Exercices de style

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Message par Pieyre Lun 12 Nov 2012, 19:56

Je vous invite à un jeu nouveau, celui pratiqué par Raymond Queneau dans son livre célèbre, Exercices de style.

Il s'agit de proposer un court texte, extrait ou non d'un ouvrage littéraire, et un style, dans lequel la personne qui répond devra réaliser un pastiche, cela en conservant le plus possible la structure de l'original. C'est-à-dire qu'elle devra y remplacer le plus qu'elle pourra de mots ou d'expressions au moyen de ceux qui correspondent à ce nouveau style.

On pourra trouver des exemples de styles appliqués au texte original de Queneau ici : Nouveaux exercices de style.

J'envisage deux possibilités :
— soit on écrit son pastiche dans le style proposé et on propose un nouveau style, pour le même texte;
— soit, après avoir écrit son pastiche, on propose un nouveau texte (ou l'on revient à l'un de ceux déjà proposés) et un nouveau style.

Pour commencer, je choisis l'un des textes les plus connus de la littérature, le début du livre Du côté de chez Swann de Marcel Proust, et un style... obligé.


Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n'avais pas le temps de me dire : « Je m'endors. » Et, une demi-heure après, la pensée qu'il était temps de chercher le sommeil m'éveillait ; je voulais poser le volume que je croyais avoir dans les mains et souffler ma lumière ; je n'avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour particulier ; il me semblait que j'étais moi-même ce dont parlait l'ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles-Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil ; elle ne choquait pas ma raison, mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n'était plus allumé. Puis elle commençait à me devenir inintelligible, comme après la métempsycose les pensées d'une existence antérieure ; le sujet du livre se détachait de moi, j'étais libre de m'y appliquer ou non ; aussitôt je recouvrais la vue et j'étais bien étonné de trouver autour de moi une obscurité, douce et reposante pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour mon esprit, à qui elle apparaissait comme une chose sans cause, incompréhensible, comme une chose vraiment obscure. Je me demandais quelle heure il pouvait être ; j'entendais le sifflement des trains qui, plus ou moins éloigné, comme le chant d'un oiseau dans une forêt, relevant les distances, me décrivait l'étendue de la campagne déserte où le voyageur se hâte vers la station prochaine ; et le petit chemin qu'il suit va être gravé dans son souvenir par l'excitation qui doit à des lieux nouveaux, à des actes inaccoutumés, à la causerie récente et aux adieux sous la lampe étrangère qui le suivent encore dans le silence de la nuit, à la douceur prochaine du retour.

Style : zèbre.


Dernière édition par Pieyre le Ven 16 Nov 2012, 19:23, édité 1 fois

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Message par Invité Mar 13 Nov 2012, 11:09

Je me lance, en espérant avoir compris le principe de ton post...!

Longtemps, j'ai eu la ferme volonté de me coucher de bonne heure (ah ah ah !). Mais souvent, à peine ma bougie éteinte, mon cerveau se mettait à galoper dans tous les sens alors que je pensais sans discontinuer : « Il faut que je dorme. » Et, une demi-heure après, j'étais toujours là, les yeux grands ouverts dans le noir, mes pensées, dont celle où je me répétais qu'il était temps de chercher le sommeil, me tenaient éveillée. Je rallumais alors la lumière et attrapais un des livres posés sur ma table de chevet. A mes précédentes pensées venaient alors se greffer des réflexions sur ce que j'étais en train de lire, mais ces réflexions prenaient un tour particulier : j'étais moi-même ce dont parlait l'ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles-Quint. Cela ne choquait pas ma raison, au contraire, je m'en émerveillais, quel bonheur de pouvoir être tout, et partout à la fois. Puis ces pensées s'estompaient, remplacées par d'autres, comme après la métempsycose (mince, un mot de la liste... vite, trouver autre chose... euh... le fait que l'âme, les pensées d'une personne, après sa mort, intègrent un nouveau corps pour commencer une nouvelle vie... euh ça va, ça ?) des pensées d'une existence antérieure ; le sujet du livre se détachait de moi (ou est-ce moi qui me détachais de lui ?), j'étais libre de m'y appliquer ou non (oui, mais... sommes-nous vraiment libre, au fond ?). Ayant trouvé un sujet non épineux, neutre et agréable sur lequel focaliser mes pensées, j'éteignais à nouveau la lumière. Aussitôt je me retrouvais plongé dans une obscurité, douce et reposante pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour mon esprit, à qui elle apparaissait comme une chose sans cause, incompréhensible (comment ça, incompréhensible? et sans cause? J'ai éteint la lumière, et il n'y a pas d'autre source lumineuse, donc il fait noir ! j'ai vraiment de ces pensées, moi, parfois... pffff), comme une chose vraiment obscure (d'où le terme d'obscurité !). Je me demandais quelle heure il pouvait être, j'interrogeais mon horloge interne, vérifiais ensuite sur le réveil : gagné, à quelques minutes près, comme toujours. Sensible au moindre bruit, j'entendais le sifflement des trains qui, plus ou moins éloigné, comme le chant d'un oiseau dans une forêt, relevant les distances, me décrivait l'étendue de la campagne déserte où le voyageur (ah ben, elle n'est plus déserte la campagne vu qu'il y a un train et un homme, déjà) se hâte vers la station prochaine (c'est comment déjà le nom de cette station ? je passe devant tous les samedis... mais c'est comment ??) ; et le petit chemin qu'il suit va être gravé dans son souvenir par l'excitation qu'il doit à des lieux nouveaux, à des actes inaccoutumés, à la causerie récente (bla bla bla) et aux adieux sous la lampe étrangère qui le suivent encore dans le silence de la nuit, à la douceur prochaine du retour (mais au fait, je pars où moi pour les prochaines vacances ?). Le jour commençait doucement à filtrer à travers les volets, le cerveau embrumé, enfin apaisé, l'esprit tourné vers cet homme, là-bas, je sentis le sommeil m'envahir. Mais, EST-CE QUE J'AI PENSE A......? Shocked Oh non............ me voilà à nouveau parfaitement réveillée.... Bon, ben... si j'allais préparer le petit déjeuner....?



Pour le suivant, même texte mais écrit en l'an 2149 Very Happy

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Message par Pieyre Mer 14 Nov 2012, 05:00

Merci Vlinder ! Bien sûr que tu as compris. C'est ce que j'attendais, sans tellement y croire d'ailleurs pour le démarrage. J'imaginais proposer un style plus facile (mais en fait ils le sont tous, puisque, dans le principe, il n'y aura pas de comparaison), et finalement le traiter moi-même pour donner l'exemple.

Cela me permet de faire quelques commentaires pour compléter le sujet. L'exercice a en effet un côté évolutif.

Déjà des remarques éventuelles seront les bienvenues sur les textes proposés ou les styles, sur les textes soumis, sur la nature de l'exercice plus généralement. On pourra les placer en italiques, comme je fais ici.

Par ailleurs, il pourrait y avoir un problème de temps investi, et une demande du genre : je suis en train d'écrire mon texte, laissez-moi le temps jusqu'à ce soir... — Non, ce n'est pas possible chez les zèbres, un peu de procrastination ? Ah bon, je croyais.

Le reste, ce sera pour plus tard. Je me mets au travail.



Tout le temps de ma vie sur Terre, je me suis couché avant la nuit du Soleil. Parfois, à peine le geste fait, le lit me faisait perdre conscience. Et, une demi-heure après, la pensée d'un réglage incorrect m'éveillait ; je signalais avec mes doigts la fin de l'ennosie ; je n'avais pas cessé en dormant de l'organiser, mais le processus avait pris un tour particulier ; il me semblait que j'avais vécu l'information : un point de rencontre, un événement musical, la rivalité du Conservateur et du Distributeur. J'y croyais pendant quelques secondes à mon réveil ; j'adhérais aux structures visuelles qui persistaient dans le noir. Puis je commençais à en juger mieux, comme après le passage de l'expérience de vie-autre ; je me détachais du sujet de l'ennosie, j'étais libre de m'y appliquer ou non ; aussitôt je voyais réellement et j'étais bien étonné de ne plus percevoir autour de moi que l'état de réalité atténuée, apaisante pour mes sens, mais peut-être plus encore pour mon esprit, à qui il apparaissait comme une chose sans cause, incompréhensible, comme une chose inexistante. Je me concentrais sur ma personnalisation sensorielle du temps ; je percevais le thème des transporteurs qui, ainsi que le chant d'un oiseau dans une forêt, représentant les distances, simulait l'étendue de l'espace inhabité où le voyageur glisse vers sa destination ; et le chemin optimal qu'il suit va être gravé dans son souvenir par l'excitation qui doit à des matérialisations nouvelles, à des actes inaccoutumés, à la causerie récente et aux adieux sous l'éclairage inédit qui le suivent encore dans le calme de la nuit, à la douceur du retour.

Nouveau style : contraire.


Dernière édition par Pieyre le Ven 16 Nov 2012, 19:24, édité 1 fois

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Message par Invité Jeu 15 Nov 2012, 22:02

Style : contraire.

Pendant une courte période, je me suis levé très tard. Parfois, à peine l’esprit éveillé, mes yeux s’ouvraient si vite que je n'avais pas le temps de me dire : « Je m’éveille. » Et, une demi-heure après, la pensée qu'il était temps de quitter mon lit commençait à tourner; je voulais prendre le volume que j’avais posé la veille et allumer ma lumière ; je n'avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour particulier ; il me semblait que j'étais moi-même tout le contraire de ce dont parlait l'ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles-Quint. Cette croyance survivait de longues heures après mon réveil ; elle choquait ma raison, et gardait mes yeux grands ouverts. Elle ne me quittait pas, restant claire et limpide, comme de l’eau de roche ; le sujet du livre restait attaché à moi, je n’avais pas le choix, je devais y penser; à aucun moment je ne pouvais en détourner mon esprit, et je n’étais nullement étonné de trouver autour de moi une clarté, éblouissante et agressive pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour mon esprit, à qui elle apparaissait comme une chose importante, compréhensible, comme une chose vraiment lumineuse. Je me demandais quelle heure il pouvait être ; je n'entendais rien, ni le sifflement des avions qui, plus ou moins éloigné, comme le cri d'un tigre dans une jungle, relevant les distances, aurait pu me décrire l'étendue de la campagne déserte où le voyageur s’avance tranquillement vers l’aéroport ; et le grand chemin qu'il suit ne restera pas gravé dans son souvenir, terni par l’habitude qui accompagne les lieux quotidiens, les actes répétitifs, les causeries barbantes, et les « au revoir » prononcés sans conviction sous la lampe habituelle, ne lui donnant nullement l’envie d’un retour prochain.

