Anglemort, 40 ans post-mortem.
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Anglemort
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Anglemort, 40 ans post-mortem.
J'ai bien aimé la présentation de Triangle. J'ai pensé "ce doit être bien de l'avoir pour amie". Comme un triangle mort je vois pas bien ce que ce pourrait être, alors .... Anglemort. J'ai appris à être négligent sans l'être tout à fait.
Anglemort, 40 ans post-mortem.
Un enfant surdoué non détecté. Bien tardivement et deux fois à 10 ans d'intervalle, on m'a dit ce que je savais depuis des lustres sans pouvoir l'énoncer. Si je consultais -au moment critique où l'angoisse sans nom, le désespoir, compagnons d'habitude, chiens fidèles accrochés à mes basques, viraient à la panique- c'était pour qu'on m'explique comment ne plus m'engager à fonds perdus, comment ne pas être efficace et perdant à la fin, comment donner le meilleur de moi-même sans finir chaque fois pantelant et hagard. Et vite! Parce que ça faisait trop longtemps. Et parce que ça faisait trop longtemps, la confiance effritée, que jamais une main sûre et ferme sur la mienne à six doigts, j'avais pris le mauvais pli; alors deux fois j'ai laissé tomber. Quand à 16 ans déjà l'intime et aberrante conviction qu'il est trop tard, trop tard c'est tout, imagine à 50. Sans parler de l'argent qui manquait, comme toujours, de n'être jamais un paramètre déterminant.
Cette institutrice de la petite école de montagne qui m’avait sauvé de la maternelle au bout d’un mois insupportable, en me prenant dans sa classe -une classe multi-niveaux !-, à elle je lui aurais fait confiance ; son regard attentif et bienveillant, ce sourire de Joconde qui m’apparaît encore, ça valait mieux que tous les tests et thérapies du monde. Des tests et thérapies ça fait l’économie. Un mois encore et j’étais le premier de la classe comme toujours après. J’y avais gagné un pistolet à bouchons de la part de mon père. Personne ici n’a pu connaître. Sur la boîte il était dessiné un enfant qui repoussait avec l’instrument un aigle menaçant une fillette allongée. Imagine si la vie était belle.
La maîtresse, elle, elle m’avait fait remettre, en récompense, un livre de contes par la main de la fillette au bec de lièvre. Elle avait bien vu que je m’y intéressais à la fillette au bec de lièvre que les autres moquaient! Les tests, les thérapies, la maîtresse d’école et son sourire de Joconde.
C’était avant que les ennuis commencent !
Quand tu vas au collège tous les jours à reculons parce que tu vas étouffer du matin jusqu'au soir, sans pouvoir avaler la bouffe dans le tintamarre du réfectoire le midi, quand on te gave de charbon parce qu'on n'explique pas ces maux de ventre qui te tenaillent et que, parce que, malgré tout, tu te débrouilles pour pondre, sans jouer le jeu, des bonnes notes, parce qu'il y a toujours un prof que bizarrement tu épates, parce que tu peux resservir toute la collection de bouquins sur la mythologie grecque que tu as avalée sans qu'on te le demande, ou les spécificités des flottes aériennes des puissances engagées dans la seconde guerre mondiale, toute la famille se cotise pour t'offrir au Noël de tes 11 ans un cartable en cuir hors de prix, ton seul et unique cadeau, alors que frères et cousins reçoivent ballon de rugby, tir au pigeon, circuits électriques et jeux divers, ... alors le décalage tu as vite fait de le ressentir, sans que ce soit vraiment une révélation. Tu prends conscience que c'est mal barré. Que, même là, il va falloir donner le change quand tu prends l’air ravi parce qu’ils se sont saignés. C’est plus du tout l’histoire du pistolet à bouchons du héros.
Tu comprends vite aussi, parce que tu comprends vite, que tout seul on ne va nulle part. Vite vite. Tu aimes courir vite; alors tu te mets à courir vite, seul, vers nulle part.
Le bac qui ouvre la porte de la cellule; avec mention TB comme absurde auréole. Une ébauche de cursus universitaire non choisi, parce que "la recherche, du pinacle où je siège je vous le dis, ce serait dommage pour un jeune homme doté de telles capacités", et, parce que "seul à Paris à 16 ans c'est trop jeune", alors pas non plus cette institution qui t'accepte directement sur dossier. Selon le chêne sous lequel on pousse ....
On peut trouver partout matière à s'intéresser, alors on trouve ; mais tout de même ces notes effarantes pour si peu de travail et d'assiduité. On finit par n'aller à la fac que pour voir les copains. Je vous passe la suite; la suite je pense que tous ici vous la devinez.
En fait je ne suis pas vraiment mort au début des années 80 comme indiqué plus haut. A vrai dire, à cette époque, j'ai plutôt fini de m'enterrer à petits coups de pelle en regardant ailleurs. Pour être honnête je peux pas vraiment dire que je ne savais pas ce que je faisais. La première fois que j'ai poussé la lame je l'ai fait consciemment. J'ai dit à mon pote "file moi une clope"; il se cramait aux Gitanes sans filtre. Avant ça j'étais capable de faire écraser son paquet par la fille avec qui je fricotais. Je vous parle d'un temps où les étudiantes en Lettres tiraient sur leur Gauloise comme elles auraient montré leurs seins sur l'autel de Notre-Dame. C'est dire si j'étais convaincu pour être convaincant. L'instant était venu de planter les banderilles dans cette masse d'énergie enthousiaste et de facultés avérées qui était condamnée à ne jamais servir.
Le chemin vers la tombe il m'a pris quelques années et le cortège était plutôt festif. Funérailles à la Nouvelle-Orléans. Une agonie pleine de vie. Un petit côté oxymore. Les oxymores j'aime bien; souvent je trouve à y fourrer du sens commun avec la perception que j'ai. Les métaphores aussi, dois-je le souligner?
En guise de linceul je nous avais enveloppés, mon monde et moi, dans une sorte de bulle à perméabilité sélective. Une bulle dont j'avais chassé projets, avenir, toutes ces choses qui servent à édifier. Je savais d'expérience la puissance que le hasard avait logé en moi et je m'en suis servi pour voler, à droite à gauche, des instants où la vie qui était faite pour moi me traversait comme la foudre, comme le courant quand les doigts dans la prise. Je peux dire que, dès lors, j'ai vécu; à me saturer les neurones, les nerfs, les muscles et tout un tas d'organes; sans l'aide de substances, jamais, et au milieu des autres, et tout près de certain(e)s. Sans souci d'économie. Souvent dans la gaîté ; j’allais dire joie, mais non, dans la gaîté. Cette absence d'espoir quelque part ça libère. Comme je savais bien qu'une bulle c'est labile, que ça finit toujours par une larme au sol, je me racontais qu'à force de tirer comme un forcené sur la corde qui pendait dans le vide j'épuiserais mon corps, qu'à 30 ans (30 ans précisément!) une langue de feu viendrait me consumer définitivement. Prendre le contre-pied de la cohorte qui semblait connaître le pourquoi-du-comment qui m'était étranger, ça ne pouvait avoir qu'un temps.
