaude de légumes bio faite maison, ouhlala c'est vaillant, c'est sain. Ta gueule putain la sainteté. Ça fait dix jours maintenant que je quitte, presque rituellement, en rentrant chez moi, mes vêtements de la « vie réelle » pour remettre ce sweat à capuche à message politique sur les numéros d'écrou.
Et ma série de chiffres à moi, alors ? Mon adresse, mes mètres carrés, mon compte en banque, mon salaire, mon numéro de téléphone, mes horaires, des chiffres des chiffres... et mon identité ? Et qui je suis ?
Voilà pourquoi je traîne dans mon pull (sale, à force), pourquoi j'ai coupé mes cheveux, pourquoi je n'ai pas complètement vidé mes cartons, pourquoi j'ai peur de mon avenir. J'ai peur de mourir de ce confort bourgeois, j'ai peur de m'installer et de dépérir. J'ai peur de m'ennuyer et de perdre de vue ce qui est important pour moi, ce qui plus que ça est vital pour moi : lutter et nager à contre-courant.
Parce que c'est ce qui m'a sauvée.
Voilà pourquoi ma vie est parfois on the edge, dans des coins biscornus, à la fête de Noël de la Maison Centrale avec des mecs condamnés pour des dizaines d'années et à la fête de Noël de l'institut avec des enfants polyhandicapés, pourquoi mes amours sont complexes et mes idées mouvantes, pourquoi je suis en retard pourquoi je mets du temps à arriver. Pourquoi je ne veux pas ressembler à une femme, à une mère, à une employée modèle, à une bourgeoise, pourquoi j'ai honte d'avoir chaud, pourquoi parfois, juste, j'erre. J'erre, je parle à ces mecs qui font la manche à qui personne parle, surtout quand ils sont bourrés. J'erre, je ne mets pas ma veste, ça m'énerve. Sérieusement pour les 20m que tu fais entre ta voiture et ta porte d'entrée, pourquoi tu te saoules à mettre un manteau ? Le temps que tu perds, l'énergie ? Non, tu ne vas pas « attraper froid ». Le rhume, c'est vraiment ta grosse menace dans la vie ? Oui, vas-y, couvre-toi, protège-toi bien de la menace. C'est le summum de l'engoncement.
Quand je vois les gens dans leurs « vies réelles », avec le boulot aux horaires de bureau, le pavillon, les enfants, le chien, le Scénic, la soirée film sur France 2... j'ai envie de hurler. HURLER QUE CE N'EST PAS LA VIE REELLE. Est-ce la seule chose à laquelle nous sommes censés aspirer ? C'est la mort prématurée, c'est l'ennui et la ternitude. C'est la prison. Assignés à résidence dans des vies qui n'ont pas de sens, dans la refonte d'un idéal désincarné, devant Diane femme flic.
J'avais tout, matériellement, j'étais installée, établie. Je vivais avec quelqu'un de bien. Le parfait petit couple bon à marier, et moi j'étais crédible en parfaite petite étudiante en médecine ménagère. Et mon âme a explosé. J'avais tout, jusqu'à la machine à pain. J'avais tout et j'étais vide, seule, sans but. J'étais exécrable. J'errais, non pas dans les rues, j'errais dans mon mal de vivre une vie réelle.
J'ai voulu mourir, j'ai essayé. Je crois que, contre toute constatation qui pourrait être faite, j'y suis morte. Je suis morte à Toulouse quelque part entre le printemps 2009 et le printemps 2010. Un an de mort cérébrale. Encéphalogramme plat et à jamais des vallées intimes détruites, chez moi, chez les autres. Et une machine à pain qui trône sur une étagère, désarmée de sa pale, dans le garage de mes parents. Je suis restée dans les couloirs de cette institution psychiatrique, je suis restée dans les influences chimiques, dans les bras sans noms qui m'arrachaient cette peau que je ne supportais plus. Dans le goût de la pâte à tartiner au Speculoos, dans l'odeur du gel douche MonSavon à l'Hibiscus, dans ce surnom qu'on me donnait, dans les clopes que j'enfilais, dans les cours de médecine, dans les lacérations sur mon corps, dans les cachets les cachets les cachets les prises de sang et la Vodka. Je suis restée dans cette nuit à hurler à plein poumons dans ma salle de bain, à cette portière de voiture ouverte sur l'autoroute, à cette ambulance, sur le canapé de mon arrière grand-mère que j'ai laissé dans cet appartement vide. Il est des endroits dont on ne revient pas, et c'est pour le mieux parfois.
Alors je marche, dans mon sweat malpropre, dans les rues froides au milieu des gens qui touristent. Alors parfois je bois, il faut me pardonner, parce qu'il est en moi des vallées ravagées, et des identités qui ne se relèveront jamais. D'autres qui sont nées et serrent les dents, font un battage infernal pour ne pas oublier la machine à pain. Celles qui luttent, celles qui rient, celles qui nagent à contre-courant et hurlent dans une langue silencieuse, pour qu'on éteigne France 2. Pour que cessent la solitude, les mails du travail, les numéros de compte en banque, les numéros d'écrou, cette vie irréelle qu'on nous impose. Cette société qui touriste, qui a le mal de vivre et qui cause notre déperdition.
