A la recherche d'Atoum
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Lemniscate le papillon
Aerienne
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A la recherche d'Atoum
Oui Qilin et Lemniscate,
Je partage : pour moi aussi - me respecter ''c' est savoir dire non - accompagné d' un argumentaire ouvert laissant la porte ouverte à une dialogue......'' mais, c' est aussi ''une marque de respect envers l' Autre et
Soi-Même - zone de protection et d' être en accord avec soi-même -
Je partage : pour moi aussi - me respecter ''c' est savoir dire non - accompagné d' un argumentaire ouvert laissant la porte ouverte à une dialogue......'' mais, c' est aussi ''une marque de respect envers l' Autre et
Soi-Même - zone de protection et d' être en accord avec soi-même -
Aerienne- Messages : 1063
Date d'inscription : 11/03/2012
Age : 66
Localisation : GOLFE JUAN
Re: A la recherche d'Atoum
Oui.... c'est ce que je disais....
Bizzz à toi... Aerienne
Bizzz à toi... Aerienne
Lemniscate le papillon- Messages : 6348
Date d'inscription : 29/06/2012
Age : 55
Localisation : Gard
Re: A la recherche d'Atoum
J'ai pas un rire tonitruant ni de hyenne, j'ai un rire plutôt cristallin et j'aime rire
ce que je deviens ??
je sais pas
pour le moment je suis dans l'isolement (2 semaines sans voir personne) et digère ce que je suis (être et suivre)
je ressent, lis, écris,
et me tais parceque le mental ne va pas assez vite pour transcrire ce qui me parvient… m'arrive souvent…
parler d'autre chose peux pas dans ces moments
arrive même pas à vous répondre...
le corps est en pleine forme mais je dors beaucoup et ne mange plus
voili voilou la tête du loup
pour vous les amis :
http://lestransformations.wordpress.com/category/la-divine-matrice-gregg-braden/
(trouvé en élaborant une recherche sur ce que j'avais d'important à partager sur la compassion et le pardon mais comme écrit au dessus pas assez rapide la transmission )
ce que je deviens ??
je sais pas
pour le moment je suis dans l'isolement (2 semaines sans voir personne) et digère ce que je suis (être et suivre)
je ressent, lis, écris,
et me tais parceque le mental ne va pas assez vite pour transcrire ce qui me parvient… m'arrive souvent…
parler d'autre chose peux pas dans ces moments
arrive même pas à vous répondre...
le corps est en pleine forme mais je dors beaucoup et ne mange plus
voili voilou la tête du loup
pour vous les amis :
http://lestransformations.wordpress.com/category/la-divine-matrice-gregg-braden/
(trouvé en élaborant une recherche sur ce que j'avais d'important à partager sur la compassion et le pardon mais comme écrit au dessus pas assez rapide la transmission )
Re: A la recherche d'Atoum
L'HOMME
Il y a un bouillonnement en moi qui ne cesse de vouloir percer coquille.
Une vrille qui taraude. Qui perce. Qui de ci, de là, oscille.
Un sable qui abrase, porté par des nuées dantesques ...
Je lâche ma plume au plus près du presque.
Ces larmes de sangs s'enroulent en traversant l'opercule qui doucement s'évase ...
Carambolage. Frictions. Des frissons me transpercent. C'est la mort qui arase.
Carambolage. Frictions. Des frissons me transpercent. C'est la mort qui arase.
Et ces mots qui se bousculent, qui trépignent à l'issue !!!
Qui ne disent rien de ma putain de vie. Bourrus !!!
Les sentiments qui coincent, les valises qui grincent
La peur au ventre, les tripes qui rentrent, la folie qui rôde.
La peur au ventre, les tripes qui rentrent, la folie qui rôde.
Chaque fois que je saisis un crayon reviennent les fantômes.
Chaque fois que mon œil se porte au clavier
Naissent les spectres du deuil et de ses arômes.
Il n'est pas de raison du passé se délier.
Je ne sais où chercher une issue qui me draine, qui me rince
Je ne sais où passer. Comme au temps d'Hérode
Je vais me promener au sein de mon temple
A regarder les monts que les heures contemplent.
Je ne sais pas parler. Ces vagues déferlantes restent enfermées
Elles sont la chaleur sous une lame de glace
Qui me tient encastré. J'ai de la peine en moi, une peine qui lasse,
Ne fait que me charger. Des saveurs par les sens élimées
Elles sont la chaleur sous une lame de glace
Qui me tient encastré. J'ai de la peine en moi, une peine qui lasse,
Ne fait que me charger. Des saveurs par les sens élimées
Ne laissent plus de traces. Je me suis oublié.
Et j'ai oublié le monde, dans sa drôle de facondeDans ces cris éthérés et ses grondements sauvages
Dans la face d'un mort et celle de La Joconde
Au sourire qui fond. Et Le Caravage
Qui peint des tableaux doux où je suis relié.
Je suis dans le monde sans jamais trop y être. Carapace peut-être
Ou gel sans redoux.
Tout me blesse et m'achève et je tombe à genoux.Ou gel sans redoux.
Je ne sais plus bouger ni paraitre.
La colère passée, ainsi que l'aventure
Ne me fait que rentrer dans encore une armure
Où les échos externes sont comme affaiblis.
Oh ... vite ... un verre de chablis !
Ou un verre de gin. Ou deux. Et encore d'autres.
Plus un plein de délires où je me vautre
A la fois noyé dans mes larmes et dans le vomi
De ces sombres auspices où j'ai souvent gémi.
Plus un plein de délires où je me vautre
A la fois noyé dans mes larmes et dans le vomi
De ces sombres auspices où j'ai souvent gémi.
Et puis une cohortes de rêves à la con
Des désirs inachevés, des doutes à foison
De sombres dédales bourrés de cloisons
Où je fracasse mon âme à coups de horions.
Des désirs inachevés, des doutes à foison
De sombres dédales bourrés de cloisons
Où je fracasse mon âme à coups de horions.
De tempêtes externes en calme assourdissant
Je vogue ici et là. Je vogue ... je surnage !
Je tourne en permanence des pagesJe vogue ici et là. Je vogue ... je surnage !
Noircies ou pas. Plutôt grisâtres. Rage
De ne pas avoir le temps d'y poser la mine
Du crayon de la patience qui démine
Les pièges des différences et du temps :
De la vie remplie et mobile les deux aréopages.
Plante asséché dont la sève d'avant
Coule encore si fort dans les branches austères
Je ne peux pourtant pas me dépoter avant
Que de n'avoir compris ce qu'on propose comme terre
Où planter mes racines.Que de n'avoir compris ce qu'on propose comme terre
Quand dans une bassine, même mobile à souhait
On ne touche rien du monde. J'hallucine
Quand je sens les frémissements du frais
On ne touche rien du monde. J'hallucine
Quand je sens les frémissements du frais
Qui se lève sur la mer étale.
Je ne sais si je rêve ou je m'accroche
Je ne sais pas si je vogue ou me décrocheA des amers sous l'eau régale.
Je ne sais pas. Je suis dissous. Par cet acide qui me plonge
Dans des vapeurs délétères. Endormi par de l'éther
Je ne sais plus qu'aller où s'allongent
Les ombres mortes de Déméter.
Dernière édition par Qilin le Jeu 24 Jan 2013 - 13:45, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
L'enfant égoïste
Les adultes croient facilement que l'enfant ne pense qu'à lui. Jusqu'à six ou sept ans, en effet, il s'occupe surtout de sa propre personne. Les psychologues appellent cela de l'égocentrisme et non de l'égoïsme, car cette attitude est une condition importante du développement de l'enfant. Au moment où le tout-petit doit tout apprendre : se tenir debout, marcher, parler, reconnaître et comprendre ceux qui l'entourent, il est normal qu'il soit profondément absorbé par ce qu'il fait lui-même.
Il est nécessaire que les choses se Il est nécessaire que les choses se passent ainsi. La nature a voulu que l'enfant cherche à satisfaire ses propres besoins avant ceux des autres. Il faut qu'il chante, qu'il crie, qu'il saute, qu'il tire, pousse et manipule les objets à sa portée, même au risque de provoquer un accident. Il faut qu'il mange pour grandir et acquérir des forces, même si d'autres autour de lui doivent à cause de cela manquer du nécessaire. Toutes ces tendances égocentriques ne doivent pas être prises pour de l'égoïsme. On remarque, en revanche, que même le tout petit enfant aime partager ses joies avec la personne qui se trouve à ses côtés. Il vous est probablement arrivé de voir s'approcher de votre visage, tendu par un bras énergique, un biscuit entamé ou même un bonbon généreusement retiré de la bouche.
Déformation regrettable de l'égocentrisme
Il est regrettable que ces tendances égocentriques saines et naturelles subissent très souvent une fâcheuse déformation et deviennent de l'égoïsme. C'est tout simplement parce qu'on n'a pas su les diriger, les contrôler et inculquer l'habitude de freiner un désir, de s'opposer à la croissance d'une passion. On n'a pas inculqué à l'enfant la valeur absolue et définitive d'un "non" calme et décidé. C'est qu'on ne lui a donné ni l'exemple ni l'occasion de faire plaisir aux autres ou simplement de leur éviter certains inconvénients. On n'a pas su profiter des élans de générosité dont nous parlions tout à l'heure.
L'enfant qui a reçu un sachet de bonbons les présente volontiers à sa mère, à son père ou à d'autres personnes, surtout s'il a vu que cela se pratique dans le milieu où il vit. Que de fois, alors, les personnes qui sont l'objet de cette attention repoussent la petite main tendue en disant : "Non, mon chéri, c'est pour toi !" Il suffira de deux ou trois expériences analogues pour que l'enfant comprenne que ce qu'on lui donne est uniquement pour lui et qu'il n'a aucune raison de partager avec d'autres puisque les autres eux-mêmes le refusent.
Quelques causes d'égoïsme chez l'enfant
On a remarqué que les enfants uniques sont plus facilement égoïstes que ceux qui ont des frères et soeurs. Il faut donc souhaiter que les enfants ne soient pas obligés de vivre seuls aux foyers. Si toutefois cette circonstance se produisait, il faudrait toujours accueillir avec empressement, quoique avec toute la prudence nécessaire, les camarades de l'enfant unique. Celui-ci doit se sentir libre de demander la permission d'inviter quelques petits voisins à venir jouer avec lui. On pourra également lui permettre de répondre à certaines invitations semblables, pourvu que le contrôle nécessaire soit toujours possible et efficace. Il vaudrait mieux, de toute façon, que l'enfant unique jouisse seulement de la compagnie de ses parents plutôt que de l'exposer à contracter des amitiés douteuses. Les parents des enfants uniques s'efforceront, plus que les autres, d'être de bons camarades pour leurs enfants et de s'associer étroitement à leurs travaux et à leurs jeux.
