REVOLUTION

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Les illusions de l'approche solution

Le discours managérial se présente comme parfaitement objectif. Il traduit la réalité en indicateurs simples, incontestables, mesurables. Les approches quantitatives construisent un individu abstrait, rationnel,non contradictoire, qui développe un comportement stratégique. Mais le stratège ainsi défini est pour ainsi dire dépouillé de sa condition humaine, comme s'il pouvait échapper aux déterminismes sociaux, aux réactions pulsionnelles, aux relations affectives. On se le représente alors tout disposé à accueillir avec zèle l'évaluation des points négatifs et positifs de son activité, à accepter l'évaluation performative qui va l'aider à améliorer sa performance.

L'homme managérial développe une pensée rationnelle et positive qui est imperméable à la critique. A moins que celle-ci ne soit constructive, positive et opératoire. On peut focaliser la critique sur le "comment", afin d'améliorer l'exécution, mais pas sur le "pourquoi", qui débouche sur des états d'âme déplacés. Toute pensée qui n'est pas utile est superfétatoire, et même nuisible.

Le discours managérial se donne une apparence de scientificité en allant picorer ses notions dans des champs disciplinaires étendus passant par l'économie, la cybernétique, les neurosciences, la psychologie cognitive et comportementale. Sorties du contexte qui fonde leur signification initiale, ces notion perdent du sens. Elles fonctionnent comme des métaphores, comme si elles étaient évidentes, naturelles, signifiantes par elles-mêmes. De la sorte, en s’affichant ouvert, multidimensionnel, pluridisciplinaire, le discours managérial devient insignifiant et fonctionne dans l'artificialité. Il impose une façon de penser qui n'est pas discutable en dehors des termes qu'il emploie. Il se ferme à toute approche qui ne s'inscrit pas dans ses paradigmes. Il préconise l'action pour l'action, le changement pour le changement, la performance pour la performance, sans que la finalité de l'action, du changement, de la performance ne puisse être discutée : comme si tout cela allait de soi.

L'action est un dérivatif, une tentative pour canaliser l'angoisse du vide, le doute, l'insignifiance (l'action, ce passage à l'acte qui empêche la perlaboration, c'est à dire le travail psychique en profondeur permettant de comprendre la genèse des conflits, des répétitions et des symptômes). Elle protège de l'incertitude, de l'angoisse, des questions sans réponses : elle a réponse à tout. C'est son insignifiance même qui évite toute remise en question. En se focalisant sur la pratique, l'opératoire et l'approche solution, le discours gestionnaire oblitère la question des finalités. Combien de fois avons-nous entendu dire : "On a le nez dans le guidon, on sait que l'on va dans le mur et on pédale de plus en plus vite."

Cette façon de penser et de dire ne favorise pas la résolution de problèmes complexes, la remise en question de la performance lorsqu'elle devient destructrice, la capacité à affronter les contradictions de notre monde. A la suite de la parution d'un ouvrage précédent, Le Coût de l'excellence, un dirigeant d'entreprise nous disait : "Votre diagnostic est très juste, vous dites qu'il y a le cancer, mais vous n'apportez pas la thérapie". Dans l'univers de la pensée managériale, il ne convient pas de parler d'un problème si l'on apporte pas dans le même temps les moyens de le résoudre. Nous avons répondu à ce dirigeant que c'est en posant le diagnostic que l'on peut espérer trouver le traitement. Nier la maladie tant que l'on ne dispose pas de la thérapie est une attitude irresponsable. Bien sûr, le diagnostic n'est pas agréable à entendre, il est même pénible dans la mesure où il oblige à penser, à remettre en question des façons de faire, à sortir du "parler creux" pour redonner du sens. Mais en refoulant le négatif, on s'interdit de résoudre vraiment les problèmes.
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Shadow Boxeur a écrit:Bien commun et tyrans.

" Une société constituée de personnes qui aiment leur bien privé au-dessus du bien commun, ou qui identifient le bien commun au bien privé, c’est une société, non pas d’hommes libres, mais de tyrans – « et ainsi le peuple tout entier devient comme un tyran », qui se mèneront les uns les autres par la force, et où le chef éventuel n’est que le plus astucieux et le plus fort parmi les tyrans, les sujets eux-mêmes n’étant que des tyrans frustrés. Ce refus de la primauté du bien commun procède, au fond, de la méfiance et du mépris des personnes."
DE LA PRIMAUTÉ DU BIEN COMMUN CONTRE LES PERSONNALISTES.
Par Charles de Koninck
Éditions de l'Université Laval ; Montréal : Éditions Fides,
1943, 195 p. ; 21 cm.