Le début de tout le reste ... livre IV
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Re: Le début de tout le reste ... livre IV
"Quelqu'un quelque part"
Donna Williams
Donna Williams
"J'étais émue par cette scène. Je la comprenais et percevais la différence entre ce que j'avais connu et ce qu'avait la jeune fille. Je savais désormais pourquoi je voulais comprendre le toucher.
Ce type de toucher n'avait rien à voir avec les autres finalités que j'avais subies toute ma vie. Ce n'était pas l'antithèse de l'intimité ni son invalidation. C'était une manière de rompre l'isolement et de montrer aux gens ce que vous ressentiez envers eux. Le principe du toucher me harcelait du passé tout en me faisant un signe vers l'avenir."
"Mon semblant de sociabilité ou d'acceptation du toucher ne m'a jamais aidé du fait que je n'admettais jamais que c'était moi ni même que je possédais le corps qui l'éprouvait."
"J'ai réfléchis à ce que vous m'avez dit sur le fait de m'inciter au lieu d'être poussée de force au point de me sentir morte."
"Vous savez que je suis très saine d'esprit et que je ne deviens folle que quand "le monde" s'approche de trop près. Je resterai saine d'esprit et les yeux grands ouverts dans ce monde, même si cela me tue, car je n'ai rien à perdre et tout à gagner."
"Mes vêtements étaient mon armure. Si on touchait ma veste, je pouvais toujours penser "ils ne m'ont pas touchée". La stratégie avait eu son utilité et m'avait aidée à surmonter des épreuves."
"Pourtant, ceux qui tentaient d'entretenir une amitié acceptaient sans répit jusqu'à ce que je les rejette de manière éhontée à cause de leur acceptation. J'étais très arrogante dans mon ignorance. Je pensais que ce qu'ils avaient à offrir ou à raconter n'avait aucune pertinence, et je n'écoutais que par tolérance ; parfois j'entendais. Je jouais avec leurs mots comme avec des objets et leur demandais d'augmenter le volume émotif de leurs paroles pour m'atteindre jusqu'à ce que je les consume."
"Je n'avais jamais été très douée pour entretenir des relations même si désormais je m'investissais pour y travailler. J'avais toujours préféré l'anonymat et l'indifférence."
"La partie défensive de mon monde était au supplice ; les sarments de l'intimité menaçaient de m'envahir et de se lover autour de moi comme des tentacules moites. Celles du monde avaient la fragilité d'un verre cassant. Les deux se débattaient, m'abandonnant finalement à une masse d'indifférence émotivement épuisée. J'acceptais la photo."
"- Derrière les barreaux.
- Que voulez-vous dire ?
- Le zoo de Donna Williams.
- Mais qui est dans le zoo, vous ou moi ?
Il avait raison ; c'était lui que j'avais mis en cage. Mais je n'agissais aussi franchement que quand j'aimais quelqu'un et que j'essayais de m'assurer que cette relation ne présentait pas de risques. On ne peut pas discuter de murs et de barreaux invisibles. Je l'avais ouvertement "mis en cage" parce que que lui faisais confiance."
"Merci d'y avoir cru. Merci d'avoir tenu. Merci d'avoir su voir le moi véritable. Merci, pensais-je, d'avoir insisté pour que je vive avec moi-même."
"C'était trop. J'étais abasourdie par tant de nouveauté et par l'image irréconciliable de Tim bavardant avec les Millers. Ces personnes appartenaient à différentes époques de ma vie, à différentes situations. La seule cohérence était que j'avais été la même personne avec chacune d'elles. Pourtant je n'arrivais pas à saisir ce qui se passait ni à vraiment suivre. Je décidais d'y croire un peu et de me laisser faire."
"Je sentais que je pouvais lui faire confiance. Elle n'avait pas perdu son sang froid. Elle ne s'était pas mise à courir en tous sens comme une poule paniquée. Elle ne s'était pas embarquée dans un verbiage qui aurait alourdit la surcharge ou forcé une dissociation. Elle ne m'avait pas frappé pour tenter de me faire revenir. Elle m'avait simplement attendue."
"Notre familiarité, l'impression d'être normale en sa présence me saisirent. Mais cette foi, la peur de l'émotion était absente. Elle était acceptée. Je le regardait dans les yeux, il me renvoya mon regard et je fus frappée. C'était comme si toutes les interactions quotidiennes des gens ne signifiaient rien pour moi parce que je me démenais avec leur système, leur normalité. Par contre, avec lui, je sentis cet impact immédiatement, d'autant plus puissamment que je l'avais rarement éprouvé. A ses côtés je savais que nous étions semblables au sein d'une catégorie plus vaste.