Nouveau texte :
Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.
L’asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d’Alger. Je prendrai l’autobus à deux heures et j’arriverai dans l’après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J’ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n’avait pas l’air content. Je lui ai même dit : « Ce n’est pas de ma faute. » Il n’a pas répondu. J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser. C’était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte. Après l’enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle.
J’ai pris l’autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J’ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d’habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste m’a dit : « On n’a qu’une mère. » Quand je suis parti, ils m’ont accompagné à la porte. J’étais un peu étourdi parce qu’il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, il y a quelques mois.

Contrainte : annonce d'une naissance au lieu d'un décès.

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Message par Claire² Ven 16 Nov 2012, 00:08

Je me lance !

Aujourd'hui, mon fils est né. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'hôpital: "Bébé garçon né. Baptême demain. Sentiments distingués;" Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier.
La maternité est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai l’autobus à deux heures et j’arriverai dans l’après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J’ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n’avait pas l’air content. Je lui ai même dit : « Ce n’est pas de ma faute. » Il n’a pas répondu. J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser. Il aurait même été correct qu'il me félicite. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me verra fier d'être père. Pour le moment, c’est un peu comme si mon fils n'était pas encore né. Après le baptême, au contraire, ce sera plus réel et tout aura revêtu une allure plus officielle.
J’ai pris l’autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J’ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d’habitude. Ils étaient tous très heureux pour moi et Céleste m’a dit : « C'est important la première fois qu'on devient père. » Quand je suis parti, ils m’ont accompagné à la porte. J’étais un peu étourdi parce qu’il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate élégante et un brassard. Il est devenu oncle, il y a quelques mois.

Oups merci Pieyre.
Nouveau style : interjections
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Message par Pieyre Dim 18 Nov 2012, 04:01

Voici ! C'est arrivé ! Maman est morte ! Aujourd’hui, dit-on... Maman ! Mais quoi ! Si c'était hier... Va savoir ! Bing ! un télégramme ! C'est de l’asile : « Mère décédée. » Direct ! « Enterrement demain. » Vlan ! « Sentiments distingués. » Quand même, bon ! Mais enfin ! Aujourd'hui... ou hier, qui sait !
Allons ! L’asile de vieillards... Marengo : Ah oui ! Depuis Alger... quatre-vingts kilomètres, c'est ça ! Je prendrai l’autobus. Il est à deux heures, c'est bon ! Et j’arriverai dans l’après-midi. Aussi sec ! Ainsi, je pourrai veiller... Courage ! Et demain soir, je rentrerai... terminé ! Deux jours de congé que j’ai demandé... à mon patron, oui, oui ! Holà ! me les refuser avec une excuse pareille ? Non, mais ! Il n’avait pas l’air content, ça ! Je lui ai même dit : « Ce n’est pas de ma faute. » Non, vraiment... Il n’a pas répondu. Pfff... J’ai pensé alors... Hum... je n’aurais pas dû... pas lui dire cela, non ! En somme, quoi ! je n’avais pas à m’excuser. On aura tout vu ! C’était plutôt à lui de dire... Des condoléances, Ça se présente ! Mais il le fera, pas de panique ! après-demain, sans doute ! il me verra en deuil, et alors... Pour le moment, on respire ! Maman n'est pas morte, pas encore ! C'est juste comme si ! Au contraire, après l’enterrement, là... classé ! avec une allure plus officielle, et tout, et tout !
J’ai pris l’autobus à deux heures, hop ! deux heures tapantes ! Il faisait d'un chaud... J’ai mangé, hein ! quand même ! là, au restaurant, chez Céleste, comme d’hab, quoi ! Ils avaient tous de la peine pour moi, et patati et patata ! beaucoup de peine, oui, oui ! et Céleste, elle m’a dit : « On n’a qu’une mère. » Bah ! oui, je sais ! Quand je suis parti, ouf ! ils m’ont accompagné, et jusqu'à la porte ! J’étais un peu étourdi, il y avait de quoi ! parce qu’il a fallu que je monte, deux étages ! chez Emmanuel. Il avait une cravate noire et un brassard. Bon ! je lui ai empruntés. Il a perdu son oncle, c'est bien triste aussi ! il y a quelques mois. C'était tout chaud ! Enfin, non ! je veux dire... Je me comprends ! Voilà !

Nouveau style : ampoulé.

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Message par Fofie Ven 14 Déc 2012, 14:22

Mes chers amis, voyez-vous, aujourd’hui, j'ai la douleur et malgré tout le devoir de vous annoncer que ma mère, cette femme qui eut la noblesse de me porter en son sein, puis de m'éduquer, cette femme merveilleuse et extrêmement douée pour beaucoup de choses, s'est éteinte. Peut-être est-ce arrivé hier, j'ignore l'exactitude du moment du passage de vie à trépas de ma défeunte génitrice : quelle importance cela peut-il avoir après tout, comparé aux grandes choses qu'elle a exécutées. J’ai réceptionné un important télégramme de la part de l'hôpital psychiatrique : « Monsieur, sachez que c'est arrivé : votre mère, votre douce maman n'est plus. Nous vous informons que la cérémonie, la mise en bière et l'inhumation auront lieu demain. Nous vous présentons nos très sincères condoléances dans cette douloureuse épreuve, ainsi que nos salutations distinguées dignes de votre rang. » Cela ne signifie rien. Cela a très bien pu se produire hier.
La maison pour personnes âgées dépendantes et vulnérables se trouve à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d’Alger. J'utiliserai ma Ferrari. Je quitterai mes appartements à quatorze heures et arriverai dans l’après-midi. Ainsi, je pourrai veiller, échanger quelques propos intellectuels et rentrer demain soir. J’ai quémandé deux légitimes jours de congé à mon employeur et ce dernier ne pouvait pas me les refuser, compte tenu des dramatiques circonstances que je traversais. Mais il n'approuvait pas mon besoin. J'ai pourtant pris soin de lui formuler explicitement que je n'étais en rien responsable de ce terrible incident. L'homme est resté coit. J’ai songé alors que je n’avais point à m'abaisser de cette façon. C’était lui qui avait charge de me présenter ses condoléances. Mais il ne manquera certainement pas à son devoir après-demain, quand il constatera ma personne endeuillée. Pour le moment, la situation offre l'illusion que Mère n’était point décédée. Après l’enterrement, à l'inverse, cet événement sera oublié et les choses auront repris leurs allures légères et supercicielles.
J’ai démarré ma Ferrari à deux heures. La température extérieure était très élevée. Je me suis sustenté dans l'établissement de Madame Céleste, conformément à mon habitude. Les personnes présentes pour me montrer leur soutien et me témoigner leur réconfort (chose normale) éprouvaient toutes beaucoup de peine pour moi et Madame Céleste a bien compris la douleur de perdre l'unique mère que chacun de nous a. Lorsque je pris congé, ils m’accompagnèrent à la porte. Je fus quelque peu étourdi car qu’il fallut que je monte chez Monsieur Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard, qu'il avait déjà du fait d'avoir perdu son oncle, quelques mois auparavant.

Nouveau style : sms
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Message par Invité Ven 14 Déc 2012, 14:47

wesh tc koi g vu 1 corbo ds 1 arb il av 1 bigmac ds le bc tc y a 1 chi1 1 rnar 1 truc genr il c ramener il lui a grav doner du resp lotr il ouvr sa gueul trop kon il lach son big mac le rnar il c kc avec le big mac lllloollll

Jean de La Fontaine dislikes this.

Edit : zutre, j'avais pas vu le sujet imposé. Pas grave, je vous laisse ce petit truc. Embarassed

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Message par Fofie Ven 14 Déc 2012, 15:12

wesh tc koi g vu 1 corbo ds 1 arb il av 1 bigmac ds le bc tc y a 1 chi1 1 rnar 1 truc genr il c ramener il lui a grav doner du resp lotr il ouvr sa gueul trop kon il lach son big mac le rnar il c kc avec le big mac lllloollll
Laughing excellent !!! C'est pas grave, c'est moins long donc plus adequat pour un sms du coup.
Jean de La Fontaine dislikes this. Pété de rire

Sinon tu demandes quoi à faire au prochain ?
Ouaah !
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Message par Pieyre Ven 14 Déc 2012, 23:15

Le problème des jeux, comme de toutes les formes imposées sur les forums, y compris des sondages, c'est qu'on y voit surtout le côté liste de discussion, où c'est le thème qui importe. Encore le sondage est-il rappelé au début de chaque page.
Personnellement je ne suis pas contre le fait de s'écarter un peu de la forme (et même d'en discuter, du moment qu'on y revienne rapidement).
Aussi je me demande, pour aller dans le sens de Fusain, s'il ne faut pas modifier un peu la contrainte : un style qui nous est imposé mais un texte qu'on peut choisir pour sa propre intervention déjà, sans attendre la suivante.
Pour le moment je ne modifie pas le message de tête en ce sens. N'hésitez pas à donner votre avis.

Sinon, je fais la soudure.


Texte : Le corbeau et le renard.

Nouveau style : coloré.

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Message par Fofie Lun 17 Déc 2012, 14:32

Je ne suis pas sûre d'avoir bien répondu au style "ampoulé"... ça veut dire quoi, un style "coloré" ?
Sinon je ne sais pas quoi penser du libre choix du texte.
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Message par Pieyre Lun 17 Déc 2012, 15:57

Pour le style ampoulé, ça me convient assez. Bon, ce genre de style, c'est relatif. On pouvait aussi en faire plus, en faire des tonnes... Pour moi il est surtout question de conserver le même degré de transformation tout au long.

Alors, pour le style coloré, j'ai choisi un terme qui peut être interprété diversement : soit vraiment des termes de couleurs, par exemple un peu recherchés, en variant l'expression pour éviter la monotonie; soit de façon plus métaphorique (il y a plusieurs sens).

Mais, si un style ne trouve pas preneur pendant un certain temps, qu'on demande à celui qui l'a proposé de le changer ! Tu en veux, tu n'en veux pas ? Tu peux aussi me mettre au défi avec un style de ton choix puisque c'est moi qui ai lancé le jeu.

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Message par Fofie Mar 18 Déc 2012, 15:03

Maître corbeau, noir comme du charbon,
Tenait en son bec jaune un fromage rond.
Maître renard à la queue touffue orange
Vit rouge et lui dit d'une voix blanche :
Hé, bonjour Monsieur l'ombre !
Que vous êtes noir, que vous me semblez sombre !
Sans mentir : si votre couleur se rapporte à vos idées noires,
Vous êtes le plus représentatif des dépressifs notoirs."
A ces mots, le renard perd son civisme
Et pour montrer son cynisme
Serre le bec, ainsi décroche involontairement
Son camembert dégoulinant.
Le renard s'en saisit et dit : "Mon bon Monsieur,
Apprenez que toute personne à basse estime de soi
Vit au dépend de celui qui le croit.
Cette leçon vaut bien ce fromage pour moi."
Le corbeau, vert de rage, fonça
Sur le renard qui, riant jaune, le tua.