Ce n'est pas ce qui s'est passé.
Mon corps il a tenu au-delà de l'entendement puisqu'il tient encore. Il semble que la médecine ait quelques progrès à faire, ou que, de la médecine, il convienne de faire évoluer l'usage. Le trou de la Sécu, moi je n'y suis pour rien.
Ce n'est pas ce qui s'est passé; mais ça s'est passé à 30 ans. La fin de la dévorante et grisante galopade qui m'avait permis de fuir le Désert des Tartares. Il est resté gravé ce moment précis où j'ai été envahi par l'intuition que ma vie basculait. Aujourd'hui, dans le miroir, je vois le Cri de Munch.
Je pense que, comme d’autres, c'est en déambulant en quête d'un écho qui signale que non, on est pas suspendu dans un vide sidéral, je me retrouve ici.
S'agit pas de s'apitoyer ni de faire pleurer Margot. Margot d'ailleurs, en passant, au bout du bout, un être à qui se consacrer, pour qu’il oublie ce que c’est que pleurer, c'est la seule chose qui finisse par compter. Des enfants comme ceux que nous avons été, il devait s'en trouver parmi ceux qui se sont faits raccourcir à la machette entre Hutu et Tutsi. Moi je m'estime en comparaison, malgré tout, bien servi. Et puis un petit grain de sable dans cette dune énorme qui s'amoncelle depuis l'origine des temps ...!
En jachère encore à un âge canonique je sais que ce qui a manqué: un être qui se voue, ou juste qui se dévoue, à certains moments fatidiques. Mais ça, mon pauvre ami, il y en a beaucoup d'autres à qui ça a manqué! et beaucoup de moins bien lotis. Ce n’est pas ce qui manque sous les porches la nuit ou sur les bancs d’abribus. C'est peut-être la seule chose que je puisse porter à mon actif: me vouer je l'ai fait, quand l'occasion s'est présentée. Se vouer on sait faire nous autres, au-delà de la norme. Je l'ai fait maintes fois, en y laissant des plumes mais avec succès, grâce à ces facultés singulières dont le sort m'a doté. Le petit caillou il a tenu sa place au milieu du courant, pour qu'un être égaré prenne appui pour bondir sur la rive opposée. C'est pas rien! A l'heure ou sonnera le glas, laisser en héritage une vie meilleure à quelques autres qui nous ont oubliés, même si on peut les compter sur les doigts d'une main, .… Certain que la maîtresse d’école, son regard attentif et bienveillant, concerné, son sourire de Joconde, elle opinerait.
Anglemort, 40 ans post-mortem.
Un enfant surdoué non détecté. Bien tardivement et deux fois à 10 ans d'intervalle, on m'a dit ce que je savais depuis des lustres sans pouvoir l'énoncer. Si je consultais -au moment critique où l'angoisse sans nom, le désespoir, compagnons d'habitude, chiens fidèles accrochés à mes basques, viraient à la panique- c'était pour qu'on m'explique comment ne plus m'engager à fonds perdus, comment ne pas être efficace et perdant à la fin, comment donner le meilleur de moi-même sans finir chaque fois pantelant et hagard. Et vite! Parce que ça faisait trop longtemps. Et parce que ça faisait trop longtemps, la confiance effritée, que jamais une main sûre et ferme sur la mienne à six doigts, j'avais pris le mauvais pli; alors deux fois j'ai laissé tomber. Quand à 16 ans déjà l'intime et aberrante conviction qu'il est trop tard, trop tard c'est tout, imagine à 50. Sans parler de l'argent qui manquait, comme toujours, de n'être jamais un paramètre déterminant.
Cette institutrice de la petite école de montagne qui m’avait sauvé de la maternelle au bout d’un mois insupportable, en me prenant dans sa classe -une classe multi-niveaux !-, à elle je lui aurais fait confiance ; son regard attentif et bienveillant, ce sourire de Joconde qui m’apparaît encore, ça valait mieux que tous les tests et thérapies du monde. Des tests et thérapies ça fait l’économie. Un mois encore et j’étais le premier de la classe comme toujours après. J’y avais gagné un pistolet à bouchons de la part de mon père. Personne ici n’a pu connaître. Sur la boîte il était dessiné un enfant qui repoussait avec l’instrument un aigle menaçant une fillette allongée. Imagine si la vie était belle.
La maîtresse, elle, elle m’avait fait remettre, en récompense, un livre de contes par la main de la fillette au bec de lièvre. Elle avait bien vu que je m’y intéressais à la fillette au bec de lièvre que les autres moquaient! Les tests, les thérapies, la maîtresse d’école et son sourire de Joconde.
C’était avant que les ennuis commencent !
Quand tu vas au collège tous les jours à reculons parce que tu vas étouffer du matin jusqu'au soir, sans pouvoir avaler la bouffe dans le tintamarre du réfectoire le midi, quand on te gave de charbon parce qu'on n'explique pas ces maux de ventre qui te tenaillent et que, parce que, malgré tout, tu te débrouilles pour pondre, sans jouer le jeu, des bonnes notes, parce qu'il y a toujours un prof que bizarrement tu épates, parce que tu peux resservir toute la collection de bouquins sur la mythologie grecque que tu as avalée sans qu'on te le demande, ou les spécificités des flottes aériennes des puissances engagées dans la seconde guerre mondiale, toute la famille se cotise pour t'offrir au Noël de tes 11 ans un cartable en cuir hors de prix, ton seul et unique cadeau, alors que frères et cousins reçoivent ballon de rugby, tir au pigeon, circuits électriques et jeux divers, ... alors le décalage tu as vite fait de le ressentir, sans que ce soit vraiment une révélation. Tu prends conscience que c'est mal barré. Que, même là, il va falloir donner le change quand tu prends l’air ravi parce qu’ils se sont saignés. C’est plus du tout l’histoire du pistolet à bouchons du héros.
Tu comprends vite aussi, parce que tu comprends vite, que tout seul on ne va nulle part. Vite vite. Tu aimes courir vite; alors tu te mets à courir vite, seul, vers nulle part.
Le bac qui ouvre la porte de la cellule; avec mention TB comme absurde auréole. Une ébauche de cursus universitaire non choisi, parce que "la recherche, du pinacle où je siège je vous le dis, ce serait dommage pour un jeune homme doté de telles capacités", et, parce que "seul à Paris à 16 ans c'est trop jeune", alors pas non plus cette institution qui t'accepte directement sur dossier. Selon le chêne sous lequel on pousse ....
On peut trouver partout matière à s'intéresser, alors on trouve ; mais tout de même ces notes effarantes pour si peu de travail et d'assiduité. On finit par n'aller à la fac que pour voir les copains. Je vous passe la suite; la suite je pense que tous ici vous la devinez.
