Des types en noir
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Re: Des types en noir
FaWantsBi a écrit:
Marrant, ça... pour la navette.
Ca doit donc se sentir quelque part, mais je ne sais à quoi ça tient
J'aimerais bien savoir, quand même (plus généralement s'il existe une façon d'écrire sexuée, quand on parle de soi, ou même en général, tiens, pendant qu'on y est... ça m'intrigue)
Sinon, Fa, oui, I’m a thief and a liar, mais j’ai l’impression que ça frétille encore un peu, derrière, dessous, enfin je sais pas trop où (et je préfère quand même le thé fumé).
Félin, bien sûr que l’addiction est une conséquence, pour moi (et pas une simple habitude qui aurait mal tourné), et je crois saisir à peu près où elle s’enracine. Mais je pense qu’elle est extrêmement liée, ensuite, à la construction à mon insu consciente de ce faux-self, qui, d’asile protecteur (de fous) est devenu goulag, et ce n’est tout simplement pas tenable de vivre là-dedans, sans quelques petites compensations droguesques qui ne font qu’accentuer, au final, l’enfermement.
La dépression comme l’alcool ont été les moyens que j’ai trouvés pour souffler, pour m’extraire du cirque qu’il me semblait obligatoire d’arpenter, en bon clown—soldat qui a peur. En ce sens-là j’aime à croire que l’addiction n’est pas qu’un problème psychologique et individuel, mais touche également à la société (il y aurait comme un acte transgressif, mais mal fichu, qui se retournerait in fine contre l’individu auto-saboteur de lui-même, à défaut d’autre chose).
C’est insupportable pas seulement parce qu’on n’existe pas, mais parce que l’idée même du double mine la réalité entière de toute existence. Le monde et le réel disparaissent, en quelque sorte. Il n’y a plus rien, que des fantômes et des ombres, des représentations. C’est vers le réel que j’ai maintenant envie d’aller, tout le réel, prendre tout ce qui est. Et c’est très troublant, en un sens, parce que tout ce que je croyais était faux (par exemple, je me pensais très lucide, non pas que je le sois plus maintenant, mais disons que c’était encore bien pire). Je ne voyais rien, et pourtant j’y croyais dur comme fer. Et j’attendais dans ma grotte je ne sais quel miracle, alors qu’elle était ouverte sur le monde et que si ça se trouve, il faisait même presque beau, dehors (quoique j’aime bien la pluie, et l’automne, enfin bref).
« … et c’était démoralisant de vivre éternellement dans la cave de ses torts, d’attendre éternellement que quelqu’un prenne pitié de vous… » (Les corrections de Franzen que je suis en train de lire, ça m'a fait penser à ce que ours a écrit plus haut).
Il me semble que c’est par là (par la plongée dans le réel) que se niche la possibilité de l’allégresse, quel que soit les drames et les bonheurs vécus. Du coup c’est pas tellement la sérénité qui m’intéresse (comme état possiblement constant), mais plutôt l’acuité, la perception, l’expérimentation, la pensée libre (ou moins dupe), le "et si je passais par là plutôt que par ici, et on verra bien" (ce qu’il y a à voir).
Quant aux navets, je veux bien que tu me donnes quelques pistes...
Salut Brutus, au passage, j’aime beaucoup cette citation de Céline que tu as posté quelque part
c’est peut-être cela qu’on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir
– (aparté) c’est drôle à chaque grand chagrin, ou très grande peur, j’ai ressenti comme du soulagement, quelque chose de l’ordre du c’est mérité, ou plutôt enfin une vraie bonne grosse raison objective, pour souffrir, plutôt que cette sensation diffuse de fabriquer toute seule ma petite fange, ma plaie, un truc pas flamboyant du tout, un truc de rat katoupourêtreureu et faut encore qu’il emmerde le monde…
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
!!! je n'ajoute rien parce que ça sera moins juste que ce que tu dis là, mais je n'en pense pas moins.le navet a écrit:Il me semble que c’est par là (par la plongée dans le réel) que se niche la possibilité de l’allégresse, quel que soit les drames et les bonheurs vécus. Du coup c’est pas tellement la sérénité qui m’intéresse (comme état possiblement constant), mais plutôt l’acuité, la perception, l’expérimentation, la pensée libre (ou moins dupe), le "et si je passais par là plutôt que par ici, et on verra bien" (ce qu’il y a à voir).
un douloureux bonheur de précision.
bonsoir
wkndmarkt- Messages : 146
Date d'inscription : 07/12/2011
Age : 57
Localisation : Parijs
Re: Des types en noir
le navet a écrit:
Il me semble que c’est par là (par la plongée dans le réel) que se niche la possibilité de l’allégresse, quel que soit les drames et les bonheurs vécus. Du coup c’est pas tellement la sérénité qui m’intéresse (comme état possiblement constant), mais plutôt l’acuité, la perception, l’expérimentation, la pensée libre (ou moins dupe), le "et si je passais par là plutôt que par ici, et on verra bien" (ce qu’il y a à voir).
Petit ajustement par rapport à ce que j'appelle la sérénité : savoir qu'au fond de soi, on est désormais assez solide pour plonger dans le réel pour effectivement vivre l'allégresse.
Bonne journée
Dernière édition par ours le Mar 23 Oct 2012 - 11:52, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Des types en noir
Pour savoir que nous tomberons encore et encore mais que nous trouverons l'énergie de nous relever et d'y croire ... dans ces infimes pépites de bonheur éphémères ?
prendre conscience
les effluves du café encore dans le fond de ma gorge,
les lumières s'allument petit à petit dans mon crâne,
je viens de m’apercevoir, au vu de vos mails, qu'il existe plusieurs définitions de la sérénité!
on y met donc chacun ce qu'on recherche.
perso, c'est le calme dans ma tête.
savoir ce que je veux, qui je suis, où je trouve mon "allégresse". pour y aller.
plus de tempête tropicale en permanence, plus de longueur pour faire des choix, plus cette désagréable sensation qu'on me juge,
vivre comme je le désire, basta les beaux penseurs, je suis le seul juge de mes actes.
en gardant la multitude éclectique de mes pensées.
j'y suis arrivé. c'est donc possible!
j'ai une lanterne à ma main, regardez au loin, dans le brouillard de vos pensées, vous devriez l'apercevoir...
ours, TU es solide. et d'un niveau qui va te surprendra.
il suffit "juste" que tu en prennes conscience.
prendre le chemin de cette recherche est déjà accompli, il me semble.
savoir que ce chemin à une fin est un élément important maintenant.
une fois arrivé à cet endroit, tu verras le tournant.
j’espère voir ton sourire, révélateur de ton bien-être intérieur.
navet, ton chemin est différent,
tes buts apparemment aussi.
apparemment.
il y a le blanc et le noir, il existe des contraires en tout.
lorsqu'on pense "... que se niche la possibilité de l'allégresse", il faut savoir que son contraire EXISTE.
pas de niche (nietzsche ;-) ), de petite alcôve, mais de grands espaces aérées où tout est possible,
pas de possibilité, mais une certitude, une existence, une réalité, un fait réel.
dans ce monde libre, TU peux penser comme tu veux, te foutre de l'avis des autres, Vivre sans le regard des juges et t'accomplir.
enlève ces regards.
bonne journée à tous!
les lumières s'allument petit à petit dans mon crâne,
je viens de m’apercevoir, au vu de vos mails, qu'il existe plusieurs définitions de la sérénité!
on y met donc chacun ce qu'on recherche.
perso, c'est le calme dans ma tête.
savoir ce que je veux, qui je suis, où je trouve mon "allégresse". pour y aller.
plus de tempête tropicale en permanence, plus de longueur pour faire des choix, plus cette désagréable sensation qu'on me juge,
vivre comme je le désire, basta les beaux penseurs, je suis le seul juge de mes actes.
en gardant la multitude éclectique de mes pensées.
j'y suis arrivé. c'est donc possible!
j'ai une lanterne à ma main, regardez au loin, dans le brouillard de vos pensées, vous devriez l'apercevoir...
ours, TU es solide. et d'un niveau qui va te surprendra.
il suffit "juste" que tu en prennes conscience.
prendre le chemin de cette recherche est déjà accompli, il me semble.
savoir que ce chemin à une fin est un élément important maintenant.
une fois arrivé à cet endroit, tu verras le tournant.
j’espère voir ton sourire, révélateur de ton bien-être intérieur.
navet, ton chemin est différent,
tes buts apparemment aussi.
apparemment.
il y a le blanc et le noir, il existe des contraires en tout.
lorsqu'on pense "... que se niche la possibilité de l'allégresse", il faut savoir que son contraire EXISTE.
pas de niche (nietzsche ;-) ), de petite alcôve, mais de grands espaces aérées où tout est possible,
pas de possibilité, mais une certitude, une existence, une réalité, un fait réel.
dans ce monde libre, TU peux penser comme tu veux, te foutre de l'avis des autres, Vivre sans le regard des juges et t'accomplir.
enlève ces regards.
bonne journée à tous!
félindemars- Messages : 68
Date d'inscription : 17/02/2011
Age : 62
Re: Des types en noir
ours a écrit:
Petit ajustement par rapport à ce que j'appelle la sérénité : savoir qu'au fond de soi, on est désormais assez solide pour plonger dans le réel pour effectivement vivre l'allégresse.
Ours, je crois saisir ce que tu veux dire, et ça me séduit assez, à ma sauce ça donnerait devenir aussi réelle que le réel, en gros (car l’idée de la solidité, je crains que ça ne soit pas possible —mais là je parle pour ma pomme, et pourtant c’est bien ce que je suis sans doute aller chercher, en passant ce foutu test, donc tout cela est encore très flou et bourré de contradictions).
Ce que je veux dire c’est qu’il me semble confusément que justement le réel (et le soi réel) n’est pas solide, au sens de stable et définissable (toujours un rien qui échappe), et que bien qu’il soit ainsi, il existe. Au contraire du faux qui n’existe pas mais s’échine à la permanence et à l’assignation.
Ou alors, ce serait pour moi le solide de l’existant en tant qu’il ne l’est pas (solide) et ne vise pas à l’être (pfffou, pardon, ce que j'essaye d'écrire est très très confus…).
Pour le dire vite j'ai peur que chercher une solidité comme préalable/passeport d'accès soit le meilleur moyen pour moi, non seulement de ne jamais l'atteindre (la solidité), mais de rester encore à côté (du monde, de la vie), derrière la vitre.
Donc je traduirai ta phrase, en l'état actuel du théâtre de mes opérations, en quelque chose comme:
savoir qu'au fond de soi, on est désormais assez solide pour renoncer au solide et plonger dans le réel.
Mais je suspecte aussi, comme félin, que nos buts ne sont pas très différents (même si tu es plus avancé que moi on the road), et bien sûr je retiens ça :
"de grands espaces aérées où tout est possible,
pas de possibilité, mais une certitude, une existence, une réalité, un fait réel.
dans ce monde libre, TU peux penser comme tu veux, te foutre de l'avis des autres, Vivre sans le regard des juges", merci félin
(la petite alcôve que tu cites avant me fait penser à une vraie, une vraie et douceâtre et rose, alcôve-geôle)
Bonsoir renarde, j’aime bien ton image des pépites, bien que peut-être il n’y ait pas à y croire mais juste à les éprouver ; et j’aime bien aussi l’idée d’une énergie qui servirait à se relever, plutôt qu’à être morte avant d’être morte. Merci à toi.
(wkndmarkt, « douloureux bonheur de précision », bon ben là, c’est moi qui n’ajoute rien. Merci)
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
oui oui comme Duchamp faisait de la "peinture de précision", je maintiensle navet a écrit:(wkndmarkt, « douloureux bonheur de précision », bon ben là, c’est moi qui n’ajoute rien. Merci)
je vais juste en dire un peu plus parce que ça a continué à me travailler quasiment toute la journée - même si c'est le genre de choses qui passent mieux à l'oral pour moi.
dans ton texte d'hier il y a une chose que je trouvais très juste, mais j'ai sûrement fait ma mayonnaise avec des idées différentes, et je n'arriverai sûrement pas à la retranscrire dans toute sa largeur: la qualification de l'allégresse, que j'entendais comme un être au monde du plus conscient possible / il me semblait que tu l'associais (aussi) à la douleur, au moins à des vécus douloureux.
Plus j'avance, plus je me désintègre, et plus ces moments d'allégresse sont teintés de mes douleurs les plus significatives, celles sur lesquelles on ne peut pas revenir, toujours. Ce ne sont pas des moments d'insouciance - mais c'est infiniment plus puissant - je pensais tout à l'heure au café (pour l'amertume) ou aux vins un peu complexes, qui ne sont pas des choses qui se donnent - les enfants n'aiment pas ça - il faut un minimum de vécu; du coup la joie qu'ils donnent est teintée de la douleur de leur compréhension, le raffinement. L'allégresse dont tu parles, je la relie forcément au matin, au frais (oui oui), au fait d'être à jeun, et aussi des grands espaces, je suis absolument d'accord, mais aussi à un arrière goût de douleur transcendée (quelque chose comme), une amertume surement liée à la solitude encore renouvelée d'être encore là encore plus loin. où on se sentirait accéder à une forme de dignité encore inconnue. (accepté là, mais avec tout de même le souvenir du renoncement, de ce qu'on laisse derrière)(la beauté est dans les choses qu'on quitte (?))
Et je crois qu'il y a des grands espaces parce que ça correspond toujours à des avancées, bêtement, à des avant-postes.
C'est ce que je lisais dans l"allégresse" - et finalement c'est peut-être juste ça, des avancées - se tenir debout au bout d'un truc.
chose numéro deux: "c’est pas tellement la sérénité qui m’intéresse"
(dans la prétention de mon ignorance, j'ai longtemps cru être le seul à penser ça) du coup oui on chercherait plutôt le chan d'avant le zen, l'extraversion dans le monde, et plutôt bourré que détaché. (je ne sais plus quel poète chinois s'est noyé, complètement ivre, sous la lune)
je pense que tu te méfiais de la "solidité" d'ours pour la même raison que je me méfie de la méditation: moi je veux être dans le monde entier, pas bouclé dans un circuit sensoriel réduit à mon microcosme.
ça demande une fluidité, qui est forcément une méfiance envers la pensée. la solidité, pour ce genre de visée, n'est pas dans la pensée. la solidité c'est la douleur passée, le goût de l'événement dans la bouche. et puis l'intelligence c'est du flux, c'est comment tu le comprends, pas comment tu l'expliques, ça n'a rien a voir avec la pensée (dans le fond, j'en ai peur, la pensée m'emmerde)
personnellement, je pense que mon but est de me dissoudre dans le réel - c'est mon destin. j'en suis encore loin, mais tant que ça sera mon but, enfin ma pulsion, je pense que ça m'autorisera l'allégresse.
[edit sans rapport] à propos d'alcool, tu connais le "B comme Boisson" dans l'abécédaire de Deleuze? la recherche du dernier verre et les choses trop grandes pour nous? [/edit]
(bon comme d'habitude, une fois posé c'est figé c'est moche, je ne sais plus trop quoi en penser, mais c'est pas grave, on va quand même cliquer sur Envoyer)(puis éditer 15 fois)
Et que ta joie demeure!
wkndmarkt- Messages : 146
Date d'inscription : 07/12/2011
Age : 57
Localisation : Parijs
interlude
Le poète chinois qui s’est noyé dans la rivière Yangtze en essayant d’embrasser la lune qu’il venait de peindre est Li Bô (701-762),
fulgurant génie au ciel des lettres chinoises,
considéré comme le poète le plus romantique de la dynastie de Tang.
1100 poèmes nous sont parvenus à ce jour.
Li Bô est connu pour son extravagante imagination, ses images taoïstes et… son grand amour pour l’alcool.
Voici un exemple de ses écrits :
Un toast à notre vie
Monsieur, ne voyez-vous point que l’eau de la rivière jaune vient du ciel ?
Elle coule jusqu’à la mer et ne retourne plus jamais.
Monsieur, ne voyez-vous point devant le miroir net d’une noble demeure quelqu’un se languit pour ses cheveux blancs ?
Le matin, ils sont comme les fils de soie noire, le soir, devenus neige.
