Les petits nawaks for me

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Message par Invité Sam 11 Avr 2015 - 19:56


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Message par Invité Dim 12 Avr 2015 - 22:34

La philosophie va donc se trouver à sa naissance dans une position ambiguë : dans ses démarches, dans ses inspirations, elle s’apparentera tout à la fois aux initiations des mystères et aux controverse de l’agora ; elle flottera entre l’esprit de secret propre aux sectes et la publicité du débat contradictoire qui caractérise l’activité politique. Suivant les milieux, les moments, les tendances, on la verra, comme la secte pythagoricienne en Grande Grèce, au VIe siècle, s’organiser en confrérie fermée et refuser à l’écrit une doctrine purement ésotérique. Elle pourra aussi, comme le fera le mouvement des Sophistes, s’intégrer entièrement à la vie publique, se présenter comme une préparation à l’exercice du pouvoir dans la cité et s’offrir librement à chaque citoyen moyennant leçons payées à prix d’argent. De cette ambiguïté qui marque son origine, la philosophie grecque ne s’est peut-être jamais dégagée. Le philosophe ne cessera pas d’osciller entre deux attitudes, d’hésiter entre deux tentations contraires. Tantôt il s’affirmera seul qualifié  pour diriger l’Etat, et, prenant orgueilleusement la relève du roi-divin, il prétendra, au nom de ce « savoir » qui l’élève au-dessus des hommes, réformer toute la vie sociale et ordonner souverainement la cité. Tantôt il se retirera du monde pour se replier dans une sagesses purement privée ; groupant autour de lui quelques disciples, il voudra avec eux instaurer dans la cité une cité autre, en marge de la première et, renonçant à la vie publique, cherchera son salut dans la connaissance et la contemplation.

Jean-Pierre Vernant, Les origines de la pensée grecque


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Message par Invité Dim 12 Avr 2015 - 22:37

- Taisez-vous une seconde, coupa Al. Je pense à quelque chose. Peut-être que Baltimore n’est là que quand l’un de nous y va. Et le Supermarché des Gens Heureux aussi ; dès que nous l’avons quitté, il a cessé d’exister. En ce cas, nous serions bien les seuls à expérimenter le phénomène.

-  Problème philosophie sans importance ni signification, remarqua Joe. Et impossible à prouver d’une manière ou d’une autre.

(...)

C'était peut-être la vérification assez épouvantable d'une ancienne philosophie mise au rancart, la théorie des idées chez Platon, des archétypes qui, pour chaque catégorie d'objets, sont la seule réalité. La forme récepteur TV avait été une identité imposée succédant à d'autres identités qui se suivaient en chaîne, comme une procession de silhouettes dans une photo montrant la décomposition du mouvement. Les formes premières, songea-t-il, doivent continuer une vie invisible et résiduelle à l'intérieur de chaque objet. Le passé est latent, il est submergé mais toujours là, capable de remonter à la surface si les identifications ultérieures, par malheur et contrairement à l'expérience naturelle, disparaissent. L'homme contient, non pas l'enfant, mais tous les autres hommes antérieurs, pensa-t-il. L'histoire a commencé il y a bien longtemps.

Philip K. Dick, Ubik

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Message par Invité Dim 19 Avr 2015 - 20:44

La logique de la sagesse, et ce qui la constitue en anti-philosophie, est de se refuser à faire le jeu du principe de contradiction - non de le contester, mais de le mettre d’entrée hors jeu ; elle se refuse à tomber dans le piège : puisque, étant d’un côté, on ne peut en même temps être de l’autre, pour ne se priver d’aucun des deux, la sagesse ne se situera d’aucun côté. Ou, dit en sens inverse, si la sagesse ne se veut d’aucun parti, c’est qu’elle sait que, qui prend parti, de ce seul fait, est partial : il ne voit plus l’autre aspect des choses, se trouve cantonné dans un point de vue (le sien), il a perdu la globalité de la « voie ». Dans cette alternative du vrai ou du faux, au lieu d’y voir une discrimination éclairante, la sagesse voit une perte. Et c’est cette même perte qui ferait l’histoire - sans fin - de la philosophie : ce qu’elle laisserait tomber d’un certain côté (en l’excluant comme faux), la philosophie n’aurait de cesse ensuite de vouloir le récupérer - au sein de la même philosophie comme d’un philosophe au suivant - mais autrement que de ce côté « faux ». Et c’est même ce qui ferait l’essence de la philosophie, comme désir et aspiration à la sagesse (rêvée comme globalité) ; elle serait une pensée travaillée par le manque de ce qu’elle a commencé par laisser tomber (son négatif), en basculant d’un côté, et qu’elle ne cessera ensuite de vouloir retrouver, en avant d’elle, par un autre côté - à chercher. Mais qui reste un côté - la philosophie est toujours d’un côté ; aussi allant d’un côté à l’autre (nouveau) côté, est-elle forcée de toujours avancer. Condamnée à progresser.

François Jullien, Un sage est sans idée.

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Message par Invité Dim 26 Avr 2015 - 15:10








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Message par Invité Ven 1 Mai 2015 - 12:36

Il faut donc que, contre mon humeur de chaque moment, je parvienne à freiner le mouvement qui me porte sans calculs vers les autres. Il n'est point question de ne plus parler. Mais de ne parler qu'avec circonspection, de ne se livrer qu'à qui en est digne. Et de ne plus gaspiller des heures précieuses de vie méditative, de lecture ou d'écriture, à des babillages ou des discussions qui, enrichiraient-elles mes interlocuteurs, ne manquent jamais de m'appauvrir, de m'amoindrir et de me déchirer.