La même fable mais en termes techniques. What a Face
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Message par Pieyre Jeu 03 Jan 2013, 16:47

J'ai vu apparaître un début de réponse, hier ou avant-hier, qui me semblait très bien parti. J'attends jusqu'à dimanche soir que la personne (dont je n'ai pas retenu le pseudo) se décide à terminer; sinon je rédigerai ma propre version. (Tu peux me contacter en privé pour que je retire au préalable le présent message.)

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Message par Invité Ven 04 Jan 2013, 14:06

Basketball


Dernière édition par jouravliov le Ven 04 Jan 2013, 14:28, édité 1 fois

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Message par Pieyre Ven 04 Jan 2013, 14:15

Bon, alors c'est encore moi qui m'y colle ? C'est comme tu veux, mais j'attends tout de même dimanche puisque j'ai prévu comme ça. Si tu te ravises, n'hésite pas. J'avais envisagé des termes semblables aux tiens, mais il y avait de bonnes idées auxquelles je n'aurais pas pensé.
Et puis, on n'est pas obligé de proposer un autre texte; un style suffit.

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Message par Invité Ven 04 Jan 2013, 14:28

Un vertébré, de l’embranchement des chordata, du genre corvus et de l’espèce freux, perché sur un arbre de la famille des platanaceae, tenait entre ses phanères maxillaire et mandibulaire un fromage de vache au lait cru, à pâte molle, à croûte lavée, traditionnellement produit en région Bourguignonne.
Un canidé du genre Vulpès, alléché par olfaction directe, glapit approximativement (et après traduction) : « Oh, monsieur le vertébré de l’embranchement des chordata, du genre corvus et de l’espèce freux, sachez combien mon cortex occipital est sensible à la symétrie de vos traits. Si vos croassements entrainent, après traduction du signal par mes cortex temporaux, une effervescence électro-chimique à l’avenant, vous êtes cet oiseau légendaire qui renaît des résidus basiques de sa propre combustion
Spoiler:
A ces mots, le vertébré de l’embranchement des chordata, du genre corvus et de l’espèce freux, ne se sent plus de…
Spoiler:

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Message par Fofie Ven 04 Jan 2013, 22:57

Spoiler:
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Message par Pieyre Dim 06 Jan 2013, 22:47

Je termine donc, ou plutôt je reprends certains termes de ta version en prose en les incluant dans celle en vers que j'avais commencée. C'est un peu plus ramassé et un peu moins technique du coup, puisque je dois me plier à la contrainte. Grand merci en tout cas d'avoir joué le jeu.

Maître Corvus corone, sur un corylus avellana, en position de stabilité,
Tenait en son phanère corné un caillé fermenté.
Maître Vulpes vulpes, la concupiscence attisée par l'émanation aromatique,
Lui adressa approximativement cette expression sémantique :
« Hé ! salutation, agent social Corvus corone.
Que vous êtes jugé supérieur, à mon esthétique aune !
Sans délivrer une information fausse, si votre émission musicale ovipare
Est corrélé au soyeux des téguments dont votre espèce se pare
Vous êtes le sous-système maximal de ce système végétal ligneux. »
Ces unités syntaxiques énoncées, le corvus manifeste un extremum joyeux;
Et pour soumettre à estimation les qualités spécifiques de son organe oral,
Il ouvre d'un angle supérieur son phanère, laisse graviter son capital.
Le vulpus en assure réception, et énonce : « Concitoyen de positive estimation,
Archivez que tout système intentionnel qui dénote une surestimation
Déploie son conatus, le jugement apprécié, selon le principe des vases communicants :
La valeur de cet enseignement est probablement supérieure à celle d'un caillé fermentant. »
Le corvus, sujet à l'augmentation d'une entropie émotive et intellectuelle auto-dépréciatives
S'engagea, n'ayant anticipé le dommage, à intérioriser des mesures préventives.


Nouveau texte : La petite fille aux allumettes, conte d'Andersen

Il faisait atrocement froid. Il neigeait, l'obscurité du soir venait. Il faut dire que c'était le dernier soir de l'année, la veille du Jour de l'An. Par ce froid, dans cette obscurité, une pauvre petite fille marchait dans la rue, tête nue, pieds nus. C'est-à-dire : elle avait bien mis des pantoufles en partant de chez elle, mais à quoi bon ! C'étaient des pantoufles très grandes, sa mère les portait dernièrement, tellement elles étaient grandes, et la petite les perdit quand elle se dépêcha de traverser la rue au moment où deux voitures passaient affreusement vite. Il n'y eut pas moyen de retrouver l'une des pantoufles, et l'autre, un gamin l'emporta : il disait qu'il pourrait en faire un berceau quand il aurait des enfants.

Nouveau style : augmentation – il s'agit de reprendre tel quel le texte en insérant des mots, des expressions ou des propositions entières de façon à donner à l'extrait un tout autre sens.

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Message par SoleilSombre Dim 06 Jan 2013, 22:52

Combien de temps accordes-tu pour qu'on propose la nouvelle version ?
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Message par Pieyre Dim 06 Jan 2013, 22:56

C'est simple : si tu fais une réservation, tu indiques toi-même de combien de temps, – disons un jour ou deux, enfin une durée raisonnable. Ensuite de quoi, quelqu'un d'autre peut s'y mettre... sauf si tu demandes une rallonge.

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Message par SoleilSombre Dim 06 Jan 2013, 23:00

C'est trop court... Désolée. Je vais me contenter de vous lire Smile
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Message par Fofie Lun 07 Jan 2013, 01:08

Je vais essayer. What a Face

Il faisait beau et chaud, et j'avais atrocement faim, aussi je me préparais un repas froid. Il neigeait il n'y a pas si longtemps. Il était tard, l'obscurité du soir venait. Il faut dire que c'était le dernier soir que j'avais travaillé de toute l'année, ce qui me rappelait la veille du Jour de l'An. Par ce dîner froid, dans cette obscurité où était plongée ma cuisine, du fait d'une panne de courant, je regardais par la fenêtre, et je vis près d'une pauvre deux chevaux une petite fille qui marchait joyeusement dans la rue, tête nue, pieds nus. C'est-à-dire : elle avait bien mis des pantoufles en partant de chez elle, mais à quoi bon : elles la gênaient ! C'étaient des pantoufles très jolies, et elle portait des tartes très grandes dans ses bras , sa mère en faisait d'autres et les portait à la kermesse dernièrement, le problème c'est que les tartes, tellement elles étaient grandes, glissaient, et la petite les perdit quand elle se dépêcha de traverser la rue au moment où deux voitures passaient affreusement vite. Il n'y eut pas moyen de retrouver l'aspect d'origine de l'une des pantoufles, enfoncée dans une des tartes ; et l'autre, un gamin l'emporta : il disait qu'il était amoureux de la petite fille, qu'il pourrait l'épouser plus tard et qu'il achèterait des planches pour en faire un berceau quand il aurait des enfants.

Ca a l'air facile au premier abord, mais c'est dur en fait !
Je propose le même texte (l'original, de Pieyre) mais raconté par quelqu'un qui ne sait pas lire ni écrire, comment dire... d'une façon maladroite, quoi, comme si c'était une concierge qui racontait un scoop à la voisine.
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Message par Pieyre Mer 09 Jan 2013, 14:26

Une petite indication, avant de relancer
Les puristes l'auront sans doute remarqué, le procédé d'augmentation que j'ai proposé ici, brillamment terminé ce jour par Fofie, n'est pas exactement un procédé de remplacement à la façon des exercices de style de Raymond Queneau. Il s'agit plutôt de ce qu'on a appelé dans l'Oulipo une amplification, comme dans cet exercice où l'on fait subir plusieurs fois cette transformation, joueur après joueur, en modifiant à chaque fois le sens.
Le jeu est ouvert pour le suivant !

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Message par Invité Mer 09 Jan 2013, 21:54

Puis-je proposer ceci ?

Ma qui fesai froid, mon djeu qui fesai froid. C’est bien simple pour tout dire je crois même qu’il néjait. Ben oui c’est ça y avait des neijes pisque mon René était tout blanc en rentrant. Enfin blanc c’est pour dire pasqu’il était plutôt gris rapport à sa marraine chez qui se qu’il était passé pour les étrennes alors on se dit bon année et un coup entraine l’autre. Enfin brèfle voila-t-il pas qu’on voit une gamine nue qui passe dans la rue. Nue c’est pour dire, hein, pas nue comme sur la chaine dans la télé qu’on voit pas bien, mais elle n’avait pas grand-chose s’ul dos la povrette. Et aux pieds de ces savates, on aurait dit la mère François, voyez, celle qui a marié sa fille au chaudronnier, même qu’il parait que ça se passe pas comment qui faut, rapport à la bellemère. Mais moi ce que j’en dit. Brèfle pour revenir à la gamine, la v’la qu’elle s’engage sur la rue. Vous voyez la petite rue de la boulangerie, on passe un petit pont pis sur la droite y a une grande maison rouge, hein, vous voyez, ben, pas cette rue la mais celle juste en face. Donc la v’la qui s’avance quand tout à cout comme qui dirait que deux voitures déboulent de l’ote bout, une rouge mais pas rouge rouge non plutôt un rouge comme les tentures de chez Michaux le poissonnier dont la femme est encore enceinte. Faudra quand même voir un jour qui s’arrêtent ces deux-la, rapport aux allocations que c’est nous qu’on paie. Brèfle, la gamine court, ben vous me croierez ou vous me croierez pas mais v’la qu’elle perd ses savates. C’est bien simple, c’est comme pour dire qu’y en a une qui s’est envolée, pas moyen de remettre la main dessus que l’autre, c’est le morveux du garde-chasse qui la volée qui ferait bien de surveiller sa descedance mais c’est pas pour dire qu’un chien fait pas des chats.

Et éventuellement signaler qu'il pourrait être intéressant pour ce même événement de disposer de la version "rapport de police".

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Message par Fofie Jeu 10 Jan 2013, 09:28

Oh oui bonne idée !

Je me suis régalée, encore plus qu'en mangeant une boite de chocolats de Belgique. C'est vraiment un vrai bavardage de comère, tout y est, je rigolais mais j'étais émerveillée aussi.
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Message par Fofie Dim 27 Jan 2013, 17:01

Façon dépôt de plainte, ça marche aussi ? J'en ai justement une pour ma voiture qui a été forcée, comme modèle !