Malgré toutes les incohérences et le manque de liens, nous étions toujours reliés au coeur même de notre être. Malgré le chaos, nous avions encore foi et n'étions jamais totalement perdus.
Nos concepts de notre monde, nos stratégies et nos expériences avaient créé les mêmes mots inventés pour les décrire. Etre "normal', c'est être avec un semblable."
"Je lui remis un exemplaire de mon livre. J'étais capable de le regarder, de le lui donner et de lui montrer ce que je ressentais envers moi-même et envers lui.
Il vint me voir après l'avoir lu. Il avait tant à dire et c'était tout ce qu'il pouvait faire pour contrôler ses émotions. Je ne m'étais pas trompée en pensant qu'il était comme moi."
"Il était sourd à toute émotion autre que les plus intenses. Si elles n'étaient pas accablantes ils ne les remarquait pas ou elles n'avaient pas de lien. Tous les niveaux intermédiaires l'égaraient comme le concept de la couleur pour un aveugle de naissance.
Quand il ressentait des émotions il savait qu'il était vivant."
"- J'avais cinq ans et je me suis intéressée aux manières de faire de mon amie et, petit à petit, j'ai arrêté de me rendre dans mon monde et je l'ai perdu.
- Je me souviens très bien de mon monde. Petite, j'essayais de le partager avec d'autres enfants mais ils ne le comprenaient pas. Ils pensaient que j'étais bête ou folle. A la fin j'ai simplement décidé d'être comme tout le monde."
"Il s'était animé mais semblait un peu triste. Peut-être parce qu'il n'avait jamais personne avec qui partager ces choses. Peut être parce que, en raison de cette absence, il leur avait tourné le dos et les avait perdues."
"J'étais à la lisière de mon monde, distante et un peu "partie". Il semblait vouloir le partager selon mes conditions. Il aurait pu devenir important pour moi mais il était maintenant une personne du monde, même s'il m'avait ressemblait avant."
"Certains estiment que les autistes peuvent se débarrasser de l'autisme, qu'ils peuvent guérir. En cas de guérison, certains décident qu'il y a eu erreur de diagnostic. D'autres enfin considèrent que les seuls véritables autistes sont les incurables."
"Je pense qu'au début il s'était demandé si j'avais besoin d'aide, peut être pour mieux m'intégrer dans le monde. Mais son sourire me signifiait qu'il comprenait, qu'il n'était pas là pour m'aider et que ma personnalité était complète ; il ne me manquait qu'une personne comme moi pour la partager. Plus que jamais, il semblait se diriger vers mon monde.
Je pense parfois qu'il n'y a eu au monde aucune autre personne réelle que moi.
Parfois tu sembles être la seule autre vraie personne .
Mes murs invisibles ne lui étaient pas impénétrables. Pour les ébranler, il lui suffisait de parler mon langage exactement comme s'il s'agissait du sien. Je ne lui apprenais rien. Il le redécouvrait. J'aurais pu l'en empêcher. Je ne le fis pas, sachant que dès lors je ne pourrais plus disparaitre en moi-même, hors de portée, puisque j'étais la seule à avoir les clés."
"Un cadeau offert par une personne sans moi dénué de son donneur. Il y avait trop de "je veux te faire plaisir" dans l'air, trop de "laisse-moi m'échapper en me consacrant totalement à toi". Je ne pouvais rien accepter dans cet esprit. J'étais ennuyée mais certaine de mes sentiments et de mes raisons."
"Mon absence avait une autre raison. J'avais peur. J'avais peur du renvoi de sa propre dissociation, de le voir si nettement de l'extérieur. Je voyais enfin comment mes déviations soudaines, mes changements et mes contradictions avaient pu effrayer. Je regardais sa forme pour tenter d'entr'apercevoir la personne qui y était enfouie. Il n'y avait rien."
"Il s'arrêta soudain et s'accroupit au milieu de la route, renfermant ses bras sur ses genoux.
- Ca fait mal. Si mal !
- Ce sont les émotions, elles ne peuvent pas te faire mal.
- Je ferais n'importe quoi pour m'en débarrasser, dit-il, tremblant comme un drogué en état de manque.
- Tu veux te sentir mort comme avant ?
- Non.
- Ca fait mal d'avoir un moi.
Je m'approchais et berçai doucement ce géant accroupi au milieu de la route.
Il se releva et reprit sa marche.
- Je suis si content de te voir.
- Je suis si contente que tu sois de retour."
"- Je t'accepte telle que tu es. Je ne me contente pas de choisir et de prendre les meilleurs morceaux."
"Je ne m'y retrouvais pas. Il répéta simplement, comme une leçon machinale, point par point. La théorie ne changeait pas nécessairement l'expérience subjective. Je répétai ses mots, m'efforçant de les réconcilier avec l'expérience émotionnelle et visuelle du toucher de cet autre moi dans le miroir.
La colère m'assaillit. J'étais furieuse car le monde miroir avait été mon dernier bastion de fuite. Il m'assurait de pouvoir établie des rapports avec des gens puisque, comme les personnages, il s'agissait toujours de tiers. L'impénétrabilité est la sécurité par excellence. J'étais furieuse contre le miroir.
Un morceau de verre avec un peu de métal dessus, souhaitant le frapper et cracher dessus.
Un sécurité si fragile, brisée aussi facilement que le miroir. Mes parois d'acier se fragilisaient et s'effritaient comme le verre.
J'expliquai qu'en me perdant dans la contemplation de mon reflet j'obtenais toute l'intimité qu'il me fallait ; comment je mangeais avec mon reflet et donc comment , en comparaison, il était pénible, certainement moins agréable, de manger avec quelqu'un.
Je comprenais que, si le miroir avait été une excellente stratégie pour rompre le repli, apprendre la sociabilité, lutter contre l'isolement, élaborer un langage et prendre conscience de mon corps, j'étais désormais dépendante de sa sécurité."
"Je parlais avec un pianiste devenu aveugle durant sa petite enfance.
Je lui parlais de ma cécité au sens, de voir des objets sans comprendre. Il me parla de la profondeur du sens sans la vue. Je lui appris que je ne savais pas toujours où se trouvait mon corps dans l'espace si je ne vérifiais pas d'après mon reflet, en me tapotant ou en observant les réactions des autres. Il éprouvait l'inverse. Sans la vue, il lui était difficile de ressentir son corps externe et son moi dans l'espace mais il était toujours très sûr du sens de son corps interne.
Je lui indiquais que j'étais sourde à mes mots, que j'entendais ma voix en écho à la fin de chaque mot sorti de mes lèvres, que ma tête ignorait souvent si mes propos étaient sensés. J'évoquais ma fusion avec la personne avec laquelle j'étais. Je lui parlais du temps qu'il m'avait fallu pour avoir la sensation de mon moi, d'une identité et de ma personnalité, car en devenant autrui je le vivais et disparaissais de moi-même. Je lui racontai les mouvance en moi et autrui qui me réduisaient à quelque chose comme deux yeux et deux oreilles désincarnés."
"L'idée théorique de votre taille n'a rien à voir avec son expérience subjective. J'avais toujours su quelles étaient ma taille et mon poids et qu'autrement dit cela signifiait que j'étais petite et maigrelette ; mais je manquais d'une comparaison visuelle pour le confirmer. Un anorexique se sent souvent gros. Le sens de son corps est faussé. Hormis ma vue et mon image, je n'avais aucun sens de mon corps. Jusqu'ici, sans miroir, il m'était inculqué par les autres.
Cette possession de moi était la sécurité la plus tangible que j'avais jamais connue."
"L'autisme me sépare de mon corps et je ne le sens pas. Ou il m'en rend si consciente qu'il en est douloureux.
L'autisme me donne parfois l'impression de ne pas avoir de moi et je me sens si engloutie par la présence d'autrui que je ne me trouve plus. Il peut me rendre si totalement consciente de moi-même que c'est comme si tout l'univers autour de moi devenait inutile et disparaissait.
L'autisme est comme une bascule. Quand un côté est en haut ou en bas, je ne peux pas voir une vie entière. A l'horizontal, j'entr'aperçois la vie que je pourrais avoir si je n'étais pas autiste."
Ce type de toucher n'avait rien à voir avec les autres finalités que j'avais subies toute ma vie. Ce n'était pas l'antithèse de l'intimité ni son invalidation. C'était une manière de rompre l'isolement et de montrer aux gens ce que vous ressentiez envers eux. Le principe du toucher me harcelait du passé tout en me faisant un signe vers l'avenir."
"Mon semblant de sociabilité ou d'acceptation du toucher ne m'a jamais aidé du fait que je n'admettais jamais que c'était moi ni même que je possédais le corps qui l'éprouvait."