En fait je ne suis pas vraiment mort au début des années 80 comme indiqué plus haut. A vrai dire, à cette époque, j'ai plutôt fini de m'enterrer à petits coups de pelle en regardant ailleurs. Pour être honnête je peux pas vraiment dire que je ne savais pas ce que je faisais. La première fois que j'ai poussé la lame je l'ai fait consciemment. J'ai dit à mon pote "file moi une clope"; il se cramait aux Gitanes sans filtre. Avant ça j'étais capable de faire écraser son paquet par la fille avec qui je fricotais. Je vous parle d'un temps où les étudiantes en Lettres tiraient sur leur Gauloise comme elles auraient montré leurs seins sur l'autel de Notre-Dame. C'est dire si j'étais convaincu pour être convaincant. L'instant était venu de planter les banderilles dans cette masse d'énergie enthousiaste et de facultés avérées qui était condamnée à ne jamais servir.
Le chemin vers la tombe il m'a pris quelques années et le cortège était plutôt festif. Funérailles à la Nouvelle-Orléans. Une agonie pleine de vie. Un petit côté oxymore. Les oxymores j'aime bien; souvent je trouve à y fourrer du sens commun avec la perception que j'ai. Les métaphores aussi, dois-je le souligner?
En guise de linceul je nous avais enveloppés, mon monde et moi, dans une sorte de bulle à perméabilité sélective. Une bulle dont j'avais chassé projets, avenir, toutes ces choses qui servent à édifier. Je savais d'expérience la puissance que le hasard avait logé en moi et je m'en suis servi pour voler, à droite à gauche, des instants où la vie qui était faite pour moi me traversait comme la foudre, comme le courant quand les doigts dans la prise. Je peux dire que, dès lors, j'ai vécu; à me saturer les neurones, les nerfs, les muscles et tout un tas d'organes; sans l'aide de substances, jamais, et au milieu des autres, et tout près de certain(e)s. Sans souci d'économie. Souvent dans la gaîté ; j’allais dire joie, mais non, dans la gaîté. Cette absence d'espoir quelque part ça libère. Comme je savais bien qu'une bulle c'est labile, que ça finit toujours par une larme au sol, je me racontais qu'à force de tirer comme un forcené sur la corde qui pendait dans le vide j'épuiserais mon corps, qu'à 30 ans (30 ans précisément!) une langue de feu viendrait me consumer définitivement. Prendre le contre-pied de la cohorte qui semblait connaître le pourquoi-du-comment qui m'était étranger, ça ne pouvait avoir qu'un temps.
Ce n'est pas ce qui s'est passé.
Mon corps il a tenu au-delà de l'entendement puisqu'il tient encore. Il semble que la médecine ait quelques progrès à faire, ou que, de la médecine, il convienne de faire évoluer l'usage. Le trou de la Sécu, moi je n'y suis pour rien.
Ce n'est pas ce qui s'est passé; mais ça s'est passé à 30 ans. La fin de la dévorante et grisante galopade qui m'avait permis de fuir le Désert des Tartares. Il est resté gravé ce moment précis où j'ai été envahi par l'intuition que ma vie basculait. Aujourd'hui, dans le miroir, je vois le Cri de Munch.
Je pense que, comme d’autres, c'est en déambulant en quête d'un écho qui signale que non, on est pas suspendu dans un vide sidéral, je me retrouve ici.
S'agit pas de s'apitoyer ni de faire pleurer Margot. Margot d'ailleurs, en passant, au bout du bout, un être à qui se consacrer, pour qu’il oublie ce que c’est que pleurer, c'est la seule chose qui finisse par compter. Des enfants comme ceux que nous avons été, il devait s'en trouver parmi ceux qui se sont faits raccourcir à la machette entre Hutu et Tutsi. Moi je m'estime en comparaison, malgré tout, bien servi. Et puis un petit grain de sable dans cette dune énorme qui s'amoncelle depuis l'origine des temps ...!
En jachère encore à un âge canonique je sais que ce qui a manqué: un être qui se voue, ou juste qui se dévoue, à certains moments fatidiques. Mais ça, mon pauvre ami, il y en a beaucoup d'autres à qui ça a manqué! et beaucoup de moins bien lotis. Ce n’est pas ce qui manque sous les porches la nuit ou sur les bancs d’abribus. C'est peut-être la seule chose que je puisse porter à mon actif: me vouer je l'ai fait, quand l'occasion s'est présentée. Se vouer on sait faire nous autres, au-delà de la norme. Je l'ai fait maintes fois, en y laissant des plumes mais avec succès, grâce à ces facultés singulières dont le sort m'a doté. Le petit caillou il a tenu sa place au milieu du courant, pour qu'un être égaré prenne appui pour bondir sur la rive opposée. C'est pas rien! A l'heure ou sonnera le glas, laisser en héritage une vie meilleure à quelques autres qui nous ont oubliés, même si on peut les compter sur les doigts d'une main, .… Certain que la maîtresse d’école, son regard attentif et bienveillant, concerné, son sourire de Joconde, elle opinerait.
Anglemort- Messages : 146
Date d'inscription : 13/10/2021
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
Bienvenue parmi nous, Anglemort ! J'aime beaucoup ce que tu as écrit, je trouve ton texte très plaisant à lire, dans son contenu comme dans sa musicalité !
Je me retrouve dans ton propos sur cette maîtresse d'école, ces figures tutélaires de l'école (au sens large, ou collège, lycée, etc.) qui demeurent, et auxquelles on peut faire appel mentalement : seraient-elles d'accord avec ce que je fais là ? seraient-elles fières de moi ? par mon geste, éclairerais-je leur visage ? Ces figures sont peut-être parmi les moins réelles, elles tiennent pourtant une place considérable dans mes pensées et attitudes. Est-ce aussi ton cas ?
Je me retrouve dans ton propos sur cette maîtresse d'école, ces figures tutélaires de l'école (au sens large, ou collège, lycée, etc.) qui demeurent, et auxquelles on peut faire appel mentalement : seraient-elles d'accord avec ce que je fais là ? seraient-elles fières de moi ? par mon geste, éclairerais-je leur visage ? Ces figures sont peut-être parmi les moins réelles, elles tiennent pourtant une place considérable dans mes pensées et attitudes. Est-ce aussi ton cas ?
Monsieur Pinpin- Messages : 1703
Date d'inscription : 04/05/2021
Age : 20
Localisation : Dans son lit, enfin !
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
Bonjour et bienvenue zici Anglemort.
Ton texte de présentation est effectivement très beau, et bien écrit. Et un bel hommage à cette maîtresse d'école...
Au plaisir de te relire.
Ton texte de présentation est effectivement très beau, et bien écrit. Et un bel hommage à cette maîtresse d'école...
Au plaisir de te relire.
Invité- Invité
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
Bonjour et bienvenue. Un texte fort qui m'a cloué, moi aussi.