J'ai été déperdue. Je suis morte de désespoir, d'ennui, d'enfermement. J'ai la rage. Je ne veux pas – je ne peux pas - porter de vêtements propres et y croire pour de vrai, jouer à la marchande. A la marchande d'amour, à la marchande de temps, à la marchande de fruits et légumes bio, de corps parfaits, de travail fait dans les temps, de maisons rangées, à la marchande d'images.
Oui mais voilà, je sais bien qu'il me faut, au moins un minimum, faire semblant. Alors je resquille, du mieux que je peux. Je porte toujours ma déperdition – c'est pareil qu'être déperdue, mais en différent - et parfois j'ai peur.
J'en pouvais plus, de ma gueule, avec mes cheveux longs là. C'est beau ah oui c'est entretenu gnagnagna. Je les coiffais plus. J'ai coupé. J'en pouvais plus, de ce joli appartement où rien ne m'est utile, de l'odeur de la soupe chaude de légumes bio faite maison, ouhlala c'est vaillant, c'est sain. Ta gueule putain la sainteté. Ça fait dix jours maintenant que je quitte, presque rituellement, en rentrant chez moi, mes vêtements de la « vie réelle » pour remettre ce sweat à capuche à message politique sur les numéros d'écrou.
« Numéro d'écrou : série de chiffres dépossédant la personne de son identité. »
Et ma série de chiffres à moi, alors ? Mon adresse, mes mètres carrés, mon compte en banque, mon salaire, mon numéro de téléphone, mes horaires, des chiffres des chiffres... et mon identité ? Et qui je suis ?
Voilà pourquoi je traîne dans mon pull (sale, à force), pourquoi j'ai coupé mes cheveux, pourquoi je n'ai pas complètement vidé mes cartons, pourquoi j'ai peur de mon avenir. J'ai peur de mourir de ce confort bourgeois, j'ai peur de m'installer et de dépérir. J'ai peur de m'ennuyer et de perdre de vue ce qui est important pour moi, ce qui plus que ça est vital pour moi : lutter et nager à contre-courant.
Parce que c'est ce qui m'a sauvée.
Voilà pourquoi ma vie est parfois on the edge, dans des coins biscornus, à la fête de Noël de la Maison Centrale avec des mecs condamnés pour des dizaines d'années et à la fête de Noël de l'institut avec des enfants polyhandicapés, pourquoi mes amours sont complexes et mes idées mouvantes, pourquoi je suis en retard pourquoi je mets du temps à arriver. Pourquoi je ne veux pas ressembler à une femme, à une mère, à une employée modèle, à une bourgeoise, pourquoi j'ai honte d'avoir chaud, pourquoi parfois, juste, j'erre. J'erre, je parle à ces mecs qui font la manche à qui personne parle, surtout quand ils sont bourrés. J'erre, je ne mets pas ma veste, ça m'énerve. Sérieusement pour les 20m que tu fais entre ta voiture et ta porte d'entrée, pourquoi tu te saoules à mettre un manteau ? Le temps que tu perds, l'énergie ? Non, tu ne vas pas « attraper froid ». Le rhume, c'est vraiment ta grosse menace dans la vie ? Oui, vas-y, couvre-toi, protège-toi bien de la menace. C'est le summum de l'engoncement.
Quand je vois les gens dans leurs « vies réelles », avec le boulot aux horaires de bureau, le pavillon, les enfants, le chien, le Scénic, la soirée film sur France 2... j'ai envie de hurler. HURLER QUE CE N'EST PAS LA VIE REELLE. Est-ce la seule chose à laquelle nous sommes censés aspirer ? C'est la mort prématurée, c'est l'ennui et la ternitude. C'est la prison. Assignés à résidence dans des vies qui n'ont pas de sens, dans la refonte d'un idéal désincarné, devant Diane femme flic.
Alors j'y pense, à quand je n'en suis pas revenue... de la machine à pain.
J'avais tout, matériellement, j'étais installée, établie. Je vivais avec quelqu'un de bien. Le parfait petit couple bon à marier, et moi j'étais crédible en parfaite petite étudiante en médecine ménagère. Et mon âme a explosé. J'avais tout, jusqu'à la machine à pain. J'avais tout et j'étais vide, seule, sans but. J'étais exécrable. J'errais, non pas dans les rues, j'errais dans mon mal de vivre une vie réelle.
J'ai voulu mourir, j'ai essayé. Je crois que, contre toute constatation qui pourrait être faite, j'y suis morte. Je suis morte à Toulouse quelque part entre le printemps 2009 et le printemps 2010. Un an de mort cérébrale. Encéphalogramme plat et à jamais des vallées intimes détruites, chez moi, chez les autres. Et une machine à pain qui trône sur une étagère, désarmée de sa pale, dans le garage de mes parents. Je suis restée dans les couloirs de cette institution psychiatrique, je suis restée dans les influences chimiques, dans les bras sans noms qui m'arrachaient cette peau que je ne supportais plus. Dans le goût de la pâte à tartiner au Speculoos, dans l'odeur du gel douche MonSavon à l'Hibiscus, dans ce surnom qu'on me donnait, dans les clopes que j'enfilais, dans les cours de médecine, dans les lacérations sur mon corps, dans les cachets les cachets les cachets les prises de sang et la Vodka. Je suis restée dans cette nuit à hurler à plein poumons dans ma salle de bain, à cette portière de voiture ouverte sur l'autoroute, à cette ambulance, sur le canapé de mon arrière grand-mère que j'ai laissé dans cet appartement vide. Il est des endroits dont on ne revient pas, et c'est pour le mieux parfois.