"J'ai réfléchis à ce que vous m'avez dit sur le fait de m'inciter au lieu d'être poussée de force au point de me sentir morte."
"Vous savez que je suis très saine d'esprit et que je ne deviens folle que quand "le monde" s'approche de trop près. Je resterai saine d'esprit et les yeux grands ouverts dans ce monde, même si cela me tue, car je n'ai rien à perdre et tout à gagner."
"Mes vêtements étaient mon armure. Si on touchait ma veste, je pouvais toujours penser "ils ne m'ont pas touchée". La stratégie avait eu son utilité et m'avait aidée à surmonter des épreuves."
"Pourtant, ceux qui tentaient d'entretenir une amitié acceptaient sans répit jusqu'à ce que je les rejette de manière éhontée à cause de leur acceptation. J'étais très arrogante dans mon ignorance. Je pensais que ce qu'ils avaient à offrir ou à raconter n'avait aucune pertinence, et je n'écoutais que par tolérance ; parfois j'entendais. Je jouais avec leurs mots comme avec des objets et leur demandais d'augmenter le volume émotif de leurs paroles pour m'atteindre jusqu'à ce que je les consume."
"Je n'avais jamais été très douée pour entretenir des relations même si désormais je m'investissais pour y travailler. J'avais toujours préféré l'anonymat et l'indifférence."
"La partie défensive de mon monde était au supplice ; les sarments de l'intimité menaçaient de m'envahir et de se lover autour de moi comme des tentacules moites. Celles du monde avaient la fragilité d'un verre cassant. Les deux se débattaient, m'abandonnant finalement à une masse d'indifférence émotivement épuisée. J'acceptais la photo."
"- Derrière les barreaux.
- Que voulez-vous dire ?
- Le zoo de Donna Williams.
- Mais qui est dans le zoo, vous ou moi ?
Il avait raison ; c'était lui que j'avais mis en cage. Mais je n'agissais aussi franchement que quand j'aimais quelqu'un et que j'essayais de m'assurer que cette relation ne présentait pas de risques. On ne peut pas discuter de murs et de barreaux invisibles. Je l'avais ouvertement "mis en cage" parce que que lui faisais confiance."
"Merci d'y avoir cru. Merci d'avoir tenu. Merci d'avoir su voir le moi véritable. Merci, pensais-je, d'avoir insisté pour que je vive avec moi-même."
"C'était trop. J'étais abasourdie par tant de nouveauté et par l'image irréconciliable de Tim bavardant avec les Millers. Ces personnes appartenaient à différentes époques de ma vie, à différentes situations. La seule cohérence était que j'avais été la même personne avec chacune d'elles. Pourtant je n'arrivais pas à saisir ce qui se passait ni à vraiment suivre. Je décidais d'y croire un peu et de me laisser faire."
"Je sentais que je pouvais lui faire confiance. Elle n'avait pas perdu son sang froid. Elle ne s'était pas mise à courir en tous sens comme une poule paniquée. Elle ne s'était pas embarquée dans un verbiage qui aurait alourdit la surcharge ou forcé une dissociation. Elle ne m'avait pas frappé pour tenter de me faire revenir. Elle m'avait simplement attendue."
"Notre familiarité, l'impression d'être normale en sa présence me saisirent. Mais cette foi, la peur de l'émotion était absente. Elle était acceptée. Je le regardait dans les yeux, il me renvoya mon regard et je fus frappée. C'était comme si toutes les interactions quotidiennes des gens ne signifiaient rien pour moi parce que je me démenais avec leur système, leur normalité. Par contre, avec lui, je sentis cet impact immédiatement, d'autant plus puissamment que je l'avais rarement éprouvé. A ses côtés je savais que nous étions semblables au sein d'une catégorie plus vaste.
Malgré toutes les incohérences et le manque de liens, nous étions toujours reliés au coeur même de notre être. Malgré le chaos, nous avions encore foi et n'étions jamais totalement perdus.
Nos concepts de notre monde, nos stratégies et nos expériences avaient créé les mêmes mots inventés pour les décrire. Etre "normal', c'est être avec un semblable."
"Je lui remis un exemplaire de mon livre. J'étais capable de le regarder, de le lui donner et de lui montrer ce que je ressentais envers moi-même et envers lui.
Il vint me voir après l'avoir lu. Il avait tant à dire et c'était tout ce qu'il pouvait faire pour contrôler ses émotions. Je ne m'étais pas trompée en pensant qu'il était comme moi."
