Voie 1 - Antoine
2 participants
Forum ZEBRAS CROSSING :: Prairie :: Nos passions :: J'écris
Page 1 sur 1
Voie 1 - Antoine
Voie 1. Ca vient d’arriver sur le panneau d’affichage. Son train pour Nantes part voie 1. La vieille aux cheveux roux assise à côté de lui se lève avec l’excitation névrotique de celle qui a peur de le louper. L’atmosphère calme qui l’entoure contraste avec ses mouvements désordonnés. Elle traine un sac violet bizarrement assorti à ses bottines. L’odeur de son parfum reste encore quelques secondes après son départ. Entre lavande, mouroir et pisse séchée. Il hésite à sourire ou blêmir. Il fait les deux. Antoine repense à sa grand-mère, qui semblait vouloir tenir le cap à l’aide d’artifice qui ne l’aide absolument pas, comme la vieille rousse. Trop de poudre. Trop de fard. Le rouge à lèvre aussi précisément établi sur sa bouche que l’eye-liner se marie avec la courbe de ce qu’il reste de ses yeux. Une catastrophe. Le dernier chemin tracé par les codes de beauté du capitalisme, emprunté par toutes les femmes en fin de vie. Sexuelle ou sociale.
Pourtant, il sait que sa grand-mère était magnifique avant, et que ça devait être le cas du pot de tabac orange fluo suant au moindre effort qui vient de se lever. Mais quand la burqa de chair ne sert qu’a cacher les dégâts, et non plus à souligner quoique soit de conforme à nos standards, il serait tant d’abdiquer. Il ne comprends pas pourquoi les vieilles ne jètent pas toutes ces conneries par dessus bord. Pourquoi elles ne se libèrent pas enfin de ces chaines maintenant que plus personne ne les observe autrement qu’avec un regard mêlé de dégout et de tristesse. On leur demande plus que de consommer. Elles pourraient tout autant le faire en étant naturellement moches. Parait qu’il ne leur restent plus rien à part ce genre d’habitudes aux vieilles. Elles en crèveraient surement si elles devaient arrêter. Puis quand t’as passé ta vie derrière un masque tu préfères surement mourir avec. Mais merde pourquoi elles ont acceptés ça dès le début aussi ? Merde. La néo-gâteuse revient en haletant. Elle s’excuse d’avoir oublié son livre et le récupère. Marc Levy. Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites. Antoine lui sourit. Il a un début de réponse.
Il souffle. Le train pour Bordeaux annonce 15 minutes de retard. Il est sur la même voie que son train. Il a beau être fils de cheminot, conscient que la plupart des bouffonneries à propos de la SNCF sont recrachées par des journalistes ou des incultes, les retards ça l’emmerde toujours autant. A force de trop prendre le train il a fini par maugréer devant le panneau d’affichage comme les chemises blanches qu’il croise dans toutes les gares de France. C’est les transports gratuits. Ca a du l’embourgeoiser un peu. Mais il gueule pas sur les agent.es qui se tuent à la tâche sans aucun moyens. Les responsables ce sont les responsables. Si ça c’est pas un indice. Défonçage du service public à la sauce libérale. Il est pour l’abolition du travail et de la société capitaliste dans son ensemble, sauf qu’il connait ses héro.ines contemporain.es.
Les smicard.es qui font les 3-8 pour nourrir les gosses. Il les préfèrent quand ça tape pas sur les mômes. Il s’est résigné à ce sujet. On peut pas trop en demander à un prolo. Il emmerde l’idée de bosser un de jour de manière régulière, il emmerde l’idée de faire des gosses, mais il y a des émotions qui lui broient le bide. Pourtant il y a bien pire ailleurs, il le sait. Il comprends pas vraiment. Mélasse d’affects.
Antoine a l’aigreur de ceux qui se sont posés beaucoup de questions, et qui en veulent aux autres de ne pas faire pareil. Il s’arrêtera jamais. Questionnement perpétuel. Incertitude totale. Doute permanent. Parfois il trouve que ça fait un peu divin ses conneries. Mais ça lui apporte une certaine plénitude. Il pourrait se torcher le cul avec le visage de n’importe quel Dieu, c’est le premier pour proclamer haut et fort le message de Jésus. Les gens aiment bien. Ca rempli leur quota d’utopie pour le mois. Parfois il se sent aussi utile qu’une émission de divertissement. Celles dont il est persuadé que ce genre d’absurdités nous a menés à tout ça. Il savait qu’il serait un clown, il l’a toujours su. Un clown triste, c’est récent. Après son show, le public retourne tranquillement à la docilité. Avec deux trois petites étoiles dans les yeux et de la poésie qui ne vaut pas un clou si tu ne la regarde pas dans le bon sens. Toutes les conneries qu’iels pourraient se dire elleux-mêmes s’iels acceptaient enfin de perdre quelques morceaux. On sait ce que l’on perd, on ne sait pas ce que l’on gagne. La population est bien pire que peureuse, elle est ignorante. Inconsciente du danger qui la guette. Parfaitement façonner pour s’en foutre royalement. Antoine ça l’emmerde toujours un peu de passer pour un illuminé, il va finir par le croire aussi. Mais il y a des choses qu’il ressent ce sont pas des conneries ça. C’est puissant et ça le pousse de l’intérieur. Montée brulante dans le creux de ses intestins. Ses jambes tremblent légèrement. Des sueurs froides descendent le long de son dos. La sensibilité de ses mains a augmenté, le contact avec le fauteuil lui semble agréable, plus qu’à l’accoutumée. Il est en seconde classe. Son père est un prolo, pas un cadre. Dans le wagon on le dévisage car il fait quelques ronds avec sa tête pour se calmer. Ca lui donne envie de dégueuler. Il regrette encore les prises d’acides. Les remontées qu’il se tape le calcine et l’attaque sans prévenir. Sauf que ça le transporte. Il voit à travers lui même maintenant. Comme jamais auparavant. Ca lui vient peut être de là, sa propagande du bon sentiment. Aujourd’hui il est en sur, autant qu’il le peut, ça le désespère parce qu’il en deviendrait presque fataliste. Tant que celleux la n’auront pas pris conscience qu’iels sont plongé.es dans l’obscurité, iels ne verront jamais la lumière. Et pire encore, si c'est le seul chemin, pourquoi n'a-t-il pas encore été parcouru. Il sourit. Son train vient de partir. A l’heure.