Gendarmerie nationale
Enquête préliminaire
Procès-verbal de vol sur mineure sur la voie publique
Délit pénal
Affaire petite fille aux allumettes

Le dimanche 27 janvier 2013 à 16h40.
Nous soussignés, Gendarme Ludovic CRUCHOT, Agent de Police Judiciaire en résidence à Saint-Tropez, sous le contrôle de l’Agent BANLAIRE.
Vu les articles 20, 21-1 et 75 à 78 du Code de Procédure Pénale, nous trouvant au bureau de notre unité à Saint-Tropez, rapportons les opérations suivantes :
Identité de la personne victime :
Prénom : Petitefille
Nom : O’zalumett
Née le 25/12/2002 à Dublin (Irlande)
Point de vue : est pour de la chaleur pour tous
Constatations :
La victime rapporte qu’il faisait atrocement froid, qu’il neigeait, que l'obscurité du soir venait. La victime déclare les faits en date du 31/12/2012 et qu’elle marchait dans la rue, tête nue, pieds nus. Elle précise qu’elle est pauvre. La victime déclare en outre les éléments suivants : elle avait mis des pantoufles en partant de chez elle, des pantoufles très grandes, sa mère les portait dernièrement, tellement elles étaient grandes, mais la victime les a perdues en traversant la rue au moment où deux voitures passaient à grande vitesse. La victime affirme ne jamais avoir retrouvé l'une des pantoufles, et l'autre a été volée sous ses yeux par un garçon à peu près de son âge qui a déclaré qu'il pourrait en faire un berceau quand il aurait des enfants.
Mesures prises : enquête en cours.
Dégâts et préjudice : dégâts psychologiques. Préjudice non estimé.

Maintenant je propose le même texte (on le retrouve en page 1 en bas) raconté comme un fait divers extraordinaire au JT de 20h ! What a Face
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Message par Invité Dim 17 Fév 2013, 09:25

J'adore tout ce que vous faites, vous êtes énormes Very Happy Merci Pieyre pour ce joli jeu, allez, continuez !

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Message par Fofie Dim 17 Fév 2013, 19:40

Colours a écrit:vous êtes énormes Very Happy
On est gros ? Suspect
Laughing
Merci pour le soutien ! Rougit (je me mets dedans, hein)
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Message par Invité Ven 25 Oct 2013, 22:20

Quel dommage que ce sujet ait sombré parmi les vieilles discussions !
Le style suggéré ne m'inspire pas trop, en fait (pas si facile, mine de rien Very Happy) mais je vais tenter de sortir de ma zone de confort pour ... eh bien tenter de sortir de mes habitudes, d'abord (ça ne fait jamais de mal !) et pour prendre le sujet par les bretelles et le remonter un peu. La beauté du geste, tout ça. Je ne doute pas que d'autres auraient mieux fait sur un tel thème mais, qui sait, peut-être que quelqu'un pourra tenter quelque chose là-dessus une fois le jeu relancé ! Wink


Copenhague, 31 décembre. Vous le savez, le pays est totalement paralysé par une vague de froid depuis quelques jours - la neige a complètement bloqué la ville et ce sont des centaines de danois qui ne peuvent plus retourner dans leur famille pour fêter le nouvel an. Un véritable drame à échelle nationale. Pourtant, malgré les impressionnantes chutes de neige qui ne s'arrêtent pas, les habitants essaient comme ils peuvent de faire face, au quotidien.

[*Témoignages impeccablement choisis ; banalités en règle*]

C'est alors qu'ils filmaient ces témoignages que nos envoyés spéciaux ont assisté à une scène tout à fait bouleversante : une petite fille traverse la rue ***, transie de froid. A ce moment, une voiture arrive en trompe... Mais je vous laisse voir les images.

[*Petit film caméra à l'épaule ; phrases convenues des témoins de la scène*]

Un grand moment d'émotion, en cette nuit de décembre. Heureusement, la petite fille n'a rien. A présent elle est retournée dans son foyer pour fêter le nouvel an en famille et se remettre de ses émotions !
L'information, de nos jours... Rolling Eyes 

Du coup, je propose un nouveau texte. Encore un grand classique :

« On s’ennuie de tout, mon Ange, c’est une loi de la Nature ; ce n’est pas ma faute.
Si donc je m’ennuie aujourd’hui d’une aventure qui m’a occupé entièrement depuis quatre mortels mois, ce n’est pas ma faute.
Si, par exemple, j’ai eu juste autant d’amour que toi de vertu, & c’est sûrement beaucoup dire, il n’est pas étonnant que l’un ait fini en même temps que l’autre. Ce n’est pas ma faute.
Il suit de là, que depuis quelque temps je t’ai trompée : mais aussi, ton impitoyable tendresse m’y forçait en quelque sorte ! Ce n’est pas ma faute.
Aujourd’hui, une femme que j’aime éperdument exige que je te sacrifie. Ce n’est pas ma faute.
Je sens bien que te voilà une belle occasion de crier au parjure : mais si la nature n’a accordé aux hommes que la constance, tandis qu’elle donnait aux femmes l’obstination, ce n’est pas ma faute.
Crois-moi, choisis un autre amant, comme j’ai fait une autre maîtresse. Ce conseil est bon, très bon ; si tu le trouves mauvais, ce n’est pas ma faute.
Adieu, mon ange, je t’ai prise avec plaisir, je te quitte sans regret : je te reviendrai peut-être. Ainsi va le monde. Ce n’est pas ma faute. »

Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, Lettre CXLI
Style : Gentillet. What a Face

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Message par Arkange Lun 28 Oct 2013, 20:46

Un style « gentillet », outch que ce n'est pas facile. Il ne me semble pas avoir réussi à parfaitement coller au sujet, mais ne me trouvant pas totalement hors de lui, et en dépit de mon insatisfaction, je vous livre  ce que j'ai réussi à produire.  

On a toujours besoin de nouveauté mon cœur, les humains sont faits comme ça, ce n'est pas ta faute.
C'est pour ça que si j'ai besoin de nouveauté, alors qu'on a passé ces quatre formidables mois  ensembles, ce n'est pas ta faute.
Si par exemple, nous avons expérimenté tout ce que tu ne connaissais pas encore, c'est normal que cela ne fasse plus effet de nouveauté, ce n'est pas ta faute.
Il suit de là que depuis peu, si je n'ai pas réussi à te rester fidèle, alors que tu m'entourais pourtant de toute ta tendresse, ce n'est pas ta faute.
Aujourd'hui, il y a une autre femme qui a besoin de moi, il faut donc que je m'éloigne, ce n'est pas ta faute.
Je sens bien que te voilà une occasion de te sentir libérée d'un poids, car si les femmes sont d'un naturel gracile et que je fais généralement preuve d'une lourdeur masculine, ce n'est pas ta faute.
Je te fais confiance pour trouver un homme fait pour toi, et si tu n'en trouves pas immédiatement un à ta hauteur, ce n'est pas ta faute.
Au revoir mon cœur, tu m'as énormément apporté, je ne t'oublierai jamais. Je suis fait comme ça, ce n'est pas ta faute.


Je propose d'appliquer à cet extrait des Liaisons dangereuses le style « PN ».
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Message par Invité Lun 28 Oct 2013, 20:58

Au contraire, Arkange, c'était vraiment difficile de prendre le texte à contrepieds tout en conservant sa force, et je trouve que tu t'en sors bien ! Merci d'avoir tenté et posté, malgré ton insatisfaction. Very Happy 

(j'en profite pour te demander ce que tu entends pas style "PN"... ? - Si ça se trouve c'est évident, mais là, je ne vois pas...)

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Message par Arkange Lun 28 Oct 2013, 23:06

Alphonsine a écrit:(j'en profite pour te demander ce que tu entends par style "PN"... ?

"PN" correspond à "Pervers narcissique".
Le "PN", c'est en quelque sorte le "Grand Méchant Loup" des zébra-crossiens.
C'est aussi un point Godwin spécifique du forum ( https://www.zebrascrossing.net/t6562p760-qu-est-ce-que-je-fiche-la#387474 )
En résumé, le "style PN" serait un style manipulateur, culpabilisant et destructeur.  
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Message par Auteurrejeté Dim 10 Nov 2013, 23:02

Hem, si je ne m'abuse, plus PN que l'extrait original tu meurs...
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Message par Arkange Lun 11 Nov 2013, 17:13

Il me semble en effet que tu t'abuse. L'anaphore de l'extrait original vise en premier lieu la déculpabilisation de son auteur : « ce n'est pas ma faute ». On peut donc en effet y percevoir une forme de culpabilisation perverse du destinataire (si ce n'est pas ma faute alors ça peut laisser entendre que ce serait la tienne....), mais celle-ci ne serait que secondaire . On pourrait céder à l'erreur de mettre l'accent sur cette fonction secondaire, et donc qualifier l'auteur de pervers, cependant ce serait ignorer la particularité spécifique des fameux PN, à savoir l'absence de sentiment de culpabilité. C'est l'absence même à éprouver un sentiment propre de culpabilité qui le pousse a en provoquer la présence chez l'autre... seule manière pour lui de pouvoir en jouir.
Il me semble donc que pour faire plus PN que l'extrait original, il suffit de poursuivre la déclinaison de l'anaphore. Pour répondre à la contrainte proposé par Alphonsine, à savoir de proposer un style « gentillet », j'ai décliné le « ce n'est pas ma faute » en un « ce n'est pas ta faute » fabriquant ainsi une version ne visant non plus la déculpabilisation de l'auteur, mais celle du destinataire. Pour la déclinaison en style PN, ça donnerait : « c'est ta faute », donc une culpabilisation directe du destinataire.
Je me disais que pour une fois, au travers d'un exercice de style, on pouvait s'amuser à jouer le méchant, que ça pouvait être rigolo et distrayant de faire semblant.

Etn poursuivant la logique très pratique de déclinaison de l'anaphore on peut fabriquer plein de versions : « c'est ma faute », « ce n'est la faute de personne », « c'est la faute de x ou y », « c'est grâce à toi », « c'est grâce à moi », « c'est grâce à nous », « c'est le destin », « c'est la volonté divine », etc.

Bref, je pensais que ça pouvait être rigolo mais à voir le temps passé sans réponse, il semblerait que nous ne soyons pas nombreux dans mon cas...