Le temps de la sottise, Raymond Guérin

J'aime beaucoup cette citation, même si je ne me l'approprie pas entièrement, surtout la dernière phrase. Mais je crois comprendre ce que Raymond Guérin exprime là, une tentative d'exigence, une tentation de distanciation. J'approuve la circonspection, que parfois j'oublie dans l'enthousiasme, quand je deviens bavarde, quand un rien m'amuse et que je partage mes ironies douces ; et l'ode aux heures précieuses et méditatives.

Le temps de la sottise est un beau texte, court, trop court, sur la période vécue par un soldat français entre octobre 1939 et le 22 juin 1940.

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Message par Invité Sam 2 Mai 2015 - 21:40

Les Fleurs du Mal étaient un de ces titres heureux plus difficiles à trouver qu'on ne pense. Il résumait sous une forme brève et poétique l'idée générale du livre et en indiquait les tendances.Quoi qu'il soit bien évidemment romantique d'intention et de facture, on ne saurait rattacher par un lien bien visible Baudelaire à aucun des grands maîtres de cette école. Son vers, d'une structure raffinée et savante, d'une concision parfois trop serrée et qui étreint les objets plutôt comme une armure que comme un vêtement, présente à la première lecture une apparence de difficulté et d'obscurité. Cela tient, non pas à un défaut de l'auteur, mais à la nouveauté même des choses qu'il exprime et qui n'ont pas encore été rendues par des moyens littéraires. Il a fallu que le poète, pour y parvenir, se composât une langue, un rythme et une palette. Mais il n'a pu empêcher que le lecteur ne demeurât surpris en face de ces vers si différents de ceux qu'on a faits jusqu'ici. Pour peindre ces corruptions qui lui font horreur, il a su trouver ces nuances morbidement riches de la pourriture plus ou moins avancée, ces tons de nacre et de burgau qui glacent les eaux stagnantes, ces roses de phtisie, ces blancs de chlore, ces jaunes fielleux de bile extravasée, ces gris plombés de brouillard pestilentiel, ces verts empoisonnés et métalliques puant l'arséniate de cuivre, ces noirs de fumée délayés par la pluie le long des murs plâtreux, ces bitumes recuits et roussis dans toutes les fritures de l'enfer si excellents pour servir de fond à quelque tête livide et spectrale, et toute cette gamme de couleurs exaspérées poussées au degré le plus intense, qui correspondent à l'automne, au coucher du soleil, à la maturité extrême des fruits, et à la dernière heure des civilisations.

Baudelaire, Théophile Gautier

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Message par Invité Mar 5 Mai 2015 - 20:58


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Message par Invité Lun 11 Mai 2015 - 19:41

Je ne vais pas décrire ce bal. Tout ce qui constitue un bal de province s'y trouvait : dans les tribunes, des musiciens avec des trompettes extraordinairement fausses, des propriétaires ébahis avec leurs familles aux costumes surannés, des glaces violettes, de l'orgeat visqueux, des domestiques en bottes déformées et en gants de coton tricotés, des lions de petite ville aux visages convulsivement contractés. Tout ce petit monde tournait autour de son soleil... autour du prince.

Tourgueniev, Journal d'un homme de trop

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Message par Invité Mar 12 Mai 2015 - 20:52

Pardonnez-moi, dit doucement l’inconnu, mais pour gouverner, encore faut-il être capable de prévoir l’avenir avec plus ou moins de précision, et pour un délai un tant soit peu acceptable. Or, - permettez-moi de vous le demander -, comment l’homme peut-il gouverner quoi que ce soit, si non seulement il est incapable de la moindre prévision, ne fut-ce que pour un délai aussi ridiculement bref que, disons, un millier d’années, mais si, en outre, il ne peut même pas se porter garant de son propre lendemain ? Tenez, imaginons ceci, reprit-il en se tournant vers Berlioz. Vous, par exemple. Vous vous mettez à gouverner, vous commencez à disposer des autres et de vous-même, bref, comme on dit, vous y prenez goût, et soudain... hé, hé... vous attrapez un sarcome au poumon... (En disant ces mots, l’étranger sourit avec gourmandise, comme si l’idée du sarcome lui paraissait des plus agréables.) Oui, un sarcome... (répéta-t-il en fermant les yeux et en ronronnant comme un chat) et c’est la fin de votre gouvernement ! Dès lors, vous vous moquez éperdument du sort des autres. Seul le vôtre vous intéresse. Vos parent et vos amis commencent à vous mentir. Pressentant un malheur, vous courez voir les médecins les plus éminents, puis vous vous adressez à des charlatans, et vous finissez, évidemment, chez les voyantes. Et les choses se terminent tragiquement, celui qui, naguère encore, croyait gouverner, se retrouve allongé, raide, dans une boîte en bois, et son entourage, comprenant qu’on ne peut plus rien faire de lui, le réduit en cendres. Mais il peut y avoir pis encore : on se propose - quoi de plus insignifiant ! - d’aller faire une cure à Kislodovsk (l’étranger lança un clin d’oeil à Berlioz), et voilà, nul ne sait pourquoi, qu’on glisse et qu’on tombe sous un tramway ! N’est-il pas plus raisonnable de penser que celui qui a voulu cela est quelqu’un d’autre, de tout à fait neutre ? Et l’étranger éclata d’un rire étrange.

Mikhaïl Boulgakov, Le Maître et Marguerite

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Message par Invité Jeu 14 Mai 2015 - 12:06

Stances de l’impossible

L’été sera l’hiver et le printemps l’automne,
L’air deviendra pesant, le plomb sera léger ;
On verra des poissons dedans l’air voyager
Et de muets qu’ils sont avoir la voix fort bonne.
L’eau deviendra le feu, le feu deviendra l’eau
Plutôt que je sois pris d’un autre amour nouveau.

Le mal donnera joie, et l’aise des tristesses !
La neige sera noire, et le lièvre hardi,
Le lion deviendra du sang acouardi,
La terre n’aura point d’herbes ni de richesses ;
Les rochers de soi-même auront un mouvement
Plutôt qu’en mon amour il y ait changement.

Le loup et la brebis seront en même étable
Enfermés sans soupçon d’aucune inimitié ;
L’aigle avec la colombe aura de l’amitié
Et le caméléon ne sera point muable ;
Nul oiseau ne fera son nid au renouveau
Plutôt que je sois pris d’un autre amour nouveau.

La lune qui parfait en un mois sa carrière
La fera en trente ans au lieu de trente jours ;
Saturne qui achève avec trente ans son cours
Se verra plus léger que la lune légère ;
Le jour sera la nuit, la nuit sera le jour
Plutôt que je m’enflamme au feu d’un autre amour.

Les ans ne changeront le poil ni la coutume,
Les sens et la raison demeureront en paix,
Et plus plaisants seront les malheureux succès
Que le plaisir du monde au coeur qui s’en allume.
On haïra la vie, aimant mieux le mourir
Plutôt que l’on me voie à autre amour courir.

On ne verra loger au monde l’espérance ;
Le faux d’avec le vrai ne se discernera,
La fortune en ses dons changeante ne sera,
Tous les effets de mars seront sans violence,
Le soleil sera noir, visible sera Dieu
Plutôt que je sois vu captif en autre lieu.

Amadis Jamyn

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Message par Invité Lun 25 Mai 2015 - 20:46


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Message par Invité Mar 2 Juin 2015 - 23:33

Trois petits contes cruels,
A écrire. Vocabulaire
Etincelant, coupant comme le verre.
Mots de miel,
Poisseux poisons,
Emprisonnent,
Puis sonnent
Le début du rire.
Ironie, reine triomphant de l’ire.
Comme on dit, passons.

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Message par Invité Ven 5 Juin 2015 - 13:33

Textures mouvantes.
Déplacements imperceptibles des choses.
Sous-couches des mondes qui s’emmêlent à la surface.
Confusion des espaces-temps.
A des années-lumières.
J’sais pas. J’me sens bizarre.
Trouver d’autres mots que bizarre ou étrange.

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Message par Invité Mer 10 Juin 2015 - 21:25


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Message par Invité Dim 14 Juin 2015 - 10:21

Mon inquiétude

Je suis l'inquiétude des loups, la quiétude des ours sages,
L'ennui écoute retentir en moi les cris d'un coeur sauvage,
Je ne suis point ce que je pense et ne suis point tel que je veux,
Je suis l'enchanteur et le sortilège de son jeu,
Je suis l'énigme qui se tue à résoudre enfin son mystère
Moi, plus agile que le vent qui se noue autour d'une pierre,
Je suis le soleil de l'été, l'hiver, le vent glacé du Nord
Et je suis le riche dandy que l'on voit gaspiller son or,
Hardi je suis le gars qui porte un peu de biais sa casquette
Et qui dévalise son temps en sifflotant un air de fête,
Je suis le violon mais aussi le tambourin, la contrebasse,
De ces trois vieux musiciens, orchestre vagabond qui passe,
Je suis la danse de l'enfant et sous la clarté de la lune
Je suis cet innocent qui rêve au pays bleu de la fortune.
Lorsqu'en passant je vois d'une maison détruite les  décombres
Je suis le vide qui m'observe avec ses regards troués d'ombre.
Je suis la peur en ce moment qui m'épie peut-être au-dehors,
La fosse ouverte dans un champ à la mesure de mon corps,
Maintenant je suis la lueur qui brûle pour le souvenir
Et l'inutile image au mur suintant qui reste à jaunir,
Maintenant, le temps d'un éclair, je suis cette immense tristesse
Qui depuis un siècle me guette et me débusque sans cesse,
Et maintenant je suis la nuit, la lassitude est sa rançon,
Le pesant brouillard de la nuit, le soir et sa calme chanson,
L'étoile blanche que l'on voit très haut dans le ciel allumée
Et la rumeur sourde d'un arbre, un son de cloche, une fumée...

Moshe-Leib Halpern
Anthologie de la poésie yiddish

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Message par Invité Mer 24 Juin 2015 - 22:58

Bon, allez, je vais la faire prout-prout. Parce que prout. Je traduis pas, vous trouverez tout seuls, z'êtes grands. En plus, je me casse pas la nénette, c'est le début du bouquin. 135 chapitres. 912 pages dans la version traduite que j'ai. Voilà.

Call me Ishmael.  Some years ago—never mind how long precisely—having little or no money in my purse, and nothing particular to interest me on shore, I thought I would sail about a little and see the watery part of the world.  It is a way I have of driving off the spleen and regulating the circulation.  Whenever I find myself growing grim about the mouth; whenever it is a damp, drizzly November in my soul; whenever I find myself involuntarily pausing before coffin warehouses, and bringing up the rear of every funeral I meet; and especially whenever my hypos get such an upper hand of me, that it requires a strong moral principle to prevent me from deliberately stepping into the street, and methodically knocking people’s hats off—then, I account it high time to get to sea as soon as I can.  This is my substitute for pistol and ball.  With a philosophical flourish Cato throws himself upon his sword; I quietly take to the ship.  There is nothing surprising in this.  If they but knew it, almost all men in their degree, some time or other, cherish very nearly the same feelings towards the ocean with me.

Moby-Dick, Herman Melville

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Message par Invité Sam 29 Aoû 2015 - 12:34

Mais l'empire de la raison occupé par les fous diffère de la raison dont dispose l'esprit sain en ceci qu'il est considéré par le fou, et juste titre en un certain sens, non seulement comme plus prudent et nuancé, mais encore comme plus vaste, plus "objectif", plus "total", - bref, comme plus raisonnable encore que la raison des raisonnables, jugée en l'occurrence comme un peu pauvre et maigre (et c'est fort justement que les Grecs de l'Antiquité désignaient la folie comme para-noïa, soit comme hyper-rationalisme, comme "excès" de la raison). La raison des fous ne se limite pas au raisonnable ; elle s'adjuge aussi le domaine de ce qui n'est pas raisonnable et tient pour esprits étroits, voire fanatiques, ceux qui limitent, arbitrairement à son gré, le domaine du raisonnable à ce qui est effectivement raisonnable. La raison du fou est aussi bien supérieure à celle du sage, et on peut le vérifier sur le plan le plus indiscutablement "scientifique", c'est-à-dire matériel et quantitatif : puisqu'elle prend en considération non pas seulement, comme le sage ou le savant, le domaine de ce qui est raisonnable et crédible, mais aussi celui de ce qui est absurde et incroyable. Le charlatan se distingue en somme du scientifique en ce qu'il sait davantage que ce dernier et est par conséquent plus scientifique que lui. Car il a sur le scientifique un triple avantage ; d'être à ses yeux plus équitable, plus impartial et moins sujet aux préjugés (ce n'est pas lui qui rejetterait d'un haussement d'épaules certains "faits" que le scientifique refuse simplement de prendre en considération).

Clément Rosset, Principes de sagesse et de folie


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Message par Invité Sam 29 Aoû 2015 - 12:35

Le sentiment jubilatoire de l'existence est curieusement très proche de la nausée de l'existence, et tend même à s'y confondre jusqu'à un certain point, le fait que l'existence existe étant éprouvé dans les deux cas avec une égale et exceptionnelle intensité. L'analyse de la joie, sur laquelle je ne reviendrai pas ici pour m'y être essayé ailleurs, montre en effet que l'homme joyeux ne se réjouit pas de tel ou tel bonheur particulier, mais du fait général que l'existence existe ; de même que l'homme saisi de nausée profonde, ainsi qu'on vient de le voir, ne souffre pas de tel ou tel aspect fâcheux de l'existence, mais bien du fait de l'existence elle-même. J'irai même plus loin : jubilation et nausée ont en commun de percevoir confusément l'existence comme non prévue, non programmée, non nécessaire, bref comme survenant en plus et en trop.

Clément Rosset, Principes de sagesse et de folie

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Message par //ha!ha! Jeu 3 Sep 2015 - 21:21

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Dernière édition par Didoudou le Ven 11 Sep 2015 - 20:05, édité 1 fois (Raison : Nouvelle ligne éditoriale)
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Message par Invité Jeu 3 Sep 2015 - 21:28

Qui ?

Qui es-tu, toi, doudoudidonc ?

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Message par //ha!ha! Jeu 3 Sep 2015 - 21:33

.


Dernière édition par Didoudou le Ven 11 Sep 2015 - 20:04, édité 1 fois (Raison : Nouvelle ligne éditoriale)
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Message par Invité Jeu 3 Sep 2015 - 21:40

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Message par Invité Sam 5 Sep 2015 - 14:24

La philosophie par le meurtre

Celui qui a tué moins de cent fois, qu'il me jette la première pierre

La philosophie est indispensable à l'homme. Un adulte sans philosophie est grotesque. Il faut savoir trouver son chemin vers elle. Courage et perspicacité.
Mais je ne vais pas en parler spécialement ici. J'en parle surtout à qui sait comprendre.
Je parlerai de la foule.
Il ne faut pas, lorsque je considère les différentes impossibilités qui m'empêchent d'aller de l'avant, il ne faut pas que dans ce moment je rencontre des gens dans la rue.
On ne rencontre que trop de gens partout pour vous faire perdre la foi, vous embarrasser, vous ralentir, vous stopper, vous faire vous renier.
Heureusement, il y a des moments d'impétueuse certitude où tous ces agités se trouvent "du mauvais côté", du côté qui cède, tandis que le vôtre est ferme, formidablement ferme.
Vous descendez alors dans la rue et vous fendez à coups de faux la foule idiote. Le sort en est jeté. Des innocents ? Qui est innocent ? Qu'on nous les montre, s'ils existent !
D'ailleurs, ils ne s'en portent pas beaucoup plus mal d'avoir été fauchés, ces insensibles, et vous, au contraire, vous vous en portez d'autant mieux. Essayez. Chacun peut ainsi descendre dans la rue. C'est une question de confiance. Ensuite, déchargé du geste qu'il fallait faire, vous pouvez, enfin rasséréné, accéder enfin à la philosophie. Vous êtes arrivé à l'horizontalité parfaite. Profitez-en. Vous pourriez même sans vous forcer vraiment, vous montrer bienveillant. C'est agréable aussi. Oui, du moins, quand on commence...

Henri Michaux, in La vie dans les plis

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Message par Invité Ven 11 Sep 2015 - 22:46


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Message par Invité Ven 18 Sep 2015 - 19:48

Graduellement, il avait acquis une extraordinaire influence sur la partie féminine de la maison du général, influence analogue à celle exercée sur quelques dames par certains sages et prédicateurs de maisons d'aliénés.