"Il était sourd à toute émotion autre que les plus intenses. Si elles n'étaient pas accablantes ils ne les remarquait pas ou elles n'avaient pas de lien. Tous les niveaux intermédiaires l'égaraient comme le concept de la couleur pour un aveugle de naissance.
Quand il ressentait des émotions il savait qu'il était vivant."
"- J'avais cinq ans et je me suis intéressée aux manières de faire de mon amie et, petit à petit, j'ai arrêté de me rendre dans mon monde et je l'ai perdu.
- Je me souviens très bien de mon monde. Petite, j'essayais de le partager avec d'autres enfants mais ils ne le comprenaient pas. Ils pensaient que j'étais bête ou folle. A la fin j'ai simplement décidé d'être comme tout le monde."
"Il s'était animé mais semblait un peu triste. Peut-être parce qu'il n'avait jamais personne avec qui partager ces choses. Peut être parce que, en raison de cette absence, il leur avait tourné le dos et les avait perdues."
"J'étais à la lisière de mon monde, distante et un peu "partie". Il semblait vouloir le partager selon mes conditions. Il aurait pu devenir important pour moi mais il était maintenant une personne du monde, même s'il m'avait ressemblait avant."
"Certains estiment que les autistes peuvent se débarrasser de l'autisme, qu'ils peuvent guérir. En cas de guérison, certains décident qu'il y a eu erreur de diagnostic. D'autres enfin considèrent que les seuls véritables autistes sont les incurables."
"Je pense qu'au début il s'était demandé si j'avais besoin d'aide, peut être pour mieux m'intégrer dans le monde. Mais son sourire me signifiait qu'il comprenait, qu'il n'était pas là pour m'aider et que ma personnalité était complète ; il ne me manquait qu'une personne comme moi pour la partager. Plus que jamais, il semblait se diriger vers mon monde.
Je pense parfois qu'il n'y a eu au monde aucune autre personne réelle que moi.
Parfois tu sembles être la seule autre vraie personne .
Mes murs invisibles ne lui étaient pas impénétrables. Pour les ébranler, il lui suffisait de parler mon langage exactement comme s'il s'agissait du sien. Je ne lui apprenais rien. Il le redécouvrait. J'aurais pu l'en empêcher. Je ne le fis pas, sachant que dès lors je ne pourrais plus disparaitre en moi-même, hors de portée, puisque j'étais la seule à avoir les clés."
"Un cadeau offert par une personne sans moi dénué de son donneur. Il y avait trop de "je veux te faire plaisir" dans l'air, trop de "laisse-moi m'échapper en me consacrant totalement à toi". Je ne pouvais rien accepter dans cet esprit. J'étais ennuyée mais certaine de mes sentiments et de mes raisons."
"Mon absence avait une autre raison. J'avais peur. J'avais peur du renvoi de sa propre dissociation, de le voir si nettement de l'extérieur. Je voyais enfin comment mes déviations soudaines, mes changements et mes contradictions avaient pu effrayer. Je regardais sa forme pour tenter d'entr'apercevoir la personne qui y était enfouie. Il n'y avait rien."
"Il s'arrêta soudain et s'accroupit au milieu de la route, renfermant ses bras sur ses genoux.
- Ca fait mal. Si mal !
- Ce sont les émotions, elles ne peuvent pas te faire mal.
- Je ferais n'importe quoi pour m'en débarrasser, dit-il, tremblant comme un drogué en état de manque.
- Tu veux te sentir mort comme avant ?
- Non.
- Ca fait mal d'avoir un moi.
Je m'approchais et berçai doucement ce géant accroupi au milieu de la route.
Il se releva et reprit sa marche.
- Je suis si content de te voir.
- Je suis si contente que tu sois de retour."
"- Je t'accepte telle que tu es. Je ne me contente pas de choisir et de prendre les meilleurs morceaux."
"Je ne m'y retrouvais pas. Il répéta simplement, comme une leçon machinale, point par point. La théorie ne changeait pas nécessairement l'expérience subjective. Je répétai ses mots, m'efforçant de les réconcilier avec l'expérience émotionnelle et visuelle du toucher de cet autre moi dans le miroir.
La colère m'assaillit. J'étais furieuse car le monde miroir avait été mon dernier bastion de fuite. Il m'assurait de pouvoir établie des rapports avec des gens puisque, comme les personnages, il s'agissait toujours de tiers. L'impénétrabilité est la sécurité par excellence. J'étais furieuse contre le miroir.
Un morceau de verre avec un peu de métal dessus, souhaitant le frapper et cracher dessus.
Un sécurité si fragile, brisée aussi facilement que le miroir. Mes parois d'acier se fragilisaient et s'effritaient comme le verre.
J'expliquai qu'en me perdant dans la contemplation de mon reflet j'obtenais toute l'intimité qu'il me fallait ; comment je mangeais avec mon reflet et donc comment , en comparaison, il était pénible, certainement moins agréable, de manger avec quelqu'un.
Je comprenais que, si le miroir avait été une excellente stratégie pour rompre le repli, apprendre la sociabilité, lutter contre l'isolement, élaborer un langage et prendre conscience de mon corps, j'étais désormais dépendante de sa sécurité."
"Je parlais avec un pianiste devenu aveugle durant sa petite enfance.
Je lui parlais de ma cécité au sens, de voir des objets sans comprendre. Il me parla de la profondeur du sens sans la vue. Je lui appris que je ne savais pas toujours où se trouvait mon corps dans l'espace si je ne vérifiais pas d'après mon reflet, en me tapotant ou en observant les réactions des autres. Il éprouvait l'inverse. Sans la vue, il lui était difficile de ressentir son corps externe et son moi dans l'espace mais il était toujours très sûr du sens de son corps interne.
Je lui indiquais que j'étais sourde à mes mots, que j'entendais ma voix en écho à la fin de chaque mot sorti de mes lèvres, que ma tête ignorait souvent si mes propos étaient sensés. J'évoquais ma fusion avec la personne avec laquelle j'étais. Je lui parlais du temps qu'il m'avait fallu pour avoir la sensation de mon moi, d'une identité et de ma personnalité, car en devenant autrui je le vivais et disparaissais de moi-même. Je lui racontai les mouvance en moi et autrui qui me réduisaient à quelque chose comme deux yeux et deux oreilles désincarnés."
"L'idée théorique de votre taille n'a rien à voir avec son expérience subjective. J'avais toujours su quelles étaient ma taille et mon poids et qu'autrement dit cela signifiait que j'étais petite et maigrelette ; mais je manquais d'une comparaison visuelle pour le confirmer. Un anorexique se sent souvent gros. Le sens de son corps est faussé. Hormis ma vue et mon image, je n'avais aucun sens de mon corps. Jusqu'ici, sans miroir, il m'était inculqué par les autres.
Cette possession de moi était la sécurité la plus tangible que j'avais jamais connue."
"L'autisme me sépare de mon corps et je ne le sens pas. Ou il m'en rend si consciente qu'il en est douloureux.
L'autisme me donne parfois l'impression de ne pas avoir de moi et je me sens si engloutie par la présence d'autrui que je ne me trouve plus. Il peut me rendre si totalement consciente de moi-même que c'est comme si tout l'univers autour de moi devenait inutile et disparaissait.
L'autisme est comme une bascule. Quand un côté est en haut ou en bas, je ne peux pas voir une vie entière. A l'horizontal, j'entr'aperçois la vie que je pourrais avoir si je n'étais pas autiste."
Re: Le début de tout le reste ... livre IV
“I cannot make you understand.
I cannot make anyone understand what is happening inside me.
I cannot even explain it to myself.”
Franz Kafka ~ The Metamorphosis
I cannot make anyone understand what is happening inside me.
I cannot even explain it to myself.”
Franz Kafka ~ The Metamorphosis
Re: Le début de tout le reste ... livre IV
Allant droit vers un futur plein et beau, parce qu'assumé et conscient.
Invité- Invité
Re: Le début de tout le reste ... livre IV
''J'ai enfoui les mains dans la terre
Pour essayer de comprendre la raison
Pour laquelle les arbres naissent
Sans faire de bruit
Et construisent des forêts
Remplies d'étoiles.''
Le Souffleur De Sons
"Aqua Bon" Laurence Demaison
Pour essayer de comprendre la raison
Pour laquelle les arbres naissent
Sans faire de bruit
Et construisent des forêts
Remplies d'étoiles.''
Le Souffleur De Sons
"Aqua Bon" Laurence Demaison
Lemniscate le papillon- Messages : 6348
Date d'inscription : 29/06/2012
Age : 55
Localisation : Gard
Re: Le début de tout le reste ... livre IV
J'ai adoré les 4 éléments.
Au plaisir de tes publications.
Au plaisir de tes publications.
Invité- Invité
Re: Le début de tout le reste ... livre IV
Faire confiance aux surdoués pour consolider le bien dans le monde.... Quelle audace !Renarde20 a écrit:Who is the fifth element ?