Du coup, je propose un nouveau texte et deux styles possibles pour en effectuer la conversion :

Dans « Hell », Lolita Pille a écrit:
Je suis une pétasse. De celles que vous ne pouvez supporter ; de la pire espèce, une pétasse du XVIème, mieux habillée que la maitresse de votre patron. Si vous êtes serveur dans un endroit « branché » ou vendeur dans une boutique de luxe, vous me souhaitez sans doute la mort, à moi, et à mes pareilles. Mais on ne tue pas la poule aux œufs d'or. Aussi mon engeance insolente perdure et prolifère-t-elle...
Je suis le symbole éclatant de la persistance du schéma marxiste, l’incarnation des Privilèges, l'effluve capiteux du Capitalisme.
En digne héritière de génération de femmes du monde, je passe plus de temps à me laquer les ongles, à me dorer la pilule au Comptoir du soleil, à rester le cul sur un fauteuil et la tête dans les mains d'Alexandre Zouari, à lécher les vitrines de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, que vous à travailler pour subvenir à vos petits besoins.
Je suis un pur produit de la Think Pink generation, mon crédo : sois belle et consomme.
Embrigadée dans le tourbillon polycéphale des tentations ostentatoires, je suis la muse du dieu Paraître sur l'autel de qui j’immole gaiment chaque mois l'équivalent de votre salaire.
Un jour, je ferai sauter mon dressing.
Je suis française et parisienne et je n'en ai que faire, je n'appartiens qu'à une seule communauté, la très cosmopolite et très controversée Gucci Prada tribe ; le monogramme est mon emblème.
Je suis un peu caricaturale. Avouez que vous me prenez pour une sacré conne en total look Gucci, sourire bleeching et cils papillonnants.
Vous avez tort de me sous-estimer, ce sont des armes redoutables, c'est grâce à elles que je dénicherai plus tard un mari au moins aussi riche que papa, condition sine qua non de la poursuite de mon existence si délicieusement et exclusivement futile.
Car travailler n'entre pas dans la liste de mes nombreux talents. Je me ferai entretenir et voilà. Comme mère et grand-mère avant moi. Cela-dit, depuis quelques décennies, la concurrence est rude sur le marché matrimonial de grand luxe. Les bons partis sont sollicités de toute part par une armada de mannequins, de secrétaires, et autres soubrettes ambitieuses dont les dents blanches rayent le parquet et qui ne reculent devant rien pour se tailler la part du lion. La part du lion = un appartement de réception rive droite + une classe A + une armoire griffée de mauvais goût + deux têtes blondes + narguer les anciennes collègues moins bien tombées.
Et oui, Paris ouest, nous sommes tous beaux, nous sommes tous riches.
Je propose donc deux styles possibles : « humble » ou « de l'autre côté du périph ».
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Message par Trelaire Sam 30 Nov 2013, 19:50

Versoin "autre coté du périph"

Chu trop une cagole. Genre la cagole tu la calcules même pas ; en mode ardcor, une cagole des tiequar trop getto, grave plus stylé que le plan cul d'ton boss. Si tu sues dans un Kebab ou dans un Reubeu, c'est sur tu veux trop me buter, moi, et les aut' dans même délire. Mais on tue pas la poule d'abondance wesh. Chu cash comme ça et j'fais ma vie t'as vu...
J'suis trop en mode gangsta, j'suis le swagg, avec moi le bizness c'est pas loin.
Pareil qu'avant moi les bimbos, j'passe ma life à sephora et au quick, à glander sur le canap à m'faire des meches, à trainer à leader price, toi tu taff pour ton loyer.
100 % stylée, mon crédo : sois trop bonne et profite.
Moi je suis trop épiku.. Hepicuri... je kiffe quoi, mon look même pas en rêve t'aurais assez de blé que la thune que c'est.
Genre un jour jvais tout balancer mes fringues.
Jsuis dla street du bitume et j'assume, nous c'est la mifa de la carte de la fidélité au rayon accessoires de chez lidle.
Jsuis une ouf dans l'délire. Vas y tu m'prends pour une gogole, s"pas pass'qu'soigne mon look qu'faut séséstimé, j'suis trop bonne et jvais pécho un mec ça sra pas un crevard, un bogoss qui s'fait respekté comme mon daron, comme ça j"kifferais toujours la vibe t'as vu.
Ça gave trop de glander à pôle emplois. C'est lui qui doit payer s'tout. Ma daronne et la daronne de ma daronne elles font pareil. Ceci dit y'a trop d'cagoles s'trop des putes. Elles arrivent trop à pecho des mecs de oufs, ces michtoneuses, après elle décrochent le jackpot. Le jackpot = un F4 à Bondy + une Porshe + des gosses quon trop le swag + leur foutre le seum à toutes ses pétasses.
Eh ouais la banlieue on est tous trop des oufs.

Bref un peu caricatural...silent
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Message par Invité Dim 08 Déc 2013, 16:11

Bon, et avec tout ça, on en est où ?
Une demande (un style et/ou un texte) pour relancer le jeu, Trelaire ?

la petite note en spoiler qui fait bien:

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Message par Pieyre Jeu 12 Déc 2013, 07:20

Bon, j'ai fait un peu le ménage dans les précédentes interventions. Il s'agissait d'une controverse sur la nature perverse du personnage, qui aurait pu être intéressante, mais je ne souhaite pas que ce genre de discussion s'étende trop. J'espère que vous comprendrez que ce n'est pas dans l'esprit du sujet.

Après une nouvelle interruption, je relance donc, avec l'avant-propos du
Voyage au bout de la nuit, de Céline, que voici.


Voyager, c'est bien utile, ça fait travailler l'imagination.
Tout le reste n'est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force.

Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C'est un roman, rien qu'une histoire fictive. Littré le dit, qui ne se trompe jamais.

Et puis d'abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux.

C'est de l'autre côté de la vie.


Nouveau style : interprétation par définitions, c'est-à-dire qu'il s'agit de remplacer chaque nom, verbe, adjectif ou adverbe (si possible) par une définition, ou plutôt une interprétation sémantiquement proche, de sorte qu'on révèle un sens original à l'ensemble de ce texte qui n'en présenterait alors que la réduction codée.

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Message par Invité Ven 13 Déc 2013, 12:37

Le plus complexe, ça a été les adverbes. J'ai essayé de respecter au mieux la consigne, sinon (même si les définitions sont parfois assez personnelles). Voilà ce que cela donne :

~ * ~

Aller dans des régions lointaines ou des pays étrangers, cela nous est un avantage – cela nous sert : cela maintient vivante et effective cette capacité que nous avons tous de former et de nous représenter des images mentales.

Tout ce qu’on délaisse, à côté, n’est que vexation et tristesse devant ce que la réalité n’offre pas, et éreintements subits, sommeils laissés en suspens. Notre périple d’un lieu à l’autre n'existe que dans notre esprit, de manière entière et sans la moindre restriction. Voilà ce qui fait sa puissance et son intensité.

Il va de ce qui anime les êtres vivants, et de ce qui laisse cois les morts. Êtres humains, créatures du règne animal, regroupements d’individus et tout ce qui existe, mais que l’on ne détermine pas… tout n’est qu’image mentale, représentation rêvée. C’est une longue histoire en prose au schéma narratif donné, rien qu’une reconstruction du passé sans fondement réel – simple imitation de l’existant. Littré l’énonce, lui qui n’a jamais fait d’erreur, à quelque moment que ce soit.

Et, après tout, l’ensemble constitué des êtres et des choses, dans sa totalité, a la possibilité d’en faire autant. Le seul facteur déterminant pour que soit obtenu l’effet désiré est de couper le lien entre nos globes oculaires – fenêtres sur le monde – et… le monde.

C’est la partie ignorée de l’existence.

~ * ~

Et pour le prochain tour, je propose un extrait de On ne badine pas avec l'amour :

Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches méprisables et sensuels,
toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées, le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange, mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de ces deux êtres si imparfaits et si affreux.

On est souvent trompé en amour souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelques fois : mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.

Style : Discours philosophique (tout le vocabulaire spécifique peut y passer). Que cela semble soudain le produit d'un esprit rationnel et synthétique. Very Happy
(et si ça vous inspire pas, le style choisi peut être libre aussi, je ne suis pas très forte pour proposer des styles.)

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Message par Pieyre Lun 16 Déc 2013, 03:08

Félicitations Alphonsine pour cette interprétation du texte proposé ! J'ai apprécié en particulier « ce qui laisse cois les morts » et plus encore la conclusion : « C’est la partie ignorée de l’existence. » Pour pinailler, je dirais juste qu'on pouvait aussi remplacer « Littré », qui est un nom, même si c'est un nom propre (je n'avais pas indiqué qu'il s'agissait des substantifs), par exemple « le grand lexicographe maussade »...

Bon, de mon côté, j'ai eu un peu de mal pour ne pas déborder du texte, sur le plan du sens comme du vocabulaire, avec notamment une coloration quelque peu scientifique des termes philosophiques. Voici donc.



L'humanité, comme partie du règne animal, est soumise à la génération et à la corruption. Que l'on conçoive la vie comme transcendante à ses manifestations, les êtres vivants, en tant que systèmes immanents, se dirigent pourtant vers la mort, cela en raison de l'entropie du monde. Si la vie se perpétue par delà l'existence individuelle, c'est grâce à la génération, qui prend place au sein de la corruption générale, mais qui la déjoue en redonnant à chaque engendrement une forme semblable à une matière nouvelle.
Ainsi il y a des hommes et il y a des femmes, dont le conatus est le même, mais qui sont déterminés à se reproduire selon un dimorphisme sexuel qui les conditionne.
Dans l'instant, ils recherchent consciemment avant tout le plaisir. Mais, capables d'agir et de prévoir les conséquences de leurs actes, selon le principe de causalité que leur raison leur permet de concevoir, ils appréhendent ce plaisir en fonction de la durée de leur existence, selon une visée utilitariste. Pour cela, les hommes usent de violence et de manipulation envers les femmes, comme les femmes envers les hommes, mais selon des moyens différenciés fournis par leur nature contingente. En effet, d'après une norme établie de façon empirique, mais qu'on reliera à une forme transcendantale inscrite en eux, les hommes tendent à développer des manœuvres de séduction dans le but d'établir une relation sexuelle, alors que pour les femmes il s'agit de faire durer la relation avec une expression renouvelée de l'attachement. D'où une incompréhension foncière et des défauts rédhibitoires manifestés par l'autre sexe.
Mais il y a en l'existence une réalité qui transcende les individus et leurs défauts contingents, c'est le couple uni par l'amour.

On est souvent manipulé et violenté en amour, et souvent affecté quant à son aspiration à bien vivre ; mais on aime, et au seuil de la mort, on se remémore son existence et on prend conscience que, si l'on a subi des dommages de corps et d'esprit, on a participé de l'amour universel. On a appréhendé le dépassement de l'existence solipsiste de l'individu soumis à la vanité d'une irritation et d'un ennui sans cause autre que matérielle.

Nouveau style : badin, forcément.