On va se demander d'où peut provenir une pareille infatuation. Comment peut-elle germer chez d'aussi pitoyables êtres de néant que leur condition même devrait renseigner sur la place qu'ils méritent ? Que répondre à cela ? Qui sait ? Il est peut-être parmi eux des exceptions au nombre desquelles figurerait mon héros. Et Foma est, en effet, une exception, comme le lecteur le verra par la suite. En tout cas, permettez-moi de vous le demander : êtes-vous bien sûr que tous ces résignés, qui considèrent comme un bonheur de vous servir de paillasse, que vos pique-assiettes aient dit adieu à toute amour-propre ? Et ces jalousies, ces commérages, ces dénonciations, ces méchants propos qui se tiennent dans les coins de votre maison même, à côté de vous, à votre table ? Qui sait si, chez certains chevaliers errants de la fourchette, sous l'influence des incessantes humiliations qu'ils doivent subir, l'amour-propre, au lieu de s'atrophier, ne s'hypertrophie pas, devenant ainsi la monstrueuse caricature d'une dignité peut-être entamée primitivement, au temps de l'enfance, par la misère et le manque de soins.


Fédor Dostoïevski, Stepantchikovo.

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Message par Invité Dim 4 Oct 2015 - 11:32

Il croyait à l'éternité des choses éternelles, à leur noblesse inaltérable, inscrite au fronton d'un ciel haut et pur. Et il cessa d'y croire. Son professeur d'éthique était un jeune normalien extraordinairement prolixe et sympathique qui traitait les textes avec une désinvolture brillante jusqu'à la nausée, assénant à ses étudiants des considérations définitives sur le mal absolu que n'aurait pas désavouées un curé de campagne, même s'il les agrémentait d'un nombre considérable de références et citations qui ne parvenaient pas à combler leur vide conceptuel ni à dissimuler leur absolue trivialité. Et toute cette débauche de moralisme était de surcroît au service d'une ambition parfaitement cynique, il était absolument manifeste que l'Université n'était pour lui qu'une étape nécessaire mais insignifiante sur un chemin qui devait le mener vers la consécration des plateaux de télévision où il avilirait publiquement, en compagnie de ses semblables, le nom de la philosophie, sous l'œil attendri de journalistes incultes et ravis, car le journalisme et le commerce tenaient maintenant lieu de pensée, Libero ne pouvait plus en douter, et il était comme un homme qui vient juste de faire fortune, après des efforts inouïs, dans une monnaie qui n'a plus cours.

Jérôme Ferrari, Le Sermon sur la chute de Rome

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Message par Invité Lun 5 Oct 2015 - 21:00

Quant tout devient si lourd, la pesanteur finit-elle par s'inverser ?


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Message par tildetildetilde Mar 6 Oct 2015 - 9:50

inkakurrpa a écrit:Quant tout devient si lourd, la pesanteur finit-elle par s'inverser ?

Je crains que cette inversion ne soit pas naturelle et qu'il faille défier les lois de la physique.
Il m'arrive de penser que face à tant de pesanteur, apprendre la légèreté pourrait être un défi intéressant à relever. Et j'irai plus loin en ce qui me concerne, c'est vital.

tildetildetilde

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Message par Invité Mar 6 Oct 2015 - 21:09

Oui, c'est ça. Un mouvement, de l'une à l'autre. Un équilibre, toujours précaire.

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Message par serpuneptil Mar 6 Oct 2015 - 22:05

Oui, il faut apprendre la légèreté... La gravité ne s'inversera pas.


serpuneptil

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Message par Invité Mar 6 Oct 2015 - 22:21

Very Happy Merci

Falling feels like flying, till you hit the ground ?



La légèreté est un paradoxe, elle défie toute logique.


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Message par Invité Lun 12 Oct 2015 - 23:27


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Message par Invité Jeu 22 Oct 2015 - 7:59

En grève, durée indéterminée. Rêve générale.

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Message par Invité Jeu 22 Oct 2015 - 12:35

je ne connaissais pas cet extrait des monty python, excellent Laughing
je me mets en rêve aussi

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Message par Invité Mar 10 Nov 2015 - 23:53

Merci Very Happy

Plus contrariée, mais toujours en grève. C'est quoi mes revendications ? Ah, ah, mais tout le monde y s'en tape, en vrai, et puis c'est long comme un jour sans... Ca va loin, donc, très loin. Rêve, toujours.

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Message par Invité Jeu 26 Nov 2015 - 0:10




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Message par Invité Ven 4 Déc 2015 - 16:57

C’est une nouvelle idée qui prend de l’ampleur et est en passe d’être à la mode, le livre soigne. Sous le terme de bibliothérapie, diverses conceptions se rassemblent : le soin, la littérature comme thérapie, les effets de la littérature pour chaque lecteur, des blogs et sites qui proposent des consultations personnalisées… J’ai découvert ce terme au fil de mes pérégrinations sur un site de lecteurs. Je déteste les termes de soin ou de thérapie appliqué à la littérature, je désapprouve l’idée de thérapie ou de prescription médicale, ce qui aurait tendance à me faire fuir et à m’ôter toute envie de lire. Pour autant, conseiller ou offrir un livre a toujours un sens particulier ; et parfois, on rencontre un texte, par hasard semble-t-il, alors qu’il se révèle être au coeur de ce qu’on vit à ce moment-là.

Je me suis éloignée des livres de développement personnel ou de recherche de soi que j'ai pu lire à un moment, tous ceux qui prétendent délivrer une vision finalement très contraignante et normalisatrice de ce qu’il faudrait être ou comment il faudrait envisager la vie, réduite à la recherche du bonheur ; et je me plonge plus intensément dans la littérature, classique ou moderne, d’ici ou d’ailleurs, dans les essais scientifiques, philosophiques, de critique littéraire… Le drame est que plus je lis, plus je sais que jamais je ne pourrais tout lire de ce que je voudrais lire, que parler des livres c’est ne pas lire pendant ce temps-là, et qu’il faut bien du temps aussi pour penser, rêver, dessiner, élaborer, vivre.