Alors je marche, dans mon sweat malpropre, dans les rues froides au milieu des gens qui touristent. Alors parfois je bois, il faut me pardonner, parce qu'il est en moi des vallées ravagées, et des identités qui ne se relèveront jamais. D'autres qui sont nées et serrent les dents, font un battage infernal pour ne pas oublier la machine à pain. Celles qui luttent, celles qui rient, celles qui nagent à contre-courant et hurlent dans une langue silencieuse, pour qu'on éteigne France 2. Pour que cessent la solitude, les mails du travail, les numéros de compte en banque, les numéros d'écrou, cette vie irréelle qu'on nous impose. Cette société qui touriste, qui a le mal de vivre et qui cause notre déperdition.
J'ai été déperdue. Je suis morte de désespoir, d'ennui, d'enfermement. J'ai la rage. Je ne veux pas – je ne peux pas - porter de vêtements propres et y croire pour de vrai, jouer à la marchande. A la marchande d'amour, à la marchande de temps, à la marchande de fruits et légumes bio, de corps parfaits, de travail fait dans les temps, de maisons rangées, à la marchande d'images.
Oui mais voilà, je sais bien qu'il me faut, au moins un minimum, faire semblant. Alors je resquille, du mieux que je peux. Je porte toujours ma déperdition – c'est pareil qu'être déperdue, mais en différent - et parfois j'ai peur.
Dernière édition par Zat Cnidaire Barnum le Lun 13 Fév 2017 - 18:28, édité 2 fois
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
Date d'inscription : 29/06/2011
Re: Salut, les autres.
Je ne sais pas ce qu'on peut dire après ça. J'ai même l'impression qu'il n'y a plus qu'à la boucler.
Mais je voulais quand même vous avouer, Mme Barnum, que ce texte m'a filé des frissons.
Quelqu'un qui a aussi une machine à pain qui rouille dans un garage.
Mais je voulais quand même vous avouer, Mme Barnum, que ce texte m'a filé des frissons.
Quelqu'un qui a aussi une machine à pain qui rouille dans un garage.
Kleopasse- Messages : 156
Date d'inscription : 10/09/2016
Re: Salut, les autres.
Kleopasse a écrit:Je ne sais pas ce qu'on peut dire après ça. J'ai même l'impression qu'il n'y a plus qu'à la boucler.
Mais je voulais quand même vous avouer, Mme Barnum, que ce texte m'a filé des frissons.
Quelqu'un qui a aussi une machine à pain qui rouille dans un garage.
Pour vous servir.
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
Date d'inscription : 29/06/2011
Re: Salut, les autres.
Et c'est le dépeuplement.
Des vagues d'êtres qui se retirent, des marées basses relationnelles, et moi sur le Mont Saint Michel de la solitude. Ça a de la gueule comme image dis donc, c'est pas du tout égocentrique hein. Ni bretonne ni normande, les pieds dans les algues, et des mers trop loin pour qu'elles continuassent à me bercer. Des filiations incertaines, des affinités moribondes. Et quelque part, la capacité incroyable à me diviser : il y a Zat et ses amitiés fermes ; il y a Cnidaire roulée en boule les dents serrés pour filtrer la gerbe ; il y a Barnum, sous Xanax. Happy three friends (j'ai ajouté ce H comme licence poétique, tais-toi correcteur acharné [et c'est pas la peine non plus d'évoquer ce « continuassent » qui est un peu là juste parce que j'ai un certain tropisme pour les temps compliqués]). Il y a moi, pareille à dix ans dans le passé, dans les consultations médicales hasardeuses et les marches nocturnes submergées sous la capuche du Pull. Il y a moi, grandie, intense, ayant appris à nager. Il y a cette perception de régression. L'angoisse, l'angoisse, suis-je redevenue (ou restée) cette enfant, cet être sans vie, est-ce que c'est la même merde à nouveau ? Il y a des choses dont il serait difficile de me ressortir une seconde fois. Serre les poings, Cnidaire. Fais pas ça. Tu vaux mieux que ça. Tu ne peux pas. Tu n'es pas seule ; loin derrière les sables séchants il y a des individus. Loin, mais là. Moi, je me sens loin et lasse. C'est toujours mieux que « près », tu me diras cher correcteur, parce que même sans savoir près de quoi, ça paraît incroyablement plus dangereux, plus imminent et plus imparable. Question d'orbite et de force gravitationnelle.
C'est comme chercher du regard un visage connu dans le désert à l'entour, mais en n'ayant jamais fini de faire le tour de soi. Trop de paysages. Trop de circonvolutions. C'est un cercle jamais fini. Peut-être que lorsqu'on est revenu au point de départ, en ayant constaté qu'il n'y avait personne, et que les oasis sont tellement loin que le soulagement apporté ne vaudrait pas l'effort déployé au déplacement, peut-être alors qu'on s'écroule enfin en soi et sur soi. Là, comme un château de sable effondré, absorbé par la plage. Peut-être que voilà, c'est ça, on a fait le tour, on revient au point de départ, et on abandonne spontanément, doucement, sans victoire ni défaite, tranquillement. Sans violence, sans regret ni envie, juste comme ça, salut les moches, à la prochaine.