RonaldMcDonald- Messages : 11696
Date d'inscription : 15/01/2019
Age : 48
Localisation : loin de chez moi, dans un petit coin de paradis
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
Avant ça j'étais capable de faire écraser son paquet par la fille avec qui je fricotais.
isadora- Messages : 3891
Date d'inscription : 04/09/2011
Localisation : Lyon
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
bravo à vous
vue la consistance qualitative de l'exposé je dis bienvenue cher vous !.
vue la consistance qualitative de l'exposé je dis bienvenue cher vous !.
scorames- Messages : 201
Date d'inscription : 22/12/2019
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
Eh bien, sacré texte !
J'avais hésité à tout lire pour que cette présentation reste dans mon angle mort... Mais la curiosité l'aura emporté sur le jeu de mot vaseux.
Bienvenue à toi et au plaisir d'échanger !
J'avais hésité à tout lire pour que cette présentation reste dans mon angle mort... Mais la curiosité l'aura emporté sur le jeu de mot vaseux.
Bienvenue à toi et au plaisir d'échanger !
Triangle- Messages : 5
Date d'inscription : 10/10/2021
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
En premier lieu merci pour votre accueil. Ça fait chaud. Ça m’aurait convenu, aussi, de rester ignoré, au fond, sous le radar. Mais c’est tout de même mieux ainsi.
En fait j’ai découvert ce site tout récemment et, dès la première visite, à la course, en plongeant la batée au hasard, j’ai levé des pépites. Un filon ! Un filon ? Un filon. (avec intonations ça passe)
Et en plus une eau claire aux ruisseaux empruntés.
Du coup je ne me suis pas senti de revenir jouer en douce à l’orpailleur, comme un filou.
Au bout du fil il y avait Triangle, alors j’ai enchaîné. Ça le fait un triangle pour le mousqueton.
Merci à toi Triangle le maillon, en passant, pour le petit mot qui confirme la première impression.
Pour la présentation j’ai laissé le moulin mouliner, par derrière, et le tamis tamiser des bouts de phrases éparpillés dans le bloc-notes, pendant que je sacrifiais à des obligations qui me bouffent le temps. Le truc c’est que, quand je me suis pointé pour emballer et livrer ma nécrologie, j’ai pas pris le temps de peser ! Je m’excuse pour la logorrhée. Le mec qui s’invite et qui prend toute la place sur le canapé. Je vous prie de croire que pourtant c’est pas du tout mon genre les cuisses en accent circonflexe dans le métro bondé. J’aurais mordu le doigt qui avait cliqué ! Sincèrement, sans être pusillanime (une envie de le caser « pusillanime » ; je trouve que c’est joli ; j’aime bien dans la bouche), je ne suis pas porté à imposer ma présence en société.
Là je me suis laissé aller en couchant les mots de la tête ; parce que ceux de la bouche ils font plus court ; c’est plutôt « hmm, ahbon, bienbien, çavaçava ». À force de lancer des balles out qui ne reviennent pas, on finit par jouer petit bras. Mon travers c’est que je préfère tresser des guirlandes un peu débraillées avec du langage de petit personnel (ancillaire c’est plus court mais ça se la pète un peu) que nouer des mots rigoureux, bien dégagés autour des oreilles, pour faire des phrases encravatées façon exposé Sciences Po. Il me semble qu’au réel ça lui laisse de l’aisance aux entournures ; sinon j’ai l’impression de lui enfiler un costume étriqué.
Je me suis laissé aller et je recommence ! Tant de temps aussi sans écrire autre chose que des veuillez trouver ci-joint en vous souhaitant bien à vous. On peut comprendre que ça se bouscule au portillon. J’espère, malgré cette tendance, vous avoir donné une image claire du profil du zèbre. Honnête il l’est. Plus honnête je crois ne pas pouvoir faire. Honnête c’est ce que je voulais. C’est bien le moins envers des gens de bonne compagnie.
Le temps presse ! Merci encore. J’espère pouvoir revenir très vite explorer et peut-être apporter; et répondre à ta question Loulouminette. Savoir aussi pourquoi Isadora relève cette phrase. Qui sait ? un débat ?
En fait j’ai découvert ce site tout récemment et, dès la première visite, à la course, en plongeant la batée au hasard, j’ai levé des pépites. Un filon ! Un filon ? Un filon. (avec intonations ça passe)
Et en plus une eau claire aux ruisseaux empruntés.
Du coup je ne me suis pas senti de revenir jouer en douce à l’orpailleur, comme un filou.
Au bout du fil il y avait Triangle, alors j’ai enchaîné. Ça le fait un triangle pour le mousqueton.
Merci à toi Triangle le maillon, en passant, pour le petit mot qui confirme la première impression.
Pour la présentation j’ai laissé le moulin mouliner, par derrière, et le tamis tamiser des bouts de phrases éparpillés dans le bloc-notes, pendant que je sacrifiais à des obligations qui me bouffent le temps. Le truc c’est que, quand je me suis pointé pour emballer et livrer ma nécrologie, j’ai pas pris le temps de peser ! Je m’excuse pour la logorrhée. Le mec qui s’invite et qui prend toute la place sur le canapé. Je vous prie de croire que pourtant c’est pas du tout mon genre les cuisses en accent circonflexe dans le métro bondé. J’aurais mordu le doigt qui avait cliqué ! Sincèrement, sans être pusillanime (une envie de le caser « pusillanime » ; je trouve que c’est joli ; j’aime bien dans la bouche), je ne suis pas porté à imposer ma présence en société.
Là je me suis laissé aller en couchant les mots de la tête ; parce que ceux de la bouche ils font plus court ; c’est plutôt « hmm, ahbon, bienbien, çavaçava ». À force de lancer des balles out qui ne reviennent pas, on finit par jouer petit bras. Mon travers c’est que je préfère tresser des guirlandes un peu débraillées avec du langage de petit personnel (ancillaire c’est plus court mais ça se la pète un peu) que nouer des mots rigoureux, bien dégagés autour des oreilles, pour faire des phrases encravatées façon exposé Sciences Po. Il me semble qu’au réel ça lui laisse de l’aisance aux entournures ; sinon j’ai l’impression de lui enfiler un costume étriqué.
Je me suis laissé aller et je recommence ! Tant de temps aussi sans écrire autre chose que des veuillez trouver ci-joint en vous souhaitant bien à vous. On peut comprendre que ça se bouscule au portillon. J’espère, malgré cette tendance, vous avoir donné une image claire du profil du zèbre. Honnête il l’est. Plus honnête je crois ne pas pouvoir faire. Honnête c’est ce que je voulais. C’est bien le moins envers des gens de bonne compagnie.
Le temps presse ! Merci encore. J’espère pouvoir revenir très vite explorer et peut-être apporter; et répondre à ta question Loulouminette. Savoir aussi pourquoi Isadora relève cette phrase. Qui sait ? un débat ?