Dans la vie, quand on se voit réaliser ses désirs, il faut se réjouir à volonté.
Ne pas laisser la tasse d’or vide vers la lune.
Si le ciel m’a fait, je dois sûrement servir à quelque chose.
Mille pièces d’or dépensées, elles reviendront.
Il avait reçu le prénom Bo (clarté) et le surnom Taibo (grande clarté)
Son nom a croisé nos discussions.
A méditer.
fulgurant génie au ciel des lettres chinoises,
considéré comme le poète le plus romantique de la dynastie de Tang.
1100 poèmes nous sont parvenus à ce jour.
Li Bô est connu pour son extravagante imagination, ses images taoïstes et… son grand amour pour l’alcool.
Voici un exemple de ses écrits :
Un toast à notre vie
Monsieur, ne voyez-vous point que l’eau de la rivière jaune vient du ciel ?
Elle coule jusqu’à la mer et ne retourne plus jamais.
Monsieur, ne voyez-vous point devant le miroir net d’une noble demeure quelqu’un se languit pour ses cheveux blancs ?
Le matin, ils sont comme les fils de soie noire, le soir, devenus neige.
Dans la vie, quand on se voit réaliser ses désirs, il faut se réjouir à volonté.
Ne pas laisser la tasse d’or vide vers la lune.
Si le ciel m’a fait, je dois sûrement servir à quelque chose.
Mille pièces d’or dépensées, elles reviendront.
Il avait reçu le prénom Bo (clarté) et le surnom Taibo (grande clarté)
Son nom a croisé nos discussions.
A méditer.
félindemars- Messages : 68
Date d'inscription : 17/02/2011
Age : 62
Re: Des types en noir
A la loupe de la réponse de wkndmarkt à ce sujet, je me rends compte à quel point j'avais zappé cette petite phrase... alors qu'elle rejoint fortement une de mes préoccupations récentes.le navet a écrit:c’est pas tellement la sérénité qui m’intéresse
J'aime bien vos idées là dessus.
Mais la plongée dans le réel... le vrai réel qui pique ? Ca m'effraie, parfois.
Et puis j'associe le réel aux tâches quotidiennes, à l'ennui... Alors je reste dans le rêve.
Il faudrait que je refasse ce lien entre réel et sensations (agréables, de préférence). Juste ressentir plutôt que de
Fa- Messages : 1849
Date d'inscription : 23/06/2012
Age : 45
Re: Des types en noir
La réalité n'est pas seulement à l'extérieur ...
Ce qui me heurte si fort de ce monde qui m'agresse vient très souvent du plus profond de moi !
Entendre et écouter l'enfant blessé en nous. Le bercer, le consoler, lui assurer notre présence et notre aide ... Apprivoiser sa confiance pour acquérir enfin la notre.
Ce qui me heurte si fort de ce monde qui m'agresse vient très souvent du plus profond de moi !
Entendre et écouter l'enfant blessé en nous. Le bercer, le consoler, lui assurer notre présence et notre aide ... Apprivoiser sa confiance pour acquérir enfin la notre.
Re: Des types en noir
Bonsoir renarde,
Je crois que j’ai du mal avec cette histoire d’enfant blessé en soi, il m’emmerde, cet enfant. J’ai envie de le zigouiller pif paf et on n’en parle plus (tu parles d’une communication non violente !). J’ai du mal mais ça ne veut pas dire que ce n’est pas une bonne idée, sûrement que je ne sais pas faire (une sorte de désir de table rase, j’ai l’impression qu’il a déjà tellement pleuré que j’en ai marre de l’écouter). Mais je dois quand même te dire que j’ai ressorti une minuscule photo de moi petiote barbotant dans une bassine orange, hirsute (des fois je la regarde quand j’ai envie d’être ivre morte), alors bon…
Fa,
Ce que tu écris m’interroge, enfin c’est une question que je me pose aussi (imagination vs réel). J’ai parfois l’impression que l’imagination augmente le réel (sans le vider de sa substance), et que parfois, à l’inverse, elle en détourne (elle l’occulte ou le remplace). Peut-être qu’après c’est une question de proportions (je veux dire, pour vivre) ; ou alors, d’une distinction à faire entre imagination et fantasme ?
Il me semble que si on est toujours dans le fantasme d’un ailleurs, d’un autrement, d’un autre temps, d’un autre tout court, alors le réel est toujours et nécessairement, décevant (ou en tout cas, jamais celui que l’on attend). Et c’est peut être ça qui fiche la trouille, l’incertitude et l’éternelle surprise du réel (qu’on ne voit pas, si on n’y est pas). Sa cruauté aussi, parfois.
Je me demande si cette histoire de désir qui ne saurait prospérer que sur du manque (donc forcément sur de la réalité estimée insatisfaisante en tant que réalité), n’est pas en fin de compte une vaste fumisterie…
Pour digresser un peu, mais peut-être pas tant que ça, il me semble que l’imagination dans la création artistique, si elle n’est pas le réel lui-même, en propose un regard sur, une recomposition, qui peut enrichir, intensifier, questionner, et que c’est aussi un biais considérable d’accès (même s’il existe aussi la fonction échappatoire).
Félin, merci beaucoup pour Bo, je ne le connaissais pas.
wkndmarkt,
Mille mercis pour ton message édité quinze fois (d’ailleurs j’en ai lu une version où il y avait le mot disparition, mais je vois que conformément à sa nature éphémère tu l’as déjà enlevé… Il ne reste plus "que" dissolution). Il me fait cogiter dans tous les sens et je te répondrai sans doute plus longuement quand ça se sera un peu calmé…
Je voudrais juste ajouter, par rapport à ce que tu écris là :
"...plus ces moments d'allégresse sont teintés de mes douleurs les plus significatives"
que je retournerai volontiers ta proposition, au sens où il y aussi dans les moments graves et/ou très douloureux des instants de joie pure, non pas déconnectés de ce qui se joue par ailleurs, mais liés, complètement liés (je voudrais écrire mieux ce que je ressens par rapport à ça mais je n’y parviens pas, les mots s’échappent et disparaissent … eux aussi). Je reviendrai (avec mon magma).
Pour Deleuze, j'aime bien ce qu'il dit à B comme boisson (j'ai eu l'impression de comprendre très nettement tout ce qu'il disait, ce qui n'est pas le cas de pas mal d'autres trucs), je l'avais écouté peu après avoir arrêté et je me rappelle avoir trouvé ça très juste, et surtout plus intéressant que ce qui est habituellement dit sur l'alcoolisme...
(ours, si tu passes une patte par ici, je t'envoie quelques pensées, je t'ai un peu lu sur ton fil sans savoir quoi écrire même si l'envie m'est venue)
Je crois que j’ai du mal avec cette histoire d’enfant blessé en soi, il m’emmerde, cet enfant. J’ai envie de le zigouiller pif paf et on n’en parle plus (tu parles d’une communication non violente !). J’ai du mal mais ça ne veut pas dire que ce n’est pas une bonne idée, sûrement que je ne sais pas faire (une sorte de désir de table rase, j’ai l’impression qu’il a déjà tellement pleuré que j’en ai marre de l’écouter). Mais je dois quand même te dire que j’ai ressorti une minuscule photo de moi petiote barbotant dans une bassine orange, hirsute (des fois je la regarde quand j’ai envie d’être ivre morte), alors bon…
Fa,
Ce que tu écris m’interroge, enfin c’est une question que je me pose aussi (imagination vs réel). J’ai parfois l’impression que l’imagination augmente le réel (sans le vider de sa substance), et que parfois, à l’inverse, elle en détourne (elle l’occulte ou le remplace). Peut-être qu’après c’est une question de proportions (je veux dire, pour vivre) ; ou alors, d’une distinction à faire entre imagination et fantasme ?
Il me semble que si on est toujours dans le fantasme d’un ailleurs, d’un autrement, d’un autre temps, d’un autre tout court, alors le réel est toujours et nécessairement, décevant (ou en tout cas, jamais celui que l’on attend). Et c’est peut être ça qui fiche la trouille, l’incertitude et l’éternelle surprise du réel (qu’on ne voit pas, si on n’y est pas). Sa cruauté aussi, parfois.
Je me demande si cette histoire de désir qui ne saurait prospérer que sur du manque (donc forcément sur de la réalité estimée insatisfaisante en tant que réalité), n’est pas en fin de compte une vaste fumisterie…
Pour digresser un peu, mais peut-être pas tant que ça, il me semble que l’imagination dans la création artistique, si elle n’est pas le réel lui-même, en propose un regard sur, une recomposition, qui peut enrichir, intensifier, questionner, et que c’est aussi un biais considérable d’accès (même s’il existe aussi la fonction échappatoire).
Félin, merci beaucoup pour Bo, je ne le connaissais pas.
wkndmarkt,
Mille mercis pour ton message édité quinze fois (d’ailleurs j’en ai lu une version où il y avait le mot disparition, mais je vois que conformément à sa nature éphémère tu l’as déjà enlevé… Il ne reste plus "que" dissolution). Il me fait cogiter dans tous les sens et je te répondrai sans doute plus longuement quand ça se sera un peu calmé…
Je voudrais juste ajouter, par rapport à ce que tu écris là :
"...plus ces moments d'allégresse sont teintés de mes douleurs les plus significatives"
que je retournerai volontiers ta proposition, au sens où il y aussi dans les moments graves et/ou très douloureux des instants de joie pure, non pas déconnectés de ce qui se joue par ailleurs, mais liés, complètement liés (je voudrais écrire mieux ce que je ressens par rapport à ça mais je n’y parviens pas, les mots s’échappent et disparaissent … eux aussi). Je reviendrai (avec mon magma).
Pour Deleuze, j'aime bien ce qu'il dit à B comme boisson (j'ai eu l'impression de comprendre très nettement tout ce qu'il disait, ce qui n'est pas le cas de pas mal d'autres trucs), je l'avais écouté peu après avoir arrêté et je me rappelle avoir trouvé ça très juste, et surtout plus intéressant que ce qui est habituellement dit sur l'alcoolisme...
(ours, si tu passes une patte par ici, je t'envoie quelques pensées, je t'ai un peu lu sur ton fil sans savoir quoi écrire même si l'envie m'est venue)
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
L’allégresse, pour moi, ce serait exultation et désolation, ensemble, peut-être ?
J’ai l’impression que le réel a à voir avec la limite, qui serait la limite ultime de l’ici et maintenant, une limite qui a longtemps été positivement insoutenable pour moi, si je regarde bien. C’est une limite au sens de frontière avec l’irréel (ce qui n’est pas là, ce qui est ailleurs, ce qui est avant et après), mais ce n’est pas une limité au sens de limité, réduit, rabougri.
*
Hier, je suis allée voir ça, au cinoche:
Et j'ai repensé à celui-là:
Hiroshima mon amour, Alain Resnais
*
Dans l’expo de photos de Bernard Plossu que j’ai vue récemment à Marseille, il y avait cette phrase (enfin de mémoire, je ne sais pas si c’est vraiment la bonne, je ne l’ai pas notée) : comprendre, c’est écouter ce qu’on voit, et je trouve que ça a un lien avec ce que tu écris wkndmarkt sur la fluidité, et enfin sur l’idée qu’il ne s’agit pas d’expliquer. J’ai comme la vague impression de commencer seulement un peu à voir…
Il y a quelques mois, j’ai commencé une sorte de journal filmé (vu que je n’ai jamais écrit de journal intime, ou approchant, et vu aussi que je cherchais une voie et pour appréhender les images), l’idée étant juste d’utiliser ce que j’ai toujours ou presque sur moi (mon tél portable) pour glaner, un peu comme quand on ramasse des trucs qui traînent dans les poubelles ; glaner des fragments, saisir et prélever des détails, etc. L’idée aussi, sans doute, était peut-être de conserver ce qui part à jamais, ce dont on ne se souvient pas (mais ce n’était pas mon but conscient, d’autant que j’ai toujours détesté les films de famille et l’oncle machin qui dégaine sans arrêt sa caméra).
Je ne voulais pas filmer des moments particuliers en l’envisageant à l’avance mais, au gré du temps, de mes déambulations et de mes émotions, saisir des petits bouts, sans avoir savoir ce que j’allais réellement en faire et sous quelle forme.
Un truc pour moi, pour expérimenter. Je me disais que je verrais peut-être mieux qu’avec mes seuls yeux.
J’ai commencé ça un peu comme ça, et puis mon fils aîné (11 ans) est tombé très gravement malade. Il y a eu alors ce huis-clos dans une chambre d’hôpital au 16ème étage, onze jours et dix nuits à attendre, sans savoir s’il allait vivre ou mourir. Et j’ai prélevé, un peu, des riens : des murs écaillés, le ciel à travers la grille, le café en bas, la nuit, enfin bref. Très peu de gens. Puis mon fils s’est rétabli, et j’ai gardé ces images, mais sans les regarder, et je savais en même temps qu’il fallait que j’en fasse qqch, que je les vois et que je les assemble, enfin j’ai cru sans doute qu’avec elles j’arriverai à éclaircir ce fameux truc que je n’avais pas éclairci à la mort de mon père (ce moment où il était vivant et après mort, et aussi qui sont les gens, ce qu’est la vie, enfin tout un tas de machins).
Je l’ai fait (j’ai gardé tout brut, son réel et images, pas de voix-off, j’avais imaginé en faire une mais ça n’allait pas, il y a juste une phrase au milieu écrite, enfin bref ce n’est très pas important) et ce qui m’a frappée, après coup, c’est d’une part que j’ai vu cette tension à comprendre dans mon choix d’image (notamment à plusieurs reprises je m’approche du visage de mon fiston, quand il dort, ça dure longtemps), et qu’en même temps elles ne disent rien, rien du tout, elles ne disent que le dérisoire, l’absurde, l’impossibilité de saisir le réel si ce n’est, au moment où, d’être complètement et entièrement présent à celui-ci.
C’est peut-être alors cette tension vers, qui m’intéresse le plus, tension qui ne pouvait exister quand je me bardais de tout côtés d’étais imaginaires.
(je suis désolée, je ne réponds pas du tout de la façon dont j’aurais aimé le faire…)
(et je mets plein de parenthèses partout)
(et j’ai un problème avec les smileys, je ne sais pas si c’est que je ne sais pas les utiliser ou que je ne les aime pas)
(et j’ai un problème avec échanger par écrit de façon construite)
(c'est plutôt, telle chose fait écho à une autre, des bribes se répondent ou emmènent encore ailleurs, liens, connexions de points quelconques vers d'autres points quelconques - impossibilité de la cohérence et du bien ficelé)
(et à l’oral c’est pareil je ne sais pas faire, et c'est pire si on est plus de deux)
J’ai l’impression que le réel a à voir avec la limite, qui serait la limite ultime de l’ici et maintenant, une limite qui a longtemps été positivement insoutenable pour moi, si je regarde bien. C’est une limite au sens de frontière avec l’irréel (ce qui n’est pas là, ce qui est ailleurs, ce qui est avant et après), mais ce n’est pas une limité au sens de limité, réduit, rabougri.
*
Hier, je suis allée voir ça, au cinoche:
Et j'ai repensé à celui-là:
Hiroshima mon amour, Alain Resnais
*
Dans l’expo de photos de Bernard Plossu que j’ai vue récemment à Marseille, il y avait cette phrase (enfin de mémoire, je ne sais pas si c’est vraiment la bonne, je ne l’ai pas notée) : comprendre, c’est écouter ce qu’on voit, et je trouve que ça a un lien avec ce que tu écris wkndmarkt sur la fluidité, et enfin sur l’idée qu’il ne s’agit pas d’expliquer. J’ai comme la vague impression de commencer seulement un peu à voir…
Il y a quelques mois, j’ai commencé une sorte de journal filmé (vu que je n’ai jamais écrit de journal intime, ou approchant, et vu aussi que je cherchais une voie et pour appréhender les images), l’idée étant juste d’utiliser ce que j’ai toujours ou presque sur moi (mon tél portable) pour glaner, un peu comme quand on ramasse des trucs qui traînent dans les poubelles ; glaner des fragments, saisir et prélever des détails, etc. L’idée aussi, sans doute, était peut-être de conserver ce qui part à jamais, ce dont on ne se souvient pas (mais ce n’était pas mon but conscient, d’autant que j’ai toujours détesté les films de famille et l’oncle machin qui dégaine sans arrêt sa caméra).