Lâcher prise. Moi. Les autres. Arrêter le perfectionnisme, arrêter l'ambition, les projets. Abandonner, regarder la télé. Arrêter la conscience professionnelle, merde à la fin, tout le monde s'en fout. Le travail c'est l'aliénation, le sacrifice ultime, le remplissage par le vide, c'est ne pas avoir à se demander ce qu'on veut vivre et mourir sans avoir profité de rien. C'est con, quand même. Mourir en ne sachant pas le visage de ceux qu'on aime. Lâcher prise, comme on lâche enfin le col du gars qu'on a attrapé dans le coin d'un bar parce qu'il a dit que finalement qui de mieux qu'une épouse comme assistante parlementaire de confiance hein c'est peut-être pas si pire les gars derrière tout grand homme il y a une femme. Je grince des dents. Mais à quoi bon ?
Putain mais l'absurdité de la vie, l'absurdité l'absurdité l'absurdité l'absurdité sa mère. C'est le mythe de Sisyphe, il m'a poignardée le mythe de Sisyphe. C'est Foucault, c'est Gary, l'absurdité, la rage. J'y connais rien, c'est le vide culturel, pour un peu j'en citerais Oui-Oui ce sale petit fils de chien qui pollue avec sa décapotable, et qui hoche bien la tête, qui acquiesce qui fait tout comme il faut. Et Martine cette grognasse de droite (oui, Martine est de droite, elle a trop d'activités de loisir pour être issue d'une famille de pauvres) qui va au zoo. C'est bien Martine, regarde les singes qui crèvent à dix dans moins de mètres carrés que toi tu habites avec ton petit frère et tes parents et le petit Jésus (même si lui il habite surtout dans vos cœurs, sauf le dimanche avant la messe où il habite un peu dans des-endroits-prévus-normalement-pour-faire-pipi-moinonplusj'aipasbiencompris). Martine et Oui-Oui consomment et finiront pharmaciens, fils de chien et de pharmacien, et j'irai leur acheter mon Xanax. Ah qu'est-ce qu'on est braves !
Être brave dans l'absurde. Se fabriquer du sens, trouver « notre projet de vie ». Oh oui frappez-moi, les grands projeteurs de vie. Continuez donc à me donner l'impression que y'a que moi qui, impuissante et seule, trime et erre et ouvre de grands yeux incrédules et n'accepte pas et mais...euh...qu'est-ce que je disais ? J'y comprends rien à ces histoires de destination, de projet de vie, j'ai pas envie. J'veux qu'on lâche mon col quand je dis de la merde dans les bars tard le soir, voire pire : toute pleine de bière et de rien, à 14h30. Toute vide de moi, et des autres, toute dépeuplée. Le vernis écaillé, la bouche sèche, les yeux trempés, et cette éternelle moue de dégoût face au monde. Merde y'a un mec qui m'a touché la cuisse dans la salle d'attente de SOS Médecins hier soir à minuit. Comme ça, une main sur ma cuisse, tout en tenant un livre des Barbapapa. Barbibulle, Barbidou, Barbitrouduc'. Hop direction la collection jeunesse pourrie, avec Oui-Oui et Martine ! C'est la classe la vie putain. Qu'est-ce que je fous là ? Lâchez-moi bordel. C'est les potes qui oublient de t'inviter, et oublient d'avoir le courage de te dire que t'es trop awkward en soirée pour qu'on t'invite, mais qu'ils aiment bien être tes potes parce que ça fait quand même humain et original. C'est la vague de courage qui se retire, et la marée basse qui a l'air de durer à l'infini, même si je sais, oui je sais bien ça va merci, que ça reviendra. C'est l'envie d'être Ophélie contrariée, merde les mecs y'a plus de lyrisme !, parce que l'eau est loin, et que je ferais une Ophélie bien ridicule, dans mon maillot de bain Domyos, tout gras-du-dessous-des-bras à l'air, échouée dans les algues à marée basse. Les promeneurs se foutraient bien de moi et de ma souffrance romantique décalée de la réalité palpable. « Je trouve pas le sens de la vie je suis épuisée bouhou. » - « Euh, faut pas rester là, Madame, en plus vous avez laissé votre Xsara en double-file ça bloque le passage. ».
Ah. Ce dépeuplement. Cet abandon des foules. Ce repli matériel. Cette absurdité, encore, encore, encore.