Les enfants dont les parents s'entendent mal ou sont séparés sont aussi très facilement égoïstes, car les époux en dispute cherchent toujours à s'assurer les bonnes grâces de ces enfants par des cadeaux, des promesses inconsidérées ou des faiblesses. Dans ces circonstances-là il n'y a pas d'autre remède qu'un rapprochement entre les époux et un effort sincère pour se comprendre mutuellement.
L'égoïsme peut se développer également dans les écoles où les élèves sont habituellement comparés les uns aux autres et où une émulation collective les oppose. Lorsqu'ils se classent parmi les premiers, ils en conçoivent une fierté qui leur fait croire à leur importance et attire leur attention sur leur grande valeur personnelle, leurs mérites et par conséquent sur les égards qu'on leur doit. Si, au contraire, ils sont classés parmi les derniers, ils peuvent développer un complexe d'infériorité contre lequel ils réagissent en cherchant à s'affirmer par d'autres moyens que par le succès dans les études ; par des actes de méchanceté ou de violence ou par des excentricités ils essaient alors de souligner l'importance de leur personnalité.
Il est regrettable que ces tendances égocentriques saines et naturelles subissent très souvent une fâcheuse déformation et deviennent de l'égoïsme. C'est tout simplement parce qu'on n'a pas su les diriger, les contrôler et inculquer l'habitude de freiner un désir, de s'opposer à la croissance d'une passion. On n'a pas inculqué à l'enfant la valeur absolue et définitive d'un "non" calme et décidé. C'est qu'on ne lui a donné ni l'exemple ni l'occasion de faire plaisir aux autres ou simplement de leur éviter certains inconvénients. On n'a pas su profiter des élans de générosité dont nous parlions tout à l'heure.
L'enfant qui a reçu un sachet de bonbons les présente volontiers à sa mère, à son père ou à d'autres personnes, surtout s'il a vu que cela se pratique dans le milieu où il vit. Que de fois, alors, les personnes qui sont l'objet de cette attention repoussent la petite main tendue en disant : "Non, mon chéri, c'est pour toi !" Il suffira de deux ou trois expériences analogues pour que l'enfant comprenne que ce qu'on lui donne est uniquement pour lui et qu'il n'a aucune raison de partager avec d'autres puisque les autres eux-mêmes le refusent.
Quelques causes d'égoïsme chez l'enfant
On a remarqué que les enfants uniques sont plus facilement égoïstes que ceux qui ont des frères et soeurs. Il faut donc souhaiter que les enfants ne soient pas obligés de vivre seuls aux foyers. Si toutefois cette circonstance se produisait, il faudrait toujours accueillir avec empressement, quoique avec toute la prudence nécessaire, les camarades de l'enfant unique. Celui-ci doit se sentir libre de demander la permission d'inviter quelques petits voisins à venir jouer avec lui. On pourra également lui permettre de répondre à certaines invitations semblables, pourvu que le contrôle nécessaire soit toujours possible et efficace. Il vaudrait mieux, de toute façon, que l'enfant unique jouisse seulement de la compagnie de ses parents plutôt que de l'exposer à contracter des amitiés douteuses. Les parents des enfants uniques s'efforceront, plus que les autres, d'être de bons camarades pour leurs enfants et de s'associer étroitement à leurs travaux et à leurs jeux.
Les enfants dont les parents s'entendent mal ou sont séparés sont aussi très facilement égoïstes, car les époux en dispute cherchent toujours à s'assurer les bonnes grâces de ces enfants par des cadeaux, des promesses inconsidérées ou des faiblesses. Dans ces circonstances-là il n'y a pas d'autre remède qu'un rapprochement entre les époux et un effort sincère pour se comprendre mutuellement.
L'égoïsme peut se développer également dans les écoles où les élèves sont habituellement comparés les uns aux autres et où une émulation collective les oppose. Lorsqu'ils se classent parmi les premiers, ils en conçoivent une fierté qui leur fait croire à leur importance et attire leur attention sur leur grande valeur personnelle, leurs mérites et par conséquent sur les égards qu'on leur doit. Si, au contraire, ils sont classés parmi les derniers, ils peuvent développer un complexe d'infériorité contre lequel ils réagissent en cherchant à s'affirmer par d'autres moyens que par le succès dans les études ; par des actes de méchanceté ou de violence ou par des excentricités ils essaient alors de souligner l'importance de leur personnalité.
Égoïsme par ignorance
Lorsqu'un enfant semble être égoïste, il ne faut pas oublier qu'il l'est très souvent par ignorance. Il ne peut pas savoir tout de suite à quel point certains de ses actes risquent de nuire à autrui. Il ne sait pas que le bruit de son tambour réveille le bébé endormi dans la pièce voisine, il ne sait pas qu'un beau vase coûte cher et que, s'il le jette par terre pour voir s'il rebondit comme une balle, le désastre est irréparable ; il ne sait pas que d'autres enfants ont faim, alors qu'il a lui-même toutes sortes de bonnes choses à sa disposition.
C'est peu à peu que les parents devront aider l'enfant à comprendre que les personnes qui l'entourent éprouvent les mêmes sentiments que lui : qu'elles peuvent, elles aussi, avoir faim, soif ou froid ; qu'elles sont sensibles comme lui à tout ce qui fait de la peine et que la cause de leurs rires et de leurs larmes ressemble à celle qui le fait rire ou pleurer lui-même. C'est donc vraiment rendre service à un enfant que de lui inculquer le respect, la considération, l'estime, la sympathie pour les hommes, les femmes et les enfants qu'il rencontre. Nous ne pensons pas qu'il faille offrir trop tôt à un enfant le spectacle de la souffrance humaine, mais nous croyons qu'il n'est jamais trop tôt pour lui inspirer sans contrainte et surtout sans menaces un acte de bonté, un sacrifice en faveur des plus pauvres ou des plus malheureux que lui. Cette culture des sentiments les plus nobles du cœur sera certainement le meilleur moyen d'empêcher la formation de l'égoïsme et de le combattre s'il s'est déjà manifesté.
Les adultes croient facilement que l'enfant ne pense qu'à lui. Jusqu'à six ou sept ans, en effet, il s'occupe surtout de sa propre personne. Les psychologues appellent cela de l'égocentrisme et non de l'égoïsme, car cette attitude est une condition importante du développement de l'enfant. Au moment où le tout-petit doit tout apprendre : se tenir debout, marcher, parler, reconnaître et comprendre ceux qui l'entourent, il est normal qu'il soit profondément absorbé par ce qu'il fait lui-même.
Il est nécessaire que les choses se Il est nécessaire que les choses se passent ainsi. La nature a voulu que l'enfant cherche à satisfaire ses propres besoins avant ceux des autres. Il faut qu'il chante, qu'il crie, qu'il saute, qu'il tire, pousse et manipule les objets à sa portée, même au risque de provoquer un accident. Il faut qu'il mange pour grandir et acquérir des forces, même si d'autres autour de lui doivent à cause de cela manquer du nécessaire. Toutes ces tendances égocentriques ne doivent pas être prises pour de l'égoïsme. On remarque, en revanche, que même le tout petit enfant aime partager ses joies avec la personne qui se trouve à ses côtés. Il vous est probablement arrivé de voir s'approcher de votre visage, tendu par un bras énergique, un biscuit entamé ou même un bonbon généreusement retiré de la bouche.
Déformation regrettable de l'égocentrisme
Il est regrettable que ces tendances égocentriques saines et naturelles subissent très souvent une fâcheuse déformation et deviennent de l'égoïsme. C'est tout simplement parce qu'on n'a pas su les diriger, les contrôler et inculquer l'habitude de freiner un désir, de s'opposer à la croissance d'une passion. On n'a pas inculqué à l'enfant la valeur absolue et définitive d'un "non" calme et décidé. C'est qu'on ne lui a donné ni l'exemple ni l'occasion de faire plaisir aux autres ou simplement de leur éviter certains inconvénients. On n'a pas su profiter des élans de générosité dont nous parlions tout à l'heure.
L'enfant qui a reçu un sachet de bonbons les présente volontiers à sa mère, à son père ou à d'autres personnes, surtout s'il a vu que cela se pratique dans le milieu où il vit. Que de fois, alors, les personnes qui sont l'objet de cette attention repoussent la petite main tendue en disant : "Non, mon chéri, c'est pour toi !" Il suffira de deux ou trois expériences analogues pour que l'enfant comprenne que ce qu'on lui donne est uniquement pour lui et qu'il n'a aucune raison de partager avec d'autres puisque les autres eux-mêmes le refusent.
Quelques causes d'égoïsme chez l'enfant
On a remarqué que les enfants uniques sont plus facilement égoïstes que ceux qui ont des frères et soeurs. Il faut donc souhaiter que les enfants ne soient pas obligés de vivre seuls aux foyers. Si toutefois cette circonstance se produisait, il faudrait toujours accueillir avec empressement, quoique avec toute la prudence nécessaire, les camarades de l'enfant unique. Celui-ci doit se sentir libre de demander la permission d'inviter quelques petits voisins à venir jouer avec lui. On pourra également lui permettre de répondre à certaines invitations semblables, pourvu que le contrôle nécessaire soit toujours possible et efficace. Il vaudrait mieux, de toute façon, que l'enfant unique jouisse seulement de la compagnie de ses parents plutôt que de l'exposer à contracter des amitiés douteuses. Les parents des enfants uniques s'efforceront, plus que les autres, d'être de bons camarades pour leurs enfants et de s'associer étroitement à leurs travaux et à leurs jeux.
Les enfants dont les parents s'entendent mal ou sont séparés sont aussi très facilement égoïstes, car les époux en dispute cherchent toujours à s'assurer les bonnes grâces de ces enfants par des cadeaux, des promesses inconsidérées ou des faiblesses. Dans ces circonstances-là il n'y a pas d'autre remède qu'un rapprochement entre les époux et un effort sincère pour se comprendre mutuellement.
L'égoïsme peut se développer également dans les écoles où les élèves sont habituellement comparés les uns aux autres et où une émulation collective les oppose. Lorsqu'ils se classent parmi les premiers, ils en conçoivent une fierté qui leur fait croire à leur importance et attire leur attention sur leur grande valeur personnelle, leurs mérites et par conséquent sur les égards qu'on leur doit. Si, au contraire, ils sont classés parmi les derniers, ils peuvent développer un complexe d'infériorité contre lequel ils réagissent en cherchant à s'affirmer par d'autres moyens que par le succès dans les études ; par des actes de méchanceté ou de violence ou par des excentricités ils essaient alors de souligner l'importance de leur personnalité.