We are the fifth element
Invité- Invité
Re: Le début de tout le reste ... livre IV
Dans le sens de la clé manquante, pour être moi, entière.
Donc nous serions chacun le 5e élément de notre propre monde ... celui que nous percevons aux travers des filtres qui nous sont propres, uniques et singuliers.
Surdouée, mais pas que, pas seulement, pas comme unique trait caractéristique.
Donc nous serions chacun le 5e élément de notre propre monde ... celui que nous percevons aux travers des filtres qui nous sont propres, uniques et singuliers.
Surdouée, mais pas que, pas seulement, pas comme unique trait caractéristique.
Re: Le début de tout le reste ... livre IV
"C'est à trop voir les êtres sous leur vraie lumière
qu'un jour ou l'autre nous prend l'envie de les larguer.
La lucidité est un exil construit,
une porte de secours,
le vestiaire de l'intelligence.
C'en est aussi une maladie qui nous mène à la solitude."
Léo Ferré "Testament phonographe"
qu'un jour ou l'autre nous prend l'envie de les larguer.
La lucidité est un exil construit,
une porte de secours,
le vestiaire de l'intelligence.
C'en est aussi une maladie qui nous mène à la solitude."
Léo Ferré "Testament phonographe"
Re: Le début de tout le reste ... livre IV
"Pour changer nos vies, on doit les fracasser ;
où que ce soit au monde,
à un certain moment, ou avant ou après,
il faut tomber de son haut,
et pour tous, c'est la règle."
L'appel de la transe ~ Catherine Clément
où que ce soit au monde,
à un certain moment, ou avant ou après,
il faut tomber de son haut,
et pour tous, c'est la règle."
L'appel de la transe ~ Catherine Clément
Re: Le début de tout le reste ... livre IV
"Non.
Je ne manque nulle part,
je ne laisse pas de vide.
Les métros sont bondés,
les restaurants comblés,
les têtes bourrées à craquer de petits soucis.
J'ai glissé hors du monde et il est resté plein.
Comme un oeuf.
Il faut croire que je n'étais pas indispensable.
J'aurais voulu être indispensable.
A quelque chose ou à quelqu'un."
Jean Paul Sartre
Je ne manque nulle part,
je ne laisse pas de vide.
Les métros sont bondés,
les restaurants comblés,
les têtes bourrées à craquer de petits soucis.
J'ai glissé hors du monde et il est resté plein.
Comme un oeuf.
Il faut croire que je n'étais pas indispensable.
J'aurais voulu être indispensable.
A quelque chose ou à quelqu'un."
Jean Paul Sartre
Re: Le début de tout le reste ... livre IV
Il y a un de tes compères qui rode par chez moi.
Je le croise parfois la nuit dans les chemins creux.
Mais pas trop tôt, il aime le calme ton compère.
Quelle beauté dans ses mouvements,
Bien plus souple que nos danseurs.
Il s'enfuit dès qu'il m'entend ou me.voit de loin.
Je le croise parfois la nuit dans les chemins creux.
Mais pas trop tôt, il aime le calme ton compère.
Quelle beauté dans ses mouvements,
Bien plus souple que nos danseurs.
Il s'enfuit dès qu'il m'entend ou me.voit de loin.
Re: Le début de tout le reste ... livre IV
Besoin de temps pour se laisser apprivoiser ... patiemment.
Que vous deveniez l'un pour l'autre unique au monde !
Que vous deveniez l'un pour l'autre unique au monde !
Re: Le début de tout le reste ... livre IV
http://temoignages-aspergers.over-blog.com/a-l-attention-de-nos-amis-neurotypiques
"A l'attention de nos amis neurotypiques"
par Jean Michel Devezeaud
"Je ne vous apprendrais rien (enfin j'espère !) en vous disant qu'une personne autiste a besoin de s'isoler pour se ressourcer alors qu'une personne neurotypique (ceux que j'appelle les "altéristes"), on besoin de voir du monde pour récupérer des forces.
Le fait est que les besoins de solitude d'un autiste sont vraiment extrêmes, ce qui fait forcément très peur à une personne normale, car c'est impensable qu'on puisse aller bien en s'isolant. Cette inquiétude peut être particulièrement dure à vivre et à supporter pour un enfant autiste dans une famille neurotypique. Les parents, s'inquiétant de voir l'enfant s'enfermer dans sa bulle, vont le forcer (parce qu'il s'agit bien de forcer) à avoir des activités sociales, sans prendre en compte le fait que cela épuise encore plus l'enfant, qui aura donc encore plus tendance à s'enfermer dans sa bulle, jusqu'à le pousser à devoir refuser agressivement d'en sortir.