Des vagues d'êtres qui se retirent, des marées basses relationnelles, et moi sur le Mont Saint Michel de la solitude. Ça a de la gueule comme image dis donc, c'est pas du tout égocentrique hein. Ni bretonne ni normande, les pieds dans les algues, et des mers trop loin pour qu'elles continuassent à me bercer. Des filiations incertaines, des affinités moribondes. Et quelque part, la capacité incroyable à me diviser : il y a Zat et ses amitiés fermes ; il y a Cnidaire roulée en boule les dents serrés pour filtrer la gerbe ; il y a Barnum, sous Xanax. Happy three friends (j'ai ajouté ce H comme licence poétique, tais-toi correcteur acharné [et c'est pas la peine non plus d'évoquer ce « continuassent » qui est un peu là juste parce que j'ai un certain tropisme pour les temps compliqués]). Il y a moi, pareille à dix ans dans le passé, dans les consultations médicales hasardeuses et les marches nocturnes submergées sous la capuche du Pull. Il y a moi, grandie, intense, ayant appris à nager. Il y a cette perception de régression. L'angoisse, l'angoisse, suis-je redevenue (ou restée) cette enfant, cet être sans vie, est-ce que c'est la même merde à nouveau ? Il y a des choses dont il serait difficile de me ressortir une seconde fois. Serre les poings, Cnidaire. Fais pas ça. Tu vaux mieux que ça. Tu ne peux pas. Tu n'es pas seule ; loin derrière les sables séchants il y a des individus. Loin, mais là. Moi, je me sens loin et lasse. C'est toujours mieux que « près », tu me diras cher correcteur, parce que même sans savoir près de quoi, ça paraît incroyablement plus dangereux, plus imminent et plus imparable. Question d'orbite et de force gravitationnelle.
C'est comme chercher du regard un visage connu dans le désert à l'entour, mais en n'ayant jamais fini de faire le tour de soi. Trop de paysages. Trop de circonvolutions. C'est un cercle jamais fini. Peut-être que lorsqu'on est revenu au point de départ, en ayant constaté qu'il n'y avait personne, et que les oasis sont tellement loin que le soulagement apporté ne vaudrait pas l'effort déployé au déplacement, peut-être alors qu'on s'écroule enfin en soi et sur soi. Là, comme un château de sable effondré, absorbé par la plage. Peut-être que voilà, c'est ça, on a fait le tour, on revient au point de départ, et on abandonne spontanément, doucement, sans victoire ni défaite, tranquillement. Sans violence, sans regret ni envie, juste comme ça, salut les moches, à la prochaine.
Lâcher prise. Moi. Les autres. Arrêter le perfectionnisme, arrêter l'ambition, les projets. Abandonner, regarder la télé. Arrêter la conscience professionnelle, merde à la fin, tout le monde s'en fout. Le travail c'est l'aliénation, le sacrifice ultime, le remplissage par le vide, c'est ne pas avoir à se demander ce qu'on veut vivre et mourir sans avoir profité de rien. C'est con, quand même. Mourir en ne sachant pas le visage de ceux qu'on aime. Lâcher prise, comme on lâche enfin le col du gars qu'on a attrapé dans le coin d'un bar parce qu'il a dit que finalement qui de mieux qu'une épouse comme assistante parlementaire de confiance hein c'est peut-être pas si pire les gars derrière tout grand homme il y a une femme. Je grince des dents. Mais à quoi bon ?
Putain mais l'absurdité de la vie, l'absurdité l'absurdité l'absurdité l'absurdité sa mère. C'est le mythe de Sisyphe, il m'a poignardée le mythe de Sisyphe. C'est Foucault, c'est Gary, l'absurdité, la rage. J'y connais rien, c'est le vide culturel, pour un peu j'en citerais Oui-Oui ce sale petit fils de chien qui pollue avec sa décapotable, et qui hoche bien la tête, qui acquiesce qui fait tout comme il faut. Et Martine cette grognasse de droite (oui, Martine est de droite, elle a trop d'activités de loisir pour être issue d'une famille de pauvres) qui va au zoo. C'est bien Martine, regarde les singes qui crèvent à dix dans moins de mètres carrés que toi tu habites avec ton petit frère et tes parents et le petit Jésus (même si lui il habite surtout dans vos cœurs, sauf le dimanche avant la messe où il habite un peu dans des-endroits-prévus-normalement-pour-faire-pipi-moinonplusj'aipasbiencompris). Martine et Oui-Oui consomment et finiront pharmaciens, fils de chien et de pharmacien, et j'irai leur acheter mon Xanax. Ah qu'est-ce qu'on est braves !
Être brave dans l'absurde. Se fabriquer du sens, trouver « notre projet de vie ». Oh oui frappez-moi, les grands projeteurs de vie. Continuez donc à me donner l'impression que y'a que moi qui, impuissante et seule, trime et erre et ouvre de grands yeux incrédules et n'accepte pas et mais...euh...qu'est-ce que je disais ? J'y comprends rien à ces histoires de destination, de projet de vie, j'ai pas envie. J'veux qu'on lâche mon col quand je dis de la merde dans les bars tard le soir, voire pire : toute pleine de bière et de rien, à 14h30. Toute vide de moi, et des autres, toute dépeuplée. Le vernis écaillé, la bouche sèche, les yeux trempés, et cette éternelle moue de dégoût face au monde. Merde y'a un mec qui m'a touché la cuisse dans la salle d'attente de SOS Médecins hier soir à minuit. Comme ça, une main sur ma cuisse, tout en tenant un livre des Barbapapa. Barbibulle, Barbidou, Barbitrouduc'. Hop direction la collection jeunesse pourrie, avec Oui-Oui et Martine ! C'est la classe la vie putain. Qu'est-ce que je fous là ? Lâchez-moi bordel. C'est les potes qui oublient de t'inviter, et oublient d'avoir le courage de te dire que t'es trop awkward en soirée pour qu'on t'invite, mais qu'ils aiment bien être tes potes parce que ça fait quand même humain et original. C'est la vague de courage qui se retire, et la marée basse qui a l'air de durer à l'infini, même si je sais, oui je sais bien ça va merci, que ça reviendra. C'est l'envie d'être Ophélie contrariée, merde les mecs y'a plus de lyrisme !, parce que l'eau est loin, et que je ferais une Ophélie bien ridicule, dans mon maillot de bain Domyos, tout gras-du-dessous-des-bras à l'air, échouée dans les algues à marée basse. Les promeneurs se foutraient bien de moi et de ma souffrance romantique décalée de la réalité palpable. « Je trouve pas le sens de la vie je suis épuisée bouhou. » - « Euh, faut pas rester là, Madame, en plus vous avez laissé votre Xsara en double-file ça bloque le passage. ».