Anglemort- Messages : 146
Date d'inscription : 13/10/2021
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
Je crois que j'aurais pas envie de jouer contre toi au scrabble.
Par contre, te lire, moui, je crois que ça me plairait bien.
Si tu prends (et on dirait bien) plaisir à laisser voler ta plume par ici, ça serait chouette pour certains dont je fais partie ^^
Par contre, te lire, moui, je crois que ça me plairait bien.
Si tu prends (et on dirait bien) plaisir à laisser voler ta plume par ici, ça serait chouette pour certains dont je fais partie ^^
Chuna- Messages : 22222
Date d'inscription : 31/12/2014
Age : 43
Localisation : Landes
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
Bienvenue à toi, orpailleur. ^^
Il est heureux que tu aies trouvé ce lieu. Et comme certaines pierres, ici aussi parfois, des appuis se forment dans les flots des vies.
Il est heureux que tu aies trouvé ce lieu. Et comme certaines pierres, ici aussi parfois, des appuis se forment dans les flots des vies.
_________________
INTJ, ne m'en veuillez pas si au passage, je vous écrase 6 fois le coeur. J'ai du mal à situer et le referai sans doute encore.
Opossum- Messages : 3887
Date d'inscription : 04/08/2019
Age : 47
Localisation : Belgique
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
Merci Opossum. Effectivement j’en ai déjà vu disséminés partout des galets qui se proposent généreusement. Et pas des qui se voient bloc de marbre poli pontifiant péremptoire. C’est heureux parce que le marbre poli, à fleur d’eau, sous le pied …
Merci Chunasse, simplement parce que il y a longtemps le rire.
La nuit dernière vers 2 h j’ai cliqué. Pour voir. Faudrait pas que ça devienne un vice ! Je sais pas. Si des verres tintaient, s’il y avait de la musique ?
Je ne sais pas non plus comment j’ai échoué sur un fil où tu parlais de chevaux Chunasse. Oooooh ! j’y ai vu un axe pour évoquer un truc de zèbre il me paraît. Le zèbre Anglemort en tout cas.
La présentation, donc, c’est pour dire ce que c’est que moi (« qui je suis » y a un truc qui me gêne). Alors la digression ? un fil ? un Carnet de bord ?
En débarquant ici, je veux pas vous mentir, le zèbre il se voit facile jeune chien lâché au printemps dans les herbes hautes et qui trace par bonds comme un dératé ! L’atmosphère qui règne toussatoussa.
Du coup, ces choses dans les entrailles qui tordent l'échine de ne pouvoir sortir, on est tenté, ici, de les poser sur la table. Ici vous tous ; à ce que je vois un groupe un peu foutraque, une fratrie éparpillée, un peloton en bataille pour courir, coude à coude, sans penser à la ligne au bout. Une aide, un réconfort. Même qu'en babillant ; avec d'autres silences entre les notes. Sur la table, ici, peut-être qu'elles vont pas rebuter.
En même temps, quand on a plus l’âge du bilan de clôture que du prévisionnel, peut-être pour de jeunes pousses ...
Merci Chunasse, simplement parce que il y a longtemps le rire.
La nuit dernière vers 2 h j’ai cliqué. Pour voir. Faudrait pas que ça devienne un vice ! Je sais pas. Si des verres tintaient, s’il y avait de la musique ?
Je ne sais pas non plus comment j’ai échoué sur un fil où tu parlais de chevaux Chunasse. Oooooh ! j’y ai vu un axe pour évoquer un truc de zèbre il me paraît. Le zèbre Anglemort en tout cas.
La présentation, donc, c’est pour dire ce que c’est que moi (« qui je suis » y a un truc qui me gêne). Alors la digression ? un fil ? un Carnet de bord ?
En débarquant ici, je veux pas vous mentir, le zèbre il se voit facile jeune chien lâché au printemps dans les herbes hautes et qui trace par bonds comme un dératé ! L’atmosphère qui règne toussatoussa.
Du coup, ces choses dans les entrailles qui tordent l'échine de ne pouvoir sortir, on est tenté, ici, de les poser sur la table. Ici vous tous ; à ce que je vois un groupe un peu foutraque, une fratrie éparpillée, un peloton en bataille pour courir, coude à coude, sans penser à la ligne au bout. Une aide, un réconfort. Même qu'en babillant ; avec d'autres silences entre les notes. Sur la table, ici, peut-être qu'elles vont pas rebuter.
En même temps, quand on a plus l’âge du bilan de clôture que du prévisionnel, peut-être pour de jeunes pousses ...
Anglemort- Messages : 146
Date d'inscription : 13/10/2021
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
http://www.culturepub.fr/videos/anti-tabac-une-cigarette-ecrasee/
isadora- Messages : 3891
Date d'inscription : 04/09/2011
Localisation : Lyon
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
un groupe un peu foutraque, une fratrie éparpillée, un peloton en bataille
C'est ça.
Bienvenue au nouveau frère d'arme qui sent le bouchon (elle, pas lui).
C'est ça.
Bienvenue au nouveau frère d'arme qui sent le bouchon (elle, pas lui).
Topsy Turvy- Messages : 8367
Date d'inscription : 10/01/2020
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
oui Isadora, c'est un peu ça l'idée. Sauf que moi je le faisais à la conviction! Liberté de choix! Avec une pasionaria du Mirail dans ces années charnières ça plaisantait pas.
Je me souviens de cette étoile au maillot pour la clope, mais aussi des nombreuses fois où j'ai cligné des yeux en premier.
Merci Topsy. J'imagine tout ce petit monde rassemblé dans un hall ....
Je me souviens de cette étoile au maillot pour la clope, mais aussi des nombreuses fois où j'ai cligné des yeux en premier.
Merci Topsy. J'imagine tout ce petit monde rassemblé dans un hall ....
Anglemort- Messages : 146
Date d'inscription : 13/10/2021
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
Je m’aperçois que j’ai omis d’indiquer un trait dans ma présentation.
Il passe, ici, plein de gens intelligents, savants et curieux et donc, forcément, des qui ont aimé disséquer la grenouille (sans couper le canal cholédoque!) et à qui ça a mis le vice. Des qui font des groupes, aussi, en fonction de tel ou tel caractère discriminant, puis recoupent et emberlificotent adroitement de telle manière qu’à la fin la chatte retrouve ses petits.
Pour cette raison et/ou d’autres encore, je tiens à signaler que je suis de ceux qui tâtonnent au saut du lit (Je sais pas moi ! des fois que ça joue ! Quand tu vois pas plus loin que le bout de ton nez peut-être que tu passes plus de temps sur ton nombril ?)
Myope. C’est un fait.