Je ne voulais pas filmer des moments particuliers en l’envisageant à l’avance mais, au gré du temps, de mes déambulations et de mes émotions, saisir des petits bouts, sans avoir savoir ce que j’allais réellement en faire et sous quelle forme.
Un truc pour moi, pour expérimenter. Je me disais que je verrais peut-être mieux qu’avec mes seuls yeux.
J’ai commencé ça un peu comme ça, et puis mon fils aîné (11 ans) est tombé très gravement malade. Il y a eu alors ce huis-clos dans une chambre d’hôpital au 16ème étage, onze jours et dix nuits à attendre, sans savoir s’il allait vivre ou mourir. Et j’ai prélevé, un peu, des riens : des murs écaillés, le ciel à travers la grille, le café en bas, la nuit, enfin bref. Très peu de gens. Puis mon fils s’est rétabli, et j’ai gardé ces images, mais sans les regarder, et je savais en même temps qu’il fallait que j’en fasse qqch, que je les vois et que je les assemble, enfin j’ai cru sans doute qu’avec elles j’arriverai à éclaircir ce fameux truc que je n’avais pas éclairci à la mort de mon père (ce moment où il était vivant et après mort, et aussi qui sont les gens, ce qu’est la vie, enfin tout un tas de machins).
Je l’ai fait (j’ai gardé tout brut, son réel et images, pas de voix-off, j’avais imaginé en faire une mais ça n’allait pas, il y a juste une phrase au milieu écrite, enfin bref ce n’est très pas important) et ce qui m’a frappée, après coup, c’est d’une part que j’ai vu cette tension à comprendre dans mon choix d’image (notamment à plusieurs reprises je m’approche du visage de mon fiston, quand il dort, ça dure longtemps), et qu’en même temps elles ne disent rien, rien du tout, elles ne disent que le dérisoire, l’absurde, l’impossibilité de saisir le réel si ce n’est, au moment où, d’être complètement et entièrement présent à celui-ci.
C’est peut-être alors cette tension vers, qui m’intéresse le plus, tension qui ne pouvait exister quand je me bardais de tout côtés d’étais imaginaires.
(je suis désolée, je ne réponds pas du tout de la façon dont j’aurais aimé le faire…)
(et je mets plein de parenthèses partout)
(et j’ai un problème avec les smileys, je ne sais pas si c’est que je ne sais pas les utiliser ou que je ne les aime pas)
(et j’ai un problème avec échanger par écrit de façon construite)
(c'est plutôt, telle chose fait écho à une autre, des bribes se répondent ou emmènent encore ailleurs, liens, connexions de points quelconques vers d'autres points quelconques - impossibilité de la cohérence et du bien ficelé)
(et à l’oral c’est pareil je ne sais pas faire, et c'est pire si on est plus de deux)
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
ah ouais, tu as eu le temps de voir ça? c'est coolle navet a écrit:Mille mercis pour ton message édité quinze fois (d’ailleurs j’en ai lu une version où il y avait le mot disparition, mais je vois que conformément à sa nature éphémère tu l’as déjà enlevé… Il ne reste plus "que" dissolution).
(désolé pour les éditions, pour ce genre de propos je n'arrive pas à faire autrement: il faut que le texte soit publié pour que je voie ce qu'il faut y modifier, je ne sais pas pourquoi)
OUI tout à fait, ça marche dans les deux sens. Je crains d'ailleurs que ça tende à se rejoindre vers une allégresse qui ne soit plus que moitié (souvenir de la) douleur et moitié joie; peut-être que la douleur aura changé de nature d'ici là.le navet a écrit:Je voudrais juste ajouter, par rapport à ce que tu écris là :
"...plus ces moments d'allégresse sont teintés de mes douleurs les plus significatives"
que je retournerai volontiers ta proposition, au sens où il y aussi dans les moments graves et/ou très douloureux des instants de joie pure, non pas déconnectés de ce qui se joue par ailleurs, mais liés, complètement liés
oui ça ressemble à ce que j'avais en tête; à savoir que c'est être dans le monde (je ne dis pas dans le moment) avant même qu'il soit formalisé/cristallisé en pensée - donc ça peut correspondre à une écoute.le navet a écrit:Dans l’expo de photos de Bernard Plossu que j’ai vue récemment à Marseille, il y avait cette phrase (enfin de mémoire, je ne sais pas si c’est vraiment la bonne, je ne l’ai pas notée) : comprendre, c’est écouter ce qu’on voit, et je trouve que ça a un lien avec ce que tu écris wkndmarkt sur la fluidité, et enfin sur l’idée qu’il ne s’agit pas d’expliquer. J’ai comme la vague impression de commencer seulement un peu à voir…
C'est à la fois étonnant et très familier ce que tu dis là. Décidément je comprends plein de trucs ici. Certains arrivent à produire du sens en image de manière très fluide et très naturelle, sans effort apparent. Pour moi, comme pour toi apparemment (ça reste à vérifier) ça ne donne rien - juste une éventuelle injonction à travailler beaucoup plus pour que ça commence à éventuellement donner quelque chose. D'un côté je trouve ça terrifiant, d'un autre côté je pense que c'est juste une forme d'altération de la spontanéité. Je pense, en tout cas j'espère que ça se retrouve; effectivement une fois qu'on a vu les étais on est sur la bonne piste - reste à piger comment ça tient quand on les enlève.le navet a écrit:Il y a quelques mois, j’ai commencé une sorte de journal filmé (...)
et qu’en même temps elles ne disent rien, rien du tout, elles ne disent que le dérisoire, l’absurde, l’impossibilité de saisir le réel si ce n’est, au moment où, d’être complètement et entièrement présent à celui-ci.
C’est peut-être alors cette tension vers, qui m’intéresse le plus, tension qui ne pouvait exister quand je me bardais de tout côtés d’étais imaginaires.
Je situe ça autour d'un malentendu avec moi-même sur "ce que j'ai à dire".
le navet a écrit:(je suis désolée, je ne réponds pas du tout de la façon dont j’aurais aimé le faire…)
moi non plus, c'est dramatique
(et je mets plein de parenthèses partout)
et tu es bien la seule à faire ça ici!
(et j’ai un problème avec les smileys, je ne sais pas si c’est que je ne sais pas les utiliser ou que je ne les aime pas)
les smileys sont bienveillants, mais je ne les aime pas non plus, j'admets
(et j’ai un problème avec échanger par écrit de façon construite)
là encore, tu es bien la seule!
(c'est plutôt, telle chose fait écho à une autre, des bribes se répondent ou emmènent encore ailleurs, liens, connexions de points quelconques vers d'autres points quelconques - impossibilité de la cohérence et du bien ficelé)
bah c'est surement parce qu'on est dans des zones pas forcément simples, alors on fait comme on peut
(et à l’oral c’est pareil je ne sais pas faire, et c'est pire si on est plus de deux)
wkndmarkt- Messages : 146
Date d'inscription : 07/12/2011
Age : 57
Localisation : Parijs
Re: Des types en noir
C'est bien lui! 李白!félindemars a écrit:Le poète chinois qui s’est noyé dans la rivière Yangtze en essayant d’embrasser la lune qu’il venait de peindre est Li Bô (701-762)
Merci félin d'avoir précisé mon allusion nonchalante.
Par contre j'ai vraiment du mal avec les traductions françaises des poètes Tang - je trouve que les traductions "mot à mot" de François Cheng (l'écriture poétique chinoise), même si elles sont difficiles à lire, sont souvent plus parlantes et beaucoup plus proches des originaux.
Par rapport au chan, je recherchais aussi sans la retrouver une citation traduite par Jacques Gernet, dans L'intelligence de la Chine, qui me semble coller à ce qu'on se raconte ici; un commentaire d'un texte bouddhiste: "la vérité est impermanente, et non-produite"; un truc comme ça. C'est d'une profondeur inouïe, quand c'est correctement cité et commenté. En gros, ça dit que la vérité (donc ici "le réel", ou "l'allégresse") n'est pas "tenable" dans la durée: elle nous tombe sur la tête, de temps en temps; on la saisit, puis on la perd. On ne peut pas la produire, la provoquer, tout ce qu'on peut faire c'est apprendre à se mettre dans l'état le plus propice à une nouvelle révélation, temporaire.
(du coup par extension, on ramènerait presque la "vérité" à une forme de sensation - puisque dans le bouddhisme en général toute sensation est aussi définie comme impermanente, et qu'elle est le plus souvent non-produite. je trouve ça plutôt pas mal)
wkndmarkt- Messages : 146
Date d'inscription : 07/12/2011
Age : 57
Localisation : Parijs
Re: Des types en noir
wkndmarkt a écrit:
(du coup par extension, on ramènerait presque la "vérité" à une forme de sensation - puisque dans le bouddhisme en général toute sensation est aussi définie comme impermanente, et qu'elle est le plus souvent non-produite. je trouve ça plutôt pas mal)
Une forme de sensation, oui, c’est sans doute aussi ténu et incroyable que ça.
(mais je suis pour l’instant totalement ignare, en matière de bouddhisme)
Ce que tes mots m’évoquent, et là où il me semble partir de très très loin, voire de nulle part, c’est la question du corps. J’ai l’impression pour ma part qu’il y a eu amputation, relégation, en tout cas coupure nette (et sans doute assez occidentale) entre le mental (qui tourne et tourne à vide), et le corps qui sent. Et que c’est le corps, en premier lieu, qui est support pour être dans le monde ; qu’il n’est pas coupé de l’esprit, en réalité.
Je relierais à ça, l’altération de la spontanéité que tu évoques, et dans laquelle je me reconnais, même si ça m’embête de le faire (dans la série des trucs qu’on préfèrerait être, et force est de constater…).
Je crois que pour ma part que c’est assez lié au fait d’avoir évolué dans le pays du faux. On sent que c’est faux, mais on apprend, à force, que ce qu’on sent n’a pas lieu d’être, alors on le rentre, on l’élimine, on se coupe. Et après, plus tard, bien plus tard, on ne sait plus, on ressent dans tous les sens, ou on ne sent plus rien, on ne sait plus comment ça peut s’accorder avec la pensée, avec le réel, de toutes façons on ne sait pas, pour le réel, on ne sait plus si on pense, on ne sait plus rien de rien.
(Archéologie socio-culturelle, tentative d’exploration du faux-self par d’autres voies, ou le pays du faux:
Mésalliance bourgeoisie/petits commerçants, accord subtil du faire semblant consubstantiel et de la vente-sourire organisée, le meilleur terrain possible?
Un bon terreau bien grouillant, bien fertile, je crois.
Tout à lisser sans cesse, lisser comme on repasse, écarter et tanner les peaux pour que tout glisse, tout s’huile et vous me mettrez deux baguettes, ailleurs de père en fils on s’appelle alternativement Paul ou François ou Charles et on est notaire, et les grands appartements au bord du Rhône luisent, mais point trop n’en faut, c’est subtil, on sait se mettre à la portée du bas-monde, on ne la ramène pas trop, les signes distinctifs sont ténus mais très clairs, on en est ou on en n’est pas, de l’autre les clients c’est toute la vie, les clients à qui il faut sourire et le fric, sourire dents blanches= fric et c’est bien, on bosse à quatorze ans de ce côté-là, on se saigne, on conspue Tonton Robert qui vit à cinquante ans passés aux crochets de sa mère le nez dans ses bouquins, des bouquins on n’a pas idée.
En dessous on part de pas grand-chose mais c’est les trente glorieuses, quand on veut on peut, et on vend, on vend encore, on gagne de l’argent, on le dépense, on se sépare sans se séparer, on meurt d’une longue maladie. On vit dans un immeuble cossu spécialisé en suicides/morts violentes de jeunes hommes dans la force de l’âge (mais il n’y a jamais de problèmes, sous les hauts plafonds — à peine quelques incidents).
En dessous, on est petit, mais on sent que tout sonne faux. On sent que quelque chose cloche, mais sans savoir quoi. Il n’existe rien d’autre que le lisse, érigé en dogme non écrit. Alors on marche dans la combine. Et on accumule les squelettes dans les placards, comme tous les autres. On devient virtuose pour planquer le sang et la merde.
Dans le pays du faux, il y a des faux mots et des silences, parce qu’il faut que toujours, tout aille bien ; que tout aille apparemment bien. Dans le pays du faux, on fait ce qu’on a à faire pour cela, on maintient, on compacte, on tait, on relègue en permanence la réalité dans des cryptes. On ne meurt pas, dans le pays du faux. On ne baise pas, non plus. On n’est pas triste, ivre, mort de trouille, en colère à péter les plombs, désespéré, fou de joie. Non. On a son quant-à-soi. Si on dit, ça existe, et on ne veut surtout pas que ça existe. Tout doit continuer et se perpétuer, dans le morne factice. Et plus des failles s’ouvrent, et plus il faut colmater.
Dans le pays du faux il y a de lourdes tentures vertes et des tapis moelleux.)
Dans ce sens-là, le pays du faux est entièrement produit et permanent, et je me demande dans quelle mesure il n’est pas aussi promu et fabriqué par la société dans laquelle on vit (et mon petit microcosme d’enfant n’en serait qu’une des variations, un élément particulier bien que parfaitement banal, d’un ensemble plus vaste).
Pour moi, le faux self n’a rien d’un masque. Il n’est pas non plus une politesse un peu exagérée, que d’aucuns pratiqueraient par facilité d’âme. Il est une chape de plomb, ou alors un poison qui contamine insidieusement chaque organe et se transmet soigneusement.
De ça, il me semble en être sortie (ou à peu près) ; que dépression et alcool ont été comme des moyens (à ma médiocre mesure, j’aurais préféré être révolutionnaire) de transgresser la donne de ce jeu bien pipé. Mais reste à faire avec tout, du coup. Tout est entièrement nouveau. Comme s’il n’y avait plus aucun point de repère. (Et puis, comment faire pour ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, si bébé il y a ?)
J’entrevois alors la possibilité d’un état de disponibilité, de vacance au monde qui ouvrirait au lieu de restreindre. C’est encore très très ténu, comme expérience, et ça part d’une complète désorientation (peut-être un préalable nécessaire, mais est-ce si sûr ?). Seulement je suspecte fortement qu’il y ait encore pas mal d’illusions à dégommer, sur mon propre compte. Et qu’il faut absolument les dégommer. Ou alors, se jeter dans l’arène comme un animal sauvage ?
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
Face à ces "longues maladies", ces "incidents" que tu décris, on me servit des "fatigues", des "l'entreprise lui donne bien des soucis", des "notre évêque l'a rendu disponible pour des missions en Afrique", des disparitions soudaines dans les mythologies familiales et des apparitions aussi. Un véritable régime soviétique.
Le plus étonnant c'est que cela a pris une forme "2.0" maintenant, mais cela existe toujours.
Et moi, en contre poison je lisais Céline et Simenon. Je lisais de la Science Fiction, un peu de philosophie, histoire de survivre. Comme un tuba, comme une bouteille d'oxygène.
Et j'acceptais.
Autant t'avouer que ce que tu écris résonne fortement. Genève n'est pas loin des quais de Saône et la bourgeoisie du sud est à l'image de celle du monde.
Tu n'as peut-être pas tant d'illusions à gommer. Tu as déjà fait le travail de décapage. Il te reste simplement à constater qu'il est des gens qui s'offrent et sont vraiment ce qu'ils sont. Et globalement, c'est plaisant.
Le plus étonnant c'est que cela a pris une forme "2.0" maintenant, mais cela existe toujours.
Et moi, en contre poison je lisais Céline et Simenon. Je lisais de la Science Fiction, un peu de philosophie, histoire de survivre. Comme un tuba, comme une bouteille d'oxygène.
Et j'acceptais.
Autant t'avouer que ce que tu écris résonne fortement. Genève n'est pas loin des quais de Saône et la bourgeoisie du sud est à l'image de celle du monde.
Tu n'as peut-être pas tant d'illusions à gommer. Tu as déjà fait le travail de décapage. Il te reste simplement à constater qu'il est des gens qui s'offrent et sont vraiment ce qu'ils sont. Et globalement, c'est plaisant.