Il est regrettable que ces tendances égocentriques saines et naturelles subissent très souvent une fâcheuse déformation et deviennent de l'égoïsme. C'est tout simplement parce qu'on n'a pas su les diriger, les contrôler et inculquer l'habitude de freiner un désir, de s'opposer à la croissance d'une passion. On n'a pas inculqué à l'enfant la valeur absolue et définitive d'un "non" calme et décidé. C'est qu'on ne lui a donné ni l'exemple ni l'occasion de faire plaisir aux autres ou simplement de leur éviter certains inconvénients. On n'a pas su profiter des élans de générosité dont nous parlions tout à l'heure.
L'enfant qui a reçu un sachet de bonbons les présente volontiers à sa mère, à son père ou à d'autres personnes, surtout s'il a vu que cela se pratique dans le milieu où il vit. Que de fois, alors, les personnes qui sont l'objet de cette attention repoussent la petite main tendue en disant : "Non, mon chéri, c'est pour toi !" Il suffira de deux ou trois expériences analogues pour que l'enfant comprenne que ce qu'on lui donne est uniquement pour lui et qu'il n'a aucune raison de partager avec d'autres puisque les autres eux-mêmes le refusent.
Quelques causes d'égoïsme chez l'enfant
On a remarqué que les enfants uniques sont plus facilement égoïstes que ceux qui ont des frères et soeurs. Il faut donc souhaiter que les enfants ne soient pas obligés de vivre seuls aux foyers. Si toutefois cette circonstance se produisait, il faudrait toujours accueillir avec empressement, quoique avec toute la prudence nécessaire, les camarades de l'enfant unique. Celui-ci doit se sentir libre de demander la permission d'inviter quelques petits voisins à venir jouer avec lui. On pourra également lui permettre de répondre à certaines invitations semblables, pourvu que le contrôle nécessaire soit toujours possible et efficace. Il vaudrait mieux, de toute façon, que l'enfant unique jouisse seulement de la compagnie de ses parents plutôt que de l'exposer à contracter des amitiés douteuses. Les parents des enfants uniques s'efforceront, plus que les autres, d'être de bons camarades pour leurs enfants et de s'associer étroitement à leurs travaux et à leurs jeux.
Les enfants dont les parents s'entendent mal ou sont séparés sont aussi très facilement égoïstes, car les époux en dispute cherchent toujours à s'assurer les bonnes grâces de ces enfants par des cadeaux, des promesses inconsidérées ou des faiblesses. Dans ces circonstances-là il n'y a pas d'autre remède qu'un rapprochement entre les époux et un effort sincère pour se comprendre mutuellement.
L'égoïsme peut se développer également dans les écoles où les élèves sont habituellement comparés les uns aux autres et où une émulation collective les oppose. Lorsqu'ils se classent parmi les premiers, ils en conçoivent une fierté qui leur fait croire à leur importance et attire leur attention sur leur grande valeur personnelle, leurs mérites et par conséquent sur les égards qu'on leur doit. Si, au contraire, ils sont classés parmi les derniers, ils peuvent développer un complexe d'infériorité contre lequel ils réagissent en cherchant à s'affirmer par d'autres moyens que par le succès dans les études ; par des actes de méchanceté ou de violence ou par des excentricités ils essaient alors de souligner l'importance de leur personnalité.
Égoïsme par ignorance
Lorsqu'un enfant semble être égoïste, il ne faut pas oublier qu'il l'est très souvent par ignorance. Il ne peut pas savoir tout de suite à quel point certains de ses actes risquent de nuire à autrui. Il ne sait pas que le bruit de son tambour réveille le bébé endormi dans la pièce voisine, il ne sait pas qu'un beau vase coûte cher et que, s'il le jette par terre pour voir s'il rebondit comme une balle, le désastre est irréparable ; il ne sait pas que d'autres enfants ont faim, alors qu'il a lui-même toutes sortes de bonnes choses à sa disposition.
C'est peu à peu que les parents devront aider l'enfant à comprendre que les personnes qui l'entourent éprouvent les mêmes sentiments que lui : qu'elles peuvent, elles aussi, avoir faim, soif ou froid ; qu'elles sont sensibles comme lui à tout ce qui fait de la peine et que la cause de leurs rires et de leurs larmes ressemble à celle qui le fait rire ou pleurer lui-même. C'est donc vraiment rendre service à un enfant que de lui inculquer le respect, la considération, l'estime, la sympathie pour les hommes, les femmes et les enfants qu'il rencontre. Nous ne pensons pas qu'il faille offrir trop tôt à un enfant le spectacle de la souffrance humaine, mais nous croyons qu'il n'est jamais trop tôt pour lui inspirer sans contrainte et surtout sans menaces un acte de bonté, un sacrifice en faveur des plus pauvres ou des plus malheureux que lui. Cette culture des sentiments les plus nobles du cœur sera certainement le meilleur moyen d'empêcher la formation de l'égoïsme et de le combattre s'il s'est déjà manifesté.
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
LES HOMMES NE VIVENT-ILS EN SOCIETE QUE PAR INTERET ?
Introduction
Il est évident que les hommes recherchent ce qui leur est le plus avantageux. Mais peut-on dire pour autant qu’ils ne vivent-ils en société que par intérêt ? Leur seule raison de vivre en société est-elle d’en tirer des avantages personnels ?
· D’un côté, la vie en société, grâce à l’échange de biens et de services, leur permet de subvenir à leurs besoins de manière plus avantageuse que s’ils vivaient à l’état de nature, comme nous commencerons par le montrer.
· Mais d’un autre côté, la difficulté de procéder à des échanges avantageux pour tous ne les oblige-t-elle pas à s’interroger sur la confiance qu’ils peuvent se faire ; sur la liberté qu’ils peuvent s’accorder et sur les règles de justice qu’ils doivent s’imposer pour que la vie en société soit plus avantageuse qu’elle ne risque de leur porter préjudice?
Le problème que soulève cette question est donc le suivant : Si les hommes ne vivaient en société que par pur égoïsme individuel, la recherche de la justice et de la liberté auraient-elles pu apparaître ? Et même si l’égoïsme est à l’origine de ces valeurs, ne peut-on pas les considérer comme des idéaux qui dépassent le seul désir de défendre des intérêts individuels ?
Développement
Les hommes vivent en société avant tout par intérêt.
· Les hommes sont d’abord des « animaux » au sens où ils ont des besoins vitaux à satisfaire : se nourrir, se protéger de tous les dangers que la nature leur fait courir et subvenir aux besoins de leurs petits dont la dépendance est plus longue que chez les autres espèces animales. Les hommes comme tous les animaux sont animés par un instinct de conservation. Comme la nature ne les a pas dotés d’outils ni de manières de se conduire préétablies, ils doivent les inventer et pour ce faire, vivre en société. En effet, la vie en société consiste à échanger des services et à communiquer afin de mettre au point une organisation permettant de subvenir aux besoins. Les idées permettant de subvenir à leurs besoins doivent au dialogue de pouvoir prendre forme et corps.
· Agir pour subvenir aux besoins revient à agir « par intérêt ». Si j’ai besoin d’une chose, j’ai « intérêt » à la trouver, je m’occupe activement et sans relâche à la trouver ; cette chose dont j’ai besoin m’intéresse au sens où je la juge utile, où je juge avantageux voire indispensable de la posséder. Il est donc littéralement exact que si les hommes vivent en société pour subvenir à leurs besoins, ils le font par intérêt, activement , obstinément et en le considérant comme une priorité vitale.
· L’instinct de conservation est si puissant chez l’homme qu’il n’est pas enclin à partager avec ses semblables, comme le démontre les inégalités sociales et qu’il est capable envers eux de violence impitoyable quand ses intérêts sont en jeu. Vivre en société par intérêt signifie alors vivre en société par égoïsme. Ils ne se mettent pas au service de la société ; au contraire ils attendent que la société soit à leur service.
· Alors que la vie en société implique d’obéir à des règles communes, rien ne leur est plus difficile, pour les élaborer, que de faire abstraction de leurs intérêts personnels. A Athènes, par exemple, où fut inventée la démocratie demandant aux citoyens de participer à l’élaboration des lois, il fut prévu des sanctions draconiennes contre ceux qui proposaient des lois conçues à l’évidence pour leur avantage personnel.
· Les avantages des échanges de services sont considérables. Chacun peut manger à sa faim et améliorer ses conditions de vie si les hommes s’associent pour trouver la nourriture ; et toujours davantage si la communication rend possible d’inventer des techniques permettant de produire les moyens de subsistance au lieu de dépendre de la nature qui n’est pas partout généreuse. Pourtant, il faut imposer par la force les règles de coopération malgré leur nécessité, car sans organisation, la vie en société ne peut pas répondre aux besoins. Cela prouve encore à quel point les hommes sont aveuglés par leur égoïsme.
· L’instinct de conservation réclame naturellement de pouvoir vivre en sécurité. Mais la crainte pour leur propre sécurité conduit bon nombre d’individus à vouloir que toute atteinte à leur sécurité soit réprimée avec une sévérité disproportionnée aux préjudices subis. Alors que le rôle de la justice est d’infliger des peines équitables, ces hommes réclament non pas la justice mais la vengeance.
· L’égoïsme intervient également dans les sentiments qui attachent les individus les uns aux autres. Ils s’attachent bien plus spontanément à ceux avec qui ils partagent les mêmes intérêts qu’à ceux dont les intérêts divergent des leurs, comme le confirme l’observation du cloisonnement entre les catégories sociales.
· En résumé, ainsi que le dit le philosophe Hume : " C’est uniquement de l’égoïsme de l’homme et de sa générosité limitée, en liaison avec la parcimonie avec laquelle la nature a pourvu à la satisfaction de ses besoins, que la justice tire son origine ". Il veut dire que les lois régissant la vie en société sont fondées sur la justice ; mais les hommes en attendent essentiellement qu’elle défende leurs intérêts. Ce qui est juste pour l’opinion du plus grand nombre, c’est que mes intérêts ne soient pas lésés.
Mais l’égoïsme oblige les hommes à développer le sens de l’intérêt commun.
· Les lois sont contraignantes car elles demandent à chacun de réfréner son égoïsme afin de coopérer comme le veut le fait même de s’associer. Les hommes ne l’acceptent pas de leur plein gré. Mais au moins, la plupart l’acceptent, pourvu que les lois soient les mêmes pour tous. S’ils ne vivaient en société exclusivement que par intérêt, ce principe d’égalité ne serait pas apparu et les hommes n’y trouveraient pas une compensation des sacrifices que demande la vie en société.
