Confinement - Déconfinement
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Confinement - Déconfinement
Nous sommes un couple installé dans une très récente retraite après quarante-deux ans de vie commune plus que tumultueuse.
Des enfances troubles, l’une dans la petite classe moyenne et le délaissement affectif, l’autre dans le prolétariat, la violence extrême, les sévices graves de toute nature. Le hasard a rendu nos profondes névroses compatibles, c’est peut-être le secret de la durée ?
Nous avons dépassé des échecs ou des crises cuisantes. Même nos succès furent vécus dans la douleur. Le principal est d’avoir rompu la « chaine de malédiction », nous avons deux enfants, certes atypiques, mais dont nous sommes fiers, en toute objectivité (hum !).
Notre vie active, celle précédant la retraite, fut intense, violente, enfiévrée, incluant une passion dévorante pour le voyage aventureux, la découverte anthropologique, les sciences, etc. Le tout dans une quête autodidacte et frénétique, dans un désordre gigantesque. L’adrénaline fut mon moteur, la contemplation un peu distante de celle M. ma compagne. Depuis plus d’un an, je vis avec une neuropathie. Aucun diagnostic n’a été posé et donc l’incertitude quant à l’avenir est totale. J’ai beaucoup souffert physiquement et pas moins mentalement. La situation semble stabilisée depuis environ deux mois, la douleur a même régressé. Et c’est bien !
Nous avons choisi de continuer à vivre, à nous balader, à rechercher les beautés du monde. Jouir face à l’émerveillement, celui des paysages, de l’émouvante simplicité des humbles, tout en restant conscients des horreurs de la condition humaine. Encore plus de sobriété, de rapport étroit à la nature et aux humains, de plongée dans l’espace et le temps de l’univers.
Et puis, cette étrange épidémie.
J’aurais souhaité que notre humanité la vive comme elle le fit durant les millénaires précédents. « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous sentons qu'une civilisation a la même fragilité qu'une vie. » Et j’ajoute : mais, au contraire des hommes, les cultures renaissent de leurs cendres, parfois meilleures. Pourquoi refuser que trois à dix pour cents de la population disparaisse soudainement ? La complétude humaine n’est-elle pas justement de se confronter aux grandes crise, à la mort, la sienne, celle de ses proches ou des inconnus ? Sans doute plus facile à 62 ans !
Nous avons commencé à nous confiner spontanément début janvier. Sans nécessité extérieure à nous-même (janvier !), dans un besoin incoercible de régler le rapport à nos vies. La redécouverte du confinement de l’amour, celui de la passion de jeunesse. Nous nous sommes peu à peu installés dans un contre rythme marqué symboliquement par un changement radical de temporalité, des choix différents dans les « urgences ». Vie nocturne, flux de parole, érotisme, beaucoup de films classiques exprimant le génie et la vicissitude humaine.
Lorsque l’Ordre fut donné, nous ne l’avons pour ainsi dire pas même compris et avons poursuivi l’aventure immobile. Ce que nous avons découvert dépasse largement nos espoirs les plus fous : nous sommes désormais profondément heureux, en conscience. Jamais cette hypothèse n’avait été envisagée.
Nous ne serons plus jamais « déconfinés » (oh ! que ce mot est laid).
PS : Afin qu'il n'y ait pas de confusion sur l'intention, relire mon moto en signature.
Des enfances troubles, l’une dans la petite classe moyenne et le délaissement affectif, l’autre dans le prolétariat, la violence extrême, les sévices graves de toute nature. Le hasard a rendu nos profondes névroses compatibles, c’est peut-être le secret de la durée ?
Nous avons dépassé des échecs ou des crises cuisantes. Même nos succès furent vécus dans la douleur. Le principal est d’avoir rompu la « chaine de malédiction », nous avons deux enfants, certes atypiques, mais dont nous sommes fiers, en toute objectivité (hum !).
Notre vie active, celle précédant la retraite, fut intense, violente, enfiévrée, incluant une passion dévorante pour le voyage aventureux, la découverte anthropologique, les sciences, etc. Le tout dans une quête autodidacte et frénétique, dans un désordre gigantesque. L’adrénaline fut mon moteur, la contemplation un peu distante de celle M. ma compagne. Depuis plus d’un an, je vis avec une neuropathie. Aucun diagnostic n’a été posé et donc l’incertitude quant à l’avenir est totale. J’ai beaucoup souffert physiquement et pas moins mentalement. La situation semble stabilisée depuis environ deux mois, la douleur a même régressé. Et c’est bien !
Nous avons choisi de continuer à vivre, à nous balader, à rechercher les beautés du monde. Jouir face à l’émerveillement, celui des paysages, de l’émouvante simplicité des humbles, tout en restant conscients des horreurs de la condition humaine. Encore plus de sobriété, de rapport étroit à la nature et aux humains, de plongée dans l’espace et le temps de l’univers.