Invité- Invité
Re: Des types en noir
Bonsoir ours,
Oui, s’il n’y avait pas eu de livres, il me semble que je serais morte étouffée.
Et comme tu le souligne à juste titre, les mots sont primordiaux. Chez moi il formait comme une sorte de gangue (ces mots dont tu parles, du genre "maman se repose"), et il m’a été très difficile de m’en extraire, d’autant qu’après, plus tard, j’ai choisi un boulot dans lequel il existe aussi une novlangue (le langage administratif et juridique). Depuis je recherche sans cesse le mot exact, le mot non-publicitaire, mais il s’échappe sans cesse…
Là je repense à un truc qui me hantait, petite.
J’avais alors une sorte de phobie. Je croyais que ce qui était apparemment stable, de ce que je voyais et percevais, à un instant T, allait à l’instant suivant se transformer (subtilement, mais un subtilement du coup très inquiétant). Par exemple, quelqu’un de très familier me tournait le dos, et, je pensais (je pensais vraiment, et c’était terrifiant) que quand il se retournerait, par exemple, sa couleur d’yeux aurait changé, ou ses dents seraient implantés différemment, ou n’importe quel détail de peu d’importance, dans l’absolu. Mais d’une importance littéralement redoutable, dans mon cas de terreur imaginaire.
Je dis quand j’étais petite, mais ça m’est arrivé adulte, aussi.
Plus tard j’ai mis cette phobie métaphorique sur le compte d’un père très cyclothymique (tout va bien, et pof d’un coup, il se glace, se terre, devient subtilement méchant, sans que je ne comprenne pourquoi… et donc je me sentais confusément coupable, mais sans savoir exactement quelle horrible faute j’avais bien pu commettre – j’ai développé par la suite une culpabilité presque naturelle, qui cherche comme une fouine/tête chercheuse ses objets, a posteriori… mais c’est un autre sujet).
Mais je me demande aujourd’hui, si, comme je n’avais pas les mots et que je ne comprenais pas vraiment, que je vivais dans un théâtre d’apparences, je me demande donc si cette phobie ne traduisait pas une intuition, l’intuition que ce qu’on me donnait à voir n’était pas vrai, que derrière les façades gisaient des désirs sourds et contrariés, des angoisses phénoménales, des tristesses insondables. Et que le message subliminal que je retenais était qu’il n’y avait pas d’autres manières de faire que de cacher tout ça (y compris à soi), sinon on serait nécessairement dévasté.
Comme s’il n’y avait pas de juste milieu possible, entre tout enfouir et tout déballer (et faire mal, donc).
Je n’avais pas compris à l’époque tout ce qu’il y avait de mortifère et d’empêchement d’être, dans ce déni généralisé (que j’ai repris mon compte, pendant longtemps, car la violence réelle ou supposée des autres était aussi la mienne…)
Il y a sans doute des tas de moyens de faire différemment, oui. Et le fait de le constater chez d'autres, c'est certainement une fenêtre de plus, enfin quelque chose qui ouvre, encore.
Oui, s’il n’y avait pas eu de livres, il me semble que je serais morte étouffée.
Et comme tu le souligne à juste titre, les mots sont primordiaux. Chez moi il formait comme une sorte de gangue (ces mots dont tu parles, du genre "maman se repose"), et il m’a été très difficile de m’en extraire, d’autant qu’après, plus tard, j’ai choisi un boulot dans lequel il existe aussi une novlangue (le langage administratif et juridique). Depuis je recherche sans cesse le mot exact, le mot non-publicitaire, mais il s’échappe sans cesse…
Là je repense à un truc qui me hantait, petite.
J’avais alors une sorte de phobie. Je croyais que ce qui était apparemment stable, de ce que je voyais et percevais, à un instant T, allait à l’instant suivant se transformer (subtilement, mais un subtilement du coup très inquiétant). Par exemple, quelqu’un de très familier me tournait le dos, et, je pensais (je pensais vraiment, et c’était terrifiant) que quand il se retournerait, par exemple, sa couleur d’yeux aurait changé, ou ses dents seraient implantés différemment, ou n’importe quel détail de peu d’importance, dans l’absolu. Mais d’une importance littéralement redoutable, dans mon cas de terreur imaginaire.
Je dis quand j’étais petite, mais ça m’est arrivé adulte, aussi.
Plus tard j’ai mis cette phobie métaphorique sur le compte d’un père très cyclothymique (tout va bien, et pof d’un coup, il se glace, se terre, devient subtilement méchant, sans que je ne comprenne pourquoi… et donc je me sentais confusément coupable, mais sans savoir exactement quelle horrible faute j’avais bien pu commettre – j’ai développé par la suite une culpabilité presque naturelle, qui cherche comme une fouine/tête chercheuse ses objets, a posteriori… mais c’est un autre sujet).
Mais je me demande aujourd’hui, si, comme je n’avais pas les mots et que je ne comprenais pas vraiment, que je vivais dans un théâtre d’apparences, je me demande donc si cette phobie ne traduisait pas une intuition, l’intuition que ce qu’on me donnait à voir n’était pas vrai, que derrière les façades gisaient des désirs sourds et contrariés, des angoisses phénoménales, des tristesses insondables. Et que le message subliminal que je retenais était qu’il n’y avait pas d’autres manières de faire que de cacher tout ça (y compris à soi), sinon on serait nécessairement dévasté.
Comme s’il n’y avait pas de juste milieu possible, entre tout enfouir et tout déballer (et faire mal, donc).
Je n’avais pas compris à l’époque tout ce qu’il y avait de mortifère et d’empêchement d’être, dans ce déni généralisé (que j’ai repris mon compte, pendant longtemps, car la violence réelle ou supposée des autres était aussi la mienne…)
Il y a sans doute des tas de moyens de faire différemment, oui. Et le fait de le constater chez d'autres, c'est certainement une fenêtre de plus, enfin quelque chose qui ouvre, encore.
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
Bonjour le navet !
Ça fait un petit moment que j'ai envie d'écrire ici, mais je ne savais pas trop quoi dire. J'étais intrigué par ton style, et ce que tu écris. Je ne comprenais pas toujours, mais j'ai adoré des fulgurances comme :
Que c'est beau et que c'est fort !
En lisant tes deux derniers posts, tout à coup je comprend tout ce que tu dis, et je me souviens. Je me souviens avoir lu assez jeune un bouquin de Fritz Zorn, "Mars". Je m'interroge sur ce paradoxe : ma (fausse ?) non conscience de mon décalage (appelons donc ça zébritude), et en même temps mes lectures qui étaient quasiment toutes tournées vers ce thème.
Mars, donc.
Le pays du faux, je le connais bien. J'en sors à peine.
Edit: est-ce que tu écris ? A te lire, j'ai l'impression que oui.
Ça fait un petit moment que j'ai envie d'écrire ici, mais je ne savais pas trop quoi dire. J'étais intrigué par ton style, et ce que tu écris. Je ne comprenais pas toujours, mais j'ai adoré des fulgurances comme :
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Que c'est beau et que c'est fort !
En lisant tes deux derniers posts, tout à coup je comprend tout ce que tu dis, et je me souviens. Je me souviens avoir lu assez jeune un bouquin de Fritz Zorn, "Mars". Je m'interroge sur ce paradoxe : ma (fausse ?) non conscience de mon décalage (appelons donc ça zébritude), et en même temps mes lectures qui étaient quasiment toutes tournées vers ce thème.
Mars, donc.
« Je suis jeune et riche et cultivé ; et je suis malheureux, névrosé et seul. Je descends d'une des meilleures familles de la rive droite du lac de Zurich, qu'on appelle aussi la Rive dorée. J'ai eu une éducation bourgeoise et j'ai été sage toute ma vie. Ma famille est passablement dégénérée, c'est pourquoi j'ai sans doute une lourde hérédité et je suis abîmé par mon milieu. Naturellement j'ai aussi le cancer, ce qui va de soi si l'on en juge d'après ce que je viens de dire. Cela dit, la question du cancer se présente d'une double manière : d'une part c'est une maladie du corps, dont il est bien probable que je mourrai prochainement, mais peut-être aussi puis-je la vaincre et survivre ; d'autre part, c'est une maladie de l'âme, dont je ne puis dire qu'une chose : c'est une chance qu'elle se soit enfin déclarée. Je veux dire par là qu'avec ce que j'ai reçu de ma famille au cours de ma peu réjouissante existence, la chose la plus intelligente que j'aie jamais faite, c'est d'attraper le cancer ».
...
« Survivrai-je à cette maladie? Aujourd'hui je n'en sais rien. Au cas où j'en mourrais, on pourra dire de moi que j'ai été éduqué à mort »
Le pays du faux, je le connais bien. J'en sors à peine.
Edit: est-ce que tu écris ? A te lire, j'ai l'impression que oui.
Re: Des types en noir
Bonjour Harpo,
C’est très beau, mais ce n’est pas de moi, bien sûr, mais d’Apollinaire (référence à la Seine, et au pont Mirabeau).
Quant à Mars, je l’ai lu récemment, et il est indéniable que ça a éclairé encore d’une autre façon mon propre milieu, et ma façon d’avoir été (ou de ne pas avoir été, plutôt), et que ma parenthèse sur le pays du faux en est très directement inspirée.
En fait je voulais lire ce livre pour une toute autre raison, depuis longtemps, par rapport à cette histoire de cancer comme maladie de l’âme (c’était une idée que je trouvais plutôt révoltante, et qui rejoignait tous ces discours que j’avais pu entendre sur " il faut se battre contre", et "si on meurt c’est qu’on est faible moralement", en gros, et j’étais du coup assez d’accord avec ce qu’écrit Susan Sonntag dans La maladie comme métaphore).
Après avoir lu Mars, je comprends mieux ce que son auteur a voulu dire, ou faire, c’est-à-dire essayer de donner du sens, à ce qui apparaît finalement comme tellement absurde (et l’allégeance au faux, et le tragique de cette non-existence qui entrevoit la possibilité d’exister seulement quand c’est trop tard).
Ecrire, pour moi, ce serait comme un moyen de m’extraire. Mais j’ai mis beaucoup, beaucoup de temps à m’autoriser à essayer. Je me rappelle qu’en sixième, j’avais pondu une bouse (il fallait décrire un personnage), bourrée de clichés (il s’agissait d’un marin aux yeux bleu, cheveux au vent), et la prof de français, que j’aimais en plus beaucoup, avait à juste titre critiqué ce texte. Ensuite, pendant plus de vingt-cinq ans, je n’ai rien écrit. Il me semblait que je n’en avais pas le droit. Puis, quand tout a commencé à s’effriter, alors j’ai commencé un peu, à expérimenter. Je dirais que ça a changé pas mal de choses, rien que de s’octroyer cette possibilité-là, pour soi, même si c’est très laborieux, très loin de ce que j’aimerais vraiment pouvoir écrire. Mais c’est cette recherche, ce processus qui me plaît, une quête sans fin, un plaisir tout à fait personnel et intense.
C’est très beau, mais ce n’est pas de moi, bien sûr, mais d’Apollinaire (référence à la Seine, et au pont Mirabeau).
Quant à Mars, je l’ai lu récemment, et il est indéniable que ça a éclairé encore d’une autre façon mon propre milieu, et ma façon d’avoir été (ou de ne pas avoir été, plutôt), et que ma parenthèse sur le pays du faux en est très directement inspirée.
En fait je voulais lire ce livre pour une toute autre raison, depuis longtemps, par rapport à cette histoire de cancer comme maladie de l’âme (c’était une idée que je trouvais plutôt révoltante, et qui rejoignait tous ces discours que j’avais pu entendre sur " il faut se battre contre", et "si on meurt c’est qu’on est faible moralement", en gros, et j’étais du coup assez d’accord avec ce qu’écrit Susan Sonntag dans La maladie comme métaphore).
Après avoir lu Mars, je comprends mieux ce que son auteur a voulu dire, ou faire, c’est-à-dire essayer de donner du sens, à ce qui apparaît finalement comme tellement absurde (et l’allégeance au faux, et le tragique de cette non-existence qui entrevoit la possibilité d’exister seulement quand c’est trop tard).
Ecrire, pour moi, ce serait comme un moyen de m’extraire. Mais j’ai mis beaucoup, beaucoup de temps à m’autoriser à essayer. Je me rappelle qu’en sixième, j’avais pondu une bouse (il fallait décrire un personnage), bourrée de clichés (il s’agissait d’un marin aux yeux bleu, cheveux au vent), et la prof de français, que j’aimais en plus beaucoup, avait à juste titre critiqué ce texte. Ensuite, pendant plus de vingt-cinq ans, je n’ai rien écrit. Il me semblait que je n’en avais pas le droit. Puis, quand tout a commencé à s’effriter, alors j’ai commencé un peu, à expérimenter. Je dirais que ça a changé pas mal de choses, rien que de s’octroyer cette possibilité-là, pour soi, même si c’est très laborieux, très loin de ce que j’aimerais vraiment pouvoir écrire. Mais c’est cette recherche, ce processus qui me plaît, une quête sans fin, un plaisir tout à fait personnel et intense.
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
Rhaaa, sous le pont Mirabeau coule la Seine ! Quel con je fais
Ce n'est donc pas étonnant qu'en lisant tes posts j'ai de suite pensé à Fritz Zorn...
As-tu confronté tes écrits à la lecture d'autrui ?
Ce n'est donc pas étonnant qu'en lisant tes posts j'ai de suite pensé à Fritz Zorn...
As-tu confronté tes écrits à la lecture d'autrui ?
Re: Des types en noir
Harpo a écrit:Rhaaa, sous le pont Mirabeau coule la Seine ! Quel con je fais
Ben non, c’était plutôt à moi de citer mes sources…
C’est étonnant, car après avoir lu ton fil, et bien que nous n’ayons pas du tout la même histoire, ni le même âge, ni le même sexe (etc. ), tes mots produisent pas mal d’échos. J’ai vu que toi aussi, tu écris, d’ailleurs…
Je n’ai pas de lecteur idéal (au sens de tout à fait critique et non parasité par de l’affectif), mais je fais lire certains trucs à mon compagnon (les textes longs, une fois finis le premier jet), c’est assez utile pour moi au moins pour pointer ce qu’il y a d’incompréhensible, d’abscons, de tordu dans le mauvais sens du terme. Et puis, quand j’ai commencé, j’ai un peu écrit sur un forum dédié aux romans noirs, mais qui n’existe plus aujourd’hui.
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
Pour l'écho, je ne pense pas que cela soit étonnant, nous parlons bien de la même chose, malgré nos histoires différentes
J'écris, oui et non. J'ai écrit sur la musique, le cinéma, la littérature et le théâtre, sur pas mal de blogs - jamais le mien, je n'en ai jamais eu. Des chroniques, des critiques (mais je n'aime pas ce mot, je préfère "mise en bouche" comme a dit un jour Mogwai sur mon fil).
Ensuite j'ai écrit sur moi, sur des évènements de ma vie, à un moment précis assez proche de celui que tu nommes toi même déchirure. Comme une thérapie, comme si coucher des mots sur un papier me permettait enfin de comprendre et de décider. (Je me dis d'ailleurs à l'instant que ma mémoire passe souvent par l'écrit).
Mais je n'ai jamais écrit de fiction. Je ne sais pas faire, et n'ai jamais essayé. La feuille blanche est en général le lieu où se déverse un texte longtemps maturé dans la tête - j’écris d'un jet, ne corrige presque pas, sinon l'orthographe. Ces textes là ont peu de lecteurs, trop intime. Pour ça que la mise en fiction me trotte...
J'écris, oui et non. J'ai écrit sur la musique, le cinéma, la littérature et le théâtre, sur pas mal de blogs - jamais le mien, je n'en ai jamais eu. Des chroniques, des critiques (mais je n'aime pas ce mot, je préfère "mise en bouche" comme a dit un jour Mogwai sur mon fil).
Ensuite j'ai écrit sur moi, sur des évènements de ma vie, à un moment précis assez proche de celui que tu nommes toi même déchirure. Comme une thérapie, comme si coucher des mots sur un papier me permettait enfin de comprendre et de décider. (Je me dis d'ailleurs à l'instant que ma mémoire passe souvent par l'écrit).
Mais je n'ai jamais écrit de fiction. Je ne sais pas faire, et n'ai jamais essayé. La feuille blanche est en général le lieu où se déverse un texte longtemps maturé dans la tête - j’écris d'un jet, ne corrige presque pas, sinon l'orthographe. Ces textes là ont peu de lecteurs, trop intime. Pour ça que la mise en fiction me trotte...
Re: Des types en noir
Pas d'écho personnel sur le faux et cette phobie du masque qui change... et pourtant ces écrits me touchent.
Je rejoins Harpo, tu écris très bien. On a envie de te lire.
Je rejoins Harpo, tu écris très bien. On a envie de te lire.
Fa- Messages : 1849
Date d'inscription : 23/06/2012
Age : 45
Re: Des types en noir
Fa, pour poursuivre ta réflexion, je ne pense pas du tout que le faux-self, ça soit forcément un truc de surdoués (de névrosés, plus sûrement), et ce d’autant que je ne sais même pas, en ce qui me concerne (ça me donnerait presque l’idée que c’est une marque inverse, finalement, tant il y a, avec le recul, une forme de bêtise à s’être assujetti si longtemps comme ça).
C’est plutôt une façon d’être au monde complètement pervertie, en lien sans doute aussi, malgré ce que j’écris (sur l’imprégnation culturelle) avec des choses plus psychologiques, liées à la toute petite enfance. C’est Winnicott je crois qui a écrit des trucs là-dessus, mais je ne l’ai jamais vraiment et sérieusement lu.
Personnellement je ne suis jamais satisfaite de ce que j’écris (sur tout un fatras il y a peut-être une phrase, un paragraphe à tout casser dont je suis contente, et encore), mais c’est aussi cet échec permanent et renouvelé qui me meut. Ce n’est plus un truc écrasant qui me fait dire à quoi bon, parce qu’en fait ce qui compte pour moi, bêtement et égoïstement, c’est l’état dans lequel ça me met. C’est une forme d’intensité très spécifique, liée à une nécessité intérieure et à un plaisir pur (certainement aussi parce que personne ne me demande rien, personne n’attend rien, donc je ne me sens en rien, contrainte par les autres).
Et contrairement à toi, Harpo, je n’écris pas de choses personnelles (hormis ici, un peu), comme si, en fait, pour moi, l’espace de la fiction était un moyen, un biais plus efficace, plus porteur, pour parvenir à être dans une forme de vérité (avec un petit, tout petit v, ou à une forme de réel, disons). Dès qu’il s’agit de mon moi nu, c’est plus compliqué (car mes mises en scènes me sautent aux yeux, peut-être). J’ai l’impression de moins cacher et travestir dans la fiction que quand j’essaye d’écrire des trucs sur moi (ici je peux un peu car je suis un navet, et je parle surtout de trucs de navet passés, finalement… comme ça, allez hop :
Dans le réel, il y a le fait que je suis une fille, et j’ai pendant longtemps trouvé ça dommage. Au début je voulais être un garçon (il me semblait que c’était plus simple, à l’époque), et puis après c’était encore trop pauvre, trop limitant.
J’aurais voulu être l’un et l’autre, changer de temps en temps.
Je ne voulais pas être assignée à un sexe avec toute sa cohorte de représentations que je jugeais pénibles, mais, en même temps, je souffrais de ne pas coller, de ne pas être ce genre de fille si fille, si féminine. Je ne voulais pas séduire sur ce terrain mais je voulais séduire quand même, et secrètement je rêvais sans doute d’être des leurs (des vraies de vraies). Je séparais tout à fait sexe et amour, il y avait les corps pour les corps et d’autres à aimer (amour amitié, sans différence majeure).
Je croyais que les filles étaient destinées ou à pleurer et à subir, ou à devenir des monstres froids si fières de leur résilience, je croyais que c’était à elles de se rendre aimables sinon leurs mères les perdraient dans la forêt, et les princes charmant idem, et tout cela me faisait horreur, et pourtant je détestais les princes charmants, je n’étais pas romantique, je n’étais pas jalouse, pas d’instinct de propriétaire, pas de visée à long terme, je trouvais l’amour mièvre ou faux, ou, au mieux, j’y voyais l’association plus ou moins heureuse de deux aliénations complémentaires. Je ne voulais pas de mec, pas de couple, pas d’enfants.
Je ne voulais rien de près ou de loin qui empêche de s’enfuir.
C’est plutôt une façon d’être au monde complètement pervertie, en lien sans doute aussi, malgré ce que j’écris (sur l’imprégnation culturelle) avec des choses plus psychologiques, liées à la toute petite enfance. C’est Winnicott je crois qui a écrit des trucs là-dessus, mais je ne l’ai jamais vraiment et sérieusement lu.
Personnellement je ne suis jamais satisfaite de ce que j’écris (sur tout un fatras il y a peut-être une phrase, un paragraphe à tout casser dont je suis contente, et encore), mais c’est aussi cet échec permanent et renouvelé qui me meut. Ce n’est plus un truc écrasant qui me fait dire à quoi bon, parce qu’en fait ce qui compte pour moi, bêtement et égoïstement, c’est l’état dans lequel ça me met. C’est une forme d’intensité très spécifique, liée à une nécessité intérieure et à un plaisir pur (certainement aussi parce que personne ne me demande rien, personne n’attend rien, donc je ne me sens en rien, contrainte par les autres).
Et contrairement à toi, Harpo, je n’écris pas de choses personnelles (hormis ici, un peu), comme si, en fait, pour moi, l’espace de la fiction était un moyen, un biais plus efficace, plus porteur, pour parvenir à être dans une forme de vérité (avec un petit, tout petit v, ou à une forme de réel, disons). Dès qu’il s’agit de mon moi nu, c’est plus compliqué (car mes mises en scènes me sautent aux yeux, peut-être). J’ai l’impression de moins cacher et travestir dans la fiction que quand j’essaye d’écrire des trucs sur moi (ici je peux un peu car je suis un navet, et je parle surtout de trucs de navet passés, finalement… comme ça, allez hop :
Dans le réel, il y a le fait que je suis une fille, et j’ai pendant longtemps trouvé ça dommage. Au début je voulais être un garçon (il me semblait que c’était plus simple, à l’époque), et puis après c’était encore trop pauvre, trop limitant.
J’aurais voulu être l’un et l’autre, changer de temps en temps.
Je ne voulais pas être assignée à un sexe avec toute sa cohorte de représentations que je jugeais pénibles, mais, en même temps, je souffrais de ne pas coller, de ne pas être ce genre de fille si fille, si féminine. Je ne voulais pas séduire sur ce terrain mais je voulais séduire quand même, et secrètement je rêvais sans doute d’être des leurs (des vraies de vraies). Je séparais tout à fait sexe et amour, il y avait les corps pour les corps et d’autres à aimer (amour amitié, sans différence majeure).
Je croyais que les filles étaient destinées ou à pleurer et à subir, ou à devenir des monstres froids si fières de leur résilience, je croyais que c’était à elles de se rendre aimables sinon leurs mères les perdraient dans la forêt, et les princes charmant idem, et tout cela me faisait horreur, et pourtant je détestais les princes charmants, je n’étais pas romantique, je n’étais pas jalouse, pas d’instinct de propriétaire, pas de visée à long terme, je trouvais l’amour mièvre ou faux, ou, au mieux, j’y voyais l’association plus ou moins heureuse de deux aliénations complémentaires. Je ne voulais pas de mec, pas de couple, pas d’enfants.
Je ne voulais rien de près ou de loin qui empêche de s’enfuir.
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
ou ça (inspiré de trucs lus chez Doinel, mais je n’ai pas osé intervenir) :
Quand j’étais fonctionnaire active (sic ?), il m’est arrivé quelquefois de devoir trancher, entre morale et lâcheté (au nom de plein de mots qui sont très exactement ceux des nazis). Bien sûr il n’était pas question d’envoyer des gens à la mort, mais le processus est le même…
J’ai souvent été visqueuse et lâche, tout en en ayant parfaitement conscience (et en me sentant très fortement coupable). C’est pour cette raison que j’aurais tendance à penser que la culpabilité n’empêche pas forcément, voire, dans certains cas pathologiques dont je fus, elle permet, elle autorise, elle rend passif et incapable de dire non, de refuser de faire. Il y a quelque part l’idée que c’est moins grave, si on s’en repend. Et peut-être aussi au fond, que ça donnerait enfin une vraie bonne raison, pour être puni, puisque qu’on se sent déjà éternellement coupable, même sans rien faire de mal.
Un peu le même processus que tout faire pour que quelqu’un qu’on aime et qui a l’air de nous aimer nous désaime (puisque c’est nécessairement ce qui doit arriver).
Punis, abandonnés, et nous voilà, au fond, fort soulagés (brisés et incapables de puiser dans notre souffrance auto-produite la mesure de notre responsabilité).
Quand ça n’arrive pas, quand ces plans obscurs sont outrageusement et immoralement déjoués, alors il faut reconsidérer les méthodes, les visées, les croyances.
(S’abandonner ?)
Quand j’étais fonctionnaire active (sic ?), il m’est arrivé quelquefois de devoir trancher, entre morale et lâcheté (au nom de plein de mots qui sont très exactement ceux des nazis). Bien sûr il n’était pas question d’envoyer des gens à la mort, mais le processus est le même…
J’ai souvent été visqueuse et lâche, tout en en ayant parfaitement conscience (et en me sentant très fortement coupable). C’est pour cette raison que j’aurais tendance à penser que la culpabilité n’empêche pas forcément, voire, dans certains cas pathologiques dont je fus, elle permet, elle autorise, elle rend passif et incapable de dire non, de refuser de faire. Il y a quelque part l’idée que c’est moins grave, si on s’en repend. Et peut-être aussi au fond, que ça donnerait enfin une vraie bonne raison, pour être puni, puisque qu’on se sent déjà éternellement coupable, même sans rien faire de mal.
Un peu le même processus que tout faire pour que quelqu’un qu’on aime et qui a l’air de nous aimer nous désaime (puisque c’est nécessairement ce qui doit arriver).
Punis, abandonnés, et nous voilà, au fond, fort soulagés (brisés et incapables de puiser dans notre souffrance auto-produite la mesure de notre responsabilité).
Quand ça n’arrive pas, quand ces plans obscurs sont outrageusement et immoralement déjoués, alors il faut reconsidérer les méthodes, les visées, les croyances.
(S’abandonner ?)
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
Dans la salle d’attente j’ai attaqué La vie est un songe, et j’ai pris l’air de rien.
L’air de rien, ça me fait penser qu’en fait j’ai souvent eu l’air de quelqu’un d’autre, au point que je n’ai jamais su si moi, c’était vraiment moi (puisqu’on me prend souvent pour X). Dilution totale. Même effet sur le net, avec un nom et prénom d’une banalité écrasante (comme mon physique, je suppose). Je m’autogougueulise, et des tas de nanas qui doivent être "moi" apparaissent. Ma vocation à la disparition a aussi pris cet aspect-là (plus tous ces squelettes/cadavres que je voyais en permanence, à seize ans).
En un sens, c'est assez amusant.
Bon, bref, j’ai vu la dame qui a dit que j’en étais, malgré un QI hétérogène (compréhension verbale et raisonnement perceptif bien plus hauts que mémoire de travail et vitesse de traitement – tout de même un peu moins pires que ce qu’elle suspectait, vu ma construction dépressivo-alcoolique). En gros elle explique ça par des fragilités psychologiques (estime de soi en berne, profil "traumatique"?, lutte permanente contre des émotions envahissantes), et par un trouble attentionnel (que je n’avais jamais réellement mesuré, c’est finalement en passant le test que j’ai bien senti que je décrochais, par moments).
Le premier truc qui m’est bien sûr venu c’est le doute (oui mais du coup le test ne veut rien dire, etc. etc.). , puis le deuxième c’est je m’en fous, je m'en tape, là n’est pas l’important, l’important est plutôt ce que je peux en tirer (en termes d’introspection un peu moins stérile ? que d’habitude).
Puis j’ai fumé quinze clopes et j’ai pris le métro.
J’ai croisé des trucs moches et désossés (j’aime terriblement ce qui est moche et cassé, les déchets, les rebuts, les zones, les ruines).
Pour l’instant, encore un peu à chaud, je dirais ça :
- le test a objectivé certains trucs que je pensais déjà (surtout les trucs négatifs, en fait)
- mais il a aussi perçu des choses que je ne pensais absolument pas, comme par exemple une capacité intuitive à trouver des solutions, quand il y a doute.
Alors comme ça, à vue de nez, il me semble que c’est un petit jalon, dans un mouvement déjà un peu amorcé ailleurs, avant. Je me doute bien qu’il ne va pas révolutionner la façon dont je me perçois (sans parler d’estime, un peu de confiance ne ferait pas de mal), mais je ne me sens ni écrasée, ni dévorée, ni en colère, ni déçue (ni non plus galvanisée, ailes qui poussent dans le dos tambours et trompettes).
Et ça me donne un peu des pistes, pour un de mes minots (histoire de ne pas trop passer à côté de ce qu’il est, histoire de faire un peu moins pire, si c’est possible, que mes honorables et moitié décédés parents).
Alors ce que je ressens…
Peut-être une douce et infinitésimale excitation… L’impression que je pourrais peut-être, maintenant, enfourcher en vrai ma vespa et parcourir Rome… Qui sait…
Qui je suis n’aura plus trop d’importance… Disparaître ou Apparaître non plus… Juste à chercher et désirer encore… S’aventurer…
(Etre bouleversée, oui, je crois que c’est ça qui m’intéresse, au fond du fond)
(C'est pour ça que je ne distingue pas, entre l'art et la vie)
(C'est peut-être pour ça juste, que j'ai bu comme un trou)
...
(…) il pourra croire qu’il a fait un songe, et il sera dans le vrai quand il le croira, parce que dans le monde, Clothalde, tous ceux qui vivent sont dans un songe
L’air de rien, ça me fait penser qu’en fait j’ai souvent eu l’air de quelqu’un d’autre, au point que je n’ai jamais su si moi, c’était vraiment moi (puisqu’on me prend souvent pour X). Dilution totale. Même effet sur le net, avec un nom et prénom d’une banalité écrasante (comme mon physique, je suppose). Je m’autogougueulise, et des tas de nanas qui doivent être "moi" apparaissent. Ma vocation à la disparition a aussi pris cet aspect-là (plus tous ces squelettes/cadavres que je voyais en permanence, à seize ans).
En un sens, c'est assez amusant.
Bon, bref, j’ai vu la dame qui a dit que j’en étais, malgré un QI hétérogène (compréhension verbale et raisonnement perceptif bien plus hauts que mémoire de travail et vitesse de traitement – tout de même un peu moins pires que ce qu’elle suspectait, vu ma construction dépressivo-alcoolique). En gros elle explique ça par des fragilités psychologiques (estime de soi en berne, profil "traumatique"?, lutte permanente contre des émotions envahissantes), et par un trouble attentionnel (que je n’avais jamais réellement mesuré, c’est finalement en passant le test que j’ai bien senti que je décrochais, par moments).
Le premier truc qui m’est bien sûr venu c’est le doute (oui mais du coup le test ne veut rien dire, etc. etc.). , puis le deuxième c’est je m’en fous, je m'en tape, là n’est pas l’important, l’important est plutôt ce que je peux en tirer (en termes d’introspection un peu moins stérile ? que d’habitude).
Puis j’ai fumé quinze clopes et j’ai pris le métro.
J’ai croisé des trucs moches et désossés (j’aime terriblement ce qui est moche et cassé, les déchets, les rebuts, les zones, les ruines).
Pour l’instant, encore un peu à chaud, je dirais ça :
- le test a objectivé certains trucs que je pensais déjà (surtout les trucs négatifs, en fait)
- mais il a aussi perçu des choses que je ne pensais absolument pas, comme par exemple une capacité intuitive à trouver des solutions, quand il y a doute.
Alors comme ça, à vue de nez, il me semble que c’est un petit jalon, dans un mouvement déjà un peu amorcé ailleurs, avant. Je me doute bien qu’il ne va pas révolutionner la façon dont je me perçois (sans parler d’estime, un peu de confiance ne ferait pas de mal), mais je ne me sens ni écrasée, ni dévorée, ni en colère, ni déçue (ni non plus galvanisée, ailes qui poussent dans le dos tambours et trompettes).
Et ça me donne un peu des pistes, pour un de mes minots (histoire de ne pas trop passer à côté de ce qu’il est, histoire de faire un peu moins pire, si c’est possible, que mes honorables et moitié décédés parents).
Alors ce que je ressens…
Peut-être une douce et infinitésimale excitation… L’impression que je pourrais peut-être, maintenant, enfourcher en vrai ma vespa et parcourir Rome… Qui sait…
Qui je suis n’aura plus trop d’importance… Disparaître ou Apparaître non plus… Juste à chercher et désirer encore… S’aventurer…
(Etre bouleversée, oui, je crois que c’est ça qui m’intéresse, au fond du fond)
(C'est pour ça que je ne distingue pas, entre l'art et la vie)
(C'est peut-être pour ça juste, que j'ai bu comme un trou)
...
(…) il pourra croire qu’il a fait un songe, et il sera dans le vrai quand il le croira, parce que dans le monde, Clothalde, tous ceux qui vivent sont dans un songe
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
Alors ce que je ressens…
Peut-être une douce et infinitésimale excitation… L’impression que je pourrais peut-être, maintenant, enfourcher en vrai ma vespa et parcourir Rome…
Oui, en vrai, dans la vraie réalité.
Je suis content pour toi.
Laisse le temps se dérouler, un verrou vient d'être ouvert. Derrière la porte, il y a de la lumière et du soleil. Au début c'est surprenant, on doute, mais peu à peu, on marche, on trotte, on court, à perdre haleine de la vie retrouvée.
Peut-être une douce et infinitésimale excitation… L’impression que je pourrais peut-être, maintenant, enfourcher en vrai ma vespa et parcourir Rome…
Oui, en vrai, dans la vraie réalité.
Je suis content pour toi.
Laisse le temps se dérouler, un verrou vient d'être ouvert. Derrière la porte, il y a de la lumière et du soleil. Au début c'est surprenant, on doute, mais peu à peu, on marche, on trotte, on court, à perdre haleine de la vie retrouvée.
Invité- Invité
Re: Des types en noir
Merci beaucoup petite trace.
Aujourd’hui j’ai eu envie de pleurer quasi toute la journée. Je ne sais pas pourquoi.Si on pleure c’est qu’on est triste ?
Hier avant de m’endormir (très très tard), j’ai eu la vision de ce forum, et d’internet et des gens en général, un peu comme ça :
Mais multipliés à l’infini.
Des cris et des cris et des cris et des cris et des cris et des cris et des cris et des cris et des cris
Oreilles bouchées oreilles bouchées oreilles bouchées oreilles bouchées oreilles bouchées oreilles bouchées
Des tas d'êtres partout, tapis dans le noir, qui vagissent en espérant un écho, un contenant, un contenu (remplir le vide, combler l’éternel manquant/a manqué/va manquer ?).
Depuis que j’ai débarqué ici, je réponds mentalement à des tas de gens, mais je n’écris rien. Je réponds je réponds je réponds je réponds dans ma tête, mais en vrai, en vrai pour communiquer en dehors, nada. J’ai du mal avec cette impression de m’incruster, j’ai du mal avec moi parmi les autres. J’ai du mal à savoir ce que je fiche là. J’ai peur qu’il y ait trop d’autres, je ne sais pas. J’ai peur de ne pas savoir encore bien les limites. J’ai peur d’être con. Je veux et je ne veux pas de consolation. Je sais bien que je ne peux ni l’être, ni l’apporter. Je me dis à quoi bon.
Et je crie moi aussi, pourtant. Et je suis très précisément ce machin vagissant, vide en creux, vide en place, vide au bord,avec lequel je pensais pouvoir faire, pourtant, il y a peu.
Ce qui me hante, ce qui me hante, ce qui me hante est donc bien encore là, très précisément là, et ça tourne autour d’une mère pourtant vivante mais comme morte. Entièrement morte. C’est son fantôme qui me côtoie et me colle. Je pensais vraiment avoir accepté ce qui a manqué, l’avoir relégué dans le passé (fini plié tac tac tac). Mais ce n’est pas entièrement vrai. Je voudrais savoir, je voudrais des mots, je voudrais qu’elle prenne chair enfin. Je voudrais qu’elle ne soit pas mutique, mur, muraille, forteresse imprenable, bouche scellée.
Je voudrais poser des bombes et qu’elle l’ouvre, enfin.
Qu’elle s’incarne une bonne fois, pour moi.
Pourtant je ne fais rien. Dans le moindre interstice il y a son ombre, sa transparence opaque. Son refus et ce rempart imprenable (tac cogne-toi, vieille petite fille, pathétique, tac et retac, jusqu’à brutaliser le joli cercueil à venir que je choisirai en bois, simple).
Je voudrais des mots, n’importe lesquels.
Et je pleure pour des riens, des tout, et je ne sais pas pourquoi.
Je pleure pour des vivants déjà morts. Je pleure pour des présences-absences.
Tout à l’heure mon fiston de douze ans me dit qu’il ne veut pas qu’on lise en lui comme dans un livre ouvert. Il dit que c’est pour ça, l’ironie permanente. Pour se protéger.
De quoi ?
Je lui ai dit.
(Comme si j’avais la réponse).
On s’est regardé et on a cligné des yeux.
On a souri.
Dans la cuisine.
(Des bombes pour exploser les châteaux aux règles si étranges que personne ne peut jamais, jamais, y entrer)
Aujourd’hui j’ai eu envie de pleurer quasi toute la journée. Je ne sais pas pourquoi.
Hier avant de m’endormir (très très tard), j’ai eu la vision de ce forum, et d’internet et des gens en général, un peu comme ça :
Mais multipliés à l’infini.
Des cris et des cris et des cris et des cris et des cris et des cris et des cris et des cris et des cris
Oreilles bouchées oreilles bouchées oreilles bouchées oreilles bouchées oreilles bouchées oreilles bouchées
Des tas d'êtres partout, tapis dans le noir, qui vagissent en espérant un écho, un contenant, un contenu (remplir le vide, combler l’éternel manquant/a manqué/va manquer ?).
Depuis que j’ai débarqué ici, je réponds mentalement à des tas de gens, mais je n’écris rien. Je réponds je réponds je réponds je réponds dans ma tête, mais en vrai, en vrai pour communiquer en dehors, nada. J’ai du mal avec cette impression de m’incruster, j’ai du mal avec moi parmi les autres. J’ai du mal à savoir ce que je fiche là. J’ai peur qu’il y ait trop d’autres, je ne sais pas. J’ai peur de ne pas savoir encore bien les limites. J’ai peur d’être con. Je veux et je ne veux pas de consolation. Je sais bien que je ne peux ni l’être, ni l’apporter. Je me dis à quoi bon.
Et je crie moi aussi, pourtant. Et je suis très précisément ce machin vagissant, vide en creux, vide en place, vide au bord,avec lequel je pensais pouvoir faire, pourtant, il y a peu.
Ce qui me hante, ce qui me hante, ce qui me hante est donc bien encore là, très précisément là, et ça tourne autour d’une mère pourtant vivante mais comme morte. Entièrement morte. C’est son fantôme qui me côtoie et me colle. Je pensais vraiment avoir accepté ce qui a manqué, l’avoir relégué dans le passé (fini plié tac tac tac). Mais ce n’est pas entièrement vrai. Je voudrais savoir, je voudrais des mots, je voudrais qu’elle prenne chair enfin. Je voudrais qu’elle ne soit pas mutique, mur, muraille, forteresse imprenable, bouche scellée.
Je voudrais poser des bombes et qu’elle l’ouvre, enfin.
Qu’elle s’incarne une bonne fois, pour moi.
Pourtant je ne fais rien. Dans le moindre interstice il y a son ombre, sa transparence opaque. Son refus et ce rempart imprenable (tac cogne-toi, vieille petite fille, pathétique, tac et retac, jusqu’à brutaliser le joli cercueil à venir que je choisirai en bois, simple).
Je voudrais des mots, n’importe lesquels.
Et je pleure pour des riens, des tout, et je ne sais pas pourquoi.
Je pleure pour des vivants déjà morts. Je pleure pour des présences-absences.
Tout à l’heure mon fiston de douze ans me dit qu’il ne veut pas qu’on lise en lui comme dans un livre ouvert. Il dit que c’est pour ça, l’ironie permanente. Pour se protéger.
De quoi ?
Je lui ai dit.
(Comme si j’avais la réponse).
On s’est regardé et on a cligné des yeux.
On a souri.
Dans la cuisine.
(Des bombes pour exploser les châteaux aux règles si étranges que personne ne peut jamais, jamais, y entrer)
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
Il y a quelque chose dans l'air.
Alors que je croyais maitriser mon équilibre,je me suis fait casser la gueule autour de la mère, de l'abandon de la confusion des sentiments.
L'une de mes amies, pareil, et deux de mes copains aussi.
Je ne sais pas que te dire, je ne suis fort en rien si ce n'est en perception. J'ai le sentiment que tu es une belle femme et que le soleil est devant toi. Nous venons de l'informe et du noir, est-il temps de passer de l'ombre à la lumière. L'ombre a toujours raison de la lumière, une pointe de noir grise le blanc, mais pas l'inverse. Alors, si le noir ne se veut pas clair, tu n'y pourra rien, si ce n'est te tourner vers le soleil. N'est-ce pas instinctivement ce que tu as fait en venant dans le sud ?
Je ne sais si ce que je t'ai écrit a un sens pour toi, , je ne suis pas en forme ce soir, mais je ne pouvais pas laisser passer tes mots. Munch est le peintre de la prison, des fond bas, des chemins qui serpentent et des perpectives qui ceignent les toiles. Il a peint le cri et l'ahurissement effrayé tout en espérant le baiser.
Alors, même si je n'ai aucun droit, ni délégation, ni.... et parce que tu es bien plus belle (et moi je ne vois pas l'extérieur mais l'intérieur) que tu crois être :
En te priant d'excuser cette impudeur qui n'est pas une familiarité.
Alors que je croyais maitriser mon équilibre,je me suis fait casser la gueule autour de la mère, de l'abandon de la confusion des sentiments.
L'une de mes amies, pareil, et deux de mes copains aussi.
Je ne sais pas que te dire, je ne suis fort en rien si ce n'est en perception. J'ai le sentiment que tu es une belle femme et que le soleil est devant toi. Nous venons de l'informe et du noir, est-il temps de passer de l'ombre à la lumière. L'ombre a toujours raison de la lumière, une pointe de noir grise le blanc, mais pas l'inverse. Alors, si le noir ne se veut pas clair, tu n'y pourra rien, si ce n'est te tourner vers le soleil. N'est-ce pas instinctivement ce que tu as fait en venant dans le sud ?
Je ne sais si ce que je t'ai écrit a un sens pour toi, , je ne suis pas en forme ce soir, mais je ne pouvais pas laisser passer tes mots. Munch est le peintre de la prison, des fond bas, des chemins qui serpentent et des perpectives qui ceignent les toiles. Il a peint le cri et l'ahurissement effrayé tout en espérant le baiser.
Alors, même si je n'ai aucun droit, ni délégation, ni.... et parce que tu es bien plus belle (et moi je ne vois pas l'extérieur mais l'intérieur) que tu crois être :
En te priant d'excuser cette impudeur qui n'est pas une familiarité.
Invité- Invité
Re: Des types en noir
Effet post-test :
Tunnel tristesse/colère/sortie des émotions refoulées (y compris les pires, jalousies, agressivité)/lecture d’Alice Miller/je pleure, je pleure/ intérieurement/ enfance enfin expurgée des préservations d’eux/ deuil réel de ne pas avoir été aimée, enfin ?
Je me laisse le droit de les vivre. Entièrement. J’attends. C’est un cri, oui, mais qui n’est destiné à personne. C’est un cri qui se suffit à lui-même, par le simple fait qu’il peut enfin, exister. Je le réceptionne dans le même mouvement, je suis mon réceptacle. Je ne juge pas, je ne juge rien.
J’entrevois qu’il est possible de casser la longue chaîne du tu dois me réparer, petit être, tu n’existes QUE pour cela. Je veux, la rompre. Pour moi bien sûr, mais aussi pour mes deux loustics.
Alors je ne suis plus l’Ingrate. Je ne suis plus la (mal) liée.
Ils n’ont pas pu faire autrement mais j’ai le droit d’en souffrir, pour ne plus en souffrir. D’en souffrir vraiment, une bonne fois. De leur en vouloir à mort, et plus sans affinités.
C’était ça, le tunnel. J’en sors ?/ Ou bien j’y retourne, mais si je fais cela, je m’enterre.
Alors je fais un pas et je cligne des yeux.
Il n’y a plus à attendre qu’elle parle. Elle ne parlera pas. Je n’ai plus besoin d’elle. Je n’ai plus besoin de la préserver, mais plus besoin non plus qu’elle reconnaisse, qu’elle éclaire, qu’elle solutionne, qu’elle fasse ce qui a manqué car ce qui a manqué a à jamais, manqué.
Je ne suis plus si petite, ma petite.
C’est ce manque-là qui existera toujours, mais je peux faire avec, là, je le sens. Avec comme on isole un endroit non contaminant, à l’intérieur de soi. Avec comme s’il pouvait devenir une source, plutôt qu’une gangrène.
(J’écris ça ici au cas où, un jour, je souhaite me réenterrer)
*
Il y a des cheminées d’usine et une route droite. Impeccablement droite. Il y a des panneaux colorés qui indiquent école, zone commerciale, bureaux, enfances/vies idéales, au-delà de cette limite votre ticket ne sera plus valable. Il y a des lacs, des mers, des océans d’alcool, ça brille au loin, le vent se lève. Je me cogne et me cogne dans la jolie boîte perfusée.
Quand ça s’entaille je lève la tête. Les nuages les maisons les arbres des visages. Les morceaux tombent dans les poubelles, je ne trie pas, ces lambeaux sont de chair, ils roulent en petites boulettes molles entre les jambes pressées, destinées à. Le reste, à vif. J’avale le vent, j’avale la terre.
Il y a des cheminées d’usine gris sur noir et des routes, des routes. Les panneaux sont voilés de noir, plus de ticket. Je sens le fond des mers. Le vent se lève sur les plaies, ça brille là, et là, ça se disperse, s’intensifie, se transforme, meurt et renaît. Des routes et des gouffres où encore, aller
mais
je frémis, dans l’ombre et la lumière
(ours, merci pour tes mots, et sinon je suis venue à Marseille très précisément, et pas dans le Sud en général, parce qu’il me semblait que c’était là, pour moi, qu’il y avait des possibilités d’être – une impression confuse, sans doute un fantasme puisque je connaissais très peu la ville avant d’y venir, mais force est de constater que c’est la première fois de ma vie que je me sens bien dans un lieu où je vis, un peu comme si j’étais dans une ville-brouillon, une ville-esquisse, une ville indéfinie-indéfinissable, une ville non assignable, et que c’est ce qui, précisément, me convient).
Tunnel tristesse/colère/sortie des émotions refoulées (y compris les pires, jalousies, agressivité)/lecture d’Alice Miller/je pleure, je pleure/ intérieurement/ enfance enfin expurgée des préservations d’eux/ deuil réel de ne pas avoir été aimée, enfin ?
Je me laisse le droit de les vivre. Entièrement. J’attends. C’est un cri, oui, mais qui n’est destiné à personne. C’est un cri qui se suffit à lui-même, par le simple fait qu’il peut enfin, exister. Je le réceptionne dans le même mouvement, je suis mon réceptacle. Je ne juge pas, je ne juge rien.
J’entrevois qu’il est possible de casser la longue chaîne du tu dois me réparer, petit être, tu n’existes QUE pour cela. Je veux, la rompre. Pour moi bien sûr, mais aussi pour mes deux loustics.
Alors je ne suis plus l’Ingrate. Je ne suis plus la (mal) liée.
Ils n’ont pas pu faire autrement mais j’ai le droit d’en souffrir, pour ne plus en souffrir. D’en souffrir vraiment, une bonne fois. De leur en vouloir à mort, et plus sans affinités.
C’était ça, le tunnel. J’en sors ?/ Ou bien j’y retourne, mais si je fais cela, je m’enterre.
Alors je fais un pas et je cligne des yeux.
Il n’y a plus à attendre qu’elle parle. Elle ne parlera pas. Je n’ai plus besoin d’elle. Je n’ai plus besoin de la préserver, mais plus besoin non plus qu’elle reconnaisse, qu’elle éclaire, qu’elle solutionne, qu’elle fasse ce qui a manqué car ce qui a manqué a à jamais, manqué.
Je ne suis plus si petite, ma petite.
C’est ce manque-là qui existera toujours, mais je peux faire avec, là, je le sens. Avec comme on isole un endroit non contaminant, à l’intérieur de soi. Avec comme s’il pouvait devenir une source, plutôt qu’une gangrène.
(J’écris ça ici au cas où, un jour, je souhaite me réenterrer)
*
Il y a des cheminées d’usine et une route droite. Impeccablement droite. Il y a des panneaux colorés qui indiquent école, zone commerciale, bureaux, enfances/vies idéales, au-delà de cette limite votre ticket ne sera plus valable. Il y a des lacs, des mers, des océans d’alcool, ça brille au loin, le vent se lève. Je me cogne et me cogne dans la jolie boîte perfusée.
Quand ça s’entaille je lève la tête. Les nuages les maisons les arbres des visages. Les morceaux tombent dans les poubelles, je ne trie pas, ces lambeaux sont de chair, ils roulent en petites boulettes molles entre les jambes pressées, destinées à. Le reste, à vif. J’avale le vent, j’avale la terre.
Il y a des cheminées d’usine gris sur noir et des routes, des routes. Les panneaux sont voilés de noir, plus de ticket. Je sens le fond des mers. Le vent se lève sur les plaies, ça brille là, et là, ça se disperse, s’intensifie, se transforme, meurt et renaît. Des routes et des gouffres où encore, aller
mais
je frémis, dans l’ombre et la lumière
(ours, merci pour tes mots, et sinon je suis venue à Marseille très précisément, et pas dans le Sud en général, parce qu’il me semblait que c’était là, pour moi, qu’il y avait des possibilités d’être – une impression confuse, sans doute un fantasme puisque je connaissais très peu la ville avant d’y venir, mais force est de constater que c’est la première fois de ma vie que je me sens bien dans un lieu où je vis, un peu comme si j’étais dans une ville-brouillon, une ville-esquisse, une ville indéfinie-indéfinissable, une ville non assignable, et que c’est ce qui, précisément, me convient).
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
Il faut le temps que je comprenne.
Moments merveilleux mais si éprouvants vécus ces 3 dernières semaines.
Je suis affectivement au seuil de rupture et physiquement épuisé par tant d'intensité.
Il faut le temps que je comprenne.
La lecture de tes mots me renvoie à certaines personnes qui ce WE m'ont dit des choses à demi mots. Des choses d'indignité, des choses cachées : Il n'y a de terrible en nous que ce qui n'a pas encore été dit.
Et pour dire, il faut l'autre.
Et pour vivre il faut assembler, "compléter des niveaux".
Quelle est ma morale ? Quelles sont les valeurs irréductibles auxquelles je me réfère ?
Quelle est mon éthique ? C'est à dire, comment je souhaite concrétiser ma morale, comment l'appliquer à ma vie quotidienne, comment je dois l'imposer à ceux dont j'ai la charge éducative.
Quelle est mon intégrité ? A savoir que si je suis en morceaux, je ne peux respecter ma morale et mon éthique, or ce sont mes bases. Donc pour les respecter, il me faut être un, unitaire et pour l'être, je dois me protéger, me sauvegarder, me nourrir, me reposer. Seulement une fois réuni, je pourrais me tourner vers l'extérieur, que celui-ci soit d'ordre réel ou fantasmatique.
Quelle est mon environnement ? Quels sont les faits que j'observe ? Les faits, pas l'image de ceux-ci tels qu'ils ont l'habitude de m'assaillir. Les faits, les mots simples, les éléments dans leur nudité factuelle.
Quelles sont les émotions qui me servent à investir le fait, à me l'approprier ? Sans celles-ci, le fait reste extérieur et donc ne m'atteint pas et globalement la vie ne m'atteint pas. Mais si je ne considère que l'émotion, celle-ci me dépasse, m'envahit, me décolle de la réalité.
Ce sont les 5 niveaux de réflexion que je tente d'utiliser au quotidien pour me dépatouiller de ma vie. Ce ne sont que les miens et à chaque "impact", je les balaye, cherchant à valider mes 5 niveaux, tenter de rester en cohérence, exprimer mes affections sans aller à contre sens. Cela me permet d'aller très loin, de récupérer en conscience des sentiments en principe inadmissibles parce que primaires, animaux, reptiliens, .... Dire, écrire ou penser : "là, c'est de la confusion, mais il faut que je le dise, je trierai plus tard parce que j'ai les outils pour le faire et que si je ne dis pas maintenant, je vais faire naître un fantôme qui me hantera".
Je suis loin de ce que tu écris.
Je ne suis pourtant pas certain d'être hors sujet sur le fond.
Mesurer sa puissance, avoir un référentiel, c'est faire tomber les oripeaux, les lambeaux, c'est avoir une certitude, même si celle-ci est "artificielle" et un peu arbitraire, au moins elle est. C'est déjà un point fixe.
Moments merveilleux mais si éprouvants vécus ces 3 dernières semaines.
Je suis affectivement au seuil de rupture et physiquement épuisé par tant d'intensité.
Il faut le temps que je comprenne.
La lecture de tes mots me renvoie à certaines personnes qui ce WE m'ont dit des choses à demi mots. Des choses d'indignité, des choses cachées : Il n'y a de terrible en nous que ce qui n'a pas encore été dit.
Et pour dire, il faut l'autre.
Et pour vivre il faut assembler, "compléter des niveaux".
Quelle est ma morale ? Quelles sont les valeurs irréductibles auxquelles je me réfère ?
Quelle est mon éthique ? C'est à dire, comment je souhaite concrétiser ma morale, comment l'appliquer à ma vie quotidienne, comment je dois l'imposer à ceux dont j'ai la charge éducative.
Quelle est mon intégrité ? A savoir que si je suis en morceaux, je ne peux respecter ma morale et mon éthique, or ce sont mes bases. Donc pour les respecter, il me faut être un, unitaire et pour l'être, je dois me protéger, me sauvegarder, me nourrir, me reposer. Seulement une fois réuni, je pourrais me tourner vers l'extérieur, que celui-ci soit d'ordre réel ou fantasmatique.
Quelle est mon environnement ? Quels sont les faits que j'observe ? Les faits, pas l'image de ceux-ci tels qu'ils ont l'habitude de m'assaillir. Les faits, les mots simples, les éléments dans leur nudité factuelle.
Quelles sont les émotions qui me servent à investir le fait, à me l'approprier ? Sans celles-ci, le fait reste extérieur et donc ne m'atteint pas et globalement la vie ne m'atteint pas. Mais si je ne considère que l'émotion, celle-ci me dépasse, m'envahit, me décolle de la réalité.
Ce sont les 5 niveaux de réflexion que je tente d'utiliser au quotidien pour me dépatouiller de ma vie. Ce ne sont que les miens et à chaque "impact", je les balaye, cherchant à valider mes 5 niveaux, tenter de rester en cohérence, exprimer mes affections sans aller à contre sens. Cela me permet d'aller très loin, de récupérer en conscience des sentiments en principe inadmissibles parce que primaires, animaux, reptiliens, .... Dire, écrire ou penser : "là, c'est de la confusion, mais il faut que je le dise, je trierai plus tard parce que j'ai les outils pour le faire et que si je ne dis pas maintenant, je vais faire naître un fantôme qui me hantera".
Je suis loin de ce que tu écris.
Je ne suis pourtant pas certain d'être hors sujet sur le fond.
Mesurer sa puissance, avoir un référentiel, c'est faire tomber les oripeaux, les lambeaux, c'est avoir une certitude, même si celle-ci est "artificielle" et un peu arbitraire, au moins elle est. C'est déjà un point fixe.
Invité- Invité
Re: Des types en noir
Je digresse sur un truc...
Si oui, je ne crois pas en cette solution.
Tu es perfectionniste, je suppose... alors quand seras-tu pleinement satisfait de ta construction, avant de te tourner vers l'extérieur ?
Tes proches ont besoin de toi maintenant. Ta vie a besoin de toi maintenant. Faudra poursuivre le chantier tout en existant pleinement, j'en ai peur.
Peut-être que je me trompe, mais j'entends dans ce discours un désir d'ermitage pour se recentrer avant de vivre.ours a écrit:A savoir que si je suis en morceaux, je ne peux respecter ma morale et mon éthique, or ce sont mes bases. Donc pour les respecter, il me faut être un, unitaire et pour l'être, je dois me protéger, me sauvegarder, me nourrir, me reposer. Seulement une fois réuni, je pourrais me tourner vers l'extérieur
Si oui, je ne crois pas en cette solution.
Tu es perfectionniste, je suppose... alors quand seras-tu pleinement satisfait de ta construction, avant de te tourner vers l'extérieur ?
Tes proches ont besoin de toi maintenant. Ta vie a besoin de toi maintenant. Faudra poursuivre le chantier tout en existant pleinement, j'en ai peur.
Fa- Messages : 1849
Date d'inscription : 23/06/2012
Age : 45
Re: Des types en noir
Pas autant que tu le dis....
Je me sais fragile, alors je me "rapatrie" vers cette "unification" dès que je sens qu'un sujet me touche fort.
Pour la vie quotidienne, je série les faits et me réfère à mes modèles.
Oui, je pratique l'ermitage et oui j'ai une sociabilité complexe....
Et oui, il me faut des mois pour arriver à vivre sans "réfléchir" avec un groupe relativement restreint.
Et encore, avec les zèbres c'est plus rapide ; je te laisse imaginer avec les autres personnes, ils sont bien souvent passés à autre chose quand moi je suis prêt.
Souvent, j'essaie de faire ou de donner, plutôt que de parler. C'est plus facile pour moi.
Tant pis.
Je ne sais faire que comme cela.
Et la folie, la colère et la haine me prendront si je ne fais pas cela.
Mais, je n'ai jamais prétendu être normal.........
Je me sais fragile, alors je me "rapatrie" vers cette "unification" dès que je sens qu'un sujet me touche fort.
Pour la vie quotidienne, je série les faits et me réfère à mes modèles.
Oui, je pratique l'ermitage et oui j'ai une sociabilité complexe....
Et oui, il me faut des mois pour arriver à vivre sans "réfléchir" avec un groupe relativement restreint.
Et encore, avec les zèbres c'est plus rapide ; je te laisse imaginer avec les autres personnes, ils sont bien souvent passés à autre chose quand moi je suis prêt.
Souvent, j'essaie de faire ou de donner, plutôt que de parler. C'est plus facile pour moi.
Tant pis.
Je ne sais faire que comme cela.
Et la folie, la colère et la haine me prendront si je ne fais pas cela.
Mais, je n'ai jamais prétendu être normal.........
Invité- Invité
Re: Des types en noir
J’ai moi aussi fortement besoin de ce mouvement, solitude et monde, mais je vois ça comme un besoin vital, comme celui de respirer. C’est une sorte d’équilibre subtil qu’il me faut respecter, parce que je ne peux pas vivre, sinon. Il est des périodes où le besoin de solitude est plus fort, parce qu’il y a sans doute plus de choses qui ont bougé et il faut alors un temps plus long d’incubation, de réagencement des morceaux, comme tu le dis, ours.
C’est aussi une base cruciale pour moi dans la relation de couple, être avec quelqu’un qui sait à quel point la solitude m’est nécessaire, et qui ne se sent pas rejeté à cause de ça. Et c’était aussi sans doute ce qui a fait que c’était compliqué pour moi, d’envisager une vie familiale. Même si ça s’invente très bien, finalement.
Sur le dire, je te rejoins ours, et je constate que si on ne parvient pas à dire à un autre, c’est qu’en général on ne parvient pas non plus à se dire à soi, c’est-à-dire à regarder en face et à nommer. Cela nécessite à mon sens une sorte de recul intérieur, un déplacement infime pour laisser ce qui est en soi advenir, se déployer. Alors cela peut être nommé, et ce n’est pas parce que c’est nommé que ça s’ancre, au contraire, ça peut alors nous traverser, puis, partir. (Avant je croyais que mettre des mots signifierait nécessairement un arrêt de mort).
J’ai pris conscience que je m’interdisais de le faire non seulement pour ne pas me confronter au réel, mais aussi parce que, implicitement, je postulais une image valable de moi qui était forcément une, de la forme au tréfonds. Je postulais que la moindre bribe de pensée, la moindre émotion mesquine, ferait de moi un être entièrement et complètement mesquin, pour donner un exemple.
C’est pour cette raison que j’envisage le fait d’être "un" plutôt un conglomérat en perpétuel mouvement (de sensations, perceptions, sentiments, désirs etc.), et que rien de tout cela ne me définit entièrement et absolument, ni ne dit rien d’une "valeur" de soi. Je ne peux pas m’interdire de ressentir, mais je peux m’interdire d’en tirer des principes intimes plombants, des définitions radicales et permanentes, des écarts qui signifieraient encore et encore que je suis nulle et minable.
Je peux en effet rapporter mes émotions aux faits nus dont tu parles, constater parfois le décalage, comprendre ce qui se joue alors. Je peux reconsidérer mes limites, entre moi et le monde (cette intégrité), limites elles-mêmes non figées et sans cesse à reconsidérer. Je peux voir en quoi mes valeurs ne seront pas compromises, voire, au contraire, si je me laisse éprouver, si je comprends, si je respecte, si je ne laisse pas le tout grouiller et m’envahir à mon insu sous prétexte que je ne DOIS pas.
Puis tendre vers, concrètement, ce qui importe pour moi (comprendre, aimer, créer…).
Une tension vers, un agir tendu vers, j’aime bien l’écrire comme ça car du coup je me débarrasse de cette idée de perfection soulevée par Fa, et je laisse l’espace ouvert pour l’expérimentation , le plantage, etc. Et ça ne ruine pas tout, d’emblée.
Alors tu n’es pas du tout hors sujet, au contraire, tu me donnes à réfléchir. J’aime beaucoup ton idée des cinq niveaux. Et je vois bien qu’il y a encore du boulot (ou plutôt, que le boulot est peut-être toujours à faire, si on ne veut pas trop s’éloigner, si on ne veut pas être dans un hiatus existentiel permanent).
Ce dont je prends conscience peu à peu, c’est que ni moi ni l’autre n’est (consubstantiellement, à l'origine) un danger, un monstre, un ogre qui va nécessairement me manger toute crue. Qu’il n’y a pas besoin de se protéger, ou plutôt que se protéger tel que je l’ai fait, c’était le meilleur moyen de ne pas vivre (de l’auto-dévoration en pratique intensive et multiforme). Alors je peux choisir ce que je dis, ce que je laisse voir, je peux même envisager de me positionner (provisoirement), je peux préserver ce qui importe de mes terrains secrets, je peux dire non, oui, etc., mais cela en conscience, disons, ou avec attention (la plus grande attention possible).
Et pas parce que je ne peux pas faire autrement, tétanisée de toutes mes peurs innommables et rampantes, cachées.
C’est aussi une base cruciale pour moi dans la relation de couple, être avec quelqu’un qui sait à quel point la solitude m’est nécessaire, et qui ne se sent pas rejeté à cause de ça. Et c’était aussi sans doute ce qui a fait que c’était compliqué pour moi, d’envisager une vie familiale. Même si ça s’invente très bien, finalement.
Sur le dire, je te rejoins ours, et je constate que si on ne parvient pas à dire à un autre, c’est qu’en général on ne parvient pas non plus à se dire à soi, c’est-à-dire à regarder en face et à nommer. Cela nécessite à mon sens une sorte de recul intérieur, un déplacement infime pour laisser ce qui est en soi advenir, se déployer. Alors cela peut être nommé, et ce n’est pas parce que c’est nommé que ça s’ancre, au contraire, ça peut alors nous traverser, puis, partir. (Avant je croyais que mettre des mots signifierait nécessairement un arrêt de mort).
