Le fil du partage

Les images que vous allez voir ont deux objectifs :
Nous inviter à ouvrir notre champ de vision en général et nous rappeler modestement que nous faisons partie d’un tout.
Ces images, nous ne les verrons certainement jamais de nos propres yeux. Ces photographies prises par les astronautes à bord de la Station Spatiale Internationale, véritable balcon de l’espace, ont été compilées par le photographe Bruce Wayne pour créer cette incroyable séquence en time-lapse. Classées par couleur, ralentis, stabilisées, respectées, ces images ont ensuite été convertis en HD à 24 images/seconde, nous offrant une vue imprenable sur cet « oasis fragile », comme l’ont habillement nommé ses observateurs en orbite.

ET SI ACCUEILLIR LES MIGRANTS PLUTÔT QUE LES REFOULER ÉTAIT BON POUR  L'ÉCONOMIE ?

Et ce matin, dans le monde des Bisounours, on va s'essayer à de la prospective Bisounours. Oui, après le week-end qu'on a vécu, il faut bien un petit peu de douceur dans ce monde de brutes.
Et si, pour une fois, plutôt que de se racrapoter sur nos acquis, notre identité, notre culture à préserver, à protéger du Grand Extérieur Hostile, on se disait que l'étranger, cet inconnu, était une source de richesse potentielle? Mais attention, hein, je ne vous parle pas d'un exercice théorique de morale bien pensante, mais d'imaginer qu'au lieu de rester dans les frontières de ce que d'aucuns ont appelé le réalisme, expliquant en leur temps que la France (mais c'est valable pour tous) ne pouvait pas accueillir toute la misère du monde (même si elle devait en prendre sa part), on faisait le constat que dans le monde d'aujourd'hui, à moins de tirer à balles réelles sur les migrants, comme l'Australie menace régulièrement de le faire, à moins de compter les morts dans le grand cimetière qu'est devenue la mer Méditerranée, à moins de détourner le regard des affrontements entre migrants et tangérois qui ont lieu trop souvent, il va bien falloir qu'on se rende compte, enfin, qu'on ne peut pas contrôler les flux de migration. C'est en tout cas ce que constate Hein de Haas, codirecteur de l’Institut international des migrations (IMI) et professeur associé à Oxford, pour qui je cite, « les Etats ont perdu leurs moyens d’agir efficacement sur les flux de migrants mais veulent continuer à faire croire qu’ils maîtrisent les migrations ». A mon sens, ça n'a même jamais été possible dans l'histoire du monde. Oui, je vais faire plaisir à Reddouane, et moi qui n'utilise jamais cette expression, le faire pour lui : de tous temps, allez. Quand il y a des guerres, des famines, des menaces à la vie, les gens partent et vont ailleurs, voilà, c'est comme ça. Nous avons de la chance d'être dans les pays qui accueillent les migrants plutôt que dans ceux qui les produisent, parce que cela veut dire que nous sommes dans le confort de nos maisons et la chaleur de nos vies plutôt que sur les routes, prêts à tout risquer pour avoir une chance de survivre. Alors, si le contrôle des flux migratoires est un échec programmé, ne serait-il pas temps au contraire d'accueillir et de transformer cet exode cruel et brutal en richesse partagée ?

Vous me direz que si tous les Bisounours du monde se tenaient par la patte, ça ferait un beau bazar dans les magasins de jouets et que ce genre de rêverie altermondialiste n'aide personne, qu'il n'y a que deux trois bourgeoises dans mon genre, irréalistes plutôt qu'idéalistes, sans doute, pour les envisager sérieusement plus de 5 minutes. Vous auriez tort. L’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 garantie normalement le droit à « toute personne (…) de quitter tout pays, y compris le sien ». Voyez que l'idée n'est pas de moi et qu'elle n'est pas nouvelle, non plus. Et de nombreux chercheurs de très haut niveau étudient la question de manière très sérieuse. Quelle catastrophe de grande ampleur se produirait si on ouvrait les frontières ? A échéance de 5 ans, 10 ans, 25 ans ? Le Monde en a fait un article la semaine dernière, la revue Ethique Publique y a carrément consacré un numéro spécial. De nombreux livres sont parus au cours du siècle dernier sur cette question. Bref, il ne s'agit pas là d'un doux rêve, mais d'une vraie possibilité.