Il souffle. Le train pour Bordeaux annonce 15 minutes de retard. Il est sur la même voie que son train. Il a beau être fils de cheminot, conscient que la plupart des bouffonneries à propos de la SNCF sont recrachées par des journalistes ou des incultes, les retards ça l’emmerde toujours autant. A force de trop prendre le train il a fini par maugréer devant le panneau d’affichage comme les chemises blanches qu’il croise dans toutes les gares de France. C’est les transports gratuits. Ca a du l’embourgeoiser un peu. Mais il gueule pas sur les agent.es qui se tuent à la tâche sans aucun moyens. Les responsables ce sont les responsables. Si ça c’est pas un indice. Défonçage du service public à la sauce libérale. Il est pour l’abolition du travail et de la société capitaliste dans son ensemble, sauf qu’il connait ses héro.ines contemporain.es.
Les smicard.es qui font les 3-8 pour nourrir les gosses. Il les préfèrent quand ça tape pas sur les mômes. Il s’est résigné à ce sujet. On peut pas trop en demander à un prolo. Il emmerde l’idée de bosser un de jour de manière régulière, il emmerde l’idée de faire des gosses, mais il y a des émotions qui lui broient le bide. Pourtant il y a bien pire ailleurs, il le sait. Il comprends pas vraiment. Mélasse d’affects.
Antoine a l’aigreur de ceux qui se sont posés beaucoup de questions, et qui en veulent aux autres de ne pas faire pareil. Il s’arrêtera jamais. Questionnement perpétuel. Incertitude totale. Doute permanent. Parfois il trouve que ça fait un peu divin ses conneries. Mais ça lui apporte une certaine plénitude. Il pourrait se torcher le cul avec le visage de n’importe quel Dieu, c’est le premier pour proclamer haut et fort le message de Jésus. Les gens aiment bien. Ca rempli leur quota d’utopie pour le mois. Parfois il se sent aussi utile qu’une émission de divertissement. Celles dont il est persuadé que ce genre d’absurdités nous a menés à tout ça. Il savait qu’il serait un clown, il l’a toujours su. Un clown triste, c’est récent. Après son show, le public retourne tranquillement à la docilité. Avec deux trois petites étoiles dans les yeux et de la poésie qui ne vaut pas un clou si tu ne la regarde pas dans le bon sens. Toutes les conneries qu’iels pourraient se dire elleux-mêmes s’iels acceptaient enfin de perdre quelques morceaux. On sait ce que l’on perd, on ne sait pas ce que l’on gagne. La population est bien pire que peureuse, elle est ignorante. Inconsciente du danger qui la guette. Parfaitement façonner pour s’en foutre royalement. Antoine ça l’emmerde toujours un peu de passer pour un illuminé, il va finir par le croire aussi. Mais il y a des choses qu’il ressent ce sont pas des conneries ça. C’est puissant et ça le pousse de l’intérieur. Montée brulante dans le creux de ses intestins. Ses jambes tremblent légèrement. Des sueurs froides descendent le long de son dos. La sensibilité de ses mains a augmenté, le contact avec le fauteuil lui semble agréable, plus qu’à l’accoutumée. Il est en seconde classe. Son père est un prolo, pas un cadre. Dans le wagon on le dévisage car il fait quelques ronds avec sa tête pour se calmer. Ca lui donne envie de dégueuler. Il regrette encore les prises d’acides. Les remontées qu’il se tape le calcine et l’attaque sans prévenir. Sauf que ça le transporte. Il voit à travers lui même maintenant. Comme jamais auparavant. Ca lui vient peut être de là, sa propagande du bon sentiment. Aujourd’hui il est en sur, autant qu’il le peut, ça le désespère parce qu’il en deviendrait presque fataliste. Tant que celleux la n’auront pas pris conscience qu’iels sont plongé.es dans l’obscurité, iels ne verront jamais la lumière. Et pire encore, si c'est le seul chemin, pourquoi n'a-t-il pas encore été parcouru. Il sourit. Son train vient de partir. A l’heure.
PiotrStépanovitch- Messages : 14
Date d'inscription : 09/06/2018
Re: Voie 1 - Antoine
Fais des paragraphes, j'ai dû lire en diagonale pour ne pas m'arrêter 20 secondes aprés le début !
Style sympathique, on ressent ta personnalité au travers du texte
Continue
Style sympathique, on ressent ta personnalité au travers du texte
Continue
TemperM- Messages : 21
Date d'inscription : 21/08/2018
Sujets similaires
» Humeur du jour... en image
» Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
» Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
» A mon tour...
» Quelqu'un(e) a déjà mis en pratique l'approche d'Antoine de la Garanderie ? (Les 5 gestes mentaux)
» Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
» Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
» A mon tour...
» Quelqu'un(e) a déjà mis en pratique l'approche d'Antoine de la Garanderie ? (Les 5 gestes mentaux)
Forum ZEBRAS CROSSING :: Prairie :: Nos passions :: J'écris
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum