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Re: Vos poèmes préférés
Musique
Puisqu'il n'est point de mots qui puissent contenir,
Ce soir, mon âme triste en vouloir de se taire,
Qu'un archet pur s'élève et chante, solitaire,
Pour mon rêve jaloux de ne se définir.
Ô coupe de cristal pleine de souvenir ;
Musique, c’est ton eau seule qui désaltère ;
Et l'âme va d'instinct se fondre en ton mystère,
Comme la lèvre vient à la lèvre s’unir.
Sanglot d'or !… Oh ! voici le divin sortilège !
Un vent d’aile a couru sur la chair qui s"allège ;
Des mains' sur nous promènent leur douceur.
Harmonie, et c'est toi, la Vierge secourable,
Qui, comme un pauvre enfant, berces contre ton coeur
Notre coeur infini, notre coeur misérable.
Albert Samain, Au jardin de l'infante
Bacha Posh- Messages : 568
Date d'inscription : 21/06/2014
Re: Vos poèmes préférés
L'Etrangère
Il existe près des écluses
Un bas quartier de bohémiens
Dont la belle jeunesse s'use
À démêler le tien du mien
En bande on s'y rend en voiture,
Ordinairement au mois d’août,
Ils disent la bonne aventure
Pour des piments et du vin doux
On passe la nuit claire à boire
On danse en frappant dans ses mains,
On n'a pas le temps de le croire
Il fait grand jour et c'est demain.
On revient d'une seule traite
Gais, sans un sou, vaguement gris,
Avec des fleurs plein les charrettes
Son destin dans la paume écrit.
J'ai pris la main d'une éphémère
Qui m'a suivi dans ma maison
Elle avait des yeux d'outremer
Elle en montrait la déraison.
Elle avait la marche légère
Et de longues jambes de faon,
J'aimais déjà les étrangères
Quand j'étais un petit enfant !
Celle-ci parla vite vite
De l'odeur des magnolias,
Sa robe tomba tout de suite
Quand ma hâte la délia.
En ce temps-là, j'étais crédule
Un mot m'était promission,
Et je prenais les campanules
Pour des fleurs de la passion
À chaque fois tout recommence
Toute musique me saisit,
Et la plus banale romance
M'est éternelle poésie
Nous avions joué de notre âme
Un long jour, une courte nuit,
Puis au matin : "Bonsoir madame"
L'amour s'achève avec la pluie.
Louis Aragon, Le Roman inachevé
Bacha Posh- Messages : 568
Date d'inscription : 21/06/2014
Re: Vos poèmes préférés
J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m’est chère ?
J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués, en étreignant ton ombre, à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne depuis des jours et des années, je deviendrais une ombre sans doute.
Ô balances sentimentales.
J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille. Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi, je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venus.
J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant, qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois que l’ombre qui se promène et se promènera allégrement sur le cadran solaire de ta vie.
Robert Desnos, « À la mystérieuse », Corps et Biens.
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m’est chère ?
J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués, en étreignant ton ombre, à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne depuis des jours et des années, je deviendrais une ombre sans doute.
Ô balances sentimentales.
J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille. Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi, je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venus.
J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant, qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois que l’ombre qui se promène et se promènera allégrement sur le cadran solaire de ta vie.
Robert Desnos, « À la mystérieuse », Corps et Biens.
Invité- Invité
Re: Vos poèmes préférés
- Correspondances
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
– Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
— Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, Spleen et idéal
Pieyre- Messages : 20908
Date d'inscription : 17/03/2012
Localisation : Quartier Latin
Re: Vos poèmes préférés
Un peu de musique
Écoutez ! — Comme un nid qui murmure invisible,
Un bruit confus s'approche, et des rires, des voix,
Des pas, sortent du fond vertigineux des bois.
Et voici qu'à travers la grande forêt brune
Qu'emplit la rêverie immense de la lune,
On entend frissonner et vibrer mollement,
Communiquant aux bois son doux frémissement,
La guitare des monts d'Inspruck, reconnaissable
Au grelot de son manche où sonne un grain de sable ;
Il s'y mêle la voix d'un homme, et ce frisson
Prend un sens et devient une vague chanson :
« Si tu veux, faisons un rêve :
Montons sur deux palefrois ;
Tu m'emmènes, je t'enlève.
L'oiseau chante dans les bois.
» Je suis ton maître et ta proie ;
Partons, c'est la fin du jour ;
Mon cheval sera la joie,
Ton cheval sera l’amour.
» Nous ferons toucher leurs têtes ;
Les voyages sont aisés ;
Nous donnerons à ces bêtes
Une avoine de baisers.
» Viens ! nos doux chevaux mensonges
Frappent du pied tous les deux,
Le mien au fond de mes songes,
Et le tien au fond des cieux.
» Un bagage est nécessaire ;
Nous emporterons nos vœux,
Nos bonheurs, notre misère,
Et la fleur de tes cheveux.
» Viens, le soir brunit les chênes ;
Le moineau rit ; ce moqueur
Entend le doux bruit des chaînes
Que tu m’as mises au cœur.
» Ce ne sera point ma faute
Si les forêts et les monts,
En nous voyant côte à côte,
Ne murmurent pas : « Aimons ! »
» Viens, sois tendre, je suis ivre.
Ô les verts taillis mouillés !
Ton souffle te fera suivre
Des papillons réveillés.
» L'envieux oiseau nocturne,
Triste, ouvrira son œil rond ;
Les nymphes, penchant leur urne,
Dans les grottes souriront ;
» Et diront : « Sommes-nous folles !
» C’est Léandre avec Héro ;
» En écoutant leurs paroles
» Nous laissons tomber notre eau. »
» Allons-nous-en par l'Autriche !
Nous aurons l'aube à nos fronts ;
Je serai grand, et toi riche,
Puisque nous nous aimerons.
» Allons-nous-en par la terre,
Sur nos deux chevaux charmants,
Dans l'azur, dans le mystère,
Dans les éblouissements !
» Nous entrerons à l’auberge,
Et nous paîrons l'hôtelier
De ton sourire de vierge,
De mon bonjour d’écolier.
» Tu seras dame, et moi comte ;
Viens, mon cœur s’épanouit ;
Viens, nous conterons ce conte
Aux étoiles de la nuit. »
La mélodie encor quelques instants se traîne
Sous les arbres bleuis par la lune sereine,
Puis tremble, puis expire, et la voix qui chantait
S'éteint comme un oiseau se pose ; tout se tait.
Victor Hugo, Les Chevaliers Errants (Éviradnus), La Légende des siècles
Bacha Posh- Messages : 568
Date d'inscription : 21/06/2014
Re: Vos poèmes préférés
Je venais poster un poème que j'affectionne particulierement et là je vois que que quelqu'un à recemment posté une autre version de celui-ci, je ne peux cependant ne pas vous le partagez, ce poème me bouleverse tellement, et la comparaison des deux versions reste tout de même interessante.
Le dernier poème
J'ai rêvé tellement fort de toi,
J'ai tellement marché, tellement parlé,
Tellement aimé ton ombre,
Qu'il ne me reste plus rien de toi,
Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres
D'être cent fois plus ombre que l'ombre
D'être l'ombre qui viendra et reviendra
dans ta vie ensoleillée.
Robert Desnos
Domaine public, 1953
Le dernier poème
J'ai rêvé tellement fort de toi,
J'ai tellement marché, tellement parlé,
Tellement aimé ton ombre,
Qu'il ne me reste plus rien de toi,
Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres
D'être cent fois plus ombre que l'ombre
D'être l'ombre qui viendra et reviendra
dans ta vie ensoleillée.
Robert Desnos
Domaine public, 1953
CindyJo- Messages : 39
Date d'inscription : 16/07/2014
Age : 29
Localisation : Rhone-Alpes
Re: Vos poèmes préférés
Vos beaux yeux
Chanson.
Vos beaux yeux sur ma franchise
N'adressent pas bien leurs coups,
Tête pauvre et mine grise
Ne sont pas viande pour vous ;
Quand j'aurais l'heure de vous plaire,
Ce serait perdre du temps ;
Dites, que pourriez-vous faire
D'une galante de vingt-trois ans ?
Ce qui vous rend adorable
N'est propre qu'à m'alarmer,
Je vous trouve trop aimable
Et crains de vous trop aimer :
Mon cœur à prendre est facile,
Mes vœux sont des plus constants ;
Mais c'est un meuble inutile
Qu'une galante de vingt-trois ans.
Si l'armure n'est complète,
Si tout ne va comme il faut,
Il vaut mieux faire retraite
Que d'entreprendre un assaut :
L'amour ne rend point la place
À de mauvais combattants,
Et rit de la vaine audace
Des galantes de vingt-trois ans.
Pierre Corneille, Poésies diverses
Bacha Posh- Messages : 568
Date d'inscription : 21/06/2014
Re: Vos poèmes préférés
Pfiou ! Vous savez quoi ?
L'index est mis à jour !
A cause du bug lié à un problème de balise, je l'ai en fait... refait. Et j'en ai profité pour l'actualiser. Y'a d'ailleurs quelques inattentifs qui ont posté des doublons (et pas d'excuse, ils étaient déjà dans l'index ! ). La prochaine fois, je mettrai des étoiles, on verra quels sont les poèmes qui sont tant aimés qu'on les cite plusieurs fois. Les Fleurs du mal seront aussi bientôt citées dans leur entier, si on continue...
En tout cas, c'est une bonne chose de faite ! Et la prochaine fois que je passe ici, ce sera bel et bien pour poster de la poésie.
(Quelques entrées dans l'index que je tenais à souligner, tout de même : Desnos, Samain, Louÿs, Verhaeren , Charles d'Orléans, Ronsard (!), etc. )
L'index est mis à jour !
A cause du bug lié à un problème de balise, je l'ai en fait... refait. Et j'en ai profité pour l'actualiser. Y'a d'ailleurs quelques inattentifs qui ont posté des doublons (et pas d'excuse, ils étaient déjà dans l'index ! ). La prochaine fois, je mettrai des étoiles, on verra quels sont les poèmes qui sont tant aimés qu'on les cite plusieurs fois. Les Fleurs du mal seront aussi bientôt citées dans leur entier, si on continue...
En tout cas, c'est une bonne chose de faite ! Et la prochaine fois que je passe ici, ce sera bel et bien pour poster de la poésie.
(Quelques entrées dans l'index que je tenais à souligner, tout de même : Desnos, Samain, Louÿs, Verhaeren , Charles d'Orléans, Ronsard (!), etc. )
Invité- Invité
Re: Vos poèmes préférés
LA COUTURIÈRE D'AILE
on a
compris
tout
ce qui
s'est passé
quand
on a trouvé
une paire d'aile
oubliée
dans le lit
où
nous nous
sommes aimés
depuis ce
jour-la
les femmes
de la ville
vont
chez leurs
couturières
avec l'intention de
se faire
coudre
des ailes
Algun Akova (Turquie)
(Traduit par Eray Canberk, Andre Bichot & Deniz E�illi)
on a
compris
tout
ce qui
s'est passé
quand
on a trouvé
une paire d'aile
oubliée
dans le lit
où
nous nous
sommes aimés
depuis ce
jour-la
les femmes
de la ville
vont
chez leurs
couturières
avec l'intention de
se faire
coudre
des ailes
Algun Akova (Turquie)
(Traduit par Eray Canberk, Andre Bichot & Deniz E�illi)
ou-est-la-question- Messages : 8075
Date d'inscription : 27/07/2012
Age : 67
Re: Vos poèmes préférés
’ai la sagesse d’un condamné à mort
J’ai la sagesse d’un condamné à mort :
Je ne possède rien et donc rien ne me possède
J’ai écrit mon testament avec mon sang :
«Fiez-vous à l’eau, vous, habitants de ma chanson»
Je me suis endormi ensanglanté et couronné de mon lendemain
J’ai rêvé que le cœur de la terre était plus grand que sa mappemonde,
Plus limpide que son miroir et que ma potence
Et je me suis épris d’un nuage blanc qui me prendrait
Vers le haut
Comme une huppe avec des ailes de vent. A l’aube
L’appel de garde de nuit
M’a tiré de mon rêve et de ma langue :
«Tu vivras une autre mort
Revois donc ton dernier testament
L’heure de ton exécution a encore été reportée»
«A quand ?» ai-je demandé
«Attend, dit-il, tu mourras davantage
J’ai dit :
«Je ne possède rien et donc rien ne me possède»
J’ai écrit mon testament avec mon sang
«Fiez-vous à l’eau, vous, habitants de ma chanson».
Mahmoud Darwich (Palestine) est un de mes auteurs préférés
J’ai la sagesse d’un condamné à mort :
Je ne possède rien et donc rien ne me possède
J’ai écrit mon testament avec mon sang :
«Fiez-vous à l’eau, vous, habitants de ma chanson»
Je me suis endormi ensanglanté et couronné de mon lendemain
J’ai rêvé que le cœur de la terre était plus grand que sa mappemonde,
Plus limpide que son miroir et que ma potence
Et je me suis épris d’un nuage blanc qui me prendrait
Vers le haut
Comme une huppe avec des ailes de vent. A l’aube
L’appel de garde de nuit
M’a tiré de mon rêve et de ma langue :
«Tu vivras une autre mort
Revois donc ton dernier testament
L’heure de ton exécution a encore été reportée»
«A quand ?» ai-je demandé
«Attend, dit-il, tu mourras davantage
J’ai dit :
«Je ne possède rien et donc rien ne me possède»
J’ai écrit mon testament avec mon sang
«Fiez-vous à l’eau, vous, habitants de ma chanson».
Mahmoud Darwich (Palestine) est un de mes auteurs préférés
ou-est-la-question- Messages : 8075
Date d'inscription : 27/07/2012
Age : 67
Re: Vos poèmes préférés
et merci Alphonsine pour l'index
ou-est-la-question- Messages : 8075
Date d'inscription : 27/07/2012
Age : 67
Re: Vos poèmes préférés
https://www.facebook.com/pages/Amis-des-Editions-Al-Manar/469234970034?fref=nf
Le Festival "Voix Vives de la Méditerranée" bat son plein à Sète. Il est encore temps de nos rejoindre ! Jusqu'à la fin de cette semaine, la poésie sera partout dans cette cité dionysiaque…!
Le Festival "Voix Vives de la Méditerranée" bat son plein à Sète. Il est encore temps de nos rejoindre ! Jusqu'à la fin de cette semaine, la poésie sera partout dans cette cité dionysiaque…!
zebravalia- Messages : 685
Date d'inscription : 10/01/2014
Age : 55
Localisation : maroc
Re: Vos poèmes préférés
Un peu de Paul-Jean Toulet, qui correspond bien à mon humeur un peu mélancolique, ce soir.
Décor d’encre. Sur le ciel terne
Court un fil de fer :
Mansarde où l’on aima, vanterne
Sans carreaux, où l’on a souffert.
Une enfant fait le pied de grue
Le long du trottoir.
Le bistro, du bout de la rue,
Ouvre un oeil de sang dans le noir ;
Tandis qu’on pense à sa province,
A Faustine, à Zo’…
Mais c’est pour Lilith que j’en pince :
Autres chansons, autres oiseaux.
Quelques fois
Quelquefois, après des ébats polis,
J'agitai si bien, sur la couche en déroute,
Le crincrin de la blague et le sistre du doute
Que les bras t'en tombaient du lit.
Après ça, tu marchais, tu marchais quand même ;
Et ces airs, hélas, de doux chien battu,
C'est à vous dégoûter d'être tendre, vois-tu,
De taper sur les gens qu'on aime.
Soir de Montmartre
Décor d’encre. Sur le ciel terne
Court un fil de fer :
Mansarde où l’on aima, vanterne
Sans carreaux, où l’on a souffert.
Une enfant fait le pied de grue
Le long du trottoir.
Le bistro, du bout de la rue,
Ouvre un oeil de sang dans le noir ;
Tandis qu’on pense à sa province,
A Faustine, à Zo’…
Mais c’est pour Lilith que j’en pince :
Autres chansons, autres oiseaux.
Quelques fois
Quelquefois, après des ébats polis,
J'agitai si bien, sur la couche en déroute,
Le crincrin de la blague et le sistre du doute
Que les bras t'en tombaient du lit.
Après ça, tu marchais, tu marchais quand même ;
Et ces airs, hélas, de doux chien battu,
C'est à vous dégoûter d'être tendre, vois-tu,
De taper sur les gens qu'on aime.
Invité- Invité
Re: Vos poèmes préférés
Un homme passe sous la fenêtre et chante.
Nous étions faits pour être libres
Nous étions faits pour être heureux
Comme la vitre pour le givre
Et les vêpres pour les aveux
Comme la grive pour être ivre
Le printemps pour être amoureux
Nous étions faits pour être libres
Nous étions faits pour être heureux
Toi qui avais des bras des rêves
Le sang rapide et soleilleux
Au joli mois des primevères
Où pleurer même est merveilleux
Tu courais des chansons aux lèvres
Aimé du Diable et du Bon Dieu
Toi qui avais des bras des rêves
Le sang rapide et soleilleux
Ma folle ma belle et ma douce
Qui avais la beauté du feu
La douceur de l’eau dans ta bouche
De l’or pour rien dans tes cheveux
Qu’as-tu fait de ta bouche rouge
Des baisers pour le jour qu’il pleut
Ma folle ma belle et ma douce
Qui avais la beauté du feu
Le temps qui passe passe passe
Avec sa corde fait des nœuds
Autour de ceux-là qui s’embrassent
Sans le voir tourner autour d’eux
Il marque leur front d’un sarcasme
Il éteint leurs yeux lumineux
Le temps qui passe passe passe
Avec sa corde fait des nœuds
On n’a tiré de sa jeunesse
Que ce qu’on peut et c’est bien peu
Si c’est ma faute eh bien qu’on laisse
Ma mise à celui qui dit mieux
Mais pourquoi faut-il qu’on s’y blesse
Qui a donc tué l’oiseau bleu
On n’a tiré de sa jeunesse
Que ce qu’on peut et c’est bien peu
Tout mal faut-il qu’on en accuse
L’âge qui vient le cœur plus vieux
Et ce n’est pas l’amour qui s’use
Quand le plaisir a dit adieu
Le soleil jamais ne refuse
La prière que font les yeux
Tout mal faut-il qu’on en accuse
L’âge qui vient le cœur plus vieux
Et si ce n’est pas nous la faute
Montrez-moi les meneurs du jeu
Ce que le ciel donne qui l’ôte
Qui reprend ce qui vient des cieux
Messieurs c’est ma faute ou la vôtre
A qui c’est-il avantageux
Et si ce n’est pas nous la faute
Montrez-moi les meneurs du jeu
Nous étions faits pour être libres
Nous étions faits pour être heureux
Le monde l’est lui pour y vivre
Et tout le reste est de l’hébreu
Vos lois vos règles et vos bibles
Et la charrue avant les bœufs
Nous étions faits pour être libres
Nous étions faits pour être heureux.
Louis Aragon – Elsa – 1959
Nous étions faits pour être libres
Nous étions faits pour être heureux
Comme la vitre pour le givre
Et les vêpres pour les aveux
Comme la grive pour être ivre
Le printemps pour être amoureux
Nous étions faits pour être libres
Nous étions faits pour être heureux
Toi qui avais des bras des rêves
Le sang rapide et soleilleux
Au joli mois des primevères
Où pleurer même est merveilleux
Tu courais des chansons aux lèvres
Aimé du Diable et du Bon Dieu
Toi qui avais des bras des rêves
Le sang rapide et soleilleux
Ma folle ma belle et ma douce
Qui avais la beauté du feu
La douceur de l’eau dans ta bouche
De l’or pour rien dans tes cheveux
Qu’as-tu fait de ta bouche rouge
Des baisers pour le jour qu’il pleut
Ma folle ma belle et ma douce
Qui avais la beauté du feu
Le temps qui passe passe passe
Avec sa corde fait des nœuds
Autour de ceux-là qui s’embrassent
Sans le voir tourner autour d’eux
Il marque leur front d’un sarcasme
Il éteint leurs yeux lumineux
Le temps qui passe passe passe
Avec sa corde fait des nœuds
On n’a tiré de sa jeunesse
Que ce qu’on peut et c’est bien peu
Si c’est ma faute eh bien qu’on laisse
Ma mise à celui qui dit mieux
Mais pourquoi faut-il qu’on s’y blesse
Qui a donc tué l’oiseau bleu
On n’a tiré de sa jeunesse
Que ce qu’on peut et c’est bien peu
Tout mal faut-il qu’on en accuse
L’âge qui vient le cœur plus vieux
Et ce n’est pas l’amour qui s’use
Quand le plaisir a dit adieu
Le soleil jamais ne refuse
La prière que font les yeux
Tout mal faut-il qu’on en accuse
L’âge qui vient le cœur plus vieux
Et si ce n’est pas nous la faute
Montrez-moi les meneurs du jeu
Ce que le ciel donne qui l’ôte
Qui reprend ce qui vient des cieux
Messieurs c’est ma faute ou la vôtre
A qui c’est-il avantageux
Et si ce n’est pas nous la faute
Montrez-moi les meneurs du jeu
Nous étions faits pour être libres
Nous étions faits pour être heureux
Le monde l’est lui pour y vivre
Et tout le reste est de l’hébreu
Vos lois vos règles et vos bibles
Et la charrue avant les bœufs
Nous étions faits pour être libres
Nous étions faits pour être heureux.
Louis Aragon – Elsa – 1959
Tan- Messages : 101
Date d'inscription : 04/08/2014
Age : 42
Localisation : Paris
Re: Vos poèmes préférés
- La lune blanche
Luit dans les bois;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée...
Ô bien-aimée.
L’étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure...
Rêvons, c’est l’heure.
Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l’astre irise...
C’est l’heure exquise.
— Paul Verlaine
Pieyre- Messages : 20908
Date d'inscription : 17/03/2012
Localisation : Quartier Latin
Re: Vos poèmes préférés
Oui, merci. Beaucoup de poèmes ont été mis en chanson, mais c'est d'autant plus difficile quand leurs vers sont courts, me semble-t-il. Il serait intéressant de discuter de la musicalité des poèmes, y compris celle particulière qu'on leur donne en les énonçant.
Et merci pour la mise à jour de l'index.
Et merci pour la mise à jour de l'index.
Pieyre- Messages : 20908
Date d'inscription : 17/03/2012
Localisation : Quartier Latin
Re: Vos poèmes préférés
En effet.
Ma grande interrogation, notamment, a toujours été : comment lit-on le vers libre ? Les règles nous permettent, sinon, de lire "correctement" les vers classiques (et encore, y'a-t-il une façon correcte de lire, et les autres ? J'ai remarqué, par exemple, que la diction des acteurs, pour les pièces en vers, était différente de la façon dont on énonçait les poèmes en littérature), mais qu'en est-il, dès lors qu'on travaille à désaccorder, déséquilibrer le vers... ? Et les vers courts, et les impairs ?
Pour le coup, si j'adore le morceau de Reynaldo Hahn, je trouve qu'il ne met pas particulièrement en valeur le texte - j'ai longtemps écouté cette chanson sans "capter" que c'était un poème de Verlaine ... Aujourd'hui, de le savoir, je l'écoute différemment...
De rien pour l'index, ça me fait plaisir de contribuer ainsi au sujet.
Ma grande interrogation, notamment, a toujours été : comment lit-on le vers libre ? Les règles nous permettent, sinon, de lire "correctement" les vers classiques (et encore, y'a-t-il une façon correcte de lire, et les autres ? J'ai remarqué, par exemple, que la diction des acteurs, pour les pièces en vers, était différente de la façon dont on énonçait les poèmes en littérature), mais qu'en est-il, dès lors qu'on travaille à désaccorder, déséquilibrer le vers... ? Et les vers courts, et les impairs ?
Pour le coup, si j'adore le morceau de Reynaldo Hahn, je trouve qu'il ne met pas particulièrement en valeur le texte - j'ai longtemps écouté cette chanson sans "capter" que c'était un poème de Verlaine ... Aujourd'hui, de le savoir, je l'écoute différemment...
De rien pour l'index, ça me fait plaisir de contribuer ainsi au sujet.
Invité- Invité
Re: Vos poèmes préférés
Petite mise au vert (sans mauvais jeu de mot...) et plus avec John Keats.
Endymion (Ouverture, 1818)
A thing of beauty is a joy for ever:
Its loveliness increases; it will never
Pass into nothingness; but still will keep
A bower quiet for us, and a sleep
Full of sweet dreams, and health, and quiet breathing.
Therefore, on every morrow, are we wreathing
A flowery band to bind us to the earth,
Spite of despondence, of the inhuman dearth
Of noble natures, of the gloomy days,
Of all the unhealthy and o'er-darkened ways
Made for our searching: yes, in spite of all,
Some shape of beauty moves away the pall
From our dark spirits. Such the sun, the moon,
Trees old and young, sprouting a shady boon
For simple sheep; and such are daffodils
With the green world they live in; and clear rills
That for themselves a cooling covert make
'Gainst the hot season; the mid forest brake,
Rich with a sprinkling of fair musk-rose blooms:
And such too is the grandeur of the dooms
We have imagined for the mighty dead;
All lovely tales that we have heard or read:
An endless fountain of immortal drink,
Pouring unto us from the heaven's brink.
Nor do we merely feel these essences
For one short hour; no, even as the trees
That whisper round a temple become soon
Dear as the temple's self, so does the moon,
The passion poesy, glories infinite,
Haunt us till they become a cheering light
Unto our souls, and bound to us so fast,
That, whether there be shine, or gloom o'ercast,
They alway must be with us, or we die.
............................................................
Un objet de beauté est une joie éternelle
Son charme ne fait que croître; et jamais
Ne sombrera au néant, mais restera toujours
Pour nous un havre de calme, un sommeil
Plein de doux rêves, de santé et d’un calme respire.
Aussi chaque jour qui passe, nous tressons
Une guirlande de fleurs pour nous lier à la terre,
Malgré le désespoir, l’inhumaine disette
De nobles créatures, malgré les jours lugubres,
Les chemins ténébreux et malsains
Où marche notre quête: oui, en dépit de tout,
Une forme de beauté vient enlever le suaire
De nos esprits en deuil. Ainsi font le soleil, la lune,
Les arbres jeunes ou vieux qui offrent leurs première ombres bienfaisantes
Aux humbles brebis; ainsi les jonquilles
Et ce monde verdoyant où elles vivent; et les clairs ruisseaux
Qui se font un couvert de fraîcheur
Contre la brûlante saison; ainsi le fourré au cœur des bois
Richement parsemé de la beauté des roses musquées:
Ainsi pareillement les grandioses destins
Que nous avons imaginés pour les plus grands des morts,
Tous les contes merveilleux, lus ou entendus:
Fontaine intarissable d’un breuvage immortel
Qui coule jusqu’à nous du bord même des cieux
Et ce n’est pas seulement pendant une heure brève
Que ces essences nous pénètrent; non, comme les arbres
Qui bruissent autour d’un temple bientôt deviennent
Aussi précieux que le temple lui-même, ainsi la lune
La poésie – cette passion – gloires infinies
Nous hantent jusqu’à devenir une lumière de réconfort
Pour nos âmes et s’attacher à nous d’un lien si puissant
Que, dans le soleil ou sous un ciel couvert et sombre,
Il nous faut toujours les garder près de nous – ou mourir.
(traduction de Jean Briat)
Endymion (Ouverture, 1818)
A thing of beauty is a joy for ever:
Its loveliness increases; it will never
Pass into nothingness; but still will keep
A bower quiet for us, and a sleep
Full of sweet dreams, and health, and quiet breathing.
Therefore, on every morrow, are we wreathing
A flowery band to bind us to the earth,
Spite of despondence, of the inhuman dearth
Of noble natures, of the gloomy days,
Of all the unhealthy and o'er-darkened ways
Made for our searching: yes, in spite of all,
Some shape of beauty moves away the pall
From our dark spirits. Such the sun, the moon,
Trees old and young, sprouting a shady boon
For simple sheep; and such are daffodils
With the green world they live in; and clear rills
That for themselves a cooling covert make
'Gainst the hot season; the mid forest brake,
Rich with a sprinkling of fair musk-rose blooms:
And such too is the grandeur of the dooms
We have imagined for the mighty dead;
All lovely tales that we have heard or read:
An endless fountain of immortal drink,
Pouring unto us from the heaven's brink.
Nor do we merely feel these essences
For one short hour; no, even as the trees
That whisper round a temple become soon
Dear as the temple's self, so does the moon,
The passion poesy, glories infinite,
Haunt us till they become a cheering light
Unto our souls, and bound to us so fast,
That, whether there be shine, or gloom o'ercast,
They alway must be with us, or we die.
............................................................
Un objet de beauté est une joie éternelle
Son charme ne fait que croître; et jamais
Ne sombrera au néant, mais restera toujours
Pour nous un havre de calme, un sommeil
Plein de doux rêves, de santé et d’un calme respire.
Aussi chaque jour qui passe, nous tressons
Une guirlande de fleurs pour nous lier à la terre,
Malgré le désespoir, l’inhumaine disette
De nobles créatures, malgré les jours lugubres,
Les chemins ténébreux et malsains
Où marche notre quête: oui, en dépit de tout,
Une forme de beauté vient enlever le suaire
De nos esprits en deuil. Ainsi font le soleil, la lune,
Les arbres jeunes ou vieux qui offrent leurs première ombres bienfaisantes
Aux humbles brebis; ainsi les jonquilles
Et ce monde verdoyant où elles vivent; et les clairs ruisseaux
Qui se font un couvert de fraîcheur
Contre la brûlante saison; ainsi le fourré au cœur des bois
Richement parsemé de la beauté des roses musquées:
Ainsi pareillement les grandioses destins
Que nous avons imaginés pour les plus grands des morts,
Tous les contes merveilleux, lus ou entendus:
Fontaine intarissable d’un breuvage immortel
Qui coule jusqu’à nous du bord même des cieux
Et ce n’est pas seulement pendant une heure brève
Que ces essences nous pénètrent; non, comme les arbres
Qui bruissent autour d’un temple bientôt deviennent
Aussi précieux que le temple lui-même, ainsi la lune
La poésie – cette passion – gloires infinies
Nous hantent jusqu’à devenir une lumière de réconfort
Pour nos âmes et s’attacher à nous d’un lien si puissant
Que, dans le soleil ou sous un ciel couvert et sombre,
Il nous faut toujours les garder près de nous – ou mourir.
(traduction de Jean Briat)
Killian- Messages : 86
Date d'inscription : 27/02/2011
Age : 40
Localisation : Pays de la Loire
Re: Vos poèmes préférés
Demain, dès l'aube…
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Victor Hugo, Les Contemplations
Bacha Posh- Messages : 568
Date d'inscription : 21/06/2014
Re: Vos poèmes préférés
À une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair… puis la nuit ! — Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?
Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
Bacha Posh- Messages : 568
Date d'inscription : 21/06/2014
Re: Vos poèmes préférés
Charles Baudelaire
Les Fleurs du mal — Appendices
ÉBAUCHE D’UN ÉPILOGUE POUR LA 2e ÉDITION
Tranquille comme un sage et doux comme un maudit,
…j’ai dit:
Je t’aime, ô ma très belle, ô ma charmante…
Que de fois…
Tes débauches sans soif et tes amours sans âme,
Ton goût de l’infini
Qui partout, dans le mal lui-même, se proclame,
Tes bombes, tes poignards, tes victoires, tes fêtes,
Tes faubourgs mélancoliques,
Tes hôtels garnis,
Tes jardins pleins de soupirs et d’intrigues,
Tes temples vomissant la prière en musique,
Tes désespoirs d’enfant, tes jeux de vieille folle,
Tes découragements;
Et tes jeux d’artifice, éruptions de joie,
Qui font rire le Ciel, muet et ténébreux.
Ton vice vénérable étalé dans la soie,
Et ta vertu risible, au regard malheureux,
Douce, s’extasiant au luxe qu’il déploie…
Tes principes sauvés et tes lois conspuées,
Tes monuments hautains où s’accrochent les brumes.
Tes dômes de métal qu’enflamme le soleil,
Tes reines de théâtre aux voix enchanteresses,
Tes tocsins, tes canons, orchestre assourdissant,
Tes magiques pavés dressés en forteresses,
Tes petits orateurs, aux enflures baroques,
Prêchant l’amour, et puis tes égouts pleins de sang,
S’engouffrant dans l’Enfer comme des Orénoques,
Tes anges, tes bouffons neufs aux vieilles défroques
Anges revêtus d’or, de pourpre et d’hyacinthe,
Ô vous, soyez témoins que j’ai fait mon devoir
Comme un parfait chimiste et comme une âme sainte.
Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence,
Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or.
Les Fleurs du mal — Appendices
ÉBAUCHE D’UN ÉPILOGUE POUR LA 2e ÉDITION
Tranquille comme un sage et doux comme un maudit,
…j’ai dit:
Je t’aime, ô ma très belle, ô ma charmante…
Que de fois…
Tes débauches sans soif et tes amours sans âme,
Ton goût de l’infini
Qui partout, dans le mal lui-même, se proclame,
Tes bombes, tes poignards, tes victoires, tes fêtes,
Tes faubourgs mélancoliques,
Tes hôtels garnis,
Tes jardins pleins de soupirs et d’intrigues,
Tes temples vomissant la prière en musique,
Tes désespoirs d’enfant, tes jeux de vieille folle,
Tes découragements;
Et tes jeux d’artifice, éruptions de joie,
Qui font rire le Ciel, muet et ténébreux.
Ton vice vénérable étalé dans la soie,
Et ta vertu risible, au regard malheureux,
Douce, s’extasiant au luxe qu’il déploie…
Tes principes sauvés et tes lois conspuées,
Tes monuments hautains où s’accrochent les brumes.
Tes dômes de métal qu’enflamme le soleil,
Tes reines de théâtre aux voix enchanteresses,
Tes tocsins, tes canons, orchestre assourdissant,
Tes magiques pavés dressés en forteresses,
Tes petits orateurs, aux enflures baroques,
Prêchant l’amour, et puis tes égouts pleins de sang,
S’engouffrant dans l’Enfer comme des Orénoques,
Tes anges, tes bouffons neufs aux vieilles défroques
Anges revêtus d’or, de pourpre et d’hyacinthe,
Ô vous, soyez témoins que j’ai fait mon devoir
Comme un parfait chimiste et comme une âme sainte.
Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence,
Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or.
Princeton- Messages : 1367
Date d'inscription : 09/03/2014
Age : 35
Localisation : Paris
Re: Vos poèmes préférés
Walt Whitman, Chanson des Joies. (trad : J. Darras)
- Spoiler:
- Car je veux écrire le plus jubilatoire des poèmes !
Un poème tout en musique - tout en virilité, tout en féminité, tout en puérilité !
Plénitude d'usages communs - foultitude d'arbres et de graines.
J'y veux la voix des animaux - la balance vivace des poissons !
Je veux qu'y tombent les gouttes de pluie musicalement !
Je veux qu'y brille le soleil que s'y meuve les vagues musicalement !
Sortie de ses cages la joie de mon esprit, filant comme une langue de foudre !
Posséder tel globe précis ou telle portion mesurée du temps ne me comblera pas,
Ce sont mille globes c'est l'ensemble complet du temps qu'il me faut !
J'envie la joie de l'ingénieur, je veux m'en aller sur la locomotive,
Entendre la compression de la vapeur, quel plaisir le hurlement de son sifflet, une locomotive qui rit !
Irrésistible la pression de la vitesse qui nous emporte à l'horizon.
Ce délice aussi de flâner par les collines et les prairies !
Feuilles et fleurs des humbles herbes communes, fraîcheur d'humidité des sous-bois,
Enivrant parfum de terre dans la prime aube, aux jeunes heures de l'après-midi.
Joie enviable de la cavalière, du cavalier en selle,
Petite pression avec les jambes pour le galop, et le coulis d'air murmurant aux oreilles, dans les cheveux.
J'envie la joie de l'homme du feu (fireman),
Dans le silence de la nuit l'alarme qui hurle,
Les cloches, les cris, vite je dépasse la foule, je cours !
Qui est fou de joie au spectacle des flammes qui brûlent ? c'est moi !
La joie du boxeur aux muscles saillants condition physique impeccable qui surplombe l'arène dans la certitude de sa puissance et le désir irrépressible d'affronter son adversaire, ah ! comme je l'envie !
Ah ! comme j'envie la sympathie élémentaire qu'émet à flots généreux et continus l'âme humaine et elle seule, vraiment oui comme je l'envie !
Et les joies de l'enfantement maternel !
La veille, la longue endurance, l'amour précieux, l'anxiété, le travail donneur de vie.
La croissance, l'accroissement, la compensation,
L'adoucissement, la pacification, la concorde, l'harmonie, non mais quelle joie !
Je voudrais tellement revenir au lieu de ma naissance
Tellement entendre chanter les petits oiseaux à nouveau
Tellement errer flâner dans la grange la maison à travers les champs à nouveau,
Tellement à travers le verger tellement sur les vieux chemins encore une fois.
Quel plaisir d'avoir grandi dans les baies, au bord des lagunes, des ruisseaux, des rivages,
Je voudrais continuer d'être employé là-bas toute ma vie
Ah ! cette odeur de sel et d'iode des molières, les algues parfumées à marée basse,
Le métier de la pêche, le travail du pêcheur d'anguilles, du pêcheur de palourdes,
Je suis venu avec mon râteau et ma bêche, suis venu avec mon trident à anguilles,
La mer a reflué au large ? Dans ce cas je m'agrège au groupe de palourdiers sur l'estran,
Plaisante, m'active avec eux, ironise sur mon efficacité avec la vitalité du jeune homme,
Prends mon panier à anguilles mon trident avec moi, quand c'est l'hiver, pour m'aventurer sur la glace - d'une hachette découpant des trous à la surface,
Regardez comme je suis chaudement vêtu, aller retour en une après-midi, regardez comme je suis joyeux, et cette ribambelle de jeunes costauds qui m'accompagne,
Adultes ou encore adolescents, aucun ne donnerait sa place pour rien au monde,
Ça leur plaît tellement d'être avec moi jour et nuit, au travail sur la plage, au sommeil dans ma chambre.
D'autres fois calme plat, on sort en canot pour aller relever les casiers à homards lestés de leurs lourdes pierres, je connais les repères,
Les balises, je rame dans leur direction, le soleil n'est pas encore levé mais ah ! cette douceur matinale de la lumière du cinquième Mois à la surface de l'eau autour de nous,
Je remonte obliquement les cages d'osier, carapaces vert sombre les bêtes traquées font assaut de toutes leurs pinces, j'insère une cheville en bois à l'articulation,
L'un après l'autre j'inspecte tous les casiers, puis à la rame retour au rivage,
Là où, dans une énorme marmite d'eau bouillante, seront jetés les homards jusqu'à ce que rougeur d'ensuive.
Un autre jour, pêche au maquereau,
Vorace lui, goulu du hameçon, nageant quasiment à la surface, on croirait voir l'eau couverte sur des milles;
Un autre jour encore, pêche à l'aiglefin dans la baie de Chesapeake, je fais partie de l'équipe, peau brune de lumière.
Une autre fois pêche au poisson bleu au large de Paumanok on laisse traîner une ligne derrière le bateau, c'est moi muscles en alertes,
Pied gauche calé sur le plat-bord, bras droit lançant très loin devant moi le serpentin de la fine corde,
À portée d'yeux d'une armada de cinquante esquifs, mes amis, qui filent et manœuvrent dans le vent.
Canoter sur les rivières, j'en rêve !
Descendre le Saint-Laurent, panorama grandiose, les vapeurs,
Les voiliers voiles claquantes, les Mille Îles, les trains de bois flottant qu'on rencontre avec leurs conducteurs aux longues perches-godilles recourbées,
Petit abri en bois, panache de fumée montant du feu où cuit le dîner.
(Et puis je veux du pernicieux, de l'horrible !
Je ne veux surtout pas d'une vie pieuse ni mesquine !
Je veux de l'inéprouvé, je veux de la transe !
Je veux échapper aux ancres, dériver en toute liberté !)
Je me vois mineur, forgeron,
Fondeur de fonte, fonderie même pas hautes toiture en tôle rugueuse, ampleur d'espace dans la pénombre,
Fourneau, versement du liquide en fusion.
Retrouver les joies du soldat, mais oui !
Sentir la présence à ses côtés d'un homme courageux, en sympathie avec soi, d'un commandant !
Quel admirable calme - se réchauffer au soleil de son sourire !
Monter au front - entendre le roulement de tambour, le clairon.
Les rafales de l'artillerie, voir l'étincellement des baïonnettes, des barillets dans la lumière jouant aux mousquets,
Voir tomber, mourir sans un cri des hommes !
Goûter au goût sauvage du sang - diaboliquement le désirer !
Plaisir gourmand de compter les plaies, les pertes infligées à l'ennemi.
Maintenant le baleinier, sa joie ! Me voici repartir de nouveau en expédition !
N'est-ce pas le mouvement du bateau sous mes pieds, n'est-ce pas la caresse des souffles atlantiques sur mon visage,
Dans mes oreilles n'est-ce pas soudain le cri de la vigie : There she blows !
Baleine à bâbord !
J'ai bondi dans le gréement, épiant avec les autres, nous voici fous d'excitation maintenant descendus de notre guet,
Je saute dans la baleinière, nous ramons vers notre proie,
Approche silencieuse, discrète, de la montagne massive, paresseusement léthargique,
Le harponneur s'est dressé, la flèche fuse à l'extrémité du bras puissant,
Rapide fuite au large de l'animal meurtri qui entraîne notre canot dans le vent, nous suivons la corde,
Et puis je le vois reprendre surface pour respirer, nous nous approchons,
Une lance va se ficher dans son flanc, de toute la force de la propulsion, qui sera tordue ensuite dans la plaie,
Nouveau recul, la bête repart, perdant son sang en abondance,
Jaillissement rouge comme elle reparaît, décrit des cercles de plus en plus courts, sillage hâtif dans l'eau - puis meurt, j'assiste à la scène,
Ultime cabrement convulsif au centre du cercle avant de retomber gisant immobile sur le dos dans l'écume sanglante.
Mais la joie la plus pure c'est ma vieillesse masculine qui me la donne !
Mes enfants, mes petits-enfants, mes cheveux blancs, ma barbe blanche,
Mon imposante stature, ma calme majesté, à la fin de cette longue perspective droite de la vie.
Mais la joie la plus mûre est celle de la féminité, du bonheur enfin atteint !
J'ai dépassé quatre-vingts ans, je suis l'aïeule la plus vénérable,
Clarté parfaite dans mon esprit - tout le monde, voyez, m'entoure d'attentions !
Quel est le secret de cette séduction plus forte que mes précédents charmes, quelle beauté s'épanouit en moi de parfum plus sucré que dans la fleur de ma jeunesse ?
D'où émane, d'où procède cette mystérieuse grâce qui est la mienne ?
Éprouver les joies de l'orateur !
Cette profonde inspiration qui soulève les côtes et gonfle la poitrine pour conduire à la gorge le roulement de tonnerre de la voix,
Faire communier avec soi-même le peuple, larmes ou rage, haines ou désirs,
Entraîner l'Amérique par sa langue, apaiser l'Amérique par ses mots !
Et puis la joie de mon âme aussi en son égale tempérance, prenant identité de toutes les matières, les aimant toutes, observant et absorbant chacune en leurs particularités,
Cependant qu'elles me la retournent en écho, toute vibrante des actes de la vue, de l'ouïe, du toucher, de l'entendement, de la consécution, de la comparaison, de la mémoire, et autres facultés,
Elle la vie profonde en moi de mes sens, qui transcende les sens comme mon corps incarné,
Mon moi au-delà de la matière, ma vue au-delà de mes yeux matériels,
La preuve indiscutable à la minute même, mais bien sûr ! que ce ne sont pas mes yeux matériels qui voient,
Ni non plus mon corps matériel, mais bien entendu ! qui aime, qui marche, qui rit, qui crie, qui embrasse, qui procrée.
Et le fermier, que de joies !
L'homme de l'Ohio, l'Illinoisien, le Wisconsinien, le Kanadien, l'Iowan, le Kansien, le Missourien, l'Orégonais,
Au petit jour ils sont déjà debout, actifs sans effort apparent,
Ce sont les labours d'automne pour les semailles d'hiver,
Ce sont les labours du printemps pour le maïs,
Ce sont les arbres du verger à greffer, la cueillette automnale des pommes.
Je veux me baigner dans une baignade, choisir un endroit idéal du rivage,
Et entrer dans un éclaboussement d'eau, ou bien tremper tout juste mes chevilles ou alors courir tout nu sur le sable.
Oh ! l'espace, saisir sa réalité !
Qu'elle n'a pas de frontières, l'universelle plénitude,
S'unir d'un jaillissement avec le ciel, le soleil, la lune, les nuages fuyants.
Joie de l'indépendance masculine !
N'être esclave de personne, comptable de personne, tyran connu ou tyran anonyme,
Marcher droit devant soi, port droit, foulée souple, élastique,
Regard calme ou coup d’œil de l'éclair, regarder,
S'exprimer d'une voix pleine et sonore, poitrine bien dégagée,
Faisant face en personne aux autres personnalités ici-bas.
La richesse des joies de l'adolescence, les connais-tu ?
Les compagnons chéris, les plaisanteries ensemble, le rire sur le visage ?
La journée illuminée d'une radieuse lumière, la joie des jeux de souffle ?
La joie de la musique, les lampes dans la salle de bal, les danseurs ?
Le dîner copieux, la succession des toasts verre en main ?
Mon âme, mon âme suprême, écoute !
Connais-tu les joies de la méditation ?
Connais-tu le coeur solitaire mais joyeusement libre, sa tendresse dans la nuit ?
Connais-tu le plaisir de suivre un route orgueilleusement seul, même lorsque pèsent à l'esprit souffrances et déchirements ?
Connais-tu le plaisir angoissant des débats intimes, les rêveries grandioses fertiles en extases ?
La pensée de la Mort, des sphères du Temps et de l'Espace ?
Les prophéties d'amours idéales, d'essence plus pure, l'épouse divine, la douceur du camarade à l'inaltérable perfection ?
À toi toutes ces joies mon immortelle, on âme ! leur récompense te revient.
Aussi longtemps que je vivrai en maître de ma vie, non son esclave,
Aussi longtemps que j'affronterai la vie dans un esprit vainqueur,
Jamais de mauvaises brumes, jamais l'ennui, jamais les plaintes ni les critiques excoriantes,
Mais aux rudes lois de l'air, de l'eau, du sol cherchant critère incorruptible pour mon âme profonde
Je ne laisserai aucun gouvernement étranger me soumettre à son joug.
Je ne chante pas, je ne scande pas seulement la joie du Vivre - je chante la Mort, la joie de la Mort !
La caresse merveilleuse de la Mort, son apaisant engourdissement, sa brève persuasion,
Me voici déchargé de mon corps excrémentiel, qu'on le brûle, qu'on le rende à la poussière, qu'on l'enterre,
Reste mon corps réel pour mon usage sans doute dans d'autres sphères,
À quoi sert désormais mon enveloppe vide sinon à être purifiée pour des tâches futures, à être réemployée dans les usages éternels de la terre.
Je veux attirer par d'autres lois que l'attraction !
Comment m'y prendre, je ne sais pas, pourtant voyez cette obéissance qui n'obéit à rien,
Ce pouvoir magnétique, ah ! vraiment quelle force - toujours offensive, jamais défensive.
Oui, me battre contre des obstacles insurmontables, affronter des ennemis intraitables,
Seul à seul avec eux, pour mieux connaître mes limites d'endurance !
Face à face avec le combat, avec la torture, la prison, la haine générale !
Je monte à l'échafaud, j'avance sous la gueule des fusils, l'allure dégagée, totalement insouciante !
C'est cela, un dieu, je veux être un dieu !
M'embarquer à la mer !
Je veux tellement quitter ce sol insupportable,
Tellement quitter l'usante monotonie des rues, des maisons, des trottoirs,
Tellement te quitter terre compactement immuable, oui monter à bord d'un vaisseau,
Lever l'ancre, mettre à la voile, à la voile !
Je veux que désormais la vie soit un grand chant de joies !
Je veux danser, battre des mains, exulter et crier, sauter, bondir en l'air, me rouler par terre, surtout flotter, flotter !
Car je serai marin du monde partant pour tous les ports
Car je serai bateau (avez-vous vu mes voiles, déployées au soleil et à l'air ?),
Navire vif cales gonflées d'une précieuse cargaison de paroles et de joies.
Invité- Invité
Re: Vos poèmes préférés
Un sonnet de Charles Cros, s'il vous plaît :
Moi, je vis la vie à côté,
Pleurant alors que c'est la fête.
Les gens disent : "Comme il est bête !"
En somme, je suis mal coté.
J'allume du feu dans l'été,
Dans l'usine je suis poète ;
Pour les pitres je fais la quête,
Qu'importe ! J'aime la beauté.
Beauté des pays et des femmes,
Beauté des vers, beauté des flammes,
Beauté du bien, beauté du mal.
J'ai trop étudié les choses ;
Le temps marche d'un pas normal :
Des roses, des roses, des roses !
Invité- Invité
Re: Vos poèmes préférés
Keuwa ?! J'ai jamais mis Les Amis inconnus ici ? Ou alors j'ai foiré mon mirifique index... ?
Bon, dans le doute :
Bon, dans le doute :
Il vous naît un poisson qui se met à tourner
Tout de suite au plus noir d'une lame profonde,
Il vous naît une étoile au-dessus de la tête,
Elle voudrait chanter mais ne peut faire mieux
Que ses sœurs de la nuit les étoiles muettes.
Il vous naît un oiseau dans la force de l'âge,
En plein vol, et cachant votre histoire en son cœur
Puisqu'il n'a que son cri d'oiseau pour la montrer.
Il vole sur les bois, se choisit une branche
Et s'y pose, on dirait qu'elle est comme les autres.
Où courent-ils ainsi ces lièvres, ces belettes,
Il n'est pas de chasseur encor dans la contrée,
Et quelle peur les hante et les fait se hâter,
L'écureuil qui devient feuille et bois dans sa fuite,
La biche et le chevreuil soudain déconcertés ?
Il vous naît un ami, et voilà qu'il vous cherche
Il ne connaîtra pas votre nom ni vos yeux
Mais il faudra qu'il soit touché comme les autres
Et loge dans son cœur d'étranges battements
Qui lui viennent de jours qu'il n'aura pas vécus.
Et vous, que faites-vous, ô visage troublé,
Par ces brusques passants, ces bêtes, ces oiseaux,
Vous qui vous demandez, vous, toujours sans nouvelles
"Si je croise jamais un des amis lointains
Au mal que je lui fis vais-je le reconnaître ?"
Pardon pour vous, pardon pour eux, pour le silence
Et les mots inconsidérés,
Pour les phrases venant de lèvres inconnues
Qui vous touchent de loin comme balles perdues,
Et pardon pour les fronts qui semblent oublieux.
Dernière édition par Alphonsine le Mer 1 Oct 2014 - 14:54, édité 1 fois (Raison : Sans les fautes, c'est mieux.)
Invité- Invité
Re: Vos poèmes préférés
A ceux qui sont petits
Est-ce ma faute à moi si vous n'êtes pas grands ?
Vous aimez les hiboux, les fouines, les tyrans,
Le mistral, le simoun, l'écueil, la lune rousse ;
Vous êtes Myrmidon que son néant courrouce ;
Hélas ! l'envie en vous creuse son puits sans fond,
Et je vous plains. Le plomb de votre style fond
Et coule sur les noms que dore un peu de gloire,
Et, tout en répandant sa triste lave noire,
Tâche d'être cuisant et ne peut qu'être lourd.
Tortueux, vous rampez après tout ce qui court ;
Votre oeil furieux suit les grands aigles véloces.
Vous reprochez leur taille et leur ombre aux colosses ;
On dit de vous : - Pygmée essaya, mais ne put.-
Qui haïra Chéops si ce n'est Lilliput ?
Le Parthénon vous blesse avec ses fiers pilastres ;
Vous êtes malheureux de la beauté des astres ;
Vous trouvez l'océan trop clair, trop noir, trop bleu ;
Vous détestez le ciel parce qu'il montre Dieu ;
Vous êtes mécontents que tout soit quelque chose ;
Hélas, vous n'êtes rien. Vous souffrez de la rose,
Du cygne, du printemps pas assez pluvieux.
Et ce qui rit vous mord. Vous êtes envieux
De voir voler la mouche et de voir le ver luire.
Dans votre jalousie acharnée à détruire
Vous comprenez quiconque aime, quiconque a foi,
Et même vous avez de la place pour moi !
Un brin d'herbe vous fait grincer s'il vous dépasse ;
Vous avez pour le monde auguste, pour l'espace,
Pour tout ce qu'on voit croître, éclairer, réchauffer,
L'infâme embrassement qui voudrait étouffer.
Vous avez juste autant de pitié que le glaive.
En regardant un champ vous maudissez la sève ;
L'arbre vous plaît à l'heure où la hache le fend ;
Vous avez quelque chose en vous qui vous défend
D'être bons, et la rage est votre rêverie.
Votre âme a froid par où la nôtre est attendrie ;
Vous avez la nausée où nous sentons l'aimant ;
Vous êtes monstrueux tout naturellement.
Vous grondez quand l'oiseau chante sous les grands ormes.
Quand la fleur, près de vous qui vous sentez difformes,
Est belle, vous croyez qu'elle le fait exprès.
Quel souffle vous auriez si l'étoile était près !
Vous croyez qu'en brillant la lumière vous blâme ;
Vous vous imaginez, en voyant une femme,
Que c'est pour vous narguer qu'elle prend un amant,
Et que le mois de mai vous verse méchamment
Son urne de rayons et d'encens sur la tête ;
Il vous semble qu'alors que les bois sont en fête,
Que l'herbe est embaumée et que les prés sont doux,
Heureux, frais, parfumés, charmants, c'est contre vous.
Vous criez : au secours ! quand le soleil se lève.
Vous exécrez sans but, sans choix, sans fin, sans trêve,
Sans effort, par instinct, pour mentir, pour trahir ;
Ce n'est pas un travail pour vous de tout haïr,
Fourmis, vous abhorrez l'immensité sans peine.
C'est votre joie impie, âcre, cynique, obscène.
Et vous souffrez. Car rien, hélas, n'est châtié
Autant que l'avorton, géant d'inimitié !
Si l'oeil pouvait plonger sous la voûte chétive
De votre crâne étroit qu'un instinct vil captive,
On y verrait l'énorme horizon de la nuit ;
Vous êtes ce qui bave, ignore, insulte et nuit ;
La montagne du mal est dans votre âme naine.
Plus le coeur est petit, plus il y tient de haine.
~ Victor Hugo
Est-ce ma faute à moi si vous n'êtes pas grands ?
Vous aimez les hiboux, les fouines, les tyrans,
Le mistral, le simoun, l'écueil, la lune rousse ;
Vous êtes Myrmidon que son néant courrouce ;
Hélas ! l'envie en vous creuse son puits sans fond,
Et je vous plains. Le plomb de votre style fond
Et coule sur les noms que dore un peu de gloire,
Et, tout en répandant sa triste lave noire,
Tâche d'être cuisant et ne peut qu'être lourd.
Tortueux, vous rampez après tout ce qui court ;
Votre oeil furieux suit les grands aigles véloces.
Vous reprochez leur taille et leur ombre aux colosses ;
On dit de vous : - Pygmée essaya, mais ne put.-
Qui haïra Chéops si ce n'est Lilliput ?
Le Parthénon vous blesse avec ses fiers pilastres ;
Vous êtes malheureux de la beauté des astres ;
Vous trouvez l'océan trop clair, trop noir, trop bleu ;
Vous détestez le ciel parce qu'il montre Dieu ;
Vous êtes mécontents que tout soit quelque chose ;
Hélas, vous n'êtes rien. Vous souffrez de la rose,
Du cygne, du printemps pas assez pluvieux.
Et ce qui rit vous mord. Vous êtes envieux
De voir voler la mouche et de voir le ver luire.
Dans votre jalousie acharnée à détruire
Vous comprenez quiconque aime, quiconque a foi,
Et même vous avez de la place pour moi !
Un brin d'herbe vous fait grincer s'il vous dépasse ;
Vous avez pour le monde auguste, pour l'espace,
Pour tout ce qu'on voit croître, éclairer, réchauffer,
L'infâme embrassement qui voudrait étouffer.
Vous avez juste autant de pitié que le glaive.
En regardant un champ vous maudissez la sève ;
L'arbre vous plaît à l'heure où la hache le fend ;
Vous avez quelque chose en vous qui vous défend
D'être bons, et la rage est votre rêverie.
Votre âme a froid par où la nôtre est attendrie ;
Vous avez la nausée où nous sentons l'aimant ;
Vous êtes monstrueux tout naturellement.
Vous grondez quand l'oiseau chante sous les grands ormes.
Quand la fleur, près de vous qui vous sentez difformes,
Est belle, vous croyez qu'elle le fait exprès.
Quel souffle vous auriez si l'étoile était près !
Vous croyez qu'en brillant la lumière vous blâme ;
Vous vous imaginez, en voyant une femme,
Que c'est pour vous narguer qu'elle prend un amant,
Et que le mois de mai vous verse méchamment
Son urne de rayons et d'encens sur la tête ;
Il vous semble qu'alors que les bois sont en fête,
Que l'herbe est embaumée et que les prés sont doux,
Heureux, frais, parfumés, charmants, c'est contre vous.
Vous criez : au secours ! quand le soleil se lève.
Vous exécrez sans but, sans choix, sans fin, sans trêve,
Sans effort, par instinct, pour mentir, pour trahir ;
Ce n'est pas un travail pour vous de tout haïr,
Fourmis, vous abhorrez l'immensité sans peine.
C'est votre joie impie, âcre, cynique, obscène.
Et vous souffrez. Car rien, hélas, n'est châtié
Autant que l'avorton, géant d'inimitié !
Si l'oeil pouvait plonger sous la voûte chétive
De votre crâne étroit qu'un instinct vil captive,
On y verrait l'énorme horizon de la nuit ;
Vous êtes ce qui bave, ignore, insulte et nuit ;
La montagne du mal est dans votre âme naine.
Plus le coeur est petit, plus il y tient de haine.
~ Victor Hugo
Invité- Invité
Re: Vos poèmes préférés
Lyhan a écrit:Plus le coeur est petit, plus il y tient de haine.
Plus le coeur est petit, moins il peut contenir d'amour.
Bacha Posh- Messages : 568
Date d'inscription : 21/06/2014
Re: Vos poèmes préférés
Le firmament est plein de la vaste clarté
Le firmament est plein de la vaste clarté ;
Tout est joie, innocence, espoir, bonheur, bonté.
Le beau lac brille au fond du vallon qui le mure ;
Le champ sera fécond, la vigne sera mûre ;
Tout regorge de sève et de vie et de bruit,
De rameaux verts, d'azur frissonnant, d'eau qui luit,
Et de petits oiseaux qui se cherchent querelle.
Qu'a donc le papillon ? qu'a donc la sauterelle ?
La sauterelle à l'herbe, et le papillon l'air ;
Et tous deux ont avril, qui rit dans le ciel clair.
Un refrain joyeux sort de la nature entière ;
Chanson qui doucement monte et devient prière.
Le poussin court, l'enfant joue et danse, l'agneau
Saute, et, laissant tomber goutte à goutte son eau,
Le vieux antre, attendri, pleure comme un visage ;
Le vent lit à quelqu'un d'invisible un passage
Du poème inouï de la création ;
L'oiseau parle au parfum; la fleur parle au rayon ;
Les pins sur les étangs dressent leur verte ombelle ;
Les nids ont chaud ; l'azur trouve la terre belle,
Onde et sphère, à la fois tous les climats flottants ;
Ici l'automne, ici l'été ; là le printemps.
Ô coteaux ! ô sillons ! souffles, soupirs, haleines !
L'hosanna des forêts, des fleuves et des plaines,
S'élève gravement vers Dieu, père du jour ;
Et toutes les blancheurs sont des strophes d'amour ;
Le cygne dit : Lumière ! et le lys dit : Clémence
Le ciel s'ouvre à ce chant comme une oreille immense.
Le soir vient ; et le globe à son tour s'éblouit,
Devient un œil énorme et regarde la nuit ;
Il savoure, éperdu, l'immensité sacrée,
La contemplation du splendide empyrée,
Les nuages de crêpe et d'argent, le zénith,
Qui, formidable, brille et flamboie et bénit,
Les constellations, ces hydres étoilées,
Les effluves du sombre et du profond, mêlées
À vos effusions, astres de diamant,
Et toute l'ombre avec tout le rayonnement !
L'infini tout entier d'extase se soulève.
Et, pendant ce temps-là, Satan, l'envieux, rêve.
Victor Hugo, Les Contemplations
Le firmament est plein de la vaste clarté ;
Tout est joie, innocence, espoir, bonheur, bonté.
Le beau lac brille au fond du vallon qui le mure ;
Le champ sera fécond, la vigne sera mûre ;
Tout regorge de sève et de vie et de bruit,
De rameaux verts, d'azur frissonnant, d'eau qui luit,
Et de petits oiseaux qui se cherchent querelle.
Qu'a donc le papillon ? qu'a donc la sauterelle ?
La sauterelle à l'herbe, et le papillon l'air ;
Et tous deux ont avril, qui rit dans le ciel clair.
Un refrain joyeux sort de la nature entière ;
Chanson qui doucement monte et devient prière.
Le poussin court, l'enfant joue et danse, l'agneau
Saute, et, laissant tomber goutte à goutte son eau,
Le vieux antre, attendri, pleure comme un visage ;
Le vent lit à quelqu'un d'invisible un passage
Du poème inouï de la création ;
L'oiseau parle au parfum; la fleur parle au rayon ;
Les pins sur les étangs dressent leur verte ombelle ;
Les nids ont chaud ; l'azur trouve la terre belle,
Onde et sphère, à la fois tous les climats flottants ;
Ici l'automne, ici l'été ; là le printemps.
Ô coteaux ! ô sillons ! souffles, soupirs, haleines !
L'hosanna des forêts, des fleuves et des plaines,
S'élève gravement vers Dieu, père du jour ;
Et toutes les blancheurs sont des strophes d'amour ;
Le cygne dit : Lumière ! et le lys dit : Clémence
Le ciel s'ouvre à ce chant comme une oreille immense.
Le soir vient ; et le globe à son tour s'éblouit,
Devient un œil énorme et regarde la nuit ;
Il savoure, éperdu, l'immensité sacrée,
La contemplation du splendide empyrée,
Les nuages de crêpe et d'argent, le zénith,
Qui, formidable, brille et flamboie et bénit,
Les constellations, ces hydres étoilées,
Les effluves du sombre et du profond, mêlées
À vos effusions, astres de diamant,
Et toute l'ombre avec tout le rayonnement !
L'infini tout entier d'extase se soulève.
Et, pendant ce temps-là, Satan, l'envieux, rêve.
Victor Hugo, Les Contemplations
Bacha Posh- Messages : 568
Date d'inscription : 21/06/2014
Re: Vos poèmes préférés
Index mis à jour ! Et merci à Sarty pour l'entrée de Walt Whitman dans cette anthologie personnalisée et à Princeton pour cette ébauche méconnue ! *fait des découvertes*
Invité- Invité
Re: Vos poèmes préférés
.
Dernière édition par Subrisio Saltat. le Dim 15 Nov 2015 - 17:42, édité 1 fois
Subrisio Saltat.- Messages : 174
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Age : 37
Re: Vos poèmes préférés
Louis Aragon - Il n’y a pas d’amour heureux
Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n’y a pas d’amour heureux
Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu’on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu’on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n’y a pas d’amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j’ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n’y a pas d’amour heureux
Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson
Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n’y a pas d’amour heureux
Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l’amour de la patrie
Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs
Il n’y a pas d’amour heureux
Mais c’est notre amour à tous les deux
Et la poignante mise en musique par Georges Brassens :
Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n’y a pas d’amour heureux
Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu’on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu’on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n’y a pas d’amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j’ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n’y a pas d’amour heureux
Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson
Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n’y a pas d’amour heureux
Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l’amour de la patrie
Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs
Il n’y a pas d’amour heureux
Mais c’est notre amour à tous les deux
Et la poignante mise en musique par Georges Brassens :
Kodiak- Messages : 1904
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Age : 61
Localisation : Nice
Re: Vos poèmes préférés
Pour diversifier un peu, moi je donne dans la poésie anglophone (parce que bon, Baudelaire, j'aime beaucoup, mais...)
The Sick Rose - William Blake
O Rose thou art sick.
The invisible worm,
That flies in the night
In the howling storm:
Has found out thy bed
Of crimson joy:
And his dark secret love
Does thy life destroy.
The Sick Rose - William Blake
O Rose thou art sick.
The invisible worm,
That flies in the night
In the howling storm:
Has found out thy bed
Of crimson joy:
And his dark secret love
Does thy life destroy.
- celui-là est un peu long, je le mets donc sous spoiler. mais c'est pas parce que je l'aime moins:
Goblin Market - Christina Rossetti
Morning and evening
Maids heard the goblins cry:
“Come buy our orchard fruits,
Come buy, come buy:
Apples and quinces,
Lemons and oranges,
Plump unpeck’d cherries,
Melons and raspberries,
Bloom-down-cheek’d peaches,
Swart-headed mulberries,
Wild free-born cranberries,
Crab-apples, dewberries,
Pine-apples, blackberries,
Apricots, strawberries;—
All ripe together
In summer weather,—
Morns that pass by,
Fair eves that fly;
Come buy, come buy:
Our grapes fresh from the vine,
Pomegranates full and fine,
Dates and sharp bullaces,
Rare pears and greengages,
Damsons and bilberries,
Taste them and try:
Currants and gooseberries,
Bright-fire-like barberries,
Figs to fill your mouth,
Citrons from the South,
Sweet to tongue and sound to eye;
Come buy, come buy.”
Evening by evening
Among the brookside rushes,
Laura bow’d her head to hear,
Lizzie veil’d her blushes:
Crouching close together
In the cooling weather,
With clasping arms and cautioning lips,
With tingling cheeks and finger tips.
“Lie close,” Laura said,
Pricking up her golden head:
“We must not look at goblin men,
We must not buy their fruits:
Who knows upon what soil they fed
Their hungry thirsty roots?”
“Come buy,” call the goblins
Hobbling down the glen.
“Oh,” cried Lizzie, “Laura, Laura,
You should not peep at goblin men.”
Lizzie cover’d up her eyes,
Cover’d close lest they should look;
Laura rear’d her glossy head,
And whisper’d like the restless brook:
“Look, Lizzie, look, Lizzie,
Down the glen tramp little men.
One hauls a basket,
One bears a plate,
One lugs a golden dish
Of many pounds weight.
How fair the vine must grow
Whose grapes are so luscious;
How warm the wind must blow
Through those fruit bushes.”
“No,” said Lizzie, “No, no, no;
Their offers should not charm us,
Their evil gifts would harm us.”
She thrust a dimpled finger
In each ear, shut eyes and ran:
Curious Laura chose to linger
Wondering at each merchant man.
One had a cat’s face,
One whisk’d a tail,
One tramp’d at a rat’s pace,
One crawl’d like a snail,
One like a wombat prowl’d obtuse and furry,
One like a ratel tumbled hurry skurry.
She heard a voice like voice of doves
Cooing all together:
They sounded kind and full of loves
In the pleasant weather.
Laura stretch’d her gleaming neck
Like a rush-imbedded swan,
Like a lily from the beck,
Like a moonlit poplar branch,
Like a vessel at the launch
When its last restraint is gone.
Backwards up the mossy glen
Turn’d and troop’d the goblin men,
With their shrill repeated cry,
“Come buy, come buy.”
When they reach’d where Laura was
They stood stock still upon the moss,
Leering at each other,
Brother with queer brother;
Signalling each other,
Brother with sly brother.
One set his basket down,
One rear’d his plate;
One began to weave a crown
Of tendrils, leaves, and rough nuts brown
(Men sell not such in any town);
One heav’d the golden weight
Of dish and fruit to offer her:
“Come buy, come buy,” was still their cry.
Laura stared but did not stir,
Long’d but had no money:
The whisk-tail’d merchant bade her taste
In tones as smooth as honey,
The cat-faced purr’d,
The rat-faced spoke a word
Of welcome, and the snail-paced even was heard;
One parrot-voiced and jolly
Cried “Pretty Goblin” still for “Pretty Polly;”—
One whistled like a bird.
But sweet-tooth Laura spoke in haste:
“Good folk, I have no coin;
To take were to purloin:
I have no copper in my purse,
I have no silver either,
And all my gold is on the furze
That shakes in windy weather
Above the rusty heather.”
“You have much gold upon your head,”
They answer’d all together:
“Buy from us with a golden curl.”
She clipp’d a precious golden lock,
She dropp’d a tear more rare than pearl,
Then suck’d their fruit globes fair or red:
Sweeter than honey from the rock,
Stronger than man-rejoicing wine,
Clearer than water flow’d that juice;
She never tasted such before,
How should it cloy with length of use?
She suck’d and suck’d and suck’d the more
Fruits which that unknown orchard bore;
She suck’d until her lips were sore;
Then flung the emptied rinds away
But gather’d up one kernel stone,
And knew not was it night or day
As she turn’d home alone.
Lizzie met her at the gate
Full of wise upbraidings:
“Dear, you should not stay so late,
Twilight is not good for maidens;
Should not loiter in the glen
In the haunts of goblin men.
Do you not remember Jeanie,
How she met them in the moonlight,
Took their gifts both choice and many,
Ate their fruits and wore their flowers
Pluck’d from bowers
Where summer ripens at all hours?
But ever in the noonlight
She pined and pined away;
Sought them by night and day,
Found them no more, but dwindled and grew grey;
Then fell with the first snow,
While to this day no grass will grow
Where she lies low:
I planted daisies there a year ago
That never blow.
You should not loiter so.”
“Nay, hush,” said Laura:
“Nay, hush, my sister:
I ate and ate my fill,
Yet my mouth waters still;
To-morrow night I will
Buy more;” and kiss’d her:
“Have done with sorrow;
I’ll bring you plums to-morrow
Fresh on their mother twigs,
Cherries worth getting;
You cannot think what figs
My teeth have met in,
What melons icy-cold
Piled on a dish of gold
Too huge for me to hold,
What peaches with a velvet nap,
Pellucid grapes without one seed:
Odorous indeed must be the mead
Whereon they grow, and pure the wave they drink
With lilies at the brink,
And sugar-sweet their sap.”
Golden head by golden head,
Like two pigeons in one nest
Folded in each other’s wings,
They lay down in their curtain’d bed:
Like two blossoms on one stem,
Like two flakes of new-fall’n snow,
Like two wands of ivory
Tipp’d with gold for awful kings.
Moon and stars gaz’d in at them,
Wind sang to them lullaby,
Lumbering owls forbore to fly,
Not a bat flapp’d to and fro
Round their rest:
Cheek to cheek and breast to breast
Lock’d together in one nest.
Early in the morning
When the first cock crow’d his warning,
Neat like bees, as sweet and busy,
Laura rose with Lizzie:
Fetch’d in honey, milk’d the cows,
Air’d and set to rights the house,
Kneaded cakes of whitest wheat,
Cakes for dainty mouths to eat,
Next churn’d butter, whipp’d up cream,
Fed their poultry, sat and sew’d;
Talk’d as modest maidens should:
Lizzie with an open heart,
Laura in an absent dream,
One content, one sick in part;
One warbling for the mere bright day’s delight,
One longing for the night.
At length slow evening came:
They went with pitchers to the reedy brook;
Lizzie most placid in her look,
Laura most like a leaping flame.
They drew the gurgling water from its deep;
Lizzie pluck’d purple and rich golden flags,
Then turning homeward said: “The sunset flushes
Those furthest loftiest crags;
Come, Laura, not another maiden lags.
No wilful squirrel wags,
The beasts and birds are fast asleep.”
But Laura loiter’d still among the rushes
And said the bank was steep.
And said the hour was early still
The dew not fall’n, the wind not chill;
Listening ever, but not catching
The customary cry,
“Come buy, come buy,”
With its iterated jingle
Of sugar-baited words:
Not for all her watching
Once discerning even one goblin
Racing, whisking, tumbling, hobbling;
Let alone the herds
That used to tramp along the glen,
In groups or single,
Of brisk fruit-merchant men.
Till Lizzie urged, “O Laura, come;
I hear the fruit-call but I dare not look:
You should not loiter longer at this brook:
Come with me home.
The stars rise, the moon bends her arc,
Each glowworm winks her spark,
Let us get home before the night grows dark:
For clouds may gather
Though this is summer weather,
Put out the lights and drench us through;
Then if we lost our way what should we do?”
Laura turn’d cold as stone
To find her sister heard that cry alone,
That goblin cry,
“Come buy our fruits, come buy.”
Must she then buy no more such dainty fruit?
Must she no more such succous pasture find,
Gone deaf and blind?
Her tree of life droop’d from the root:
She said not one word in her heart’s sore ache;
But peering thro’ the dimness, nought discerning,
Trudg’d home, her pitcher dripping all the way;
So crept to bed, and lay
Silent till Lizzie slept;
Then sat up in a passionate yearning,
And gnash’d her teeth for baulk’d desire, and wept
As if her heart would break.
Day after day, night after night,
Laura kept watch in vain
In sullen silence of exceeding pain.
She never caught again the goblin cry:
“Come buy, come buy;”—
She never spied the goblin men
Hawking their fruits along the glen:
But when the noon wax’d bright
Her hair grew thin and grey;
She dwindled, as the fair full moon doth turn
To swift decay and burn
Her fire away.
One day remembering her kernel-stone
She set it by a wall that faced the south;
Dew’d it with tears, hoped for a root,
Watch’d for a waxing shoot,
But there came none;
It never saw the sun,
It never felt the trickling moisture run:
While with sunk eyes and faded mouth
She dream’d of melons, as a traveller sees
False waves in desert drouth
With shade of leaf-crown’d trees,
And burns the thirstier in the sandful breeze.
She no more swept the house,
Tended the fowls or cows,
Fetch’d honey, kneaded cakes of wheat,
Brought water from the brook:
But sat down listless in the chimney-nook
And would not eat.
Tender Lizzie could not bear
To watch her sister’s cankerous care
Yet not to share.
She night and morning
Caught the goblins’ cry:
“Come buy our orchard fruits,
Come buy, come buy;”—
Beside the brook, along the glen,
She heard the tramp of goblin men,
The yoke and stir
Poor Laura could not hear;
Long’d to buy fruit to comfort her,
But fear’d to pay too dear.
She thought of Jeanie in her grave,
Who should have been a bride;
But who for joys brides hope to have
Fell sick and died
In her gay prime,
In earliest winter time
With the first glazing rime,
With the first snow-fall of crisp winter time.
Till Laura dwindling
Seem’d knocking at Death’s door:
Then Lizzie weigh’d no more
Better and worse;
But put a silver penny in her purse,
Kiss’d Laura, cross’d the heath with clumps of furze
At twilight, halted by the brook:
And for the first time in her life
Began to listen and look.
Laugh’d every goblin
When they spied her peeping:
Came towards her hobbling,
Flying, running, leaping,
Puffing and blowing,
Chuckling, clapping, crowing,
Clucking and gobbling,
Mopping and mowing,
Full of airs and graces,
Pulling wry faces,
Demure grimaces,
Cat-like and rat-like,
Ratel- and wombat-like,
Snail-paced in a hurry,
Parrot-voiced and whistler,
Helter skelter, hurry skurry,
Chattering like magpies,
Fluttering like pigeons,
Gliding like fishes,—
Hugg’d her and kiss’d her:
Squeez’d and caress’d her:
Stretch’d up their dishes,
Panniers, and plates:
“Look at our apples
Russet and dun,
Bob at our cherries,
Bite at our peaches,
Citrons and dates,
Grapes for the asking,
Pears red with basking
Out in the sun,
Plums on their twigs;
Pluck them and suck them,
Pomegranates, figs.”—
“Good folk,” said Lizzie,
Mindful of Jeanie:
“Give me much and many: —
Held out her apron,
Toss’d them her penny.
“Nay, take a seat with us,
Honour and eat with us,”
They answer’d grinning:
“Our feast is but beginning.
Night yet is early,
Warm and dew-pearly,
Wakeful and starry:
Such fruits as these
No man can carry:
Half their bloom would fly,
Half their dew would dry,
Half their flavour would pass by.
Sit down and feast with us,
Be welcome guest with us,
Cheer you and rest with us.”—
“Thank you,” said Lizzie: “But one waits
At home alone for me:
So without further parleying,
If you will not sell me any
Of your fruits though much and many,
Give me back my silver penny
I toss’d you for a fee.”—
They began to scratch their pates,
No longer wagging, purring,
But visibly demurring,
Grunting and snarling.
One call’d her proud,
Cross-grain’d, uncivil;
Their tones wax’d loud,
Their looks were evil.
Lashing their tails
They trod and hustled her,
Elbow’d and jostled her,
Claw’d with their nails,
Barking, mewing, hissing, mocking,
Tore her gown and soil’d her stocking,
Twitch’d her hair out by the roots,
Stamp’d upon her tender feet,
Held her hands and squeez’d their fruits
Against her mouth to make her eat.
White and golden Lizzie stood,
Like a lily in a flood,—
Like a rock of blue-vein’d stone
Lash’d by tides obstreperously,—
Like a beacon left alone
In a hoary roaring sea,
Sending up a golden fire,—
Like a fruit-crown’d orange-tree
White with blossoms honey-sweet
Sore beset by wasp and bee,—
Like a royal virgin town
Topp’d with gilded dome and spire
Close beleaguer’d by a fleet
Mad to tug her standard down.
One may lead a horse to water,
Twenty cannot make him drink.
Though the goblins cuff’d and caught her,
Coax’d and fought her,
Bullied and besought her,
Scratch’d her, pinch’d her black as ink,
Kick’d and knock’d her,
Maul’d and mock’d her,
Lizzie utter’d not a word;
Would not open lip from lip
Lest they should cram a mouthful in:
But laugh’d in heart to feel the drip
Of juice that syrupp’d all her face,
And lodg’d in dimples of her chin,
And streak’d her neck which quaked like curd.
At last the evil people,
Worn out by her resistance,
Flung back her penny, kick’d their fruit
Along whichever road they took,
Not leaving root or stone or shoot;
Some writh’d into the ground,
Some div’d into the brook
With ring and ripple,
Some scudded on the gale without a sound,
Some vanish’d in the distance.
In a smart, ache, tingle,
Lizzie went her way;
Knew not was it night or day;
Sprang up the bank, tore thro’ the furze,
Threaded copse and dingle,
And heard her penny jingle
Bouncing in her purse,—
Its bounce was music to her ear.
She ran and ran
As if she fear’d some goblin man
Dogg’d her with gibe or curse
Or something worse:
But not one goblin scurried after,
Nor was she prick’d by fear;
The kind heart made her windy-paced
That urged her home quite out of breath with haste
And inward laughter.
She cried, “Laura,” up the garden,
“Did you miss me?
Come and kiss me.
Never mind my bruises,
Hug me, kiss me, suck my juices
Squeez’d from goblin fruits for you,
Goblin pulp and goblin dew.
Eat me, drink me, love me;
Laura, make much of me;
For your sake I have braved the glen
And had to do with goblin merchant men.”
Laura started from her chair,
Flung her arms up in the air,
Clutch’d her hair:
“Lizzie, Lizzie, have you tasted
For my sake the fruit forbidden?
Must your light like mine be hidden,
Your young life like mine be wasted,
Undone in mine undoing,
And ruin’d in my ruin,
Thirsty, canker’d, goblin-ridden?”—
She clung about her sister,
Kiss’d and kiss’d and kiss’d her:
Tears once again
Refresh’d her shrunken eyes,
Dropping like rain
After long sultry drouth;
Shaking with aguish fear, and pain,
She kiss’d and kiss’d her with a hungry mouth.
Her lips began to scorch,
That juice was wormwood to her tongue,
She loath’d the feast:
Writhing as one possess’d she leap’d and sung,
Rent all her robe, and wrung
Her hands in lamentable haste,
And beat her breast.
Her locks stream’d like the torch
Borne by a racer at full speed,
Or like the mane of horses in their flight,
Or like an eagle when she stems the light
Straight toward the sun,
Or like a caged thing freed,
Or like a flying flag when armies run.
Swift fire spread through her veins, knock’d at her heart,
Met the fire smouldering there
And overbore its lesser flame;
She gorged on bitterness without a name:
Ah! fool, to choose such part
Of soul-consuming care!
Sense fail’d in the mortal strife:
Like the watch-tower of a town
Which an earthquake shatters down,
Like a lightning-stricken mast,
Like a wind-uprooted tree
Spun about,
Like a foam-topp’d waterspout
Cast down headlong in the sea,
She fell at last;
Pleasure past and anguish past,
Is it death or is it life?
Life out of death.
That night long Lizzie watch’d by her,
Counted her pulse’s flagging stir,
Felt for her breath,
Held water to her lips, and cool’d her face
With tears and fanning leaves:
But when the first birds chirp’d about their eaves,
And early reapers plodded to the place
Of golden sheaves,
And dew-wet grass
Bow’d in the morning winds so brisk to pass,
And new buds with new day
Open’d of cup-like lilies on the stream,
Laura awoke as from a dream,
Laugh’d in the innocent old way,
Hugg’d Lizzie but not twice or thrice;
Her gleaming locks show’d not one thread of grey,
Her breath was sweet as May
And light danced in her eyes.
Days, weeks, months, years
Afterwards, when both were wives
With children of their own;
Their mother-hearts beset with fears,
Their lives bound up in tender lives;
Laura would call the little ones
And tell them of her early prime,
Those pleasant days long gone
Of not-returning time:
Would talk about the haunted glen,
The wicked, quaint fruit-merchant men,
Their fruits like honey to the throat
But poison in the blood;
(Men sell not such in any town):
Would tell them how her sister stood
In deadly peril to do her good,
And win the fiery antidote:
Then joining hands to little hands
Would bid them cling together,
“For there is no friend like a sister
In calm or stormy weather;
To cheer one on the tedious way,
To fetch one if one goes astray,
To lift one if one totters down,
To strengthen whilst one stands.”
Re: Vos poèmes préférés
- La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
– C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie, aimant à me martyriser,
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un Rêve au cœur qui l'a cueilli.
J'errais donc, l'œil rivé sur le pavé vieilli,
Quand, avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.
Stéphane Mallarmé, Apparition
Pieyre- Messages : 20908
Date d'inscription : 17/03/2012
Localisation : Quartier Latin
Re: Vos poèmes préférés
bonjour.
Merci pour ta liste Alphonsine.
Merci pour ta liste Alphonsine.
Nochéry- Messages : 32
Date d'inscription : 11/10/2014
Re: Vos poèmes préférés
Litchee
Pour changer un peu, un poème en prose de Gabriel de Lautrec, Les Maîtresses des poètes :
Pour changer un peu, un poème en prose de Gabriel de Lautrec, Les Maîtresses des poètes :
Les maîtresses des poètes sont maigres ; c’est les femmes au corps d’enfant, qui, dès l’aube, tandis que du lourd sommeil de la nuit finissante dort l’aimé, se lèvent dans les lueurs crépusculaires. Elles vont par la chambre étroite, allumant le feu, disposant les feuilles blanches où doit se recueillir la pensée du poète, et les chers livres trop lus, qui hantent ses insomnies. Elles ont froid, malgré le feu vite allumé, étant de celles qui rêvent anxieusement être ensevelies dans les douces tiédeurs du lit, et dormir, dormir pour toujours, caressantes et caressées, cheveux noirs, front pensif, lèvres frémissantes, avec l’ignorance craintive de tout ce qui n’est pas le baiser. Et le matin, tôt levées, vigilantes, mais les yeux lourds, elles viennent se pencher éperdûment sur les yeux fermés de l’aimé, comme, dans les vieilles légendes allemandes, le page de velours noir qui veille sur le page blanc malade d’amour. Les maîtresses des poètes sont laides, mais leur laideur est pleine d’un charme à faire pleurer. Leurs prunelles ont un mystère, et leurs lèvres, le divin sourire qui humilie la beauté. Et pour telle que méprisèrent les désirs vulgaires, le poète sentit la source de son cœur blessé s’ouvrir ; et l’éternelle chanson, comme sur les cordes fragiles d’un violon sonore, pleure sa vibrante harmonie en leur âme désolée. Ô séduisantes et mélancoliques bien-aimées, quel démon subtil et triste leur enseigna le cher secret de guérir le mal de vivre par le mal d’aimer ? – Hélas ! c’est d’une que d’autres, peut-être, trouvèrent étrange, que le poète se meurt aujourd’hui, ô sœur de jadis et pauvre enfant pâme dont si frêle fut le cœur, si caressants les cheveux longs, et pour si longtemps inoubliable le frisson des yeux ! Les maîtresses des poètes sont mortes. Durant leur vie terrestre, si courte, elles s’appelèrent Lilith, Antigone, Sperata ! – et c’est d’elles, les mortes d’amour, que nous cherchons le baiser sur les lèvres d’aujourd’hui. Oh ! que la blessure est éternelle ! – Ne pouvoir guérir de ce désir d’étoile, inutile et vain, – et si cher ! – Vienne le soir qui calme et berce les cœurs malades, comme l’on berce les enfants peu sages qui voient des formes effrayantes la nuit. – Et vous endormirez l’âme du poète avec des éthers et des narcotiques, qu’il repose du sommeil sans rêve où toute douleur s’anéantit. Mais avant que descende cette aube sombre, il s’en ira sous la lune, vers les tombes où sont des lèvres closes et des yeux à jamais fermés. Et quand il aura confié au silence magique et frissonnant du soir le secret des chères paroles, et des poèmes lumineux que nul autre que lui ne lira, elles viendront, celles d’autrefois, qui seules l’auront écouté, elles viendront, avec des caresses et leurs cheveux dénoués, lui murmurer les réponses amoureuses qu’il n’avait jamais entendues, et que pourtant il reconnaîtra.
Invité- Invité
Re: Vos poèmes préférés
Quand j´étais gosse, haut comme trois pommes
J´parlais bien fort pour être un homme
J´disais : je sais, je sais, je sais, je sais
C´était l´début, c´était l´printemps
Mais quand j´ai eu mes dix-huit ans
J´ai dit : je sais, ça y est, cette fois, je sais
Et aujourd´hui, les jours où je m´retourne
J´regarde la Terre où j´ai quand même fait les cent pas
Et je n´sais toujours pas comment elle tourne!
Vers vingt-cinq ans, j´savais tout : l´amour, les roses, la vie, les sous
Tiens oui l´amour! J´en avais fait tout l´tour!
Mais heureusement, comme les copains, j´avais pas mangé tout mon pain :
Au milieu de ma vie, j´ai encore appris.
C´que j´ai appris, ça tient en trois, quatre mots :
Le jour où quelqu´un vous aime, il fait très beau
J´peux pas mieux dire : il fait très beau!
C´est encore ce qui m´étonne dans la vie
Moi qui suis à l´automne de ma vie
On oublie tant de soirs de tristesse
Mais jamais un matin de tendresse!
Toute ma jeunesse, j´ai voulu dire "je sais"
Seulement, plus je cherchais, et puis moins j´savais
Il y a soixante coups qui ont sonné à l´horloge
J´suis encore à ma fenêtre, je regarde, et j´m´interroge :
Maintenant je sais, je sais qu´on n´sait jamais!
La vie, l´amour, l´argent, les amis et les roses
On n´sait jamais le bruit ni la couleur des choses
C´est tout c´que j´sais! Mais ça, j´le sais!
Jean GABIN
J´parlais bien fort pour être un homme
J´disais : je sais, je sais, je sais, je sais
C´était l´début, c´était l´printemps
Mais quand j´ai eu mes dix-huit ans
J´ai dit : je sais, ça y est, cette fois, je sais
Et aujourd´hui, les jours où je m´retourne
J´regarde la Terre où j´ai quand même fait les cent pas
Et je n´sais toujours pas comment elle tourne!
Vers vingt-cinq ans, j´savais tout : l´amour, les roses, la vie, les sous
Tiens oui l´amour! J´en avais fait tout l´tour!
Mais heureusement, comme les copains, j´avais pas mangé tout mon pain :
Au milieu de ma vie, j´ai encore appris.
C´que j´ai appris, ça tient en trois, quatre mots :
Le jour où quelqu´un vous aime, il fait très beau
J´peux pas mieux dire : il fait très beau!
C´est encore ce qui m´étonne dans la vie
Moi qui suis à l´automne de ma vie
On oublie tant de soirs de tristesse
Mais jamais un matin de tendresse!
Toute ma jeunesse, j´ai voulu dire "je sais"
Seulement, plus je cherchais, et puis moins j´savais
Il y a soixante coups qui ont sonné à l´horloge
J´suis encore à ma fenêtre, je regarde, et j´m´interroge :
Maintenant je sais, je sais qu´on n´sait jamais!
La vie, l´amour, l´argent, les amis et les roses
On n´sait jamais le bruit ni la couleur des choses
C´est tout c´que j´sais! Mais ça, j´le sais!
Jean GABIN
poupée BB- Messages : 1088
Date d'inscription : 22/08/2012
Age : 58
Localisation : picardie
Re: Vos poèmes préférés
@ Subrisio Saltat. Je peux te demander qui lit l'élégie de Duino sur le lien que tu as mis??
(Rilke, un de mes essentiels, oui! Merci à toi!)
(Rilke, un de mes essentiels, oui! Merci à toi!)
ΣΦ- Messages : 210
Date d'inscription : 13/03/2013
Localisation : ici même
Re: Vos poèmes préférés
ΣΦ a écrit:@ Subrisio Saltat. Je peux te demander qui lit l'élégie de Duino sur le lien que tu as mis??
(Rilke, un de mes essentiels, oui! Merci à toi!)
Un donneur de voix amateur bien que très doué à mon avis) dont le nom figure ici http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/rilke-rainer-maria-elegies-de-duino.html (je ne le citerai pas ici pour des raisons que tu comprendras).
Il y lit toutes les Elegies
(Sauf celle-ci, écrite pour Marina Tsvetaeva http://www.poesie.net/enfants/rilke_marina.htm . J'aimerai un jour trouver une traduction qui lui rende vraiment justice.)
Beaucoup d'amateurs de Rilke ici, c'est fou. Rilke semble avoir une certaine résonance dans le cœur ou dans la tête des membres de ce forum.
(Et merci à toi !)
Subrisio Saltat.- Messages : 174
Date d'inscription : 25/08/2014
Age : 37
Re: Vos poèmes préférés
merci Subrisio Saltat.
j'irai jeter une oreille plus avant sur ce site qui m'a l'air bien!
Oui, difficile de traduire Rilke et Zvetaeva aussi, d'ailleurs!
Sans doute, connais-tu Laurent Terzieff, alors?
j'irai jeter une oreille plus avant sur ce site qui m'a l'air bien!
Oui, difficile de traduire Rilke et Zvetaeva aussi, d'ailleurs!
Sans doute, connais-tu Laurent Terzieff, alors?
ΣΦ- Messages : 210
Date d'inscription : 13/03/2013
Localisation : ici même
Re: Vos poèmes préférés
@ Zofie : Terzieff (RIP), le Lucernaire, le TNP toussa !!!
Merci à toi, aujourd'hui je me sens revigorée par certains posts qui rappellent à mon souvenir tant de talents ...
Merci à toi, aujourd'hui je me sens revigorée par certains posts qui rappellent à mon souvenir tant de talents ...
Invité- Invité
Re: Vos poèmes préférés
lui-même, oui, que j'ai eu la chance de voir et d'écouter plusieurs fois, oui!
tant mieux, tant mieux (pour le "revig-orage", j'veux dire), tu m'en refiles un ch'touille???
tant mieux, tant mieux (pour le "revig-orage", j'veux dire), tu m'en refiles un ch'touille???
ΣΦ- Messages : 210
Date d'inscription : 13/03/2013
Localisation : ici même
Re: Vos poèmes préférés
ΣΦ a écrit:lui-même, oui, que j'ai eu la chance de voir et d'écouter plusieurs fois, oui!
tant mieux, tant mieux (pour le "revig-orage", j'veux dire), tu m'en refiles un ch'touille???
je te refile même toute ma ch'touille si ça peut aider !!!
petite veinarde, jamais vu en scène ce bonhomme ...
- Revis Igor !:
- Le petit plaisir du jour autre que Terzieff : Monsieur Allain Leprest
Invité- Invité
Re: Vos poèmes préférés
Hey! Merci beaucoup!! C'est vrai qu'elle est très belle celle-là aussi! Tanti Grazie!
ΣΦ- Messages : 210
Date d'inscription : 13/03/2013
Localisation : ici même
Re: Vos poèmes préférés
http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/jozsefattila/attilajozsef.html
Nochéry- Messages : 32
Date d'inscription : 11/10/2014
Re: Vos poèmes préférés
WaterShed a écrit:Un classique, mais qui me tire presque des larmes:Victor Hugo a écrit:Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin
De venir dans ma chambre un peu chaque matin ;
Je l’attendais ainsi qu’un rayon qu’on espère ;
Elle entrait et disait : « Bonjour, mon petit père » ;
Prenait ma plume, ouvrait mes livres s’asseyait
Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait,
Puis soudain s'en allait comme un oiseau qui passe.
Alors, je reprenais, la tête un peu moins lasse,
Mon oeuvre interrompue, et, tout en écrivant,
Parmi mes manuscrits je rencontrais souvent
Quelque arabesque folle et qu'elle avait tracée,
Et mainte page blanche entre ses mains froissée
Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux vers.
Elle aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts,
Et c'était un esprit avant d'être une femme.
Son regard reflétait la clarté de son âme.
Elle me consultait sur tout à tous moments.
Oh! que de soirs d'hiver radieux et charmants
Passés à raisonner langue, histoire et grammaire,
Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère
Tout près, quelques amis causant au coin du feu !
J'appelais cette vie être content de peu !
Et dire qu'elle est morte! hélas! que Dieu m'assiste !
Je n'étais jamais gai quand je la sentais triste ;
J'étais morne au milieu du bal le plus joyeux
Si j'avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux.
Et aussi celui-ci, d'un poète brésilien, dit par le prêtre aux obsèques d'un camarade de promotion décidé à l'automne dernier...Adémar de Barros a écrit:J'ai fait un rêve, la nuit de Noël.
Je cheminais sur la plage, côte à côte avec le Seigneur.
Nos pas se dessinaient sur le sable en laissant une double empreinte, la mienne et celle du Seigneur.
L'idée me vint, c'était en songe, que chacun de nos pas représentait un jour de ma vie.
Je me suis arrêté pour regarder en arrière.
J'ai vu toutes ces traces qui se perdaient au loin.
Mais je remarquai qu'en certains endroits, au lieu de deux empreintes, il n'y en avait qu'une.
J'ai revu le film de ma vie. Ô surprise !
Les lieux à l'empreinte unique correspondaient aux jours les plus sombres de mon existence.
Jours d'angoisse ou de mauvais vouloir,
Jours d'égoïsme ou de mauvaise humeur,
Jours d'épreuve et de doute,
Jours intenables...
Jours où moi aussi j'avais été intenable.
Alors me tournant vers le Seigneur,
J'osai lui faire des reproches :
"Tu nous avais pourtant promis d'être avec nous tous les jours !
Pourquoi n'as-tu pas tenu ta promesse ?
Pourquoi m'avoir laissé seul aux pires moments de ma vie ?
Aux jours où j'avais le plus besoin de Ta présence ?"
Mais le Seigneur m'a répondu :
"Mon ami,
Les jours où tu ne vois qu'une trace de pas sur le sable, ce sont les jours où je t'ai porté !"
Je suis plus sensible au poème d'Hugo, l'autre me semble plus alambiqué, sympathique aussi, mais je ne crois pas au dieu des prètres. Celui d'Hugo me convient déjà mieux.
Re: Vos poèmes préférés
- Gaspard Hauser chante :
Je suis venu, calme orphelin,
Riche de mes seuls yeux tranquilles,
Vers les hommes des grandes villes :
Ils ne m'ont pas trouvé malin.
A vingt ans un trouble nouveau,
Sous le nom d'amoureuses flammes,
M'a fait trouver belles les femmes :
Elles ne m'ont pas trouvé beau.
Bien que sans patrie et sans roi
Et très brave ne l'étant guère,
J'ai voulu mourir à la guerre :
La mort n'a pas voulu de moi.
Suis‑ je né trop tôt ou trop tard ?
Qu'est‑ce que je fais en ce monde ?
Ô vous tous, ma peine est profonde :
Priez pour le pauvre Gaspard !
— Paul Verlaine, Sagesse
Pieyre- Messages : 20908
Date d'inscription : 17/03/2012
Localisation : Quartier Latin
Re: Vos poèmes préférés
Ceux-là dont les manteaux ont des plis de linceuls
Goûtent la volupté divine d’être seuls.
Leur sagesse a pitié de l’ivresse des couples,
De l’étreinte des mains, des pas aux rythmes souples.
Ceux dont le front se cache en l’ombre des linceuls
Savent la volupté divine d’être seuls.
Ils contemplent l’aurore et l’aspect de la vie
Sans horreur, et plus d’un qui les plaint les envie.
Ceux qui cherchent la paix du soir et des linceuls
Connaissent la terrible ivresse d’être seuls.
Ce sont les bien-aimés du soir et du mystère.
Ils écoutent germer les roses sous la terre
Et perçoivent l’écho des couleurs, le reflet
Des sons… Leur atmosphère est d’un gris violet.
Ils goûtent la saveur du vent et des ténèbres,
Et leurs yeux sont plus beaux que des torches funèbres.
Renée Vivien, Les solitaires
Goûtent la volupté divine d’être seuls.
Leur sagesse a pitié de l’ivresse des couples,
De l’étreinte des mains, des pas aux rythmes souples.
Ceux dont le front se cache en l’ombre des linceuls
Savent la volupté divine d’être seuls.
Ils contemplent l’aurore et l’aspect de la vie
Sans horreur, et plus d’un qui les plaint les envie.
Ceux qui cherchent la paix du soir et des linceuls
Connaissent la terrible ivresse d’être seuls.
Ce sont les bien-aimés du soir et du mystère.
Ils écoutent germer les roses sous la terre
Et perçoivent l’écho des couleurs, le reflet
Des sons… Leur atmosphère est d’un gris violet.
Ils goûtent la saveur du vent et des ténèbres,
Et leurs yeux sont plus beaux que des torches funèbres.
Renée Vivien, Les solitaires
Elther- Messages : 60
Date d'inscription : 30/03/2013
Re: Vos poèmes préférés
On a jamais le temps
de se demander pourquoi,
pourquoi toi et moi
on est comme ça...
Si on a pas de temps,
alors il faut en prendre,
en prendre où il y en a
et ne jamais le rendre.
Si les maîtres du temps
nous déclarent la guerre,
plutôt que de le rendre,
il faudra bien la faire...
Et si ça prend du temps,
c'est pas du temps perdu
parce que s'ils nous reprennent
on sera tous pendus
Aux plus hautes
horloges
du navire...
Bibi, mézigue, alias ma pomme, il suo molto umile e obediente schiavo.
de se demander pourquoi,
pourquoi toi et moi
on est comme ça...
Si on a pas de temps,
alors il faut en prendre,
en prendre où il y en a
et ne jamais le rendre.
Si les maîtres du temps
nous déclarent la guerre,
plutôt que de le rendre,
il faudra bien la faire...
Et si ça prend du temps,
c'est pas du temps perdu
parce que s'ils nous reprennent
on sera tous pendus
Aux plus hautes
horloges
du navire...
Bibi, mézigue, alias ma pomme, il suo molto umile e obediente schiavo.
Re: Vos poèmes préférés
Les bijoux. Charles Baudelaire
La très chère était nue, et, connaissant mon coeur,
Elle n'avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur
Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.
Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j'aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.
Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d'aise
A mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.
Les yeux fixés sur moi, comme un tigre dompté,
D'un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses;
Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l'huile, onduleux comme un signe,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,
S'avançaient, plus câlins que les anges du mal,
Pour troubler le repos où mon âme était mise,
Et pour la déranger du rocher de cristal
Où, calme et solitaire, elle s'était assise.
Je croyait voir unis par un nouveau dessin
Les hanches de l'Antiope au buste d'un imberbe,
Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sur ce teint fauve et brun le fard était superbe!
- Et la lampe s'étant résignée à mourir,
Commme le foyer seul illuminait la chambre,
Chaque fois qu'il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d'ambre!
La très chère était nue, et, connaissant mon coeur,
Elle n'avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur
Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.
Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j'aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.
Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d'aise
A mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.
Les yeux fixés sur moi, comme un tigre dompté,
D'un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses;
Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l'huile, onduleux comme un signe,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,
S'avançaient, plus câlins que les anges du mal,
Pour troubler le repos où mon âme était mise,
Et pour la déranger du rocher de cristal
Où, calme et solitaire, elle s'était assise.
Je croyait voir unis par un nouveau dessin
Les hanches de l'Antiope au buste d'un imberbe,
Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sur ce teint fauve et brun le fard était superbe!
- Et la lampe s'étant résignée à mourir,
Commme le foyer seul illuminait la chambre,
Chaque fois qu'il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d'ambre!
Kodiak- Messages : 1904
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Re: Vos poèmes préférés
- El Desdichado
Je suis le Ténébreux, le Veuf, – l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends‑moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.
Suis‑je Amour ou Phœbus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la Syrène...
Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.
— Gérard de Nerval, Les chimères
Pieyre- Messages : 20908
Date d'inscription : 17/03/2012
Localisation : Quartier Latin
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