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Message par Petitagore Lun 16 Déc 2013, 09:44

Hors sujet (Littré):
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Message par Pieyre Lun 16 Déc 2013, 11:53

Réponse:

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Message par Invité Mer 18 Déc 2013, 17:34

Ah c'est drôle que tu dises ça au sujet de Littré, Pieyre, j'avoue avoir hésité à la définir aussi... puis finalement, j'y ai renoncé. Je serai moins timorée la prochaine fois...
...Comme maintenant, en fait. Je fais presque un hors sujet complet, et le texte est plus badin par lui-même que dans le ton de la tirade. Il y a beaucoup de contextualisation, d'à côté - libre à toi de rester sur le même sujet si tu estimes que j'ai dépassé le cadre. Mais c'est vraiment ce que ça m'a inspiré, comme une évidence. Je trouvais ça dommage de ne pas le partager, parce que ça ne me serait pas venu comme ça sans l'énoncé de l'exercice. Alors voilà, tentons :

(Et sinon, j'oubliais de le signaler, mais bravo pour le style philosophique, je n'aurais pas été capable de pousser si loin la consigne !)

~ * ~

C'était un soir à l’Abbaye de Thélème, au numéro un de la place Pigalle. André de Ferval y était attablé avec quelques amis, autour d’un verre – l’eau, ce liquide si impur… Ils discutaient, de choses et d’autres –  et surtout de sujets peu sérieux – avec la gravité qui seyait à leur jeune âge. Et puis, la conversation se déployant, sous l’œil brillant des femmes, l’on dériva, joyeusement… Il y avait Jean de Fréneuse, Raoul de Vallonges, Gérard de Kérante (il y avait là-dedans des pseudonymes)… Il y avait Louise, Lucia, Blanche (il y avait là-dedans des pseudonymes)… Avouez que cela ne pouvait que dégénérer. Alors on se mit à parler d’amour.

Jean de Fréneuse, sirotant tranquillement un cognac – Jean de Fréneuse avait la désagréable manie de ne jamais faire comme tout le monde – fut le premier à jeter le caillou dans la mare (les pavés étaient trop lourds à lancer, c’était un peu fatiguant) :
–  Mais l’amour est passé de mode, tout le monde le sait. Qui, aujourd’hui, s’embarrasse de scrupules… ? Les imbéciles, les naïfs, voilà tout.
Les femmes protestèrent, en papillonnant des cils – lorsqu’on couplait une fortune confortable à une mine bien faite, l’on n’avait jamais tort, même lorsqu’on débitait les pires âneries. Les hommes y mirent un peu plus d’allant :
–  Oh, l’autre !
– Hé, Jean, ferme ta gueule.
Le duc de Fréneuse alluma une cigarette – nécessaire ponctuation.
– Vous ne comprenez pas. J’aimerais bien... moi-même... mais... le cœur des femmes a changé, voilà. Laquelle d’entre elle sait aujourd’hui s’attacher, en dépit de tout, avec ce tendre et constant sentiment qu’elles savaient avoir… ? Oh, je n’dis pas que c’était mieux avant, comprenez-moi bien. La liberté des mœurs… J’suis pour la liberté des mœurs. Mais qui peut encore aimer aujourd’hui ?
André de Ferval l’observait, en silence. Derrière la désinvolture apparente de la conversation, il avait l’impression confuse que quelque chose d’important se jouait là.
– Tu charries, Fréneuse.
–  Même pas… !
Les femmes papotaient autour, renonçant à prendre position. Le brouhaha, l’alcool, la fumée… André eut un vertige.


–  « L’amour ne vole plus, il s’est fait friser les ailes. »
– Excellent !
– Stupide !
C’est une opinion
Et soudain il frappa du plat de la main sur la table – Marie étouffa un cri, et Blanche un rire.
–  Je ne peux pas te laisser dire ça.
Jean eut un sourire en coin.
– Penses-tu… ?
Avec cet air ironique qui vous invitait à continuer, l’air de dire : va toujours, tu ne me persuaderas point… On savait où cela menait, ces airs-là... André prit une profonde inspiration, puis il commença :
–  Ah, certes, tous les  hommes, tous, vous racontent des salades, changent de femmes comme de faux-cols…
– Je n’te l’fais pas dire !
–  Tais-toi, Louise…
– Ils sont tous hypocrites – oui, même toi, Jean, qui es si fier d’asséner aux gens leurs vérités. Tous, ils bavassent inutilement – comme vous et moi maintenant, tout à fait ! Ajoutez à cela une trop haute opinion d’eux-mêmes, la petite somme de lâcheté qui fait bien, pas assez de dignité pour justifier du rang social …
– Hé !
–  Et puis une attraction trop poussée pour les plaisirs de la chair…
– Ah ça, en revanche, c’est vrai !
–  Tu vas m’laisser finir ? Les femmes… ? C’est pas mieux. Toutes…
–  Oh, sois pas rosse, dis pas d’mal des femmes devant ces d’moiselles.
–  Pour ce qu’elles s’en fichent… C’est tout à fait général.
–  Mais, tout de même... Moi je n’aime pas, le général. Puis l’implicite a plus de distinction…
–  Bon… Toutes les femmes… voilà. – tu es content ? Le monde…
–  Vlà qu’il s’pique de vérités générales, André, on aura tout vu !
– Le monde, dis-je, n'est qu’un puisard infini où l’on rampe tous, autant qu’nous sommes.
–  Nihiliste !
–  Mais j’dis ça tout à fait légèrement… Pour c’que ça a d’importance… Tu t’pensais sublime, peut-être ?
– Mais où veux-tu en venir ? demanda Jean de Fréneuse.
–  A quelque chose de fort simple. Dans tout ce cloaque – et tu pardonneras mon vocabulaire… parce que je t’explique quelque chose d’important, et d’presque sérieux – dans tout ça, il y a quelque chose qui rachète tout, un machin-chose fort magnifique, c’est ce qui va réunir, un instant, deux de ces êtres sans qualités ni perfections.
–  Plaît-il… ?
– C’était ça ta conclusion ?
–  J’y arrive. Notre ami se pique d’être sans illusion. Alors, certes, on est souvent trompé en amour, toujours blessé, malchanceux – rarement heureux…  ne vous en déplaise, mesdames… mais l’on aime et c’est tout d’même quelque chose… Et quand on sera vieux, un pied dans la tombe, suffira d’se ressouvenir de tout ça – des bars, des femmes et des amis. Et puis, se dire : j’ai eu mal souvent, quelque fois je n'ai même rien compris à ce qui se passait… mais j’ai aimé. J’ai fait ma vie, je l’ai menée comme je le rêvais... pas suivant mon orgueil, mes peurs ou mon ennui.
–  ...C’est bon, t’as fini ?
André sourit à son tour.
– Je crois bien, oui. J’écrirai quelque chose là-dessus, un jour.
–  Musset l’a pas déjà fait ?
–  Ferme-la, ça n’a rien à voir.

Et les voix s’élevèrent à nouveau, badinant toujours, dans un fracas de verres entrechoqués.

~ * ~

Style : Badin, si vous estimez que j'ai fait un immonde hors sujet.
Ou alors je propose de faire les choses à l'envers... Cela sort un peu des anciens exemples, et j'espère que vous ne m'en voudrez pas, mais pourquoi pas vous demander d'écrire un petit conte, une petite histoire dont ce discours serait la morale-la conclusion ? Vous pouvez reprendre l'histoire originale sous forme de conte ou vous inspirer simplement de ce que vous inspire le passage. On sort un peu des cadres (pour mieux y re-rentrer ensuite ?), mais ça peut donner quelque chose d'intéressant, je pense. Smile

(et la blague sur Littré m'a beaucoup fait rire)

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Message par Pieyre Jeu 19 Déc 2013, 02:42

Mais pourquoi ton texte serait-il hors-sujet, Alphonsine ? Au départ, en suivant la leçon de Queneau, j'ai indiqué qu'il s'agissait de remplacement de mots ou d'expressions. Mais j'ai bien vite ajouté que l'exercice était évolutif (tout en conservant le même esprit). Alors oui, tu remplaces des phrases entières, et tu les organises à ta façon, eh bien cela me va ! De plus, j'ai beaucoup apprécié le choix du dialogue, particulièrement adapté au style badin.

Par ailleurs, je préférerais que l'on ne reprenne pas le même style avec le même texte à la suite, puisqu'il ne s'agit pas de comparer et de juger quel participant serait le meilleur. C'est avant tout un jeu, même si certains peuvent se prendre davantage au jeu. Que l'on s'amuse ou que l'on s'applique, du moment que l'on respecte à peu près la consigne...

Entre temps allons-y pour le petit conte mais, pour qu'il y ait un lien avec l'esprit de l'exercice, que tous les éléments de sens de l'extrait initial de la pièce de Musset y soient évoqués... Je laisse faire celui qui voudra.

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Exercices de style Empty Ajout de proposition d'un nouvel exercice.

Message par Arkange Jeu 19 Déc 2013, 05:11



La notion de bavardage n'est que peu présente et celle de curiosité uniquement de manière décalée. Pourtant, voici ce que j'ai pu produire en suivant le fil de la consigne :



Il était une fois, dans un royaume lointain, une petite fille qui s'appelait Pousse. Elle s'appelait Pousse mais ce n'était pourtant pas le nom par lequel on l'avait nommée. Pourquoi ? Simplement parce qu'on avait oublié de le faire.  
« Pousse », ça lui était venu vers ses deux ans, enfin un peu avant. Du haut de son berceau, tendue sur ses deux jambes en s'appliquant à maintenir son équilibre, elle avait remarqué que les gens portait des noms. Ils s’appelaient !
Seulement voilà, elle, personne ne l'appelait. Enfin si, on l'appelait de temps en temps, mais elle n'avait pas su trouver lequel des termes utilisés venaient la désigner. Poussée par l'énergie de sa juvénile curiosité, elle s'était appliquée à retenir précisément les mots qui lui semblaient lui être appliqués. Si elle avait été plus grande, elle aurait simplement compté, mais à son âge cette notion restait bien trop évasive pour être vraiment mise en action. Bref, au bout d'un moment d'étude, Pousse en arriva à la conclusion que « Pousse » devait être son nom.