Car la littérature, la lecture changent la vie, le regard sur le monde, nos perceptions. Lire, c’est ne pas être seul, c’est écouter un autre qui parle, et l’écouter attentivement, pleinement ; c’est entrer dans toutes les possibilités et les mondes infinis de l’esprit. La littérature ne juge pas, elle ne raisonne pas, son règne est celui du rêve, des émotions, des passions, du plus noir au plus lumineux. Elle est complémentaire des essais qui décrivent, analysent, critiquent, proposent. Quel que soit le livre, lire c’est écouter une autre parole, et c’est en cela qu’on reconnaît les bons livres des mauvais. Car le bon livre vous parle ; il ne bavarde pas, il ne vous égare pas, s’il vous manipule dans sa construction et dans de fausses pistes, c’est pour mieux revenir à son propos, celui qu’on ne comprend que la dernière page tournée. Lire, c’est aussi un dialogue permanent entre l’auteur et le lecteur, un dialogue différé, silencieux, qui ne tient aucun compte des barrières spatiales ou temporelles ; seule la langue est une barrière si un livre n’est pas traduit, et la traduction est elle-même un dialogue dans le dialogue, une troisième voix, un art à part entière.

Je ne me souviens plus si j’ai recommencé à lire de façon intensive et qu’à ce moment, j’ai commencé à fréquenter un site de partage des lectures. Ou si l’idée de challenge, satisfaisant autant mon inaltérable aspect compteur, (cette façon d’organiser le monde pour contenir l’angoisse et la peur de se tromper, piètre remède), a rencontré mon amour du conte, des histoires, des phrases et des mots, de leur magie. A un moment de ma vie où j’ai ressenti la nécessité de retrouver toute la richesse des mondes, de plonger dans d’autres univers, de partager quelque chose de l’humanité, sans doute au sens humaniste, et que seule la littérature peut exprimer dans toute sa complexité, sa profondeur, sa diversité.

Aujourd’hui, et parce qu’internet offre des possibilités qui n’existaient pas il y a une vingtaine d’année, je lis en partageant mes lectures, je découvre les lectures d’autres que je ne connais pas, je peux lire dans la perspective de réfléchir à ce que j’ai retenu de ces centaines de pages. Ecrire une critique, retour sur le livre qu’on vient de lire, est un exercice de mémoire et de reconstruction de la trame de l’ouvrage ; c’est dégager ce qui ressort pour soi d’un texte particulier, une vision subjective. Critique après critique, des motifs se dessinent qui disent beaucoup de ma présence au monde, de ce que je ressens de la condition humaine, tragédie magnifique : les mondes séparés mais qui se croisent pourtant, comment on est relié malgré le silence, ce qui se corrompt inexorablement, la mémoire et l’oubli, la lumière malgré ce qui est si sombre. Les livres me montrent comment le monde, duquel je me retire pourtant lors de la lecture, me parle, comment je m’y insère, ce que j’y cherche peut-être, sa magie propre à ma sensibilité, mon histoire.

Pourtant, je ne sais pas exactement comment la lecture fait effet, comment elle me conduit ou m’accompagne vers plus de sérénité, de joie pure, ce qu’elle produit dans mes relations aux autres, mes choix ; comment elle éclaire, parfois douloureusement, ce qui est mon chemin propre, et ce que très probablement il ne sera pas. Je ne crois pas qu’il soit bon de le savoir exactement, de décortiquer le processus, ce qui serait un non-sens anti-littéraire.

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Message par Invité Sam 5 Déc 2015 - 19:05

Je suis médecin je suis médecin je suis médecin, j'ai trente ans, deux filles, je suis revenu de la guerre, je me suis acheté une voiture bon marché il y a deux mois, j'écris des poèmes et des romans que je ne publie jamais, j'ai mal à une dent de sagesse du haut et je vais être psychiatre, comprendre les gens, déchiffrer leur désespoir et leur angoisse, les tranquilliser grâce à mon sourire de prêtre laïque manipulant les hosties des comprimés en des eucharisties chimiques, je vais finalement être une personne respectable penchée sur un bloc d'ordonnances dans une hâte distraite d'altesse royale, à prendre après les repas, à prendre avant les repas, à prendre au milieu des repas, au lever, au coucher avec une boisson chaude, au dîner, au goûter, pas de vin, d'eau-de-vie, de goutte, de vermouth, d'anisette, revenez dans quinze jours, revenez dans un mois, téléphonez-moi pour me dire comment vous vous sentez, je suis normal vous êtes malade, je suis normal vous êtes malade je connais la sémiologie, la psychopathologie, la thérapie, je reconnais à des kilomètres la dépression, la paranoïa, l'euphorie pathologique, les crises d'épilepsie, les somatisations, les caractériels, demandez une prise en charge à votre caisse pour vous faire faire un électroencéphalogramme, réglez la facture, n'oubliez pas de régler la facture, surtout réglez bien la facture, soyez sage, sinon je vous fiche une cure de sommeil carabinée, serenelfi largactil niamide nozinan bialminal, bonsoir, il resserra son noeud de cravate en prenant modèle sur le gaucher du miroir, s'examina de face, de trois quarts, de profil, je suis médecin, je suis médecin, je suis interne en psychiatrie, le vieux du couloir aboyait sans trêve, il retourna à la table, s'installa royalement sur la chaises, et par les vitres de la fenêtre, il eut comme en un vertige l'impression de voir un homme voler, un homme banal, ni jeune ni vieux, qui agitait les manches de sa veste dans le bleu de juillet et volait. Il se dit
- Je suis foutu
et en relevant la tête il se retrouva nez à nez avec l'assistant, qui, près de la porte, le regardait d'un air infiniment surpris.