Ah. Ce dépeuplement. Cet abandon des foules. Ce repli matériel. Cette absurdité, encore, encore, encore.
Dernière édition par Zat Cnidaire Barnum le Mer 8 Fév 2017 - 1:37, édité 1 fois
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
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Re: Salut, les autres.
Résumé des épisodes précédents
Moi :
Ma vie :
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
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'C.Z.- Messages : 2910
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Age : 43
Localisation : Côte d'Azur (de la Bretonie)
Re: Salut, les autres.
Tu sais que c'est la pression de vouloir répondre à des messages aussi bien écrits quand on n'a que mon (absence de) talent en la matière, avec mon style dont la froideur et l'austérité plaira cependant à ceux/celles pour qui un monde de glace représente une forme d'idéal. La vie est absurde, et beaucoup choisissent de l'oublier et s'en inventent ou laissent d'autre les inventer pour eux, mais on peut-on, doit-on donner du sens à ce qui n'en a pas ?
Pensées insensées pour toi
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Invité- Invité
Re: Salut, les autres.
Tu as l'air élitiste et puis tout est tellement personnel ici qu'on ne se sent pas légitime pour intervenir.
Par exemple il y a matière à troller pendant un millénaire mais tout laisse à penser que tu le prendrais très mal et que tu préfères qu'on laisse ton petit journal intime en paix.
Par exemple il y a matière à troller pendant un millénaire mais tout laisse à penser que tu le prendrais très mal et que tu préfères qu'on laisse ton petit journal intime en paix.
Invité- Invité
Re: Salut, les autres.
[16:58] Vilaine Zatoulini: Oué moi IRL je fais des complications. Comme y'en a qui font des ronds dans l'eau.
(Oui, je m'auto-cite.)
(Oui, je m'auto-cite.)
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
Date d'inscription : 29/06/2011
Re: Salut, les autres.
De la Zat du présent à la Zat du passé :
J'ai lavé le pull, je suis désolée je sais que tu tenais à ce rituel. J'ai déménagé. Ne panique pas, même s'il y a mon nom sur une boîte aux lettres quelque part. Nulle part si ce n'est Strasbourg, hein ? Je ne t'ai pas trahie. Je t'ai juste revisitée. J'ai accepté une ou deux virée chez Ikea. Ma foi, tu n'en es pas morte. J'ai accepté de boire de la tisane. C'est pas si infâme que tu le crois, on s'y fait, tu verras.
Je sais, Zat, que la prison te manque. Je sais que ça se dit pas. Mais tu n'en es pas morte. C'est pas si dur d'y entrer, tu le sais bien, hein, comme on dit, le plus dur c'est d'en sortir. Haha. Pouet pouet, prout sous les aisselles, et compagnie. Tu vois, je continue de me dédouaner de ce tropisme parce que ça ne comprend pas. C'est toujours là, je ne peux pas te mentir, ça t'entoure encore, ça te bouscule quotidiennement, ça prend toujours le tram avec toi (c'est le défaut du commun dans « transports en commun »), ça se forme et se déforme, et se difforme, et s'installe et s'immobilise. La morve mi-sèche qu'est la la marée humaine.
La surdité est toujours là. Chemin tracé et mauvaises herbes à faucher.
Tu n'es pas morte non plus en abandonnant la vieille Xsara. Tu n'es pas morte en laissant ton vélo. Tu n'es pas morte en acceptant les baskets Décathlon à 16,99€ d'un gris clair moche. Tu as abandonné le henné, par contre, il semble qu'être une femme naturelle ce soit pas ton trip entièrement. Oui, je sais. Ça pique un peu. Tu n'iras pas élever des moutons albinos au Népal, tu le sais bien, c'est un deuil à faire. Mais, eh, moi je vois une chose : tu ne t'en es pas défenestrée pour autant. T'es pas passée si loin, parfois, je te le cache pas, mais pense à moi quand tu seras sur ce balcon. J'y ai été avant toi. Regarde, devant toi, les arbres sur les immeubles. Les ombres de la nature contre la peau rêche des HLM.