· Si les hommes étaient purement et simplement égoïstes, comment expliquer que leur vienne à l’esprit une autre conception de la justice distributive que de partager les richesses en part égales entre tous les individus, afin que personne ne puisse posséder plus qu’un autre. Or ce principe de justice n’est pas estimé juste car il fait abstraction du mérite de chacun dans la production des richesses. Certes, chacun espère être considéré comme le plus méritant. Mais bon nombre d’individus sont indignés de voir l’un de leurs semblables subir un préjudice ou une sanction imméritée, ce qui implique un sens de la justice en partie indépendant de l’égoïsme.
· Si l’égoïsme peut pousser l’individu à vouloir dominer ses semblables, comme le prouve la durée de l’histoire humaine pendant laquelle l’esclavage fut pratiqué légalement et la multiplicité de sociétés gouvernée par des tyrans, le combat contre la servitude n’a cessé de prendre de l’ampleur.
· Or ce n’est pas seulement pas intérêt que la servitude est combattue. Les hommes ont conscience de leur dignité et n’admettent pas d’être considérés comme des objets. La servitude est la négation du sujet que l’être humain a conscience d’être ; il a conscience d’être doué de libre arbitre et aspire au respect de sa liberté.
· Certes, il défend, ce faisant sa liberté individuelle. Mais celle-ci ne se réduit pas à la défense de ses intérêts, sinon, un esclave bien nourri et vivant en sécurité sous l’autorité de son maître ne se révolterait jamais. Certains ne se sont pas révoltés. Mais certains ont fait passer leur dignité avant leurs intérêts. Il suffit d’observer que bon nombre d’individus soient partagés entre la défense de leurs intérêts et celle de leur dignité et que certains, fussent-ils peu nombreux aient été capables de sacrifier leur vie pour défendre la liberté pour réfuter l’idée que les hommes ne vivent en société que par intérêt.
· Le patriotisme prouve encore que l’individu est capable de s’identifier à l’intérêt commun. Si les hommes étaient purement et simplement égoïstes, il serait inconcevable qu’ils acceptent de risquer de perdre la vie pour leur patrie. Ils n’auraient jamais fait preuve du moindre idéalisme. Ils n’auraient jamais trouvé plus de sens à leur vie en se battant pour l’intérêt commun, en se battant contre la servitude qu’à préserver leur seul intérêt personnel.
· Et si l’on soupçonne encore que le sens de l’intérêt commun n’est jamais qu’une façon intelligente d’être égoïste en comprenant que mes intérêts personnels seront d’autant mieux servis par la vie en société que si je contribue activement à son développement, hormis le fait qu’en raisonnant ainsi l’égoïste prend en compte l’intérêt des autres, comment expliquer l’existence du sens moral ? Les devoirs moraux sont des obligations qui ne sont pas imposées par la vie en société. La société me demande des efforts de solidarité ; mais elle ne me demande pas d’aimer mon prochain de manière désintéressée. Même si peu d’individus sont altruistes ou ne supportent pas de voir souffrir leur prochain, l’altruisme ne pourrait pas exister alors que la vie en société ne l’exige pas si les hommes ne vivaient en société que par pur et simple intérêt.
· L’altruisme est une exigence de la raison qui fait découler le bonheur d’une autre conception du plaisir que des seuls plaisirs matériels. Les hommes qui considèrent la bienveillance comme un devoir placent la liberté dans l’indépendance vis à vis de l’égoïsme et préfèrent la liberté de choix à la soumission à leurs besoins.
Conclusion
Il n’est donc pas faux que les hommes vivent en société par intérêt en raison de l’instinct de conservation. Mais il est réducteur, voire désobligeant pour l’espèce humaine de penser qu’ils ne vivent en société que par intérêt au regard de l’idéalisme dont témoigne l’histoire humaine en matière de justice et de liberté.
Mais devant l’importance qu’a prise la recherche de la croissance économique, parmi ceux qui sont épris d’idéal ou de sens moral, certains ont tendance à réserver l’exercice de leurs principes dans leur vie privée au lieu de les mettre au service de la société. La société au service de l’intérêt économique ne rencontre que peu d’opposition, d’autant moins qu’elle est libérale, c’est à dire que la liberté en est la condition.
Mais l’idéalisme qui a été vigoureux tant que la liberté n’était pas reconnue comme étant un droit fondamental le restera-t-il s’il doit être limité à la vie privée ?
Introduction
Il est évident que les hommes recherchent ce qui leur est le plus avantageux. Mais peut-on dire pour autant qu’ils ne vivent-ils en société que par intérêt ? Leur seule raison de vivre en société est-elle d’en tirer des avantages personnels ?
· D’un côté, la vie en société, grâce à l’échange de biens et de services, leur permet de subvenir à leurs besoins de manière plus avantageuse que s’ils vivaient à l’état de nature, comme nous commencerons par le montrer.
· Mais d’un autre côté, la difficulté de procéder à des échanges avantageux pour tous ne les oblige-t-elle pas à s’interroger sur la confiance qu’ils peuvent se faire ; sur la liberté qu’ils peuvent s’accorder et sur les règles de justice qu’ils doivent s’imposer pour que la vie en société soit plus avantageuse qu’elle ne risque de leur porter préjudice?
Le problème que soulève cette question est donc le suivant : Si les hommes ne vivaient en société que par pur égoïsme individuel, la recherche de la justice et de la liberté auraient-elles pu apparaître ? Et même si l’égoïsme est à l’origine de ces valeurs, ne peut-on pas les considérer comme des idéaux qui dépassent le seul désir de défendre des intérêts individuels ?
Développement
Les hommes vivent en société avant tout par intérêt.
· Les hommes sont d’abord des « animaux » au sens où ils ont des besoins vitaux à satisfaire : se nourrir, se protéger de tous les dangers que la nature leur fait courir et subvenir aux besoins de leurs petits dont la dépendance est plus longue que chez les autres espèces animales. Les hommes comme tous les animaux sont animés par un instinct de conservation. Comme la nature ne les a pas dotés d’outils ni de manières de se conduire préétablies, ils doivent les inventer et pour ce faire, vivre en société. En effet, la vie en société consiste à échanger des services et à communiquer afin de mettre au point une organisation permettant de subvenir aux besoins. Les idées permettant de subvenir à leurs besoins doivent au dialogue de pouvoir prendre forme et corps.
· Agir pour subvenir aux besoins revient à agir « par intérêt ». Si j’ai besoin d’une chose, j’ai « intérêt » à la trouver, je m’occupe activement et sans relâche à la trouver ; cette chose dont j’ai besoin m’intéresse au sens où je la juge utile, où je juge avantageux voire indispensable de la posséder. Il est donc littéralement exact que si les hommes vivent en société pour subvenir à leurs besoins, ils le font par intérêt, activement , obstinément et en le considérant comme une priorité vitale.
· L’instinct de conservation est si puissant chez l’homme qu’il n’est pas enclin à partager avec ses semblables, comme le démontre les inégalités sociales et qu’il est capable envers eux de violence impitoyable quand ses intérêts sont en jeu. Vivre en société par intérêt signifie alors vivre en société par égoïsme. Ils ne se mettent pas au service de la société ; au contraire ils attendent que la société soit à leur service.
· Alors que la vie en société implique d’obéir à des règles communes, rien ne leur est plus difficile, pour les élaborer, que de faire abstraction de leurs intérêts personnels. A Athènes, par exemple, où fut inventée la démocratie demandant aux citoyens de participer à l’élaboration des lois, il fut prévu des sanctions draconiennes contre ceux qui proposaient des lois conçues à l’évidence pour leur avantage personnel.
· Les avantages des échanges de services sont considérables. Chacun peut manger à sa faim et améliorer ses conditions de vie si les hommes s’associent pour trouver la nourriture ; et toujours davantage si la communication rend possible d’inventer des techniques permettant de produire les moyens de subsistance au lieu de dépendre de la nature qui n’est pas partout généreuse. Pourtant, il faut imposer par la force les règles de coopération malgré leur nécessité, car sans organisation, la vie en société ne peut pas répondre aux besoins. Cela prouve encore à quel point les hommes sont aveuglés par leur égoïsme.
· L’instinct de conservation réclame naturellement de pouvoir vivre en sécurité. Mais la crainte pour leur propre sécurité conduit bon nombre d’individus à vouloir que toute atteinte à leur sécurité soit réprimée avec une sévérité disproportionnée aux préjudices subis. Alors que le rôle de la justice est d’infliger des peines équitables, ces hommes réclament non pas la justice mais la vengeance.
· L’égoïsme intervient également dans les sentiments qui attachent les individus les uns aux autres. Ils s’attachent bien plus spontanément à ceux avec qui ils partagent les mêmes intérêts qu’à ceux dont les intérêts divergent des leurs, comme le confirme l’observation du cloisonnement entre les catégories sociales.
· En résumé, ainsi que le dit le philosophe Hume : " C’est uniquement de l’égoïsme de l’homme et de sa générosité limitée, en liaison avec la parcimonie avec laquelle la nature a pourvu à la satisfaction de ses besoins, que la justice tire son origine ". Il veut dire que les lois régissant la vie en société sont fondées sur la justice ; mais les hommes en attendent essentiellement qu’elle défende leurs intérêts. Ce qui est juste pour l’opinion du plus grand nombre, c’est que mes intérêts ne soient pas lésés.
Mais l’égoïsme oblige les hommes à développer le sens de l’intérêt commun.
· Les lois sont contraignantes car elles demandent à chacun de réfréner son égoïsme afin de coopérer comme le veut le fait même de s’associer. Les hommes ne l’acceptent pas de leur plein gré. Mais au moins, la plupart l’acceptent, pourvu que les lois soient les mêmes pour tous. S’ils ne vivaient en société exclusivement que par intérêt, ce principe d’égalité ne serait pas apparu et les hommes n’y trouveraient pas une compensation des sacrifices que demande la vie en société.
· Si les hommes étaient purement et simplement égoïstes, comment expliquer que leur vienne à l’esprit une autre conception de la justice distributive que de partager les richesses en part égales entre tous les individus, afin que personne ne puisse posséder plus qu’un autre. Or ce principe de justice n’est pas estimé juste car il fait abstraction du mérite de chacun dans la production des richesses. Certes, chacun espère être considéré comme le plus méritant. Mais bon nombre d’individus sont indignés de voir l’un de leurs semblables subir un préjudice ou une sanction imméritée, ce qui implique un sens de la justice en partie indépendant de l’égoïsme.
· Si l’égoïsme peut pousser l’individu à vouloir dominer ses semblables, comme le prouve la durée de l’histoire humaine pendant laquelle l’esclavage fut pratiqué légalement et la multiplicité de sociétés gouvernée par des tyrans, le combat contre la servitude n’a cessé de prendre de l’ampleur.
· Or ce n’est pas seulement pas intérêt que la servitude est combattue. Les hommes ont conscience de leur dignité et n’admettent pas d’être considérés comme des objets. La servitude est la négation du sujet que l’être humain a conscience d’être ; il a conscience d’être doué de libre arbitre et aspire au respect de sa liberté.
· Certes, il défend, ce faisant sa liberté individuelle. Mais celle-ci ne se réduit pas à la défense de ses intérêts, sinon, un esclave bien nourri et vivant en sécurité sous l’autorité de son maître ne se révolterait jamais. Certains ne se sont pas révoltés. Mais certains ont fait passer leur dignité avant leurs intérêts. Il suffit d’observer que bon nombre d’individus soient partagés entre la défense de leurs intérêts et celle de leur dignité et que certains, fussent-ils peu nombreux aient été capables de sacrifier leur vie pour défendre la liberté pour réfuter l’idée que les hommes ne vivent en société que par intérêt.
· Le patriotisme prouve encore que l’individu est capable de s’identifier à l’intérêt commun. Si les hommes étaient purement et simplement égoïstes, il serait inconcevable qu’ils acceptent de risquer de perdre la vie pour leur patrie. Ils n’auraient jamais fait preuve du moindre idéalisme. Ils n’auraient jamais trouvé plus de sens à leur vie en se battant pour l’intérêt commun, en se battant contre la servitude qu’à préserver leur seul intérêt personnel.
· Et si l’on soupçonne encore que le sens de l’intérêt commun n’est jamais qu’une façon intelligente d’être égoïste en comprenant que mes intérêts personnels seront d’autant mieux servis par la vie en société que si je contribue activement à son développement, hormis le fait qu’en raisonnant ainsi l’égoïste prend en compte l’intérêt des autres, comment expliquer l’existence du sens moral ? Les devoirs moraux sont des obligations qui ne sont pas imposées par la vie en société. La société me demande des efforts de solidarité ; mais elle ne me demande pas d’aimer mon prochain de manière désintéressée. Même si peu d’individus sont altruistes ou ne supportent pas de voir souffrir leur prochain, l’altruisme ne pourrait pas exister alors que la vie en société ne l’exige pas si les hommes ne vivaient en société que par pur et simple intérêt.
· L’altruisme est une exigence de la raison qui fait découler le bonheur d’une autre conception du plaisir que des seuls plaisirs matériels. Les hommes qui considèrent la bienveillance comme un devoir placent la liberté dans l’indépendance vis à vis de l’égoïsme et préfèrent la liberté de choix à la soumission à leurs besoins.
Conclusion
Il n’est donc pas faux que les hommes vivent en société par intérêt en raison de l’instinct de conservation. Mais il est réducteur, voire désobligeant pour l’espèce humaine de penser qu’ils ne vivent en société que par intérêt au regard de l’idéalisme dont témoigne l’histoire humaine en matière de justice et de liberté.
Mais devant l’importance qu’a prise la recherche de la croissance économique, parmi ceux qui sont épris d’idéal ou de sens moral, certains ont tendance à réserver l’exercice de leurs principes dans leur vie privée au lieu de les mettre au service de la société. La société au service de l’intérêt économique ne rencontre que peu d’opposition, d’autant moins qu’elle est libérale, c’est à dire que la liberté en est la condition.
Mais l’idéalisme qui a été vigoureux tant que la liberté n’était pas reconnue comme étant un droit fondamental le restera-t-il s’il doit être limité à la vie privée ?
Invité- Invité
Lemniscate le papillon- Messages : 6348
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Re: A la recherche d'Atoum
dis poulette..... ça te dis un ptit tour de piste....... t'as de belles gambettes tu sais!
MysticApocalypse- Messages : 3476
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Re: A la recherche d'Atoum
Ouahhhh !!!
Super les filles ! !!!!!
Vous m'avez fait rire à gorge déployée !!!
Super les filles ! !!!!!
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Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
il faut un temps pour souffrir sans se laisser anéantir....
un temps pour penser au présent et à l'avenir........
un temps pour sourire,jouir et s'épanouir........
pour "grandir" et rire du passé qui à arrêté de nous nuire.....
alors puisque j'aime les rimes......
le temps des souvenirs rimera désormais avec sourires ......
le temps de sourire à l'avenir est en train de se définir......
un temps pour penser au présent et à l'avenir........
un temps pour sourire,jouir et s'épanouir........
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MysticApocalypse- Messages : 3476
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MysticApocalypse- Messages : 3476
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Re: A la recherche d'Atoum
Hello mumu
Super gentil de ta part !
J'ai des souvenirs qui remontent de mon dernier séjour à Las Vegas en 2009.
C'était la troisième fois que je m'y rendais.
J'ai dormi une semaine au 34ème etage du Mandalay Bay, l'hôtel le plus grand du Strip. J'avais une énorme chambre, avec une fenêtre qui était le mur extérieur de celle-ci ! Une vue imprenable sur le désert du Névada ! Beauté à couper le souffle !
Durant cette semaine, j'ai pris un hélicoptère pour aller survoler le lac Powell et son barrage, descendre un morceau du canyon du Colorado, puis survoler le Strip à la nuit tombante avant que d'aller nous poser.
Souvenirs inoubliables et émerveillement.
A refaire !
Super gentil de ta part !
J'ai des souvenirs qui remontent de mon dernier séjour à Las Vegas en 2009.
C'était la troisième fois que je m'y rendais.
J'ai dormi une semaine au 34ème etage du Mandalay Bay, l'hôtel le plus grand du Strip. J'avais une énorme chambre, avec une fenêtre qui était le mur extérieur de celle-ci ! Une vue imprenable sur le désert du Névada ! Beauté à couper le souffle !
Durant cette semaine, j'ai pris un hélicoptère pour aller survoler le lac Powell et son barrage, descendre un morceau du canyon du Colorado, puis survoler le Strip à la nuit tombante avant que d'aller nous poser.
Souvenirs inoubliables et émerveillement.
A refaire !
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
je veux bien te croire,c'est splendide........en helico en plus et grande suite avec vue imprenable.......je comprend que tu aies envie d'y retourner.......
MysticApocalypse- Messages : 3476
Date d'inscription : 07/08/2012
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Re: A la recherche d'Atoum
Oui
Et puis aussi le désert de Sonora vers Tucson en Arizona. Retourner en Gaspesie voir les baleines dans le Saint Laurent.
Et tant de choses encore ...
Et puis aussi le désert de Sonora vers Tucson en Arizona. Retourner en Gaspesie voir les baleines dans le Saint Laurent.
Et tant de choses encore ...
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
les baleines......qu'est ce que j'aimerais en voir en vrai........ça doit être super émouvant d'être proche de ce splendide animal........comme tu dis tant de choses a faire ou à voir........
MysticApocalypse- Messages : 3476
Date d'inscription : 07/08/2012
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Re: A la recherche d'Atoum
Je les ai vues à Baie Sainte Catherine, en 1993.
J'ai aussi envie d'y retourner ...
J'ai aussi envie d'y retourner ...
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
tu les as vues à quelle distance? ça doit être impressionnant......ça et faire de la plongée sous marine c'est des rêves que j'aimerais réaliser un jour......parmis beaucoup d'autres choses!
ça fait du bien de rêver ........et de réaliser ses rêves aussi
ça fait du bien de rêver ........et de réaliser ses rêves aussi
MysticApocalypse- Messages : 3476
Date d'inscription : 07/08/2012
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Re: A la recherche d'Atoum
J'étais en zodiac sur le Saint Laurent. A baie Sante Catherine. A un peu plus de 1000 kilomêtres de l'embouchure du fleuve.
Le fleuve fait plus de 40 kms de large à cet endroit et la marée remonte, générant parfois des mascarets. L'eau est donc salée et les baleines viennent se "promener"jusque là.
Nous les avons approchées jusqu'à une vingtaine de mètres.
Le fleuve fait plus de 40 kms de large à cet endroit et la marée remonte, générant parfois des mascarets. L'eau est donc salée et les baleines viennent se "promener"jusque là.
Nous les avons approchées jusqu'à une vingtaine de mètres.
Dernière édition par Qilin le Lun 21 Jan 2013 - 17:10, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
trop top !!!!!!quand tu vois ça ,je suppose que tu n'es plus le même apres!
MysticApocalypse- Messages : 3476
Date d'inscription : 07/08/2012
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Re: A la recherche d'Atoum
Oui mumu ...
devant ces paysages, cette nature, quelque chose change? Quelque chose qui marque une frontière. Les animaux savent instinctivement ce qu'ils sont, ce qu'ils ont à faire. Ce qui les protège et ce qui les nourrit. Ce qu'ils se donnent et ce qu'ils reçoivent.
J'ai aussi bien regardé la faune, les différentes espèces. Et ai remarqué qu'il y a très peu de différences entre les individus d'une même espèce. beaucoup moins qu'en l'Homme en tout cas. Et cela relativise beaucoup de choses.
devant ces paysages, cette nature, quelque chose change? Quelque chose qui marque une frontière. Les animaux savent instinctivement ce qu'ils sont, ce qu'ils ont à faire. Ce qui les protège et ce qui les nourrit. Ce qu'ils se donnent et ce qu'ils reçoivent.
J'ai aussi bien regardé la faune, les différentes espèces. Et ai remarqué qu'il y a très peu de différences entre les individus d'une même espèce. beaucoup moins qu'en l'Homme en tout cas. Et cela relativise beaucoup de choses.
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
http://www.visualisation-creative.com/techniques_de_visualisations2.php
MysticApocalypse- Messages : 3476
Date d'inscription : 07/08/2012
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Re: A la recherche d'Atoum
La résilience, reflet de notre époque
(Jean Garneau , psychologue)
Introduction
Le talent de communicateur du Dr Boris Cyrulnik n’est certainement pas étranger à la grande popularité qu’a acquise depuis quelques années le concept de résilience. Mais pour comprendre cet engouement, il me semble nécessaire de voir plus largement la pertinence particulière de cette philosophie de vie pour l’époque que nous vivons.
Dans cet article, je vais tenter de mettre en lumière les aspects les plus importants de cette notion et d’expliquer pourquoi elle est particulièrement utile à ce moment-ci de l’histoire. Les lecteurs qui voudraient approfondir le sujet lui-même auraient intérêt à le faire directement dans les ouvrages du Dr Cyrulnik.
Qu’est-ce que la résilience ?
À l’origine, il s’agit d’un terme utilisé en physique pour désigner la résistance aux chocs d’un métal. Il est particulièrement utile pour évaluer les ressorts. Par extension, on a adopté ce terme pour désigner, dans divers domaines, l’aptitude à rebondir ou à subir des chocs sans être détruit.
En psychologie, on s’en sert pour désigner la capacité de se refaire une vie et de s’épanouir en surmontant un choc traumatique grave. Il s’agit d’une qualité personnelle permettant de survivre aux épreuves majeures et d’en sortir grandi malgré l’importante destruction intérieure, en partie irréversible, subie lors de la crise.