Avant qu’on le découvre, que j’étais myope, depuis longtemps, -à peu près au moment où on découvrait les Beatles (rien à voir mais permet de dater)- j'y voyais que dalle de ce que le prof traçait au tableau. Mais plus près, dudit tableau, c'était simplement pas possible, pour diverses raisons qu'on verra plus tard. Au milieu des filles et fils de profs et de banquiers, ou équivalant, toujours prêt(e)s à lever le doigt en se rengorgeant, y avait pas moyen.
Je me posais pas la question pour les autres, qui semblaient s'en accommoder de ne rien voir de là où j'étais. Et j'en parlais pas, comme de rien d'autre de mes trucs à moi.
J'avais découvert une astuce pour rattraper le coup; en enroulant l'index sur la base du pouce et en regardant d'un œil par le petit trou au pli des phalanges, je voyais tout net. J'avais, tout seul comme un grand, redécouvert la lunette à trou des milliers d'années après l'Ayurveda ; me demandez pas comment. Focaliser, c'est peut-être le mot qui m'avait mis sur la piste mais j'en jurerais pas. Probable que d’autres gamins connaissaient déjà, pour l’avoir trouvé dans un magazine fait pour ça, leur montrer des choses destinées à les étonner, ou bien par la bande, en roulant une feuille d’arbre comme une lunette pour observer le renard sans s’en approcher ; le grand-père de l’un ou de l’autre, en s’en occupant, pendant les vacances, qui sait ? Des magazines, chez moi, il n’y en avait pas, et mon grand-père, pendant les vacances, il passait son temps l’oreille collée au poste radio. Et puis on s’aperçoit vite qu’il y a plein de choses qui nous semblent étonnantes ou bizarres, quand on tombe dessus, et qui, pour un type lambda, paumé dans un autre coin du monde, et le monde il est vaste, c’est à peu près comme l’air qu’on respire. Oups ! je digresse ! le petit vélo entre les oreilles qui sait pas s’arrêter, les zigs et les zags en chemins de traverse, et l’itinéraire en petits morceaux tout éparpillés.
Le pied sur la gomme, donc : j’y voyais que dalle, la petite astuce, les autres, et le clapet fermé (je préfère parce que la bouche cousue ça donne le frisson).
C'est bizarre d'ailleurs que ça n'ait étonné personne ces comportements ; un prof tout de même, un gosse qui le zieute à travers ses doigts ! et pour ce qui est de la parole, éteinte d' un coup, les parents ! J'ai toujours entendu raconter que, dans les premiers âges, je n'arrêtais pas, les questions et les raisonnements que j'aurais pas dû, et fourrer le nez là où c'était pas prévu. Paraît que j'étais épuisant. C'est peut-être pour ça quand j'ai plus rien dit « Ça fait des vacances », ils ont du penser, « va pas y toucher ! » Usant j'étais, d'après les brèves tombées dans l'oreille au fil des bavasses après le café, les jours de ripailles famille et amis. Ma grand-mère, qui -de ce que j'en sais- l'école un chouia entre les bêtes et les foins à la montagne -et à la montagne ça prenait du temps- puis, d'un coup, le mariage, qui avait juste changé l'outil qu'elle était, donc cette grand-mère elle racontait la fois où elle m'avait arraché aux mains de ma mère, que j'ai toujours connue douce et patiente, avant qu'elle me jette contre un angle de mur. Faut croire que, usant, j’avais pas attendu, à côté des de mes frères, chérubins placides qui restaient tranquilles où on les posait ; et qu'à ma grande mère je lui dois la vie. La vie de détraqué. C'est ça qu'elle disait quand j'étais plus grand : « ce gosse il est détraqué » ; c'était sa façon ; peut-être les bêtes, la montagne tout ça, et les distractions qui manquaient, ça lui avait concentré le regard à la démerde, comme moi avec le tableau au travers des doigts.
J'aurais pu me dire que c'était pas normal qu'on fasse des classes où du fond on pouvait pas voir, mais la logique des adultes, déjà, j'avais pris, comme qui dirait, un peu de distance ; alors ce genre de choses m'étonnait sans plus. C'était peut-être une façon d'organiser le troupeau. Plus on reculait vers les rangs du fond moins on apprenait, en se préparant à être ouvrier, et les futurs chefs devant ; comme ça ça baignait dans l'huile dans la société. C'était pas con, parce qu'au bout du compte, en gros, c'est ce qui se passe. Les cancres, au fond de la classe, c'est pas qu'ils étaient cancres au départ mais qu'ils l'étaient devenus parce qu'ils aimaient pas être trop près de l'autorité. Pas plus con qu'un autre le raisonnement. Bref ! Moi, l'autorité, si je pouvais faire un détour pour la contourner je m'en privais pas ; et les cancres du fond, quand je regardais le théâtre depuis le balcon, c'était plutôt les personnages qui me souriaient. Un peu plus malin peut-être j'étais, et rebelle à ma façon. Jamais le dernier rang, où ta silhouette se détache trop sur le blanc du mur, et l'astuce de l'index replié sur le pouce, pour déjouer le plan « du fond tu vois pas comme ça t'apprends pas ». Et puis, le tableau, j'avais trouvé mieux. Le Gaffiot, exemple, tu pouvais t'en régaler sans tout ce bazar sténopépéïque (le pé qui est en trop c'est pour la musique) ; tu l'avais à portée de mains ; une pour tourner les pages, l'autre pour te gratter la tête le temps que tu trouves ce que tu cherchais comme un assoiffé. Finalement je bavardais, mais là, dans la tête, avec des Romains de la grande époque ; ça fait un voyage, planqué dans le tas ! Et la nuit surtout ; le monde endormi autour ; après la grisaille et les heures floues ; à tripatouiller les mots et les phrases jusqu’à leur faire croire, aux Romains, que j’étais l’un d’eux. La nuit sans limites. Enfin, sans limites ! sauf si le petit besoin tirait la maman de son lit douillet. « Mais tu as vu l’heure ? » les yeux courroucéffarés, « Ce gosse tout de même ! ». Vu le nombre de fois, Toudemem, ç’aurait pu me faire un surnom. Atahualpa Tudemem ; j’aimais bien les Incas aussi.
Quand j'y pense, dans les grandes lignes tout était tracé : le goût des gens simples et sans prétentions, bravaches mais en rigolant ; concentrer l'attention sur ce qui t'intéresse, dans ta bullefuite et à ta façon, sans rien demander et sans t’exposer aux Fourches caudines ; et sans rien attendre de la société des grandes personnes, où on fait le truc qu'on est supposé faire sans trop déborder, sans trop pinailler autour. Bon, faudra renoncer à palper quelques gratifications, mais ça je savais; « on n'a rien sans rien » ; elle disait ça aussi la mémé outil.