Il en ressort d'après tous ces chercheurs que la question a été jusque-là mal posée. Ainsi, pour Hélène Thiollet, du CNRS, associée à l’Institut international des migrations d’Oxford, qui coordonne le projet d'étude Mobglob avec la politologue Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS et docteur en sciences politiques, je cite, « La libre circulation change les flux. Il ne faut pas s’attendre à des invasions dans les zones actuelles d’immigration, comme on serait tenté de le faire a priori, car d’autres logiques se mettent en place. » L’ouverture des frontières fait naître de « nouveaux nomades ». « Comme ils pourraient aisément aller et venir, les migrants s’installeraient moins volontiers de manière définitive dans un pays tiers. Dans certaines zones, il se dessinerait même une migration pendulaire faite d’allers-retours réguliers ». Pour Catherine Withol de Wenden, je cite, « on vit sur des idées fausses. L’opinion croit encore que les migrants vont prendre le travail des locaux, que les immigrés coûtent cher. Ces mensonges ne sont jamais contredits par les politiques. Tétanisée par la montée de l’extrême droite, la classe politique ne veut pas ouvrir le débat. Pire, elle ajuste son discours et son action sur l’opinion publique, ce qui rend nos solutions aussi décalées qu’inadaptées. »

Pourtant, est-ce qu'il n'y aurait pas risque de déséquilibre, que tout le monde veuille vivre dans des endroits privilégiés économiquement, au risque de déstabiliser totalement la machine ? D'après le politologue François Gemenne, lui aussi membre du projet Mobglob,  et professeur chercheur à la fois à l'université de Liège et à celle de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, et je cite encore, « s’il est trop tôt pour donner une fourchette précise, nous observons que, dans tous les cas de figure, une ouverture globale des frontières ne conduirait pas à une explosion des arrivées en Europe. Aujourd’hui, les migrants représentent 3,2 % de la population mondiale. A la fin du XIXe siècle, au lendemain de la révolution industrielle, ce taux était de 10 %. Or aucun de nos scénarios ne tend vers ces 10 %. Ni à un an ni à vingt-cinq ans. » Alors oui, vous me direz que malgré tout, ce dont je vous parle est pour le moment du domaine du rêve. Qu'il faudrait sans doute que tous les pays ouvrent leur frontière pour que ce soit applicable et que le Maroc, terre de passage et d'accueil, là-dessus, ne peut pas tout seul révolutionner le monde. Je ne suis pas sûre. Rafael Correo a mis en œuvre l'ouverture totale de ses frontières. Et au résultat, au lieu de tensions communautaires avec les populations venant de l'Amazonie voisine, au lieu de flux de migrants quittant son pays en frêles esquifs, au lieu de 30 % de chômage, vous avez un pays qui se redresse économiquement et qui se porte mieux. consortium de journalistes européen The Migrants Files, 1,6 milliard d’euros aux contribuables du ¬continent depuis 2000, ne donne aucun ¬signe d’essoufflement. Est-ce que cela n'est pas un signe que c'est possible ? Alors je sais, l'Amérique du Sud, blabla, tout petit pays, blabla, mais que voulez-vous ? L'homme est tout de même chef d'état et économiste, ça n'est pas rien quand même et ça vaut le coup de se pencher sans ironie sur son modèle un peu plus de 5 minutes en passant. Parce que franchement, vous n'en avez pas marre, vous, du rejet de l'autre, du racrapotage et de la peur d'un envahissement qui se traduit en cadavres ? Moi, je suis fatiguée de la dureté du monde, et j'aimerai qu'on le change.

Écrit par Melanie Frerichs-cigli

louise a écrit:Bonjour Offset,

Je te souhaite un beau lundi ensoleillé. Bisous.