Tendance actualisante
À partir de la définition sommaire ci-dessus, on peut facilement y reconnaître une des manifestations de la tendance actualisante, cet aspect crucial de l’équipement inné de tous les êtres vivants. En effet, cette tendance est la force qui pousse tout être vivant à mettre ses ressources au service de sa survie lorsque celle-ci est menacée et à les mobiliser dans la recherche du plus grand épanouissement possible quand les conditions sont favorables. (Voir Une théorie du vivant )
Mais ou pourrait dire qu’il s’agit d’un volet spécialisé de la tendance actualisante; celui qui permet de surmonter les pires obstacles, les événements qui, en plus de menacer notre vie, s’attaquent directement à notre identité et à notre valeur personnelle. La résilience nous fascine parce qu’elle touche des “miracles”, des solutions “magiques” à des problèmes apparemment insolubles. Elle frappe notre imaginaire de la même façon que le “mouvement du potentiel humain” le faisait au milieu du siècle dernier en nous faisant découvrir que nous sommes capables de beaucoup plus que nous ne le croyons.
Des dimensions supplémentaires s’ajoutent cependant dans le cas de la résilience, reflétant deux caractéristiques de l’époque actuelle. Avec l’accessibilité grandissante des moyens de communication qui ignorent les frontières et les distances physiques, cette notion a pu se faire connaître et trouver des applications dans un grand nombre de pays dont les cultures et les environnements socio-économiques sont très différents. Cela permet d’en appliquer les implications dans une grande variété de contextes (car les catastrophes et les actes destructeurs font bien peu de discrimination dans le choix de leurs cibles).
Ce qui est plus intéressant encore, c’est le fait que les chercheurs tentent de cerner les facteurs de résilience et les façons d’en soutenir le développement dans plus de 30 pays. Déjà en août 1994 on commençait à obtenir des résultats d’une quinzaine de pays incluant le Soudan et la Namibie. Nous pouvons ainsi espérer comprendre cette dimension de la réalité d’une façon qui transcende les cultures et les types d’organisation sociale. Quand on sait que la psychologie humaniste issue du mouvement du potentiel humain n’a pas encore réussi, après un demi siècle, à s’implanter solidement en France, une telle convergence d’efforts est très encourageante. L’ampleur des recherches en cours laisse croire que leurs conclusions seront utilisées dans une grande partie de l’univers.
Une attitude devant la vie
L’adoption du concept de résilience est aussi le reflet d’un changement d’attitude devant la vie elle-même. Au nom de l’humanité et en vertu d’une certaine interprétation de la social-démocratie, on a voulu depuis plusieurs années éliminer de notre vie toute forme de danger, d’accident, d’injustice ou même d’inconfort psychique. Pour y parvenir, on multiplie les règlements et les précautions tout en diluant la responsabilité individuelle dans un jargon juridique de plus en plus lourd (lisez les avertissements qui accompagnent maintenant tous les produits que vous achetez).
En parlant de résilience, on abandonne cette vision aseptique de la vie idéale pour affirmer sans hésitation que les catastrophes et les épreuves font malheureusement partie de la vie et qu’il vaut mieux y être préparé si on veut survivre et continuer de mener une existence digne d’être vécue. Pour les parents et les éducateurs le message est puissant: il est inutile et même nuisible de chercher à mettre vos enfants à l’abri de tout car ils se retrouveront sans mécanismes de protection et sans moyens d’adaptation efficaces lorsque surviendront les problèmes importants. Il vaut mieux fournir les conditions qui permettront de développer les qualités qui favorisent la résilience.
Une méthode d’intervention
Cette vision des choses conduit aussi à une façon différente d’intervenir auprès des victimes. Curieusement, cette approche rejoint les nouvelles façons dont la médecine tente de favoriser la guérison dans certains domaines. Par exemple, au lieu d’inviter la personne qui souffre d’un mal de dos à éviter tout mouvement qui provoquerait de la douleur, on insiste maintenant sur le fait que la guérison est plus rapide si le patient se remet plus rapidement en mouvement, même s’il endure une certaine douleur.
Post-traumatique
Les études sur la résilience ont permis de découvrir un aspect important de la récupération après un choc traumatique: la reconstruction de l’estime de soi. Trop souvent on emprisonne la personne dans sa position de victime en voulant l’aider. On a maintenant compris qu’il est néfaste de tenter de tout faire pour la personne traumatisée afin de compenser pour sa douleur injuste et de la protéger de toute nouvelle souffrance.
On a découvert que les personnes qui s’en sortent le mieux, même après les pires catastrophes, sont celles qui parviennent à regagner une estime d’elles-mêmes en réussissant quelque chose, en ayant un véritable motif de fierté. Si on veut fournir l’aide la plus propice à une reconstruction personnelle, il faut fournir des opportunités favorables à de tels succès et non aplanir soigneusement les moindres cahots.
On a compris en effet que la pire catastrophe est insuffisante par elle-même à créer un trauma chez les personnes qui y survivent; il faut en plus que la personne se perçoive comme une victime. En s’en tenant à la compassion bienveillante, les intervenants peuvent réduire la personne à son identité de victime et lui compliquer le combat pour la survie en la privant des motifs de fierté dont elle aurait besoin.
Ce nouvel aspect n’élimine pas les ingrédients qu’on connaissait déjà, notamment la nécessité de l’expression libératrice, d’un accueil soutenant, d’un encadrement rassurant. Il vient plutôt s’y ajouter comme un élément crucial sans lequel la survie est plus difficile ou même impossible.
Éducation
C’est à propos des enfants et des adolescents que la notion de résilience est le plus souvent invoquée, surtout dans les milieux qu’on étiquette comme “à risque”. Dans ce cas comme dans le précédent, l’évocation de ce concept aide les intervenants à quitter une attitude curative (ou tente de résoudre un problème ou de guérir une maladie) pour adopter un point de vue plus éducatif (on cherche à favoriser le développement des ressources individuelles).
Essentiellement, on peut définir la stratégie d’intervention qui en résulte comme celle qui veut miser sur les forces de chaque individu pour lui fournir un tremplin vers son épanouissement. L’idée de prendre appui sur les aspects solides de la personne afin de lui permettre de relever plus facilement de nouveaux défis n’a rien de bien nouveau. Mais le fait de voir qu’on applique cette méthode avec succès auprès des clientèles les plus difficiles est certainement rafraîchissant et réconfortant.
Un professeur de sixième année raconte, par exemple, comment il a réussi à transformer profondément sa classe d’élèves sous-performants en invitant chacun à identifier les deux qualités (facteurs de résilience) qu’il avait déjà et à chercher comment il pourrait les développer encore davantage. Comme par miracle, en reconnaissant qu’ils possédaient déjà une habileté importante et en constatant que ce fait était reconnu par d’autres, ils ont commencé à retrouver en eux une confiance et une fierté jusque là inaccessible. Poussés par cet élan surgi au centre d’eux-mêmes, la plupart sont devenus des élèves de calibre élevé en moins de deux ans.
De telles expériences infligent aux attitudes cliniques une sévère remontrance qui nous rappelle des découvertes faites, elles aussi, au milieu du siècle dernier. On avait constaté à l’époque que les élèves avaient tendance à fournir les performances attendues par leur professeur plutôt que celles qui correspondaient à leur talent réel.
En trompant volontairement les professeurs sur le quotient intellectuel des élèves dont ils avaient la charge, on constatait qu’après peu de temps les résultats des élèves étaient en relation avec le faux Q.I. plutôt qu’avec celui que les tests avaient mesuré. Sans s’en rendre compte, l’éducateur avait tendance à attendre davantage des élèves qu’il croyait plus doués et à tolérer une performance médiocre des autres, il apportait naturellement aux premiers un soutien de meilleure qualité pour leur permettre de donner “leur plein rendement”.
L’application qu’on fait maintenant de la notion de résilience va plus loin dans la même direction. Non seulement on mise sur les talents pour stimuler les élèves, mais on ajoute un ingrédient important en rendant l’enfant lui-même porteur de cette vision positive et stimulante de lui-même.
Une notion adaptée à la vie actuelle
Il y a quelques années à peine nous pouvions encore imaginer une vie exempte d’atrocités ou de catastrophe majeure. Nos problèmes étaient à l’échelle humaine: accidents, maladies, décès, séparations, etc. Nous savions par les média que la situation était loin d’être aussi rose dans certaines régions du globe, mais avions besoin du témoignage des aînés pour nous rappeler que la guerre n’était pas seulement une abstraction dans le monde occidental. Seule la nature pouvait nous attaquer arbitrairement par des catastrophes trop puissantes pour nous et il fallait être malchanceux pour avoir à surmonter un événement traumatique.
Le danger omniprésent
Mais depuis un certain onze septembre, nous avons compris que nous ne sommes jamais à l’abri des actes de destruction contre lesquels nous sommes sans moyens. Nous savons maintenant que nous ne sommes nulle part exemptés des retombées de combats dans lesquels nous n’avons jamais choisi de nous impliquer.
Chaque jour, les médias nous signalent au moins un acte terroriste cherchant à atteindre ses buts en détruisant la vie de personnes qui ne sont pas concernées autrement que par leur race, leur nationalité ou le fait qu’elles se trouvaient à un endroit particulier à un moment précis. Le plus pacifiste, tolérant, aimant d’entre nous ne peut plus s’imaginer que son attitude suffira à lui procurer la sécurité; il peut être recruté de force à tout moment par quiconque estime avoir une cause juste à défendre ou à promouvoir.
Dans un tel contexte, la résilience n’a rien d’un luxe ! Nous pouvons tous nous attendre à devoir faire face un jour à une agression humaine ou naturelle qui mettra notre survie en jeu. Nous avons besoin d’apprendre à surmonter les pires épreuves car nous savons que nous en deviendrons probablement un jour les cibles arbitraires.
Une préparation inadéquate
Pire encore, notre vie des dernières décennies a souvent été organisée en fonction de l’élimination de tous les risques qu’on prenait chaque jour sans y penser il y a trente ou quarante ans. Notre sécurité au quotidien n’était plus notre responsabilité, mais celle des autres, du gouvernement ou des compagnies dont nous consommons les produits. Le piéton n’a plus besoin de vérifier s’il se mettra en danger en traversant la rue; il peut foncer tête baissée à l’intersection et laisser les autres prendre soin de l’éviter. Au pire (?) il deviendra le nouveau gagnant à la loto des accidentés dédommagées.