Je vis dans cette ville que tu n'aimes pas qui se pâme d'avoir une ligne de tram. Une. « Je vis », je dis, mais là je m'avance un peu. Tu vivras, nous vivrons. Moi aussi, tu sais, je survis. Différemment, mais je survis. Et tu survivras.
Je voudrais te dire que ça va pas être facile, que tu vas te retrouver acculée dans des coins sombres, dans des couloirs d’hôpitaux psychiatriques qui vont défier ton passé, sous les molaires écrasantes de la bouche ruminante qu'est l'administration de notre cher pays. Tu vas en chier sévère, mais tu es brave, je sais bien. Brave et sincère, comme les autres pauvres cons qui se font chier dessus et continuent à lever le poing en pensant qu'ils changeront le monde. Eh, mais, peut-être que tu y arriveras, hein. Mais pour ça, va falloir voir avec la Zat du futur. Parce que celle du présent, elle reprend des trains, rate bien des correspondances, elle reste lettre morte. Tu vois de quoi je parle.
Je voudrais te dire que c'est okay de partir. De laisser. De se tromper. D'oser. Et, si ça va pas, Zat, je serai là, tu pourras toujours revenir vers moi la queue entre les jambes, aussi misérable que tu te sentes. Je suis la personne la plus fiable de ton monde, toi-même tu sais. Je voudrais te dire aussi que ta mère, ben, va falloir lâcher l'affaire. Elle est à la ramasse et elle te réchauffera pas. Faudra qu'on s'y fasse, je serai juste derrière toi, t'inquiète.
Ça fait peur, de naviguer entre cette vie biscornue que tu menais et la normalité. Ce qui apparaît comme normal, normé. Ça fait peur mais ça ira. We'll be okay. We won't die. Tu vois, comme toi je me mets à parler anglais quand je me sens trop vulnérable. Un mécanisme de distanciation. Verfremdungseffekt habituel chez les Zats.
Je veux bien, si tu veux bien, prendre un peu sur moi du poids de ta déperdition. La Cnidaire, molle et urticante que je suis aujourd'hui, peut t'alléger un peu. Je peux faire le sevrage, je peux faire la CAF, laisse, laisse. Te rends pas malade comme ça, Zatou, s'il te plaît. Je peux téléphoner au banquier, je peux lire les livres que tu as acheté mais que tu n'arrives pas à lire, je peux t'aider à reposer tes yeux un peu, et je peux m'occuper de trier ton carton de vieux collants et ramasser le vomi du chat. Je sais pas ce qui est le pire, mais je peux faire ça, et d'autres trucs encore. Je refilerai certains de mes trucs pas urgents à la Zat du futur. Ça s'appelle « déléguer », je crois. Je speak fluently le corporate bullshitting maintenant. Tu n'en mourras pas, on essayera d'y faire attention, ça te va ?
Je vois les choix que tu as fait pour moi. Les combats que tu as menés pour moi. Je te dois tout ce qui me tient chaud au ventre aujourd'hui, et je te remercie d'avoir cru en moi. Merci pour ta loyauté, faillible, mais tenace. Je sais que tu as peur que je vende ton âme, mais je fais attention, à n'en plus dormir la nuit parfois, encore. Attention à ne pas te perdre dans le nuage lénifiant du quotidien. Prépare-toi, cela dit, la machine à pain va te toiser tous les jours. Il va falloir cohabiter. T'inquiète, c'est une faible, une fragile, une vieille chamelle malade, elle aura pas ta peau. Personne ne l'a eue jusque là. Elle fera ce que tu lui dis de faire : rien, peut-être. De la brioche, sinon, pour quand il n'y aura plus de pain.
Tu ne sais rien de rien. Moi non plus. (But we knew that already, didn't we ?) On s'en sortira. Ah oui et, spoiler alert : je suis asthmatique. T'affole pas, c'est pas si pire.
Le chat va bien.
Lyon, c'est sympa. Ça te rappellerait de drôles de souvenirs. Il fait froid, par contre, achète une écharpe parce que moi j'ai pris froid. Je rentre demain, il était temps.
A très vite ?
Zat Cnidaire Barnum.
J'ai lavé le pull, je suis désolée je sais que tu tenais à ce rituel. J'ai déménagé. Ne panique pas, même s'il y a mon nom sur une boîte aux lettres quelque part. Nulle part si ce n'est Strasbourg, hein ? Je ne t'ai pas trahie. Je t'ai juste revisitée. J'ai accepté une ou deux virée chez Ikea. Ma foi, tu n'en es pas morte. J'ai accepté de boire de la tisane. C'est pas si infâme que tu le crois, on s'y fait, tu verras.
Je sais, Zat, que la prison te manque. Je sais que ça se dit pas. Mais tu n'en es pas morte. C'est pas si dur d'y entrer, tu le sais bien, hein, comme on dit, le plus dur c'est d'en sortir. Haha. Pouet pouet, prout sous les aisselles, et compagnie. Tu vois, je continue de me dédouaner de ce tropisme parce que ça ne comprend pas. C'est toujours là, je ne peux pas te mentir, ça t'entoure encore, ça te bouscule quotidiennement, ça prend toujours le tram avec toi (c'est le défaut du commun dans « transports en commun »), ça se forme et se déforme, et se difforme, et s'installe et s'immobilise. La morve mi-sèche qu'est la la marée humaine.