Et puis, cette étrange épidémie.
J’aurais souhaité que notre humanité la vive comme elle le fit durant les millénaires précédents. « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous sentons qu'une civilisation a la même fragilité qu'une vie. » Et j’ajoute : mais, au contraire des hommes, les cultures renaissent de leurs cendres, parfois meilleures. Pourquoi refuser que trois à dix pour cents de la population disparaisse soudainement ? La complétude humaine n’est-elle pas justement de se confronter aux grandes crise, à la mort, la sienne, celle de ses proches ou des inconnus ? Sans doute plus facile à 62 ans !
Nous avons commencé à nous confiner spontanément début janvier. Sans nécessité extérieure à nous-même (janvier !), dans un besoin incoercible de régler le rapport à nos vies. La redécouverte du confinement de l’amour, celui de la passion de jeunesse. Nous nous sommes peu à peu installés dans un contre rythme marqué symboliquement par un changement radical de temporalité, des choix différents dans les « urgences ». Vie nocturne, flux de parole, érotisme, beaucoup de films classiques exprimant le génie et la vicissitude humaine.
Lorsque l’Ordre fut donné, nous ne l’avons pour ainsi dire pas même compris et avons poursuivi l’aventure immobile. Ce que nous avons découvert dépasse largement nos espoirs les plus fous : nous sommes désormais profondément heureux, en conscience. Jamais cette hypothèse n’avait été envisagée.
Nous ne serons plus jamais « déconfinés » (oh ! que ce mot est laid).
PS : Afin qu'il n'y ait pas de confusion sur l'intention, relire mon moto en signature.
Confiteor- Messages : 9159
Date d'inscription : 01/04/2017
Age : 65
Localisation : Drôme
Re: Confinement - Déconfinement
Cela fait plaisir à lire Confiteor
Quel effet de préfiguration ton moto aussi, même si c'est probablement involontaire.
Quel effet de préfiguration ton moto aussi, même si c'est probablement involontaire.
paela- Messages : 2689
Date d'inscription : 30/05/2011
Age : 31
Localisation : Bordeaux
Re: Confinement - Déconfinement
Merci Confiteor (Confi ? né, t'es hors !).
Quand je lis tes histoires de vie, je ressens du respect, et une certaine admiration. Plus chouette encore : de l'apaisement, de la quiétude. Cool.
Quand je lis tes histoires de vie, je ressens du respect, et une certaine admiration. Plus chouette encore : de l'apaisement, de la quiétude. Cool.
Charv- Messages : 2388
Date d'inscription : 15/04/2018
Age : 47
Localisation : Lyon
Re: Confinement - Déconfinement
Confiteor a écrit:
Nous avons commencé à nous confiner spontanément début janvier. Sans nécessité extérieure à nous-même (janvier !), dans un besoin incoercible de régler le rapport à nos vies. La redécouverte du confinement de l’amour, celui de la passion de jeunesse. Nous nous sommes peu à peu installés dans un contre rythme marqué symboliquement par un changement radical de temporalité, des choix différents dans les « urgences ». Vie nocturne, flux de parole, érotisme, beaucoup de films classiques exprimant le génie et la vicissitude humaine.
Lorsque l’Ordre fut donné, nous ne l’avons pour ainsi dire pas même compris et avons poursuivi l’aventure immobile. Ce que nous avons découvert dépasse largement nos espoirs les plus fous : nous sommes désormais profondément heureux, en conscience. Jamais cette hypothèse n’avait été envisagée.
Nous ne serons plus jamais « déconfinés » (oh ! que ce mot est laid).
PS : Afin qu'il n'y ait pas de confusion sur l'intention, relire mon moto en signature.
Lire des histoires de vie comme celle-ci me fait vraiment croire que l'humanité a encore une chance
rester en bonne santé et être en sécurité Confiteor
Dernière édition par alfred47 le Jeu 28 Mai 2020 - 14:54, édité 1 fois
Re: Confinement - Déconfinement
quand on est jeune on vise à être, quand on vieillit à sembler. Etre importe moins. Le semblant n'est pas une sous catégorie de l'étant, c'est juste que la prise de tête et de corps est moins prégnante. On se fout du reste du monde, dans ce qu'il peut attendre de nous et en déduire et réduisons conséquemment les efforts jusqu'alors consentis. On se recentre sur je ne sais quoi, ça peut varier, c'est selon. Je dis "on" c'est plus pratique pour écrire. ce n'est pas une généralité ni une visée générale. Ce sont des personnes qui soudain jettent une lumière sur les ombres et elles et voient le jeu de chacun clairement. Sachant on distribue les cartes autrement, sachant enfin nos démons et nos anges.
Invité- Invité
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