Mais les victimes d’actes terroristes et de cataclysmes naturels ne gagnent jamais à cette loterie car leurs bourreaux sont toujours insolvables et il y a des limites à ce que nos gouvernements peuvent accepter de payer en leur nom. Sans une multinationale ou un propriétaire de voiture de luxe, on ne gagne que des prix de consolation.
On nous prévient au début des émissions de télévision que certaines images pourraient froisser la susceptibilité ou la sensibilité de quelques personnes, mais c’est sans avertissement que la catastrophe nous touche. On nous interdit de fumer parce qu’à long terme cela pourrait nuire à notre santé, mais on nous encourage à croire que le prochain billet de loterie pourrait résoudre sans plus d’effort l’ensemble des problèmes de notre vie.
Il n’est pas étonnant que nous nous sentions vulnérables devant les difficultés inhérentes à la vie. Le moindre problème imprévu risque de nous déséquilibrer car nous avons appris à fuir tout danger au lieu d’apprendre à vaincre des obstacles. Lorsqu’on nous parle de cette résilience qui permet de surmonter les pires épreuves, nous reconnaissons là une qualité qui nous manque, une solution à l’angoisse que nous n’avions pas encore clairement identifiée.
Je crois que la popularité de ce concept découle en grande partie de la réponse qu’elle apporte à notre angoisse. Nous avons le sentiment d’être sans défense contre les malheurs que la vie peut nous présenter à tout moment, d’être trop mal préparés à affronter les défis que nous prévoyons rencontrer brutalement tôt ou tard. L’idée d’être mieux équipés pour avoir des chances de rebondir au lieu d’être détruits est forcément séduisante et, reconnaissons-le, d’une grande pertinence.
(Jean Garneau , psychologue)
Introduction
Le talent de communicateur du Dr Boris Cyrulnik n’est certainement pas étranger à la grande popularité qu’a acquise depuis quelques années le concept de résilience. Mais pour comprendre cet engouement, il me semble nécessaire de voir plus largement la pertinence particulière de cette philosophie de vie pour l’époque que nous vivons.
Dans cet article, je vais tenter de mettre en lumière les aspects les plus importants de cette notion et d’expliquer pourquoi elle est particulièrement utile à ce moment-ci de l’histoire. Les lecteurs qui voudraient approfondir le sujet lui-même auraient intérêt à le faire directement dans les ouvrages du Dr Cyrulnik.
Qu’est-ce que la résilience ?
À l’origine, il s’agit d’un terme utilisé en physique pour désigner la résistance aux chocs d’un métal. Il est particulièrement utile pour évaluer les ressorts. Par extension, on a adopté ce terme pour désigner, dans divers domaines, l’aptitude à rebondir ou à subir des chocs sans être détruit.
En psychologie, on s’en sert pour désigner la capacité de se refaire une vie et de s’épanouir en surmontant un choc traumatique grave. Il s’agit d’une qualité personnelle permettant de survivre aux épreuves majeures et d’en sortir grandi malgré l’importante destruction intérieure, en partie irréversible, subie lors de la crise.
Tendance actualisante
À partir de la définition sommaire ci-dessus, on peut facilement y reconnaître une des manifestations de la tendance actualisante, cet aspect crucial de l’équipement inné de tous les êtres vivants. En effet, cette tendance est la force qui pousse tout être vivant à mettre ses ressources au service de sa survie lorsque celle-ci est menacée et à les mobiliser dans la recherche du plus grand épanouissement possible quand les conditions sont favorables. (Voir Une théorie du vivant )
Mais ou pourrait dire qu’il s’agit d’un volet spécialisé de la tendance actualisante; celui qui permet de surmonter les pires obstacles, les événements qui, en plus de menacer notre vie, s’attaquent directement à notre identité et à notre valeur personnelle. La résilience nous fascine parce qu’elle touche des “miracles”, des solutions “magiques” à des problèmes apparemment insolubles. Elle frappe notre imaginaire de la même façon que le “mouvement du potentiel humain” le faisait au milieu du siècle dernier en nous faisant découvrir que nous sommes capables de beaucoup plus que nous ne le croyons.
Des dimensions supplémentaires s’ajoutent cependant dans le cas de la résilience, reflétant deux caractéristiques de l’époque actuelle. Avec l’accessibilité grandissante des moyens de communication qui ignorent les frontières et les distances physiques, cette notion a pu se faire connaître et trouver des applications dans un grand nombre de pays dont les cultures et les environnements socio-économiques sont très différents. Cela permet d’en appliquer les implications dans une grande variété de contextes (car les catastrophes et les actes destructeurs font bien peu de discrimination dans le choix de leurs cibles).
Ce qui est plus intéressant encore, c’est le fait que les chercheurs tentent de cerner les facteurs de résilience et les façons d’en soutenir le développement dans plus de 30 pays. Déjà en août 1994 on commençait à obtenir des résultats d’une quinzaine de pays incluant le Soudan et la Namibie. Nous pouvons ainsi espérer comprendre cette dimension de la réalité d’une façon qui transcende les cultures et les types d’organisation sociale. Quand on sait que la psychologie humaniste issue du mouvement du potentiel humain n’a pas encore réussi, après un demi siècle, à s’implanter solidement en France, une telle convergence d’efforts est très encourageante. L’ampleur des recherches en cours laisse croire que leurs conclusions seront utilisées dans une grande partie de l’univers.
Une attitude devant la vie
L’adoption du concept de résilience est aussi le reflet d’un changement d’attitude devant la vie elle-même. Au nom de l’humanité et en vertu d’une certaine interprétation de la social-démocratie, on a voulu depuis plusieurs années éliminer de notre vie toute forme de danger, d’accident, d’injustice ou même d’inconfort psychique. Pour y parvenir, on multiplie les règlements et les précautions tout en diluant la responsabilité individuelle dans un jargon juridique de plus en plus lourd (lisez les avertissements qui accompagnent maintenant tous les produits que vous achetez).
En parlant de résilience, on abandonne cette vision aseptique de la vie idéale pour affirmer sans hésitation que les catastrophes et les épreuves font malheureusement partie de la vie et qu’il vaut mieux y être préparé si on veut survivre et continuer de mener une existence digne d’être vécue. Pour les parents et les éducateurs le message est puissant: il est inutile et même nuisible de chercher à mettre vos enfants à l’abri de tout car ils se retrouveront sans mécanismes de protection et sans moyens d’adaptation efficaces lorsque surviendront les problèmes importants. Il vaut mieux fournir les conditions qui permettront de développer les qualités qui favorisent la résilience.
Une méthode d’intervention
Cette vision des choses conduit aussi à une façon différente d’intervenir auprès des victimes. Curieusement, cette approche rejoint les nouvelles façons dont la médecine tente de favoriser la guérison dans certains domaines. Par exemple, au lieu d’inviter la personne qui souffre d’un mal de dos à éviter tout mouvement qui provoquerait de la douleur, on insiste maintenant sur le fait que la guérison est plus rapide si le patient se remet plus rapidement en mouvement, même s’il endure une certaine douleur.
Post-traumatique
Les études sur la résilience ont permis de découvrir un aspect important de la récupération après un choc traumatique: la reconstruction de l’estime de soi. Trop souvent on emprisonne la personne dans sa position de victime en voulant l’aider. On a maintenant compris qu’il est néfaste de tenter de tout faire pour la personne traumatisée afin de compenser pour sa douleur injuste et de la protéger de toute nouvelle souffrance.
On a découvert que les personnes qui s’en sortent le mieux, même après les pires catastrophes, sont celles qui parviennent à regagner une estime d’elles-mêmes en réussissant quelque chose, en ayant un véritable motif de fierté. Si on veut fournir l’aide la plus propice à une reconstruction personnelle, il faut fournir des opportunités favorables à de tels succès et non aplanir soigneusement les moindres cahots.
On a compris en effet que la pire catastrophe est insuffisante par elle-même à créer un trauma chez les personnes qui y survivent; il faut en plus que la personne se perçoive comme une victime. En s’en tenant à la compassion bienveillante, les intervenants peuvent réduire la personne à son identité de victime et lui compliquer le combat pour la survie en la privant des motifs de fierté dont elle aurait besoin.
Ce nouvel aspect n’élimine pas les ingrédients qu’on connaissait déjà, notamment la nécessité de l’expression libératrice, d’un accueil soutenant, d’un encadrement rassurant. Il vient plutôt s’y ajouter comme un élément crucial sans lequel la survie est plus difficile ou même impossible.
Éducation
C’est à propos des enfants et des adolescents que la notion de résilience est le plus souvent invoquée, surtout dans les milieux qu’on étiquette comme “à risque”. Dans ce cas comme dans le précédent, l’évocation de ce concept aide les intervenants à quitter une attitude curative (ou tente de résoudre un problème ou de guérir une maladie) pour adopter un point de vue plus éducatif (on cherche à favoriser le développement des ressources individuelles).
Essentiellement, on peut définir la stratégie d’intervention qui en résulte comme celle qui veut miser sur les forces de chaque individu pour lui fournir un tremplin vers son épanouissement. L’idée de prendre appui sur les aspects solides de la personne afin de lui permettre de relever plus facilement de nouveaux défis n’a rien de bien nouveau. Mais le fait de voir qu’on applique cette méthode avec succès auprès des clientèles les plus difficiles est certainement rafraîchissant et réconfortant.
Un professeur de sixième année raconte, par exemple, comment il a réussi à transformer profondément sa classe d’élèves sous-performants en invitant chacun à identifier les deux qualités (facteurs de résilience) qu’il avait déjà et à chercher comment il pourrait les développer encore davantage. Comme par miracle, en reconnaissant qu’ils possédaient déjà une habileté importante et en constatant que ce fait était reconnu par d’autres, ils ont commencé à retrouver en eux une confiance et une fierté jusque là inaccessible. Poussés par cet élan surgi au centre d’eux-mêmes, la plupart sont devenus des élèves de calibre élevé en moins de deux ans.
De telles expériences infligent aux attitudes cliniques une sévère remontrance qui nous rappelle des découvertes faites, elles aussi, au milieu du siècle dernier. On avait constaté à l’époque que les élèves avaient tendance à fournir les performances attendues par leur professeur plutôt que celles qui correspondaient à leur talent réel.
En trompant volontairement les professeurs sur le quotient intellectuel des élèves dont ils avaient la charge, on constatait qu’après peu de temps les résultats des élèves étaient en relation avec le faux Q.I. plutôt qu’avec celui que les tests avaient mesuré. Sans s’en rendre compte, l’éducateur avait tendance à attendre davantage des élèves qu’il croyait plus doués et à tolérer une performance médiocre des autres, il apportait naturellement aux premiers un soutien de meilleure qualité pour leur permettre de donner “leur plein rendement”.