Antonio Lobo Antunes, Connaissance des enfers

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Message par Invité Dim 6 Déc 2015 - 19:59

Ils prennent la forme de bulles pour rêver, ils prennent la forme de lianes pour s'émouvoir.
Appuyée contre un mur, un mur que du reste personne ne reverra jamais, une forme faite d'une corde longue est là. Elle s'enlace.
C'est tout. C'est une Meidosemme.
Et elle attend, légèrement affaissée, mais bien moins que n'importe quel cordage de sa dimension appuyé sur lui-même.
Elle attend.
Journées, années, venez maintenant. Elle attend.


Henri Michaux, in La vie dans les plis

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Message par Invité Ven 11 Déc 2015 - 15:16

Tristesse aux flots de pierre.

Des lames poignardent des lames
Des vitres cassent des vitres
Des lampes éteignent des lampes

Tant de liens brisés.

La flèche et la blessure
L'oeil et la lumière
L'ascension et la tête.

Invisible dans le silence.

Paul Eluard, in Capitale de la douleur

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Message par Invité Ven 11 Déc 2015 - 22:33

Ton extrait d'Antonio Lobo Antunes me fait penser à cet extrait de "Doppler" par Erlend Loe.


Je suis cycliste. Et je suis époux, père, fils, salarié. Propriétaire d'une maison. Et je suis un chapelet d'autres choses aussi. On est tant de choses.

J'ai beaucoup aimé ce livre. Bisous

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Message par Invité Sam 12 Déc 2015 - 12:54

J'ai regardé résumé et critique, il a l'air pas mal en effet, on compare Erlend Loe à Arto Paasilinna, que j'aime bien aussi, mais en plus sombre. Mais du coup, je ne crois pas qu'il soit tout à fait comparable, en dehors des deux citations, avec Antonio Lobo Antunes, enfin je dirais ça quand j'aurais lu Erlend Loe.

Connaissance de l'enfer, Capitale de la douleur, L'espoir, cette tragédie, Illska (le mal)... On pourrait croire, d'après les titres des livres que j'ai lu récemment, que je lis ou que je vais lire, que je suis plongée dans un monde de tristesse et de douleurs. Mais en fait non, ça va plutôt très bien, plus je lis et plus j'ai l'impression d'aller à l'essentiel, de lâcher pas mal de petites choses inutilement agaçantes et pourrissantes. Et puis il ne faut pas se fier aux titres, ils peuvent être trompeurs. L'Espoir, cette tragédie, de Shalom Auslander, est plus drôle et caustique que tragique, et L'Empire des lumières, de Kim Youg-ha n'est pas si lumineux puisqu'il s'agit des deux Corées et d'un espion du Nord qui vit au Sud depuis vingt ans et est rappelé dans son pays. Et pourtant, ce sont souvent les titres qui m'attirent, avant de savoir ce dont il est question réellement dans les bouquins, toujours ce goût pour la complexité, les paradoxes, et ce qui fait que rien n'est jamais tout à fait une chose ou tout à fait une autre, autrement dit la nuance, échappatoire aux labyrinthes du nécessaire, de l'inéluctable, espace infini de création et de liberté. Le titre d'un livre est déjà un monde en soi.

La littérature, la poésie, permettent de dire mieux que je ne saurais le dire et avant même que je ne le pense à qui n'est pas là.

Bisous

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Message par Invité Sam 12 Déc 2015 - 22:51

Hiha ! Je suis fan d'Arto. Mon préféré restant ad vitam "Prisonniers du Paradis" et gros faible pour "Petits suicides ente amis" : à mourir de rire ^^
Tout également, je suis souvent (j'étais, je lis peu ces derniers temps et pour cause ...) attirée par le titre ou je m'attache à un auteur et je dévore son œuvre !

Tu connais "Chroniques de San Francisco" d'Armistead Maupin ? Ca date mais c'est bon.
Fan aussi, je fus, pendant longtemps de John Irving et son/ses personnages attachants.

Chroniques:

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Message par Invité Dim 13 Déc 2015 - 0:23

Coucou !

Je flânais sur le forum cet après-midi, j'ai vu que vous discutiez entre autres de Paasilinna (j'avais bien aimé La douce empoisonneuse), ça m'a donné envie de découvrir de nouveau romans et de nouveaux auteurs !
Heu.. voilà c'est tout ^^


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Message par Invité Dim 13 Déc 2015 - 0:59

Hey, ddistance  Smile

Des écrivains et des romans, parmi mes préférés, que j'ai cités ici ou non :

Andrus Kivirähk, L'homme qui savait la langue des serpents (et Les groseilles de novembre en pense-bête)
Patrick Pécherot : L'homme à la carabine (et tout Patrick Pécherot)
Eliott Perlman : La mémoire est une chienne indocile (et Ambiguïtés en attente)
Keith Scribner : L'expérience Oregon
Diego Marani : Nouvelle grammaire finnoise
Michael Chabon : Le club des policiers yiddish (et tout Michael Chabon)
Jacques Yonnet : Rue des maléfices
Mia Couto : L'accordeur de silences et La confession de la lionne
Haruki Murakami : La course au mouton sauvage et la suite Danse, danse, danse

Balzac, que je lis ou relis depuis le début, et tout Dostoïevski, avec de pures merveilles que je ne connaissais pas ; et puis Zola, les Rougon-Macquart, je suis toujours d'un avis un peu mitigé sur Zola, je le préfère vraiment quand il décrit la bassesse et la lâcheté, c'est là qu'il est le meilleur, dès qu'il fait dans le sentimentalisme ou la psychologie, c'est un peu daté à mon avis, encore qu'il n'est soit pas tendre pour les doux et les naïfs qu'il sacrifie quasi systématiquement, mais il décrit très bien le Second Empire et le règne de l'argent et du cynisme.

