Un fil dont vous êtes le héros...

Je ne savais pas vraiment pourquoi je commençais cela. C'était un jeu idiot, absurde. J'avais envie d'exister même si je n'étais personne. Porté par un cerveau ni plus sain, ni plus malade, je laissais germer en lui mon idée d'être. Peut-être mourrais-je dans l’œuf de ce premier paragraphe, ou peut-être qu'un autre, lui ou elle, me reprendrait, me cajolerait pour me faire vivre ou me brutaliserait, me donner une substance incertaine. Aurais-je une vie rangée selon leurs choix ou serais-je un personnage loufoque vivant les plus folles aventures sautant du coq à l'âne à défaut de sauter mieux, pour l'instant je ne savais rien de moi. Me nourrirais-je de leurs névroses ou incarnerais-je plutôt leurs espoirs. Mon premier auteur m'avait laissé si peu de moi, j'avais son regard perçant, le rire espiègle qu'il m'avait choisi, mais c'était à peu près tout. Je me demandais ce que le suivant ferait de moi, dans un paragraphe unique lui aussi. Je me demanderais comment il ou elle oserait me reprendre et faire de moi sa chose pour l'espace de quelques lignes. Serait-il bon ou mauvais, rendrait-il (ou elle) ma vie sucrée ou salée ? Serais-je son alter-égo ou sa Némésis ? Tant de questions qui me pesaient. Quand bien même mon premier père me méprisait déjà, m'oubliait, m'abandonnait à ces mains inconnues, j'étais décidée — ah oui, féminine alors — à ne pas me laisser faire... J'existais désormais, c'était mon premier choix, et j'avais bien envie de donner un sens à cela.

...

Toujours est-il que je ne me sentais que moyennement exister. C'est vrai, je venais à peine d'ouvrir les yeux. Quelles bonnes fées, délicieuses magiciennes ou immondes sorcières allaient donc se pencher sur mon berceau ? Je décidai, ou plutôt, il fût décidé pour moi que je sauterais du coq à l'âne, ou plutôt à saute-mouton. Il me fallait donc trouver une ferme.

Une ferme pour un retour aux choses, aux valeurs simples.
Quoi de plus beau, mais de plus dur et ingrat, que le métier d'agriculteur ?
Métier très solitaire socialement, financièrement....
Ma décision était prise, j'allais sans un premier temps devenir woofer. Et le laisser porter par la vague. Le destin serait peut-être sympa pour une fois !