Faut bien s’amuser un peu, si on peut le faire sans trop déranger ! Des tibouts d'histoires ; un pet sur un fil derrière le front, en attraper un pour le raconter quand le temps s'y prête. Une distraction qui en vaut bien une autre pour sortir la tête du complet-veston (je sais c'est daté ! mais ça tombe pile)
Il passe, ici, plein de gens intelligents, savants et curieux et donc, forcément, des qui ont aimé disséquer la grenouille (sans couper le canal cholédoque!) et à qui ça a mis le vice. Des qui font des groupes, aussi, en fonction de tel ou tel caractère discriminant, puis recoupent et emberlificotent adroitement de telle manière qu’à la fin la chatte retrouve ses petits.
Pour cette raison et/ou d’autres encore, je tiens à signaler que je suis de ceux qui tâtonnent au saut du lit (Je sais pas moi ! des fois que ça joue ! Quand tu vois pas plus loin que le bout de ton nez peut-être que tu passes plus de temps sur ton nombril ?)
Myope. C’est un fait.
Avant qu’on le découvre, que j’étais myope, depuis longtemps, -à peu près au moment où on découvrait les Beatles (rien à voir mais permet de dater)- j'y voyais que dalle de ce que le prof traçait au tableau. Mais plus près, dudit tableau, c'était simplement pas possible, pour diverses raisons qu'on verra plus tard. Au milieu des filles et fils de profs et de banquiers, ou équivalant, toujours prêt(e)s à lever le doigt en se rengorgeant, y avait pas moyen.
Je me posais pas la question pour les autres, qui semblaient s'en accommoder de ne rien voir de là où j'étais. Et j'en parlais pas, comme de rien d'autre de mes trucs à moi.
J'avais découvert une astuce pour rattraper le coup; en enroulant l'index sur la base du pouce et en regardant d'un œil par le petit trou au pli des phalanges, je voyais tout net. J'avais, tout seul comme un grand, redécouvert la lunette à trou des milliers d'années après l'Ayurveda ; me demandez pas comment. Focaliser, c'est peut-être le mot qui m'avait mis sur la piste mais j'en jurerais pas. Probable que d’autres gamins connaissaient déjà, pour l’avoir trouvé dans un magazine fait pour ça, leur montrer des choses destinées à les étonner, ou bien par la bande, en roulant une feuille d’arbre comme une lunette pour observer le renard sans s’en approcher ; le grand-père de l’un ou de l’autre, en s’en occupant, pendant les vacances, qui sait ? Des magazines, chez moi, il n’y en avait pas, et mon grand-père, pendant les vacances, il passait son temps l’oreille collée au poste radio. Et puis on s’aperçoit vite qu’il y a plein de choses qui nous semblent étonnantes ou bizarres, quand on tombe dessus, et qui, pour un type lambda, paumé dans un autre coin du monde, et le monde il est vaste, c’est à peu près comme l’air qu’on respire. Oups ! je digresse ! le petit vélo entre les oreilles qui sait pas s’arrêter, les zigs et les zags en chemins de traverse, et l’itinéraire en petits morceaux tout éparpillés.
Le pied sur la gomme, donc : j’y voyais que dalle, la petite astuce, les autres, et le clapet fermé (je préfère parce que la bouche cousue ça donne le frisson).
C'est bizarre d'ailleurs que ça n'ait étonné personne ces comportements ; un prof tout de même, un gosse qui le zieute à travers ses doigts ! et pour ce qui est de la parole, éteinte d' un coup, les parents ! J'ai toujours entendu raconter que, dans les premiers âges, je n'arrêtais pas, les questions et les raisonnements que j'aurais pas dû, et fourrer le nez là où c'était pas prévu. Paraît que j'étais épuisant. C'est peut-être pour ça quand j'ai plus rien dit « Ça fait des vacances », ils ont du penser, « va pas y toucher ! » Usant j'étais, d'après les brèves tombées dans l'oreille au fil des bavasses après le café, les jours de ripailles famille et amis. Ma grand-mère, qui -de ce que j'en sais- l'école un chouia entre les bêtes et les foins à la montagne -et à la montagne ça prenait du temps- puis, d'un coup, le mariage, qui avait juste changé l'outil qu'elle était, donc cette grand-mère elle racontait la fois où elle m'avait arraché aux mains de ma mère, que j'ai toujours connue douce et patiente, avant qu'elle me jette contre un angle de mur. Faut croire que, usant, j’avais pas attendu, à côté des de mes frères, chérubins placides qui restaient tranquilles où on les posait ; et qu'à ma grande mère je lui dois la vie. La vie de détraqué. C'est ça qu'elle disait quand j'étais plus grand : « ce gosse il est détraqué » ; c'était sa façon ; peut-être les bêtes, la montagne tout ça, et les distractions qui manquaient, ça lui avait concentré le regard à la démerde, comme moi avec le tableau au travers des doigts.
J'aurais pu me dire que c'était pas normal qu'on fasse des classes où du fond on pouvait pas voir, mais la logique des adultes, déjà, j'avais pris, comme qui dirait, un peu de distance ; alors ce genre de choses m'étonnait sans plus. C'était peut-être une façon d'organiser le troupeau. Plus on reculait vers les rangs du fond moins on apprenait, en se préparant à être ouvrier, et les futurs chefs devant ; comme ça ça baignait dans l'huile dans la société. C'était pas con, parce qu'au bout du compte, en gros, c'est ce qui se passe. Les cancres, au fond de la classe, c'est pas qu'ils étaient cancres au départ mais qu'ils l'étaient devenus parce qu'ils aimaient pas être trop près de l'autorité. Pas plus con qu'un autre le raisonnement. Bref ! Moi, l'autorité, si je pouvais faire un détour pour la contourner je m'en privais pas ; et les cancres du fond, quand je regardais le théâtre depuis le balcon, c'était plutôt les personnages qui me souriaient. Un peu plus malin peut-être j'étais, et rebelle à ma façon. Jamais le dernier rang, où ta silhouette se détache trop sur le blanc du mur, et l'astuce de l'index replié sur le pouce, pour déjouer le plan « du fond tu vois pas comme ça t'apprends pas ». Et puis, le tableau, j'avais trouvé mieux. Le Gaffiot, exemple, tu pouvais t'en régaler sans tout ce bazar sténopépéïque (le pé qui est en trop c'est pour la musique) ; tu l'avais à portée de mains ; une pour tourner les pages, l'autre pour te gratter la tête le temps que tu trouves ce que tu cherchais comme un assoiffé. Finalement je bavardais, mais là, dans la tête, avec des Romains de la grande époque ; ça fait un voyage, planqué dans le tas ! Et la nuit surtout ; le monde endormi autour ; après la grisaille et les heures floues ; à tripatouiller les mots et les phrases jusqu’à leur faire croire, aux Romains, que j’étais l’un d’eux. La nuit sans limites. Enfin, sans limites ! sauf si le petit besoin tirait la maman de son lit douillet. « Mais tu as vu l’heure ? » les yeux courroucéffarés, « Ce gosse tout de même ! ». Vu le nombre de fois, Toudemem, ç’aurait pu me faire un surnom. Atahualpa Tudemem ; j’aimais bien les Incas aussi.