La surdité est toujours là. Chemin tracé et mauvaises herbes à faucher.
Tu n'es pas morte non plus en abandonnant la vieille Xsara. Tu n'es pas morte en laissant ton vélo. Tu n'es pas morte en acceptant les baskets Décathlon à 16,99€ d'un gris clair moche. Tu as abandonné le henné, par contre, il semble qu'être une femme naturelle ce soit pas ton trip entièrement. Oui, je sais. Ça pique un peu. Tu n'iras pas élever des moutons albinos au Népal, tu le sais bien, c'est un deuil à faire. Mais, eh, moi je vois une chose : tu ne t'en es pas défenestrée pour autant. T'es pas passée si loin, parfois, je te le cache pas, mais pense à moi quand tu seras sur ce balcon. J'y ai été avant toi. Regarde, devant toi, les arbres sur les immeubles. Les ombres de la nature contre la peau rêche des HLM.
Je vis dans cette ville que tu n'aimes pas qui se pâme d'avoir une ligne de tram. Une. « Je vis », je dis, mais là je m'avance un peu. Tu vivras, nous vivrons. Moi aussi, tu sais, je survis. Différemment, mais je survis. Et tu survivras.
Je voudrais te dire que ça va pas être facile, que tu vas te retrouver acculée dans des coins sombres, dans des couloirs d’hôpitaux psychiatriques qui vont défier ton passé, sous les molaires écrasantes de la bouche ruminante qu'est l'administration de notre cher pays. Tu vas en chier sévère, mais tu es brave, je sais bien. Brave et sincère, comme les autres pauvres cons qui se font chier dessus et continuent à lever le poing en pensant qu'ils changeront le monde. Eh, mais, peut-être que tu y arriveras, hein. Mais pour ça, va falloir voir avec la Zat du futur. Parce que celle du présent, elle reprend des trains, rate bien des correspondances, elle reste lettre morte. Tu vois de quoi je parle.
Je voudrais te dire que c'est okay de partir. De laisser. De se tromper. D'oser. Et, si ça va pas, Zat, je serai là, tu pourras toujours revenir vers moi la queue entre les jambes, aussi misérable que tu te sentes. Je suis la personne la plus fiable de ton monde, toi-même tu sais. Je voudrais te dire aussi que ta mère, ben, va falloir lâcher l'affaire. Elle est à la ramasse et elle te réchauffera pas. Faudra qu'on s'y fasse, je serai juste derrière toi, t'inquiète.
Ça fait peur, de naviguer entre cette vie biscornue que tu menais et la normalité. Ce qui apparaît comme normal, normé. Ça fait peur mais ça ira. We'll be okay. We won't die. Tu vois, comme toi je me mets à parler anglais quand je me sens trop vulnérable. Un mécanisme de distanciation. Verfremdungseffekt habituel chez les Zats.
Je veux bien, si tu veux bien, prendre un peu sur moi du poids de ta déperdition. La Cnidaire, molle et urticante que je suis aujourd'hui, peut t'alléger un peu. Je peux faire le sevrage, je peux faire la CAF, laisse, laisse. Te rends pas malade comme ça, Zatou, s'il te plaît. Je peux téléphoner au banquier, je peux lire les livres que tu as acheté mais que tu n'arrives pas à lire, je peux t'aider à reposer tes yeux un peu, et je peux m'occuper de trier ton carton de vieux collants et ramasser le vomi du chat. Je sais pas ce qui est le pire, mais je peux faire ça, et d'autres trucs encore. Je refilerai certains de mes trucs pas urgents à la Zat du futur. Ça s'appelle « déléguer », je crois. Je speak fluently le corporate bullshitting maintenant. Tu n'en mourras pas, on essayera d'y faire attention, ça te va ?
Je vois les choix que tu as fait pour moi. Les combats que tu as menés pour moi. Je te dois tout ce qui me tient chaud au ventre aujourd'hui, et je te remercie d'avoir cru en moi. Merci pour ta loyauté, faillible, mais tenace. Je sais que tu as peur que je vende ton âme, mais je fais attention, à n'en plus dormir la nuit parfois, encore. Attention à ne pas te perdre dans le nuage lénifiant du quotidien. Prépare-toi, cela dit, la machine à pain va te toiser tous les jours. Il va falloir cohabiter. T'inquiète, c'est une faible, une fragile, une vieille chamelle malade, elle aura pas ta peau. Personne ne l'a eue jusque là. Elle fera ce que tu lui dis de faire : rien, peut-être. De la brioche, sinon, pour quand il n'y aura plus de pain.
Tu ne sais rien de rien. Moi non plus. (But we knew that already, didn't we ?) On s'en sortira. Ah oui et, spoiler alert : je suis asthmatique. T'affole pas, c'est pas si pire.
Le chat va bien.
Lyon, c'est sympa. Ça te rappellerait de drôles de souvenirs. Il fait froid, par contre, achète une écharpe parce que moi j'ai pris froid. Je rentre demain, il était temps.
A très vite ?
Zat Cnidaire Barnum.
Dernière édition par Zat Cnidaire Barnum le Sam 30 Mai 2020 - 12:01, édité 2 fois
Zat Cnidaire Barnum- Messages : 381
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