- « Mais pousse-toi de là » lui dit pour la énième fois son père.
- « Mais vas-tu bien laisser la petite tranquille » lui répondit la mère de Pousse.  
- « Comment-ça ?  Je n'ai absolument pas troublée la tranquillité de la princesse, en quoi la reine se permet-elle ainsi d'user de sa verve ?
- « Et bien voilà qu'il fait des grands discours maintenant, on aura tout vu ! Cela dit-il était grand temps que tu mettes à la hauteur. C'est bien le minimum qu'une femme de ma valeur puisse attendre. N'empêche que t'as failli lui marcher dessus. »
- « Mais absolument pas ! Je marchais juste d'un grand pas et j'ai pris la précaution de ne pas la heurter »
- « N'importe quoi ! »

Les pieds bien enfouis dans ses chaussons, Pousse regardait affectueusement ses parents. Elle était à la fois rassurée et étonnée. Rassurée de les voir, ensembles, partager des mots et des regards, mais étonnée d'avoir entendu sa mère désignée du nom de reine. Son père était roi, ça elle le savait, vu que très souvent elle avait entendu sa mère l'appeler : « le roi des cons ». Pourtant, elle avait beau fouiller et refouiller dans son immature cervelle, elle ne trouvait aucune trace mnésique de sa mère qualifiée de pareil terme. Maman était donc reine, tout se clarifiait ! C'était donc pour ça qu'une fois en lui changeant ses couches, la sage-femme l'avait appelée : « la petite princesse ». D'ailleurs, Pousse avait un temps hésité, en se demandant si « Princesse » ne pouvait pas être son nom. Une seule fois on l'avait appelé comme ça, et une seule fois ça ne fait pas beaucoup, mais comme Pousse ne savait pas compter, une seule fois ça comptait quand même beaucoup !
Au final, elle avait renoncé à cette appellation, en constatant que c'était le nom du chien de sa tante : un cocker. Du coup, en constatant que c'était le nom d'un chien, elle s'était dit que cela ne pouvait pas être le sien. Bon, elle avait douté un moment, c'est vrai. Elle s'était même écouté attentivement pendant plus de vingt-quatre heures, à l'affut du moindre aboiement. L'expérience réalisée, le constat fait qu'elle n'avait à aucun moment ni aboyé, ni remué la queue, elle en avait conclu qu'elle n'était pas un chien et que « Princesse » n'était pas son nom. Évidemment, quelques années plus tard, Pousse réalisa que son raisonnement était biaisé, puisque sa tante appela son nouveau chien « Robert », et que « Robert », s'était aussi le nom du boucher, et que le boucher, c'était un humain, pas un chien. Mais bon, à cette époque, ce qui interrogeait Pousse, c'était surtout de savoir comment elle pouvait bien s’appeler, vu qu'on ne l'appelait presque jamais.
Et puis aussi, il y avait un autre truc. Le truc de la sage-femme. Au début, elle avait juste retenu le nom, sans se poser de question. Mais au dernier Noël, quelqu'un avait parlé d'un père Noël qui apportait des cadeaux, et que pour pouvoir en avoir, il fallait avoir été sage. Pousse, elle ne savait pas ce que cela voulait dire « avoir été sage », mais depuis ce jour-là, elle se demandait ce que la femme avait bien pu faire pour devenir sage au point que cela soit son nom.
Elle, elle s'appelait Pousse. Elle avait mis longtemps à le conceptualiser, mais c'était comme ça qu'on l'appelait. « Mais pousse bordel ! » étaient les premiers mots qu'elle avait entendu de son père. Enfin plus exactement les premiers mots qu'elle avait entendus en sortant du ventre maternel.
« Bordel », Pousse, elle l'avait déjà entendu depuis l'utérus, et plusieurs fois même. La plupart du temps, c'était de la voix de sa mère. Ça faisait par exemple : « Je suis sûre que tu reviens du bordel ! ». En général, l'autre voix l'utilisait aussi : «  Mais non ma chérie, je te jure que je ne suis pas allé au bordel. Comment peux-tu imaginer qu'un homme de ma condition puisse s'abaisser à de tels comportements ?! ». Pousse, elle avait même remarqué que la plupart du temps apparaissaient ensuite les mots « robes » et « bijoux », prononcés par sa mère avec un ton d'accusation. Il était aussi question d'argent, de choix à faire entre les poules et les cadeaux, et aussi entre le café et la maison. Pousse n'y comprenait rien. Elle ne voyait pas le rapport entre le fait d'être sage pour avoir des cadeaux et puis les poules de son père. Et puis, c'était pareil pour le choix à faire entre le café et la maison. Où donc était la logique, vu que papa il prenait tous les matins son café à la maison ? Pousse, elle y comprenait rien à tout ça, mais elle y pensait beaucoup.
Un de ces après-midi où son père n'était pas là, elle était justement en train d'y penser sur le canapé. Sa mère l'avait interrompue :
- « Pousse-toi de là, allez, dépêche-toi, vas dans ta chambre ! »
Cette phrase, ça l'avait amusée de l'entendre prononcée par sa mère. D'habitude, c'était papa qui lui disait. Il lui disait très souvent, et presque à chaque fois qu'il voulait aller entre les cuisses de maman. Mais là, pour une fois, simplement parce que c'était un autre monsieur que papa, c'était maman qui lui disait ! Du coup, pour marquer l'évènement, Pousse choisit d'aller jusqu'à sa chambre en remarchant à quatre pattes comme elle le faisait avant. C'était sa manière à elle d’honorer le passé :  une petite régression en guise de cérémonie.
Installée dans son lit, Pousse entendait sa mère crier. Non pas de simples petits gémissements insuffisamment bien joués comme s'était son habitude, mais de vrais cris qui lui rappelait le moment de sa naissance. Les premiers sons qui lui étaient clairement arrivés étaient les cris de sa mère, accompagnant le « Mais pousse bordel » déclamé par son père. Pour Pousse, c'était un souvenir rigolo, le souvenir d'un moment où elle était à la fois dedans et dehors, la tête déjà en l'air et le corps encore pas né.
Ce soir-là, pas celui de sa naissance, celui de « l'autre monsieur », Pousse a constaté que maman elle était plus gentille avec papa que quand il lui accrochait un collier au cou et que maman elle se mettait à le lécher de partout. Pourtant, deux jours après, Pousse a constaté que papa criait quand même très fort contre maman. Plus elle lui répétait que l'autre monsieur il était pas venu du tout, plus papa il criait fort. Ce soir-là, pas celui de « l'autre monsieur », celui où papa a crié très fort, Pousse elle a même cru que papa et maman ils s'aimaient plus du tout. Ce soir-là, quand papa et maman ils lui ont dit : « pousse-toi », Pousse elle a même cru que papa et maman ils ne s'aimeraient plus jamais.
Ce soir-là, il est bien loin. Aujourd'hui, Pousse elle le sait bien que papa et maman ils s'aiment pour toujours. Elle le sait parce que papa, maintenant quand il lui dit « pousse-toi », c'est pour mettre des nouvelles fleurs sur la tombe de maman. Et dans ces moment-là, papa, il a toujours de l'eau qui lui coule sur la joue. Alors, Pousse elle lui dit : « papa, tu pleures ! », et son père, à chaque fois, il lui dit : « mais non, c'est rien que de l'eau, pousse-toi ! ».



Je propose pour le nouvel exercice un conte de Hans Christian Anderson : « Le papillon ».
Pour le style, inspiré par l'acte de « nettoyage » qui a été effectué sur ce fil, je propose la censure et j'y joint la notion de recyclage. Il s'agit donc d'effectuer des coupures dans le texte original en en modifiant le sens à son gré, puis d'utiliser ces coupures pour former un ou plusieurs autres textes.


Hans Christian Anderson a écrit:
Le papillon
Le papillon veut se marier et, comme vous le pensez bien, il prétend choisir une fleur jolie entre toutes les fleurs. Elles sont en grand nombre et le choix dans une telle quantité est embarrassant. Le papillon vole tout droit vers les pâquerettes. C'est une petite fleur que les Français nomment aussi marguerite. Lorsque les amoureux arrachent ses feuilles, à chaque feuille arrachée ils demandent :
-M'aime-t-il ou m'aime-t-elle un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout ? La réponse de la dernière feuille est la bonne. Le papillon l'interroge :
-Chère dame Marguerite, dit-il, vous êtes la plus avisée de toutes les fleurs. Dites-moi, je vous prie, si je dois épouser celle-ci ou celle-là.
La marguerite ne daigna pas lui répondre. Elle était mécontente de ce qu'il l'avait appelée dame, alors qu'elle était encore demoiselle, ce qui n'est pas du tout la même chose. Il renouvela deux fois sa question, et, lorsqu'il vit qu'elle gardait le silence, il partit pour aller faire sa cour ailleurs. On était aux premiers jours du printemps. Les crocus et les perce-neige fleurissaient à l'entour.
-Jolies, charmantes fleurettes ! dit le papillon, mais elles ont encore un peu trop la tournure de pensionnaires. Comme les très jeunes gens, il regardait de préférence les personnes plus âgées que lui.
Il s'envola vers les anémones ; il les trouva un peu trop amères à son goût. Les violettes lui parurent trop sentimentales. La fleur de tilleul était trop petite et, de plus, elle avait une trop nombreuse parenté. La fleur de pommier rivalisait avec la rose, mais elle s'ouvrait aujourd'hui pour périr demain, et tombait au premier souffle du vent ; un mariage avec un être si délicat durerait trop peu de temps. La fleur des pois lui plut entre toutes ; elle est blanche et rouge, fraîche et gracieuse ; elle a beaucoup de distinction et, en même temps, elle est bonne ménagère et ne dédaigne pas les soins domestiques. Il allait lui adresser sa demande, lorsqu'il aperçut près d'elle une cosse à l'extrémité de laquelle pendait une fleur desséchée :
-Qu'est-ce cela ? fit-il.
-C'est ma soeur, répondit Fleur des Pois.
-Vraiment, et vous serez un jour comme cela ! s'écria le papillon qui s'enfuit.
Le chèvrefeuille penchait ses branches en dehors d'une haie ; il y avait là une quantité de filles toutes pareilles, avec de longues figures au teint jaune.
-À coup sûr, pensa le papillon, il était impossible d'aimer cela.
Le printemps passa, et l'été après le printemps. On était à l'automne, et le papillon n'avait pu se décider encore. Les fleurs étalaient maintenant leurs robes les plus éclatantes ; en vain, car elles n'avaient plus le parfum de la jeunesse. C'est surtout à ce frais parfum que sont sensibles les coeurs qui ne sont plus jeunes ; et il y en avait fort peu, il faut l'avouer, dans les dahlias et dans les chrysanthèmes. Aussi le papillon se tourna-t-il en dernier recours vers la menthe. Cette plante ne fleurit pas, mais on peut dire qu'elle est fleur tout entière, tant elle est parfumée de la tête au pied ; chacune de ses feuilles vaut une fleur, pour les senteurs qu'elle répand dans l'air.»C'est ce qu'il me faut, se dit le papillon ; je l'épouse.» Et il fit sa déclaration.
La menthe demeura silencieuse et guindée, en l'écoutant. À la fin elle dit :
-Je vous offre mon amitié, s'il vous plaît, mais rien de plus. Je suis vieille, et vous n'êtes plus jeune. Nous pouvons fort bien vivre l'un pour l'autre ; mais quant à nous marier... sachons à notre âge éviter le ridicule.
C'est ainsi qu'il arriva que le papillon n'épousa personne. Il avait été trop long à faire son choix, et c'est une mauvaise méthode. Il devint donc ce que nous appelons un vieux garçon.
L'automne touchait à sa fin ; le temps était sombre, et il pleuvait. Le vent froid soufflait sur le dos des vieux saules au point de les faire craquer. Il n'était pas bon vraiment de se trouver dehors par ce temps-là ; aussi le papillon ne vivait-il plus en plein air. Il avait par fortune rencontré un asile, une chambre bien chauffée où régnait la température de l'été. Il y eût pu vivre assez bien, mais il se dit : «Ce n'est pas tout de vivre ; encore faut-il la liberté, un rayon de soleil et une petite fleur.» Il vola vers la fenêtre et se heurta à la vitre. On l'aperçut, on l'admira, on le captura et on le ficha dans la boîte aux curiosités.» Me voici sur une tige comme les fleurs, se dit le papillon. Certainement, ce n'est pas très agréable ; mais enfin on est casé : cela ressemble au mariage.» Il se consolait jusqu'à un certain point avec cette pensée.»C'est une pauvre consolation», murmurèrent railleusement quelques plantes qui étaient là dans des pots pour égayer la chambre.» Il n'y a rien à attendre de ces plantes bien installées dans leurs pots, se dit le papillon ; elles sont trop à leur aise pour être humaines.»