CE MONDE EST TRÈS NATURELLEMENT AGRESSIF POUR NOUS !
et il pourrait l'être beaucoup moins si on arrêtait de nous prendre pour des débiles qui ne peuvent pas s'exprimer eux-mêmes !
Une fois adulte, la personne autiste qui va respecter ce qu'elle est (les autres se sont suicidés ou sont dépressifs, ce qui n'est pas très étonnant), va avoir besoin de voir ses amis, mais à un rythme qui ne représente presque rien aux yeux d'une personne neurotypique, qui va croire que la personne autiste la néglige, parce qu'elle ne l'apprécie pas vraiment, et que donc ce n'est pas véritablement de l'amitié. D'où cette impression de distance, d'indifférence, de froideur, qu'on peut montrer autour de nous.
Le problème survient quand la personne autiste sort de sa bulle, et que... il n'y a plus personne de vraiment disponible autour d'elle, parce que les gens se sont senti abandonnés et se sont éloigné d'elle. Ce qui nous enferme dans les amitiés entre autistes, puisque nous sommes les seuls, en fin de compte, a pouvoir comprendre ce rythme là."
"A l'attention de nos amis neurotypiques"
par Jean Michel Devezeaud
"Je ne vous apprendrais rien (enfin j'espère !) en vous disant qu'une personne autiste a besoin de s'isoler pour se ressourcer alors qu'une personne neurotypique (ceux que j'appelle les "altéristes"), on besoin de voir du monde pour récupérer des forces.
Le fait est que les besoins de solitude d'un autiste sont vraiment extrêmes, ce qui fait forcément très peur à une personne normale, car c'est impensable qu'on puisse aller bien en s'isolant. Cette inquiétude peut être particulièrement dure à vivre et à supporter pour un enfant autiste dans une famille neurotypique. Les parents, s'inquiétant de voir l'enfant s'enfermer dans sa bulle, vont le forcer (parce qu'il s'agit bien de forcer) à avoir des activités sociales, sans prendre en compte le fait que cela épuise encore plus l'enfant, qui aura donc encore plus tendance à s'enfermer dans sa bulle, jusqu'à le pousser à devoir refuser agressivement d'en sortir.
CE MONDE EST TRÈS NATURELLEMENT AGRESSIF POUR NOUS !
et il pourrait l'être beaucoup moins si on arrêtait de nous prendre pour des débiles qui ne peuvent pas s'exprimer eux-mêmes !
Une fois adulte, la personne autiste qui va respecter ce qu'elle est (les autres se sont suicidés ou sont dépressifs, ce qui n'est pas très étonnant), va avoir besoin de voir ses amis, mais à un rythme qui ne représente presque rien aux yeux d'une personne neurotypique, qui va croire que la personne autiste la néglige, parce qu'elle ne l'apprécie pas vraiment, et que donc ce n'est pas véritablement de l'amitié. D'où cette impression de distance, d'indifférence, de froideur, qu'on peut montrer autour de nous.
Le problème survient quand la personne autiste sort de sa bulle, et que... il n'y a plus personne de vraiment disponible autour d'elle, parce que les gens se sont senti abandonnés et se sont éloigné d'elle. Ce qui nous enferme dans les amitiés entre autistes, puisque nous sommes les seuls, en fin de compte, a pouvoir comprendre ce rythme là."
Re: Le début de tout le reste ... livre IV
Coincée de l'autre côté du miroir.
Réalité déformée de part et d'autre.
La glace est dépolie.
Limite entre mon monde et l'autre monde.
Je manque d'air à force de hurler en silence.
Mes appels à l'aide vous font peur.
Les mains, même tendues, parfois me terrorisent.
Comment reconstruit-on des ponts brulés ?
Réalité déformée de part et d'autre.
La glace est dépolie.
Limite entre mon monde et l'autre monde.
Je manque d'air à force de hurler en silence.
Mes appels à l'aide vous font peur.
Les mains, même tendues, parfois me terrorisent.
Comment reconstruit-on des ponts brulés ?
Dernière édition par Renarde20 le Ven 23 Aoû 2013 - 20:23, édité 2 fois
Re: Le début de tout le reste ... livre IV
Je t'en fait un énooooooooooooooooorme.... virtuel !
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