Sinon, moi aussi en recherche de nouveaux auteurs, je me suis lancée dans un tour du monde littéraire, au moins un livre par pays, mais en repartant de zéro, je ne compte pas ceux que j'ai déjà lus, ce qui m'oblige à découvrir là où je n'irai pas forcément, et pour certains pays, ça va être un défi.

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Message par Invité Mar 15 Déc 2015 - 12:31

J'avais beaucoup aimé "l'accordeur de silences" de Mia Couto.
(Renarde20 en avait parlé ici).
Je ne connais aucun des autres dont tu parles
La foire du livre de Brive où j'ai croisé Irène Frain, m'a donné envie de me replonger dans ses romans. Je relis Beauvoir in love.

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Message par Invité Mar 15 Déc 2015 - 20:59

C'est que des bouquins bien Smile

Je me demande ce qu'ils ont en commun, un peu de magie peut-être, enfin, je n'arrive pas trop à définir ce qui me fait les citer les uns à côté des autres. Mais en tout cas, une force et un univers bien particuliers à chacun.

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Message par Invité Mar 15 Déc 2015 - 21:47

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Dernière édition par Bérénice le Lun 28 Déc 2015 - 3:12, édité 1 fois

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Message par Invité Mar 15 Déc 2015 - 23:03

Bérénice a écrit:
inkakurrpa a écrit:
C’est une nouvelle idée qui prend de l’ampleur et est en passe d’être à la mode, le livre soigne. Sous le terme de bibliothérapie, diverses conceptions se rassemblent : le soin, la littérature comme thérapie, les effets de la littérature pour chaque lecteur, des blogs et sites qui proposent des consultations personnalisées… J’ai découvert ce terme au fil de mes pérégrinations sur un site de lecteurs. Je déteste les termes de soin ou de thérapie appliqué à la littérature, je désapprouve l’idée de thérapie ou de prescription médicale, ce qui aurait tendance à me faire fuir et à m’ôter toute envie de lire. Pour autant, conseiller ou offrir un livre a toujours un sens particulier ; et parfois, on rencontre un texte, par hasard semble-t-il, alors qu’il se révèle être au coeur de ce qu’on vit à ce moment-là.

Pourtant, je ne sais pas exactement comment la lecture fait effet, comment elle me conduit ou m’accompagne vers plus de sérénité, de joie pure, ce qu’elle produit dans mes relations aux autres, mes choix ; comment elle éclaire, parfois douloureusement, ce qui est mon chemin propre, et ce que très probablement il ne sera pas. Je ne crois pas qu’il soit bon de le savoir exactement, de décortiquer le processus, ce qui serait un non-sens anti-littéraire.

La fameuse bibliothérapie, en fait, passe par la rencontre des personnes et par le partage oral.
L'idée est de prendre l'autre par la main et de la/le remettre en mouvement
.

@Berenice,
J'aurais du mal à concevoir la bibliothérapie tout à fait ainsi. Au contraire même. Pour moi l'effet "lecture" se fait ressentir au mieux, dans la plus profonde solitude. C'est une alchimie secrète entre moi et le livre, parfois entre moi et l'auteur, quand je sombre dans toute une œuvre. "Il y a les livres que l'on lit et les livres qui nous lisent". Personnellement si je partage parfois encore des titres, je n'en révèle plus le contenu. Seule la personne, qui connaissant mes états intérieurs, états dans lesquels elle entend des échos, ou pas, choisira alors de lire, ou pas, les titres que j'apporte.  
La bibliothérapie telle que tu la présentes reviendrait à croire que les bibliothérapeutes puissent exister un jour. Pour exister, il me semble que la bibliothérapie n'a besoin que de livres et de bibliothèques. Notre main, nos yeux, nos oreilles qui trainent sur un titre, une couleur, une illustration, une texture feront le reste.

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Message par Invité Mer 16 Déc 2015 - 21:35

Bé, je crois qu'on ne sait pas trop comment ça marche, que bibliothérapie risque de devenir un peu trop un pendant des soins paramédicaux (ce qui fait que je suis réticente sur le terme et sur certains développements de la notion), et malheureusement, il y a des personnes qui se disent bibliothérapeutes (sites ou blogs), comme d'autres se disent coach. Pour moi, tout ça est plat, contraint, passif. Alors que j'aime bien les idées de consultation littéraire, comme des consultations de philo, j'ai quelque chose qui me travaille, qu'en dit la littérature ou qu'en dit la philo ? Parce que c'est une ouverture à ce qui va au-delà de notre problème, de nous-même.

Et donc qu'aussi bien je suis d'accord sur la nécessité et le plaisir de lire dans la solitude (mais quand on lit, on n'est jamais seul), et sur l'intérêt des lectures partagées, des lectures à voix hautes, parce que c'est une autre façon d'appréhender les textes. Je dirais que ce sont des lectures à des niveaux différents, d'éclairage, de compréhension. Plus on lit, et plus on aime partager sa passion, c'est un peu comme le paradoxe de la solitude, tellement trop bien des fois que j'aimerais la partager, mais si je la partage, ce n'est plus de la solitude, comment faire ?

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