Quand j'y pense, dans les grandes lignes tout était tracé : le goût des gens simples et sans prétentions, bravaches mais en rigolant ; concentrer l'attention sur ce qui t'intéresse, dans ta bullefuite et à ta façon, sans rien demander et sans t’exposer aux Fourches caudines ; et sans rien attendre de la société des grandes personnes, où on fait le truc qu'on est supposé faire sans trop déborder, sans trop pinailler autour. Bon, faudra renoncer à palper quelques gratifications, mais ça je savais; « on n'a rien sans rien » ; elle disait ça aussi la mémé outil.
Faut bien s’amuser un peu, si on peut le faire sans trop déranger ! Des tibouts d'histoires ; un pet sur un fil derrière le front, en attraper un pour le raconter quand le temps s'y prête. Une distraction qui en vaut bien une autre pour sortir la tête du complet-veston (je sais c'est daté ! mais ça tombe pile)
Anglemort- Messages : 146
Date d'inscription : 13/10/2021
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
C'est marrant. Je faisais partie des bosseurs de devant, mais je n'ai jamais été un grand chef, ni même rêvé de l'être. Mais tu pointes un truc important : la plupart de mes voisins de l'époque correspondent bien à ta description. Il y a des exceptions (genre moi, donc), mais en gros, il y a bien une sociologie de la géographie de la salle de classe. Je n'y avais jamais pensé, merci d'avoir mis le doigt dessus.
RonaldMcDonald- Messages : 11696
Date d'inscription : 15/01/2019
Age : 48
Localisation : loin de chez moi, dans un petit coin de paradis
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
Ta remarque, Ronald, réveille un souvenir.
Entre collège et lycée seulement 2 élèves dont je me suis senti proche.
L’un des 2, parce qu’il respirait l’intelligence, je lui pardonnais de rentrer dans le moule, de se conformer, de se placer toujours au 1er rang. Jusqu’au jour de la séparation des mondes, irréparable : lors d’une « composition » de math où, comme à l’accoutumée en de telles circonstances, nous étions l’un à côté de l’autre dans la classe, dans le respect des distances imposées, il m’avait demandé mon brouillon parce qu’il pataugeait lamentablement ; je lui avais passé sans attendre et, froid et serein, il ne me l’avait pas rendu. La couronne de laurier au prix de la confraternité. Un mauvais signe pour moi. Il était fils de banquier, sa famille possédait un château dans le Gers. J’étais enfant de famille modeste vivant dans une cité ouvrière. Extrapolation ? Terminé et méfiance indélébile.
Je me garde bien d’identifier ton profil au sien !!!
L’autre c’était autre chose. HPI certain, THPI probable, dont l’histoire mériterait d’être narrée tant elle est exemplaire.
Jusqu’en terminale où j’ai trouvé, par le jeu des regroupements de classes, une bande de guignols qui respiraient la joie de vivre et la solidarité de groupe, sans s’inquiéter de ne pas se conformer à ce que l’École attendait d’eux. Ce dont j’étais incapable ; je savais ne pas être conforme malgré quelques apparences trompeuses, mais cela me rongeait le sang. L’un d’entre eux était demi de mêlée et capitaine d’une équipe de rugby qui jouait au niveau de ce qu’est aujourd’hui le Top 14 et il aimait m’avoir avec lui, quand le prof de gym programmait un match dans le temps scolaire, au centre ou à l’aile, où je m’éclatais à percer la défense en vitesse et évitement ; un autre, international junior d’athlétisme, me reconnaissait pour avoir, dans la tranche d’âge inférieure, explosé le record du lycée qu’il détenait ; et d’autres, pour qui, dès l’instant que l’une de ces 2 figures m’avait adoubé, mon appartenance au groupe ne se discutait pas. 37°C à l’intersection des ensembles.
Contingences et trajectoires. Comment une histoire s’écrit.
Entre collège et lycée seulement 2 élèves dont je me suis senti proche.
L’un des 2, parce qu’il respirait l’intelligence, je lui pardonnais de rentrer dans le moule, de se conformer, de se placer toujours au 1er rang. Jusqu’au jour de la séparation des mondes, irréparable : lors d’une « composition » de math où, comme à l’accoutumée en de telles circonstances, nous étions l’un à côté de l’autre dans la classe, dans le respect des distances imposées, il m’avait demandé mon brouillon parce qu’il pataugeait lamentablement ; je lui avais passé sans attendre et, froid et serein, il ne me l’avait pas rendu. La couronne de laurier au prix de la confraternité. Un mauvais signe pour moi. Il était fils de banquier, sa famille possédait un château dans le Gers. J’étais enfant de famille modeste vivant dans une cité ouvrière. Extrapolation ? Terminé et méfiance indélébile.
Je me garde bien d’identifier ton profil au sien !!!
L’autre c’était autre chose. HPI certain, THPI probable, dont l’histoire mériterait d’être narrée tant elle est exemplaire.
Jusqu’en terminale où j’ai trouvé, par le jeu des regroupements de classes, une bande de guignols qui respiraient la joie de vivre et la solidarité de groupe, sans s’inquiéter de ne pas se conformer à ce que l’École attendait d’eux. Ce dont j’étais incapable ; je savais ne pas être conforme malgré quelques apparences trompeuses, mais cela me rongeait le sang. L’un d’entre eux était demi de mêlée et capitaine d’une équipe de rugby qui jouait au niveau de ce qu’est aujourd’hui le Top 14 et il aimait m’avoir avec lui, quand le prof de gym programmait un match dans le temps scolaire, au centre ou à l’aile, où je m’éclatais à percer la défense en vitesse et évitement ; un autre, international junior d’athlétisme, me reconnaissait pour avoir, dans la tranche d’âge inférieure, explosé le record du lycée qu’il détenait ; et d’autres, pour qui, dès l’instant que l’une de ces 2 figures m’avait adoubé, mon appartenance au groupe ne se discutait pas. 37°C à l’intersection des ensembles.
Contingences et trajectoires. Comment une histoire s’écrit.
Anglemort- Messages : 146
Date d'inscription : 13/10/2021
Re: Anglemort, 40 ans post-mortem.
Anglemort a écrit:Mon travers c’est que je préfère tresser des guirlandes un peu débraillées avec du langage de petit personnel (ancillaire c’est plus court mais ça se la pète un peu) que nouer des mots rigoureux, bien dégagés autour des oreilles, pour faire des phrases encravatées façon exposé Sciences Po. Il me semble qu’au réel ça lui laisse de l’aisance aux entournures ; sinon j’ai l’impression de lui enfiler un costume étriqué.
J’aimerais pouvoir mettre des guirlandes comme les tiennes dans mon salon, fleuries et joyeuses, toutes de pièces décousues, une guirlande de récup colorée. Une guirlande d’essence sans absence, concentrée mais déliée. Merci pour ton mot.
Nincha- Messages : 4
Date d'inscription : 28/10/2021
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