Mère Courage (extrait)
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Mère Courage (extrait)
« Bonjour Patron, comme d’habitude, s’il te plaît !
_ Bonjour petiote ! Voilà ton sandwich. Toujours pas de nouvelles ? »
Elle baissa les yeux. Une larme perla sur sa joue et secoua la tête tristement en signe de
négation.
Le patron essuya le bar silencieusement pendant quelques longues secondes et posa sa grosse
main chaude sur celle de la jeune femme.
« Eh, regardes-moi ! »
Elle obéit.
« On va le retrouver ! Aies confiance ! dit-il de son fort accent marseillais. »
Elle ne dit rien, paya et sortit en faisant sonner la clochette. Il soupira et reprit son travail.
Il y avait un autre client accoudé au bar, qui assista à toute la scène.
« Qui est-ce ? Que lui arrive-t-il ? demanda-t-il en ouvrant de grands yeux azurs interloqués.
_ Tu ne la reconnais pas ? répondit le patron. On l’a vue pendant des jours aux infos, toutes
les semaines. Puis tous les quinze jours. Puis… »
Il se tut et reprit.
« On lui a pris son gamin ! Un minot adorable de deux ans et demi ! Mignon comme tout,
toujours joyeux. A courir après les pigeons pour les faire voler, sitôt le nez dehors ! Elle
venait avec lui tous les mercredis après-midi depuis qu’elle s’était installée dans le quartier.
Elle ne commandait que la grenadine du petit et elle se contentait d’un verre d’eau. N’ayant
pas le sous, vous comprenez ? Alors de temps en temps j’apportais un biscuit au petit en plus.
Ou une glace au chocolat ! Il s’en mettait partout, mais ça lui faisait tellement plaisir. Té ! Je
parle de lui au passé ! Mais on va le retrouver ! Il faut qu’on le retrouve… »
Tandis qu’il retournait en cuisine, le client osa une dernière question :
« Il a été kidnappé ? On sait qui… ? »
Le patron, d’un coup de poing sur le bar, tonna :
« Vindieu, le Ciel m’est témoin que si je savais qui a fait ça, je l’irais trouver sur le champ et
lui infligerais la correction qu’il mérite ! Il se promenait au parc avec sa maman ! Il s’est
éloigné pour courser des pigeons. Un homme est arrivé et l’a fourré dans sa voiture sous les
yeux de sa mère. Elle a hurlé la pauvre ! Tout le voisinage l’a entendue et est arrivé aussitôt.
Elle a couru après la voiture sans la quitter des yeux sur près de trois kilomètres, en priant
pour qu’il y ait le plus de feux rouges possible ! Mais le véhicule a filé sur la grande route et
s’en était fini. Le numéro de plaque n’a servi à rien, la voiture était volée. Depuis, elle vient
chaque jour prendre son sandwich, très probablement, le seul repas de la journée et elle va sur
la grande route et guette. Ou au parc. Elle a tant maigri ! Elle pleure tellement ! En cachette…
Ne souries plus. Ca me fend le coeur ! On l’appelle Mère Courage, ici. Elle montre la photo du
petiot à tout le monde, se rend au commissariat chaque matin. Elle cherche… Sans répit, elle
cherche… Et ne s’arrêtera que quand la Mort viendra… On s’y est tous mis ! On a organisé
des battues, dragué tous les lacs de la région et les rivières aussi. Fouillé toutes les maisons
abandonnées ou suspectes. Il faut se rendre à l’évidence... Il n’est plus ici ! Mais où ? »
Le tenancier jeta son torchon sur l’épaule et entra dans la cuisine en essuyant ses yeux. La
cloche du bar tinta de nouveau. Le client partait. Ce dernier croisa sur le pas de la porte la
jeune femme en question, qui était revenue.
3
« Jacquot !»
Il se présenta devant elle.
« Sais-tu quel jour nous sommes ? demanda-t-elle calmement.
_ Mardi.