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Message par Invité Dim 22 Juin 2014, 01:10

Si tu n’es pas capable de te renouveler c’est complètement de ta faute.

C'est à cause de toi que j'ai besoin de nouveauté, alors que j’ai passé avec toi ces 4 mois invivables et je t’en tiens pour totalement responsable.

Si par exemple, nous avions expérimenté tout ce sur quoi tu ne veux pas t’informer par ton manque de curiosité et au moins essayer que et que je ne connaîtrais pas de nouveau alors que j’y étais habitué avec d’autres avant toi bien plus gentilles et prêtes à faire plaisir que toi, il est totalement normal que tu ne fasses plus d’effet et donc pas l’effet de nouveauté dont tout le monde a besoin, et si c’est devenu la routine entre nous, c’est de ta faute.

Evidemment, quand tu utiliseras le peu de neurones que tu as, tu concluras que forcément depuis peu je n’ai eu le choix que te devenir infidèle puisque tu ne m’entoures d’aucune affection, d’aucune attention et ne me manifeste que du désintérêt en ne pensant qu’à toi, toujours rien qu’à toi, si tu es et restes si égoïste c’est de ta faute.

Aujourd'hui, il y a une femme qui a su me combler mieux que toi et qui a par ta faute a besoin de moi, tu m’as donc mis dans l’obligation par tes comportements de me rapprocher d’elle et elle de moi.

Je ressens bien que tu y vois là l’occasion de me culpabiliser, car si d’autres femmes sont, en faisant un minimum d’effort ce que tu n’as pas voulu être, j’ai toujours su par contre faire preuve d’une énorme patience à ton égard dont tu as volontairement dépassé les limites, tu as joué.

Je ne serai pas surpris, mais encore une fois très déçu, que tu te mettes rapidement en quête d’un autre homme fait ou non pour toi et quant bien même il ne serait pas à la hauteur fictive à laquelle constamment tu te places, et nous serons alors définitivement séparés à cause de toi.

Adieu, je ne pourrais malheureusement jamais te revoir, tu m’as si peu apporté et fait tellement souffrir et me poser tant de questions que je serai obligé d’essayer de t’oublier le plus vite possible, pour retrouver ma confiance en moi et me reconstruire.

Je ne méritais vraiment pas ce que tu m’as fait subir, il faudrait te remettre en question un jour de façon à ce que tu vois à quel point tout ce gâchis est de ta faute.

texte en mode PN (et moi suis du coup en mode "pour elle j'ai de la peine..." Smile

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Message par Pieyre Mar 24 Juin 2014, 00:09

Merci d'avoir repris un exercice laissé en suspens en octobre dernier, l'extrait des Liaisons dangereuses en style PN.

De mon côté je m'étais essayé à la proposition d'Arkange, mais cela m'a semblé assez difficile, en raison du lexique utilisé, qui donne peu de prise à effectuer une transposition du sens, sinon en livrant un texte très réduit. On verra si quelqu'un y parvient mieux que moi.

Alors je poursuis le fil ordinaire de ces exercices de style en vous soumettant un texte de Jorge-Luis Borges, le début de
La loterie à Babylone, extrait de son livre Fictions.

Comme tous les hommes de Babylone, j'ai été proconsul; comme eux tous, esclave; j'ai connu comme eux tous l'omnipotence, l'opprobre, les prisons. Regardez : à ma main droite il manque l'index. Regardez : cette déchirure de mon manteau laisse voir sur mon estomac un tatouage vermeil; c'est le deuxième symbole, Beth. Les nuits de pleine lune, cette lettre me donne le pouvoir sur les hommes dont la marque est Ghimel, mais elle me subordonne à ceux d'Aleph, qui les nuits sans lune doivent obéissance à ceux de Ghimel. Au crépuscule de l'aube, dans une cave, j'ai égorgé des taureaux sacrés devant une pierre noire. Toute une année de lune durant, j'ai été déclaré invisible : je criais et on ne me répondait pas, je volais le pain et je n'étais pas décapité. J'ai connu ce qu'ignorent les Grecs : l'incertitude. Dans une chambre de bronze, devant le mouchoir silencieux du strangulateur, l'espérance me fut fidèle ; dans le fleuve des délices, la panique. Pythagore, si l'on en croit le récit émerveillé d'Héraclide du Pont, se souvenait d'avoir été Pyrrhus, et avant Pyrrhus, Euphorbe, et avant Euphorbe encore quelque autre mortel; pour me remémorer d'analogues vicissitudes je puis me dispenser d'avoir recours à la mort, et même à l'imposture.

Nouveau style : transposition dans la vie amoureuse.

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Message par Invité Mar 24 Juin 2014, 00:32

de rien Smile pleasure Smile

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Exercices de style Empty Re: Exercices de style

Message par Invité Mar 24 Juin 2014, 16:15

J'avoue m'être cassée les dents également sur la consigne d'Arkange. Elle me semblait très intéressante, mais je n'ai pas réussi à faire quelque chose de bien avec. Désolée !

Donc réécriture de Borgès :

~ * ~

Je suis comme toutes les femmes ; comme elles toutes, j’ai été conquérante et comme elles toutes, j'ai été vaincue ; j’ai vécu les passions, les oublis, les silences. Regardez : mon sourire est une cicatrice. Regardez : mon cœur s’est déchiré, sur son flanc, pour laisser voir un vertige – c’est le dernier symbole, un abîme. Les nuits sans lune, cette déchirure me donne le pouvoir sur les hommes qui gardent en eux un fond d'innocence… mais elle m’aliène à ceux qui, les nuits de pleine lune, s'égarent sans faiblir, aux instincts et aux tentations. Au crépuscule du matin, dans des chambres closes, j’ai embrassé l'inconnu. Toute une année durant, j’ai été invisible : je criais, et on ne me répondait pas, et je volais d’ombres en fantômes, sans que l’on se soit résolu à m’aimer. J’ai connu ce que les amants ignorent : l’écho terrifiant de la solitude. Cela m'a enivrée. Sous les lampes des cafés, derrière les rideaux tirés des fenêtres, j’ai gardé espoir ; dans le fleuve des délices, la panique. Nos grandes amoureuses se souviennent d’avoir été Messaline, et avant Judith, et avant Salomé – et Marlene Dietrich, et Cléo de Mérode, et tant d’autres mortelles encore…

Pour me remémorer d’analogues vicissitudes, je n’ai qu’à ôter un voile et chercher mes yeux dans le miroir.

~ * ~

J'ai quelques scrupules à remplacer tout de suite le texte de Borgès, mais je ne suis pas hyper à l'aise avec lui et ne me sens pas de proposer un nouveau style pertinent. Donc je propose la célèbre tirade de Don Juan, dans la pièce de Molière :

DON JUAN. - Quoi ? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne ? La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux ! Non, non : la constance n'est bonne que pour des ridicules ; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres ; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable ; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs : je me sens un cœur à aimer toute la terre ; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.

Et demander au prochain qui passe de me faire, a contrario, la défense de la vertu, ou le procès de l'inconstance - ou les deux.

(P.S : j'avoue n'être pas très inspirée pour la relance et rappelle que la consigne d'Arkange peut être prise aussi Smile )

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Exercices de style Empty Proposition de recyclage du Papillon d'Andersen

Message par Invité Mar 24 Juin 2014, 17:57

Elles sont en grand nombre et le choix dans une telle quantité est embarrassant. Le coloriste s'oriente tout droit vers son nuancier de verts . Il jette son dévolu sur une pastille d'aquarelle bleu-vert que les anglais nomment aussi "viridian". Lorsque les artistes emploient ce ton là, à chaque touche posée ils se demandent :


"est ce du bleu ou bien est ce du vert ?"

La réponse du nuancier voisin est la bonne. Le coloriste l'interroge :

"Dites-moi, je vous prie, camaïeu de rose, avec une telle couleur, comment différencier la prairie du ciel dans mon image ?"

Mais il ne daigna pas lui répondre. Il était mécontent de ce qu'il l'avait appelé camaïeu de rose , alors qu'il était magenta, ce qui n'est pas du tout la même chose.


Lorsqu'il vit qu'il gardait le silence, il partit en direction du nuancier jaune. Boutons d'or et citrons semblaient s'y épanouir et le chant des Canaris en émaner.

Il décida alors d'abandonner viridian et nuancier de vert au profit du jaune.

Mais les couleurs lui parurent trop viles, trop criardes et elles gardaient une parenté avec le vert.

Toutes rivalisaient d'éclat, mais les boîtes de pastilles s'ouvraient aujourd'hui pour être humectées puis se craqueler à l'abandon des lendemains.

Alors le coloriste tomba sur une pastille isolée de blanc cassé, si délicat .

Cette pastille n'est pas une couleur, mais on peut dire qu'elle est toutes les couleurs, tant elle appelle chacune d'elles à exister en son sein !

"Nous pouvons fort bien ne peindre qu'en blanc !" se dit-il. Et ajouta :

"Ce n'est pas tout de peindre ; encore faut-il la liberté, un rayon de lumière ;  Il n'y a rien à attendre de toutes ces couleurs stagnantes dans leurs pots, se dit l'artiste ; elles sont trop déterminées pour être créatives."


Dernière édition par Guillemette de Troll le Mer 25 Juin 2014, 11:40, édité 2 fois (Raison : surlignages extraits originaux / et petit apport lexical.)

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