J’ai pris conscience que je m’interdisais de le faire non seulement pour ne pas me confronter au réel, mais aussi parce que, implicitement, je postulais une image valable de moi qui était forcément une, de la forme au tréfonds. Je postulais que la moindre bribe de pensée, la moindre émotion mesquine, ferait de moi un être entièrement et complètement mesquin, pour donner un exemple.
C’est pour cette raison que j’envisage le fait d’être "un" plutôt un conglomérat en perpétuel mouvement (de sensations, perceptions, sentiments, désirs etc.), et que rien de tout cela ne me définit entièrement et absolument, ni ne dit rien d’une "valeur" de soi. Je ne peux pas m’interdire de ressentir, mais je peux m’interdire d’en tirer des principes intimes plombants, des définitions radicales et permanentes, des écarts qui signifieraient encore et encore que je suis nulle et minable.
Je peux en effet rapporter mes émotions aux faits nus dont tu parles, constater parfois le décalage, comprendre ce qui se joue alors. Je peux reconsidérer mes limites, entre moi et le monde (cette intégrité), limites elles-mêmes non figées et sans cesse à reconsidérer. Je peux voir en quoi mes valeurs ne seront pas compromises, voire, au contraire, si je me laisse éprouver, si je comprends, si je respecte, si je ne laisse pas le tout grouiller et m’envahir à mon insu sous prétexte que je ne DOIS pas.
Puis tendre vers, concrètement, ce qui importe pour moi (comprendre, aimer, créer…).
Une tension vers, un agir tendu vers, j’aime bien l’écrire comme ça car du coup je me débarrasse de cette idée de perfection soulevée par Fa, et je laisse l’espace ouvert pour l’expérimentation , le plantage, etc. Et ça ne ruine pas tout, d’emblée.
Alors tu n’es pas du tout hors sujet, au contraire, tu me donnes à réfléchir. J’aime beaucoup ton idée des cinq niveaux. Et je vois bien qu’il y a encore du boulot (ou plutôt, que le boulot est peut-être toujours à faire, si on ne veut pas trop s’éloigner, si on ne veut pas être dans un hiatus existentiel permanent).
Ce dont je prends conscience peu à peu, c’est que ni moi ni l’autre n’est (consubstantiellement, à l'origine) un danger, un monstre, un ogre qui va nécessairement me manger toute crue. Qu’il n’y a pas besoin de se protéger, ou plutôt que se protéger tel que je l’ai fait, c’était le meilleur moyen de ne pas vivre (de l’auto-dévoration en pratique intensive et multiforme). Alors je peux choisir ce que je dis, ce que je laisse voir, je peux même envisager de me positionner (provisoirement), je peux préserver ce qui importe de mes terrains secrets, je peux dire non, oui, etc., mais cela en conscience, disons, ou avec attention (la plus grande attention possible).
Et pas parce que je ne peux pas faire autrement, tétanisée de toutes mes peurs innommables et rampantes, cachées.
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
A propos du besoin de solitude, cette vidéo a déjà été postée par je ne sais plus qui sur ce forum, pardon de la repompe, mais ça t'intéressera peut-être :
Fa- Messages : 1849
Date d'inscription : 23/06/2012
Age : 45
Re: Des types en noir
Merci pour le lien, je suis une quiche en anglais mais je crois avoir compris l’essentiel (que je partage).
Mogwai a écrit sur son fil, l’amour, c’est subversif. Oui, je crois aussi, et parfois je me dis ça :
Et si on arrêtait de raisonner en termes de différences/similitudes ?
Et si on pouvait juste parler de singularités ? Chaque être humain, humain et irréductiblement singulier. Et que c’est là tout l’enjeu, toute la richesse du monde. La biodiversité, je ne vois pas pourquoi ça ne serait que pour les plantes et les animaux, en fait, même si c’est crucial, bien entendu (mais aussi pour les livres et les gens, hop).
Humain, sur cette base je peux bâtir une égalité des droits, je peux reconnaître en chaque autre son humanité.
Singularités, sur celles-ci je peux réfléchir à l’équité, au vivre ensemble pour que chacun puisse avoir sa place, suivre son chemin (et non pour que chacun puisse être rectifié et conduit là où il faut).
C’est sémantique (et écrit à la hache hyper réductrice), mais pas que. Il me semble que c’est une façon de voir qui change radicalement les choses. On entre dans l’altérité, en somme (il me semble qu’on n’y est pas encore, qu’on en est loin, sous couvert du culte de l’individu auto-épanouissant qui bizarrement, n’aspire qu’à ressembler à l’autre, ou que les autres lui ressemblent – et les moutons seront bien gardés par Apple et Diet Coke).
On entre dans la possibilité de l’amour, qui se distingue de l’amour du même, du miroir, de l’objet, etc. (versus la haine/peur de l’étranger, de l’étrange, du non-soi, de ce qui échappe et ne peut se chosifier à notre bon vouloir). On sort du normal-pas normal-à normaliser, on sort des représentations toutes faites et du prêt à penser, prêt à étiqueter, on essaye de trouver des ponts, des passerelles, on invente des fils qui nous tiennent et nous relient, et pas malgré, mais bien grâce à (aux échanges et aux ouvertures mutuelles, sur un vrai Autre, à ce que ça apporte de potentiellement bouleversant).
On arrête d’avoir PEUR, en somme.
Peu de temps après la rentrée, j’attendais mon fils devant l’école, et j’entends une nana dire à un type à côté de moi : J’ai vraiment hésité à mettre mon enfant ici, car y a des handicapés, une classe spéciale, ça craint. L’autre renchérissait. J’attendais mon fils qui est dans cette classe spéciale (CLIS), et j’écoutais cette nana sans rien dire, et je ne sais pas, je crois que je me suis sentie désespérée. Car ce n’est pas une question de connerie spécifique à cette femme, d’ailleurs elle n’est peut-être pas conne du tout, et c’est tellement et partout si bien partagée, la peur (quand je vois que même dans le "milieu du handicap" — sic, par exemple, il y a des jugements de valeurs subtils et des peurs similaires, ça me rend malade, un peu).
En quatre ans de scolarité/broyage désastreux, c’est la première fois, avec cette école-là (classée ZEP, beaucoup de primo-arrivants, une CLIS, beaucoup d’enfants avec auxiliaires de vie scolaire dans les classes dites "ordinaires", une équipe enseignante motivée et formidable), qu’on sent l’enfant accueilli pour ce qu’il est. Il n’est plus un PROBLEME, celui qui dérange, celui qui ne colle pas. On cherche à le comprendre, à alimenter sa curiosité, ses appétences, on ne se focalise plus sur ce qui ne va pas. On le laisse être et se déployer. On le nourrit, plutôt que le faner prématurément.
J’écris cela parce qu’évidemment c’est là d’où je parle. De mon expérience intime de mère, mais aussi d’un vécu finalement assez similaire (où le broyage des identités était ce qui était BON, en particulier, et en général, pour la société).
C’est peut-être pour ça que je me suis toujours intéressée aux lieux de relégation : la prison, l’hôpital psychiatrique, les maisons pour les vieux.
Ces lieux de mise à l’écart, opaques, d’enfermement.
Des traductions architecturales concrètes d’autres enfermements, moins visibles, plus psychiques, qui courent dans la société toute entière.
C’est aussi pour ça que j’ai du mal en termes politiques, car il me semble que l’articulation et la pensée nécessaire, entre égalité et liberté, pour le dire vite, n’est faite nulle part, que certains mots sont privatisés par les uns ou les autres, et que pèse des interdits (de pensée) dans tous les camps, comme si on était paralysé, incapable d’inventer d’autres façons d’être ensemble.
Mogwai a écrit sur son fil, l’amour, c’est subversif. Oui, je crois aussi, et parfois je me dis ça :
Et si on arrêtait de raisonner en termes de différences/similitudes ?
Et si on pouvait juste parler de singularités ? Chaque être humain, humain et irréductiblement singulier. Et que c’est là tout l’enjeu, toute la richesse du monde. La biodiversité, je ne vois pas pourquoi ça ne serait que pour les plantes et les animaux, en fait, même si c’est crucial, bien entendu (mais aussi pour les livres et les gens, hop).
Humain, sur cette base je peux bâtir une égalité des droits, je peux reconnaître en chaque autre son humanité.
Singularités, sur celles-ci je peux réfléchir à l’équité, au vivre ensemble pour que chacun puisse avoir sa place, suivre son chemin (et non pour que chacun puisse être rectifié et conduit là où il faut).
C’est sémantique (et écrit à la hache hyper réductrice), mais pas que. Il me semble que c’est une façon de voir qui change radicalement les choses. On entre dans l’altérité, en somme (il me semble qu’on n’y est pas encore, qu’on en est loin, sous couvert du culte de l’individu auto-épanouissant qui bizarrement, n’aspire qu’à ressembler à l’autre, ou que les autres lui ressemblent – et les moutons seront bien gardés par Apple et Diet Coke).
On entre dans la possibilité de l’amour, qui se distingue de l’amour du même, du miroir, de l’objet, etc. (versus la haine/peur de l’étranger, de l’étrange, du non-soi, de ce qui échappe et ne peut se chosifier à notre bon vouloir). On sort du normal-pas normal-à normaliser, on sort des représentations toutes faites et du prêt à penser, prêt à étiqueter, on essaye de trouver des ponts, des passerelles, on invente des fils qui nous tiennent et nous relient, et pas malgré, mais bien grâce à (aux échanges et aux ouvertures mutuelles, sur un vrai Autre, à ce que ça apporte de potentiellement bouleversant).
On arrête d’avoir PEUR, en somme.
Peu de temps après la rentrée, j’attendais mon fils devant l’école, et j’entends une nana dire à un type à côté de moi : J’ai vraiment hésité à mettre mon enfant ici, car y a des handicapés, une classe spéciale, ça craint. L’autre renchérissait. J’attendais mon fils qui est dans cette classe spéciale (CLIS), et j’écoutais cette nana sans rien dire, et je ne sais pas, je crois que je me suis sentie désespérée. Car ce n’est pas une question de connerie spécifique à cette femme, d’ailleurs elle n’est peut-être pas conne du tout, et c’est tellement et partout si bien partagée, la peur (quand je vois que même dans le "milieu du handicap" — sic, par exemple, il y a des jugements de valeurs subtils et des peurs similaires, ça me rend malade, un peu).
En quatre ans de scolarité/broyage désastreux, c’est la première fois, avec cette école-là (classée ZEP, beaucoup de primo-arrivants, une CLIS, beaucoup d’enfants avec auxiliaires de vie scolaire dans les classes dites "ordinaires", une équipe enseignante motivée et formidable), qu’on sent l’enfant accueilli pour ce qu’il est. Il n’est plus un PROBLEME, celui qui dérange, celui qui ne colle pas. On cherche à le comprendre, à alimenter sa curiosité, ses appétences, on ne se focalise plus sur ce qui ne va pas. On le laisse être et se déployer. On le nourrit, plutôt que le faner prématurément.
J’écris cela parce qu’évidemment c’est là d’où je parle. De mon expérience intime de mère, mais aussi d’un vécu finalement assez similaire (où le broyage des identités était ce qui était BON, en particulier, et en général, pour la société).
C’est peut-être pour ça que je me suis toujours intéressée aux lieux de relégation : la prison, l’hôpital psychiatrique, les maisons pour les vieux.
Ces lieux de mise à l’écart, opaques, d’enfermement.
Des traductions architecturales concrètes d’autres enfermements, moins visibles, plus psychiques, qui courent dans la société toute entière.
C’est aussi pour ça que j’ai du mal en termes politiques, car il me semble que l’articulation et la pensée nécessaire, entre égalité et liberté, pour le dire vite, n’est faite nulle part, que certains mots sont privatisés par les uns ou les autres, et que pèse des interdits (de pensée) dans tous les camps, comme si on était paralysé, incapable d’inventer d’autres façons d’être ensemble.
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
Re: Des types en noir
Désolé pour l'angliche... Bon, pour ce qui est de parler en termes de singularités... oui, mais comment éviter les réponse du genre "ah oui, mon fils fait ça aussi", ou "tiens, moi je fonctionne différemment". Alors, ce n'est peut-être pas le discours qui est à modifier mais les conclusions qu'on en tire (va-t-on essayer de recadrer une différence, rectifier, comme tu le dis, ou l'accepter avec le coeur ouvert).
Bah c'est pas si humain que ça, d'avoir le coeur ouvert, on dirait. Et en disant ça je ferme moi-même le coeur à ces coeur-fermés. Devrais-je les accepter davantage ?
L'important est peut-être dans la capacité à protéger qui en a besoin. Pas l'impression que ces parents étriqués devant l'école aient besoin de mon coeur... par contre, lorsqu'il est question de personnes sensibles, fragiles - et on y est en plein, je suppose, avec les enfants et le "milieu du handicap" - il est urgent de l'ouvrir.
En tout cas c'est chouette que tu aies pu trouver ce lieu et un accueil enseignant à la hauteur, à défaut d'y trouver une ambiance formidable avec les autres parents.
Bah c'est pas si humain que ça, d'avoir le coeur ouvert, on dirait. Et en disant ça je ferme moi-même le coeur à ces coeur-fermés. Devrais-je les accepter davantage ?
L'important est peut-être dans la capacité à protéger qui en a besoin. Pas l'impression que ces parents étriqués devant l'école aient besoin de mon coeur... par contre, lorsqu'il est question de personnes sensibles, fragiles - et on y est en plein, je suppose, avec les enfants et le "milieu du handicap" - il est urgent de l'ouvrir.
En tout cas c'est chouette que tu aies pu trouver ce lieu et un accueil enseignant à la hauteur, à défaut d'y trouver une ambiance formidable avec les autres parents.
Fa- Messages : 1849
Date d'inscription : 23/06/2012
Age : 45
Re: Des types en noir
L’univers administratif concentrationnaire et judiciaire, et l’intérieur de ma Tête, c’est pareil. C’est pour ça que j’ai tant aimé Kafka. Des kilomètres et des kilomètres de règles, sous-règles, sous-sous règles à appliquer (mais lesquelles, pourquoi), je suis coupable (de quoi), et je ne pourrai ni sortir, ni entrer.
Nulle part.
Jamais.
*
Prisonnier, oui.
Comme Henry Spencer et sa jolie bouille ?
(comme toi et moi, quoi)
*
Parfois on regarde le monde, et il n’y a plus aucun geste possible.
*
Et, on ne sait pourquoi, le lendemain ou un autre jour, on a peut-être évité — de justesse — les bestioles immondes dans la Tête,
On n’a rien fait de spécial, on n’attendait rien
Il y a juste
Quoi ?
Un brin de soleil une parcelle de peau une trouvaille un éclaircissement un décalage une étrangeté un souffle une perte soudaine d’habitudes une possibilité?
C’est flagrant, on le flaire on le flambe.
Tout est déjà et entièrement là.
Jusqu’au prochain accablement (que je dois tant aimer, pire que l’amour, pour si consciencieusement, si régulièrement, m’y vautrer)
Et à nouveau regarder le monde sans pouvoir s'y fondre, sans pouvoir le toucher
Nulle part.
Jamais.
*
Prisonnier, oui.
Comme Henry Spencer et sa jolie bouille ?
(comme toi et moi, quoi)
*
Parfois on regarde le monde, et il n’y a plus aucun geste possible.
*
Et, on ne sait pourquoi, le lendemain ou un autre jour, on a peut-être évité — de justesse — les bestioles immondes dans la Tête,
On n’a rien fait de spécial, on n’attendait rien
Il y a juste
Quoi ?
Un brin de soleil une parcelle de peau une trouvaille un éclaircissement un décalage une étrangeté un souffle une perte soudaine d’habitudes une possibilité?
C’est flagrant, on le flaire on le flambe.
Tout est déjà et entièrement là.
Jusqu’au prochain accablement (que je dois tant aimer, pire que l’amour, pour si consciencieusement, si régulièrement, m’y vautrer)
Et à nouveau regarder le monde sans pouvoir s'y fondre, sans pouvoir le toucher
le navet- Messages : 72
Date d'inscription : 05/10/2012
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