_ Sais-tu quelle date nous sommes ?
_ Le 15 septembre.
_ Le 15 septembre. répéta-t-elle calmement. »
Ils se regardèrent un moment sans parler. Le client subjugué par la scène restait sur le pas sans
bouger, retenant son souffle au maximum.
« Cela fait trois mois, Jacquot. Trois mois ! »
Elle éclata en sanglot mais se reprit très vite. Elle poursuivit :
« Tu te rappelles de ce que nous avions convenu ? Si au bout de trois mois, il n’y a toujours
rien…
_ Ne fais pas ça, Petite ! On va le retrouver ton minot ! Ne fais pas ça ! Ne…
_ Jacquot souffla-t-elle. S’il te plaît, n’essaies pas de m’en empêcher. Aides-moi ! Je t’en
prie ! Tiens ta promesse ! »
Jacquot ferma les yeux pour aider à ne pas perdre son calme et lui murmura à l’oreille qu’il
tenait toujours ses promesses. Elle parut soulagée et sortit.
« Bonne chance Mère Courage ! »
Il reprit son travail. Le client était resté là, personne ne l’avait remarqué. Il n’osa pas une
discussion avec le patron. Il sortit.
Une semaine passa, cette fois, sans sandwich au bistrot. La jeune femme revint le mardi
d’après au moment de la fermeture. Ils n’échangèrent qu’un simple bonsoir et elle repartit
avec un morceau de papier replié, que le patron lui tendit avec hésitation. Elle l’embrassa sur
la joue. Elle partit en courant, dans la nuit noire, en laissant un merci lui échappait dans un
souffle et ne revint plus au bistrot.
_ Bonjour petiote ! Voilà ton sandwich. Toujours pas de nouvelles ? »
Elle baissa les yeux. Une larme perla sur sa joue et secoua la tête tristement en signe de
négation.
Le patron essuya le bar silencieusement pendant quelques longues secondes et posa sa grosse
main chaude sur celle de la jeune femme.
« Eh, regardes-moi ! »
Elle obéit.
« On va le retrouver ! Aies confiance ! dit-il de son fort accent marseillais. »
Elle ne dit rien, paya et sortit en faisant sonner la clochette. Il soupira et reprit son travail.
Il y avait un autre client accoudé au bar, qui assista à toute la scène.
« Qui est-ce ? Que lui arrive-t-il ? demanda-t-il en ouvrant de grands yeux azurs interloqués.
_ Tu ne la reconnais pas ? répondit le patron. On l’a vue pendant des jours aux infos, toutes
les semaines. Puis tous les quinze jours. Puis… »
Il se tut et reprit.
« On lui a pris son gamin ! Un minot adorable de deux ans et demi ! Mignon comme tout,
toujours joyeux. A courir après les pigeons pour les faire voler, sitôt le nez dehors ! Elle
venait avec lui tous les mercredis après-midi depuis qu’elle s’était installée dans le quartier.
Elle ne commandait que la grenadine du petit et elle se contentait d’un verre d’eau. N’ayant
pas le sous, vous comprenez ? Alors de temps en temps j’apportais un biscuit au petit en plus.
Ou une glace au chocolat ! Il s’en mettait partout, mais ça lui faisait tellement plaisir. Té ! Je
parle de lui au passé ! Mais on va le retrouver ! Il faut qu’on le retrouve… »
Tandis qu’il retournait en cuisine, le client osa une dernière question :
« Il a été kidnappé ? On sait qui… ? »
Le patron, d’un coup de poing sur le bar, tonna :
« Vindieu, le Ciel m’est témoin que si je savais qui a fait ça, je l’irais trouver sur le champ et
lui infligerais la correction qu’il mérite ! Il se promenait au parc avec sa maman ! Il s’est
éloigné pour courser des pigeons. Un homme est arrivé et l’a fourré dans sa voiture sous les
yeux de sa mère. Elle a hurlé la pauvre ! Tout le voisinage l’a entendue et est arrivé aussitôt.
Elle a couru après la voiture sans la quitter des yeux sur près de trois kilomètres, en priant
pour qu’il y ait le plus de feux rouges possible ! Mais le véhicule a filé sur la grande route et
s’en était fini. Le numéro de plaque n’a servi à rien, la voiture était volée. Depuis, elle vient
chaque jour prendre son sandwich, très probablement, le seul repas de la journée et elle va sur
la grande route et guette. Ou au parc. Elle a tant maigri ! Elle pleure tellement ! En cachette…
Ne souries plus. Ca me fend le coeur ! On l’appelle Mère Courage, ici. Elle montre la photo du
petiot à tout le monde, se rend au commissariat chaque matin. Elle cherche… Sans répit, elle
cherche… Et ne s’arrêtera que quand la Mort viendra… On s’y est tous mis ! On a organisé
des battues, dragué tous les lacs de la région et les rivières aussi. Fouillé toutes les maisons
abandonnées ou suspectes. Il faut se rendre à l’évidence... Il n’est plus ici ! Mais où ? »
Le tenancier jeta son torchon sur l’épaule et entra dans la cuisine en essuyant ses yeux. La
cloche du bar tinta de nouveau. Le client partait. Ce dernier croisa sur le pas de la porte la
jeune femme en question, qui était revenue.
3
« Jacquot !»
Il se présenta devant elle.
« Sais-tu quel jour nous sommes ? demanda-t-elle calmement.
_ Mardi.
_ Sais-tu quelle date nous sommes ?
_ Le 15 septembre.
_ Le 15 septembre. répéta-t-elle calmement. »
Ils se regardèrent un moment sans parler. Le client subjugué par la scène restait sur le pas sans
bouger, retenant son souffle au maximum.
« Cela fait trois mois, Jacquot. Trois mois ! »
Elle éclata en sanglot mais se reprit très vite. Elle poursuivit :
« Tu te rappelles de ce que nous avions convenu ? Si au bout de trois mois, il n’y a toujours
rien…
_ Ne fais pas ça, Petite ! On va le retrouver ton minot ! Ne fais pas ça ! Ne…
_ Jacquot souffla-t-elle. S’il te plaît, n’essaies pas de m’en empêcher. Aides-moi ! Je t’en
prie ! Tiens ta promesse ! »
Jacquot ferma les yeux pour aider à ne pas perdre son calme et lui murmura à l’oreille qu’il
tenait toujours ses promesses. Elle parut soulagée et sortit.
« Bonne chance Mère Courage ! »
Il reprit son travail. Le client était resté là, personne ne l’avait remarqué. Il n’osa pas une
discussion avec le patron. Il sortit.
Une semaine passa, cette fois, sans sandwich au bistrot. La jeune femme revint le mardi
d’après au moment de la fermeture. Ils n’échangèrent qu’un simple bonsoir et elle repartit
avec un morceau de papier replié, que le patron lui tendit avec hésitation. Elle l’embrassa sur
la joue. Elle partit en courant, dans la nuit noire, en laissant un merci lui échappait dans un
souffle et ne revint plus au bistrot.
anianka05- Messages : 987
Date d'inscription : 08/03/2013
Localisation : Toulouse, dans un corps fait de chair et d'os (je crois...)
Re: Mère Courage (extrait)
Ca ne se fait pas de lire ça au travail. J'ai les yeux tout rouges, maintenant.
Il y a une suite de prévue ? Parce que je n'ai pas compris la fin...
Il y a une suite de prévue ? Parce que je n'ai pas compris la fin...
Ainaelin- Messages : 4287
Date d'inscription : 07/04/2013
Re: Mère Courage (extrait)
Ce n'est qu'un extrait. Il y a en tout 34 pages.
merci en tout cas
merci en tout cas
anianka05- Messages : 987
Date d'inscription : 08/03/2013
Localisation : Toulouse, dans un corps fait de chair et d'os (je crois...)
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