En fait, je ne pense pas

Toutes les ellipses, tous les temps pendant lesquels je ne sais où ma pensée se place. Tous ces temps dont je ne sais placer la longitude, la latitude, la substance, le sujet, l'orientation. Ce rêve éveillé qui prend 90% de la place, 90% de tout.

Peut être que je ne pense pas, après tout. C'est surfait de penser qu'on pense juste parce que rêver n'est censé exister que la nuit.

je ne pense pas, je rêve. Eveillé. Et la réalité a toujours un gout d'insuffisance, de fade, d'ennui. Entendons nous, je ne suis pas un drogué au sens strict du terme. Mais rêver sur le réel m'est indispensable. En cela je ne sais pas communiquer dans les tranches communes, je tombe toujours à coté de la plaque, à côté de mes pompes, à coté du regard des gens parce que je vis dans un monde qui n'a rien de réel.

J'accompagne les gens, je les suis pour grappiller du sens, de l'action, pour me dire que s'ils sont en mouvement alors que je peine à le faire, c'est que quelque chose les anime. Mais quoi ? Je ne sais pas discuter, et je m'épuise à chercher dans leurs gestes ce qui manque à mon oeil pour voir le monde comme eux. Entretenir une conversation? donner mon avis? peine perdue. Le monde est une énigme.

Je ne sais pas appréhender ce fameux principe de réalité, qui nous relie aux choses du monde. Je passe la plupart de mon temps à regarder le temps comme au travers de toutes ses facettes. Tout est trié, agencé, extrapolé, mais pas de sens. Rien n'est retenu, rien mémorisé, rien n'a d'importance parce que rien ne prend d'existence.

Rien ou presque rien, où bien tout, quand quelque chose illumine. Mais si peu..Pourquoi si rare?

Et puis, est-ce moi? Cette chose?

Bienvenue au club !Je ne vois pas que dire de plus car je n'ai pas non plus de réponses aux questions !

Je iens de passer 3 heures à une fête de quartier. Musiciens, danse, bouffe, rires et tout et tout. Je ne suis pas fait pour ça, je le sens. Pourquoi? Comment ?

Laisse la balle poursuivre la trajectoire qu'elle a esquissé dans ton avatar, perce le liège, perfore le caillou, éclate le vernis qui le fait reluire... Hey, prends goût à la vie, pour ça, tu as besoin d'amis, je ne comprends pas non plus ce plaisir là qu'ont les autres à se réunir autour d'un creux, alors la curiosité, l'incapacité d'apprécier ce qui n'est pas ailleurs, nous rend triste. Je crois qu'on est fait pour rien du tout, partager est quelque chose qui dépasse ce statut, le tout c'est de comprendre que ce n'est pas la situation des faits qui est jouissive, mais ce qui amène les faits à la situation jouissive. En l'occurrence, ce qui te fait transcender le creux ou la situation qui n'apporte rien d'elle même car elle n'est pas un écho de ta propre poésie. La poésie, faut l'amener aux choses, et les choses te la rendront.

Je spécule, je spécule, mais je ne donne pas une leçon, j'essaye aussi en cette occasion de trouver un solution à ce merdier face auquel je suis si souvent confronté.

je suis un adepte de la poésie du silence, de l'infime, de l'effleurement, de l'inframince. lorsqu'il y a trop de mouvement, trop de bruit ou trop de gens, il y a des contacts brutaux, ma poésie de fane parce que l'éther ne circule plus, tout est comme compressé. Et je ne sais pas discuter, je ne sais que scruter.

C'est peut-être parce qu'elle est encore à parfaire ta poésie, trop de finesse n'est justement pas fin, lorsque la fragilité devient un handicap ignoble qui s'étale, qui bouffe comme une grille d'égout géante, c'est qu'elle n'est pas aussi sensible qu'il n'y paraît, seule la face interne ou externe est touchée, faut faire converger les deux, qu'il y ait un contact, que les choses traversent la peau. Surmonter sa carcasse autistique.

Je vivais mal cette situation jusqu'à récemment.
Et j'ai compris que j'étais comme ça, que le pourquoi, le comment importaient peu. Qu'au bout d'un moment, observer les cartes qu'on a en main en se demandant pourquoi on a une combinaison étrange n'est pas utile, et ne rend pas heureux.
Il faut maintenant jouer avec cette combinaison bizarre. L'agitation autour du rien n'est pas pour nous, bien. Mais nous qui sommes ailleurs, dans le rêve comme tu dis, pouvons trouver l'inspiration dans ces situations qui ne nous correspondent pas.
Des regards, des mots, des comportements.
Plutôt que de se demander "pourquoi je ne peux pas être comme ça", se demander "Comment sont ils ? Comment est ce monde ? Qu'est ce qui se passe devant moi ?" Avec bienveillance, où même avec une froideur expérimentale, un détachement qui n'est pas triste, comme on veut nous le faire croire, mais ataraxique, ce qui est totalement différent.

Se fatiguer à changer son jeu est inutile. Il faut plutôt se nourrir de cet étrangeté des autres (au sens premier).

Tu as écrit "je ne pense pas" et je lis "je ressent pas"

c'est vrai.

Et quand tu es seul, ou avec quelqu un de vraiment proche, tu ressens ?

oui. au centuple. tout seul c'est fluctuant, mais avec ma proche c'est merveilleux d'évidence

Alors pourquoi t en vouloir ? Ce n'est pas tant un manque de ressenti qu un entourage qui ne te convient pas. Ce ne serait pas plutôt l'image que tu penses renvoyer que ton envie d être en adéquation qui te gêne ?

je ne sais pas. Je n'aime pas m'ennuyer lorsque les gens sont heureux. ça me déprime, comme si j'etais hors des choses qui sont importantes. D'un coté je veux ressentir la liesse, l'ambiance, le sentiment d'être un groupe et de célébrer tout et n'importe quoi..de l'autre je n'y parviens pas, comme si j'étais hors. je n'arrive pas à discuter avec les gens.

Pourquoi tu ne serais pas gentil envers toi même en acceptant ne pas être fait pour ça ?
Tu raterais quelque chose si tu aimais les soirées en société. Mais tu ne rates rien puisque tu n aimes pas ça. Ceux qui n aiment pas l introspection ne se flagellent pas et ne pensent pas passer à côté de la vraie vie. C est pareil pour toi. C est juste une question de goût. Il ne faut pas y mettre de jugement de valeur. Tu n aimes pas, tu ne le fais pas.

Je suis passé par ces interrogations donc je te comprends. une fois qu on a compris ça on va beaucoup mieux.

Je suis d'accord avec MrCyberElephant, on ne se force pas, l'amour des choses ça coule. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu'il y a des choses qui sont incompatibles avec ton bonheur, tout peut y participer à condition que ce ne soit pas sacrificiel ou dans l'espoir d'apprécier ce que l'on ne goûte jamais. Comme disait John Cage, si un air t'ennuie deux minutes, écoute le quatre, si cela ne suffit pas, écoute huit, si tu t'ennuies encore, seize, trente-deux, et ainsi de suite jusqu'à ce que tu te rendes compte qu'en fait, tu ne t'ennuyais pas du tout et que cet air était au centre de tes curiosités les plus soutenues... En fait, tu peux retourner les choses par la mystification, mais c'est peut-être trop artistique pour être vécu, trop intemporel et conditionnel, alors dans le monde du pratique, si tu n'es pas masochiste, écoute juste tes impressions.

je me force à faire acte de sociabilité parce que je sais qu une partie de ce que je cherche y réside. J'accompagne les gens dans leurs pérégrinations pour rencontrer, pour sortir de mon ascétisme, et je ne sais pas y prendre part. En soi je ne m'y ennuie pas, parce que je fixe un point immobile et que des choses ont lieu (je marche, regarde autour et m'extasie toujours devant toutes les petites choses que j'aime capter) mais je me sens comme étouffé, incapable de vivre ailleurs que dans cette bulle perceptive. J'écoute parler les gens, fantomatiquement, j'essaie de répondre du mieux que je peux à leurs interventions à mon encontre mais le "rapport" est rare et difficile. J'ai beau regarder, écouter, essayer de lire ce qui a lieu je me sens toujours extérieur, et extérieur à ma propre présence. Je ne saisis pas leur joie et ça me fait mal parce que d'une certaine manière je la jalouse, ainsi que leur capacité à être ensemble.

bien sur, je connais certaines personnes avec qui les choses sont plus faciles, mais je veux tout, et tout le monde.

orange a écrit:je me force à faire acte de sociabilité parce que je sais qu une partie de ce que je cherche y réside. J'accompagne les gens dans leurs pérégrinations pour rencontrer, pour sortir de mon ascétisme, et je ne sais pas y prendre part.

Il y a erreur un ""autre"" parle de moi à la première personne.

Je crois bien que je vis dans cette bulle perceptive aussi, mais je n'en souffre pas. Je n'ai pas laissé mon coeur dehors mais me suis empressé de l'y rentrer (ou de le faire disparaître je ne sais plus).

Pour cet abord autistique des choses, je le partage orange, et je ne peux pas faire grand chose... Juste grandir peut-être, se libérer, prendre plaisir à extérioriser, je sais pas, fais du théâtre !

Moi aussi je suis comme ça mais n en souffre pas.
Être entouré me permet une stimulation differente mais toujours en decalage et solitaire.
Je l apprécie néanmoins.