L’application qu’on fait maintenant de la notion de résilience va plus loin dans la même direction. Non seulement on mise sur les talents pour stimuler les élèves, mais on ajoute un ingrédient important en rendant l’enfant lui-même porteur de cette vision positive et stimulante de lui-même.
Une notion adaptée à la vie actuelle
Il y a quelques années à peine nous pouvions encore imaginer une vie exempte d’atrocités ou de catastrophe majeure. Nos problèmes étaient à l’échelle humaine: accidents, maladies, décès, séparations, etc. Nous savions par les média que la situation était loin d’être aussi rose dans certaines régions du globe, mais avions besoin du témoignage des aînés pour nous rappeler que la guerre n’était pas seulement une abstraction dans le monde occidental. Seule la nature pouvait nous attaquer arbitrairement par des catastrophes trop puissantes pour nous et il fallait être malchanceux pour avoir à surmonter un événement traumatique.
Le danger omniprésent
Mais depuis un certain onze septembre, nous avons compris que nous ne sommes jamais à l’abri des actes de destruction contre lesquels nous sommes sans moyens. Nous savons maintenant que nous ne sommes nulle part exemptés des retombées de combats dans lesquels nous n’avons jamais choisi de nous impliquer.
Chaque jour, les médias nous signalent au moins un acte terroriste cherchant à atteindre ses buts en détruisant la vie de personnes qui ne sont pas concernées autrement que par leur race, leur nationalité ou le fait qu’elles se trouvaient à un endroit particulier à un moment précis. Le plus pacifiste, tolérant, aimant d’entre nous ne peut plus s’imaginer que son attitude suffira à lui procurer la sécurité; il peut être recruté de force à tout moment par quiconque estime avoir une cause juste à défendre ou à promouvoir.
Dans un tel contexte, la résilience n’a rien d’un luxe ! Nous pouvons tous nous attendre à devoir faire face un jour à une agression humaine ou naturelle qui mettra notre survie en jeu. Nous avons besoin d’apprendre à surmonter les pires épreuves car nous savons que nous en deviendrons probablement un jour les cibles arbitraires.
Une préparation inadéquate
Pire encore, notre vie des dernières décennies a souvent été organisée en fonction de l’élimination de tous les risques qu’on prenait chaque jour sans y penser il y a trente ou quarante ans. Notre sécurité au quotidien n’était plus notre responsabilité, mais celle des autres, du gouvernement ou des compagnies dont nous consommons les produits. Le piéton n’a plus besoin de vérifier s’il se mettra en danger en traversant la rue; il peut foncer tête baissée à l’intersection et laisser les autres prendre soin de l’éviter. Au pire (?) il deviendra le nouveau gagnant à la loto des accidentés dédommagées.
Mais les victimes d’actes terroristes et de cataclysmes naturels ne gagnent jamais à cette loterie car leurs bourreaux sont toujours insolvables et il y a des limites à ce que nos gouvernements peuvent accepter de payer en leur nom. Sans une multinationale ou un propriétaire de voiture de luxe, on ne gagne que des prix de consolation.
On nous prévient au début des émissions de télévision que certaines images pourraient froisser la susceptibilité ou la sensibilité de quelques personnes, mais c’est sans avertissement que la catastrophe nous touche. On nous interdit de fumer parce qu’à long terme cela pourrait nuire à notre santé, mais on nous encourage à croire que le prochain billet de loterie pourrait résoudre sans plus d’effort l’ensemble des problèmes de notre vie.
Il n’est pas étonnant que nous nous sentions vulnérables devant les difficultés inhérentes à la vie. Le moindre problème imprévu risque de nous déséquilibrer car nous avons appris à fuir tout danger au lieu d’apprendre à vaincre des obstacles. Lorsqu’on nous parle de cette résilience qui permet de surmonter les pires épreuves, nous reconnaissons là une qualité qui nous manque, une solution à l’angoisse que nous n’avions pas encore clairement identifiée.
Je crois que la popularité de ce concept découle en grande partie de la réponse qu’elle apporte à notre angoisse. Nous avons le sentiment d’être sans défense contre les malheurs que la vie peut nous présenter à tout moment, d’être trop mal préparés à affronter les défis que nous prévoyons rencontrer brutalement tôt ou tard. L’idée d’être mieux équipés pour avoir des chances de rebondir au lieu d’être détruits est forcément séduisante et, reconnaissons-le, d’une grande pertinence.
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
Un altruisme sans pitié, ou l'éthique de la réciprocité selon Thomas Nagel
(Luc Foisneau, chargé de recherche au CNRS)
En conformité avec l'intention première d'Auguste Comte, qui forge le terme sur le modèle du mot « égoïsme » (Comte, 1852, p. 60), le mot « altruisme » demeure associé dans la conscience commune à une disposition spontanée de l'homme à porter secours à ses semblables. C'est en ce sens une inclination naturelle, capable, parce qu'elle est antérieure à la réflexion, de nous faire oublier l'intérêt que nous portons tout aussi spontanément à notre propre conservation.
L'altruisme apparaît ainsi comme une capacité, inhérente à la nature humaine, mais peut-être aussi à la nature animale en général, de suspendre la considération exclusive de son bien-être à la vue de la souffrance d'autrui. Pour Rousseau, il existe une émotion fondamentale, la pitié, qui « tempère l'ardeur » que l'homme « a pour son bien-être par une répugnance innée à voir souffrir son semblable » (Rousseau, 1964, p. 154).
La pitié constitue de fait un critère sensible de l'altruisme. Plus l'émotion ressentie face à la misère d'autrui sera grande, plus grand sera l'altruisme de celui qui la ressent. Ce critère a les faveurs du sens commun : c'est à lui que l'on pense quand on nous demande d'apprécier l'altruisme d'une personne.
Mais il n'est pas pour autant dénué d'ambiguïté. Après tout, les bons sentiments suffisent rarement, quand il s'agit d'éthique, et la pitié ne fait probablement pas exception à la règle. Dans l'article que l'on va lire, il s'agira de s'interroger sur les limites de la définition rousseauiste de l'altruisme, à partir des réflexions du philosophe américain Thomas Nagel. Le concept de réciprocité, que ce dernier met en œuvre dans The Possibility of Altruism, nous servira de fil conducteur pour tenter de penser l'altruisme indépendamment de l'émotion de la pitié.
La pitié et le spectacle de la souffrance
En tant qu'elle nous rappelle à l'existence sensible d'autrui, la pitié peut être considérée comme l'origine commune de tous les sentiments altruistes ; quand on l'applique aux faibles, aux coupables et à l'espèce humaine, elle engendre la générosité, la clémence et l'humanité ; quand on l'applique à des individus, elle fait naître la bienveillance et l'amitié. Elle constitue de ce fait, pour Rousseau, la plus parfaite réfutation de la thèse de Mandeville selon laquelle les vices privés suffiraient à engendrer les vertus publiques (Rousseau, 1964, p. 155). Non seulement il ne suffit pas de donner libre cours à son amour propre pour que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes sociaux possibles, mais encore, sans capacité à éprouver de la pitié, il n'y aurait pas la moindre vertu sociale. La limitation de l'égoïsme procède par conséquent, non pas d'un mécanisme extérieur d'ajustement, mais d'une capacité intérieure à ressentir des émotions, non pas d'un calcul d'intérêt mais d'une effusion désintéressée.
Toutefois, l'altruisme ainsi conçu ne constitue pas une négation pure et simple de l'égoïsme, mais plutôt sa suspension momentanée, dans des circonstances toujours particulières. Les circonstances importent en l'occurrence car le rapport à autrui qu'instaure la pitié suppose la mise en relation d'un spectateur et d'un spectacle. Et si la vue de la souffrance d'autrui provoque bien l'interruption de la préoccupation de soi, cette interruption n'est toutefois que momentanée car l'amour propre a tôt fait de reprendre le dessus dès que le spectacle perd en intensité. Si l'on ne peut que se féliciter de voir démontré aux yeux des plus endurcis le caractère « compatissant et sensible » de l'homme (Rousseau, 1964, p. 154), on peut aussi s'interroger sur les limites de la suspension de l'égoïsme ainsi produite.
Quand Mandeville reconnaît qu'un homme ressentirait de la pitié au spectacle d'un enfant arraché des bras de sa mère et dévoré par une bête féroce, les circonstances de la scène - l'homme en question assiste à la scène derrière les barreaux d'une cellule - attestent tout autant de la compassion désintéressée du spectateur que de son impuissance à intervenir. Il y a là un paradoxe dont on ne saurait trop souligner l'importance pour une sociologie de la pitié : l'intensité de l'émotion altruiste semble proportionnelle à l'empêchement d'agir. Cette situation correspond, de fait, à celle des spectateurs que nous sommes, lorsque nous assistons impuissants, devant nos écrans, à des drames lointains. Les circonstances de la pitié sont semblables dans les deux cas, l'intensité du pathos venant à la rescousse d'un ethos défaillant. Sans doute aussi, une trop grande proximité réelle avec ceux qui souffrent risquerait-elle de transformer la pitié en panique, comme l'indique l'exemple du troupeau qui découvre le spectacle de l'abattoir où il va finir (Rousseau, 1964, p. 154). Sentiment intensément subjectif, la pitié dépend pour beaucoup du point de vue de celui qui la ressent. Point de vue, spectacle : ces termes ne sont certes pas incompatibles avec la sincérité des émotions, mais indiquent au minimum le caractère fortement, et peut-être irréductiblement, esthétique de cette version de l'altruisme à laquelle donne naissance le sentiment de la pitié.
Que penser, par exemple, du tyran, cité par Rousseau, qui gémit au spectacle des malheurs imaginaires d'Andromaque et de Priam ? Ce paradoxe d'un bourreau compatissant témoigne-t-il véritablement en faveur de l'altruisme ? Il témoigne plutôt, quoi qu'en dise Rousseau, d'un rapport entre l'amour propre et la capacité du moi à s'étendre par le jeu des identifications imaginaires. Si je souffre en pensée de la souffrance d'autrui, c'est que je me représente moi-même à sa place, et cette souffrance est d'autant plus grande que je m'identifie plus fortement à lui. Mais le ressort de ce sentiment n'est pas tant l'intérêt objectif d'autrui qu'un certain rapport qui s'établit entre sa souffrance et l'image que j'ai de moi-même. Autrement dit, c'est bien l'amour de soi qui se cache derrière le sentiment de la pitié. L'altruisme suscité par la pitié peut bien être sincère et authentique, il n'échappe pas aux pièges de l'amour propre. Il n'est dès lors pas nécessaire de se demander s'il est capable de céder devant l'égoïsme d'autrui.
Éminemment ambivalente, la pitié se transforme aussitôt en indifférence, voire en hostilité, quand la souffrance d'autrui se révèle moins intense qu'elle ne nous était apparue de prime abord. Aussi vouloir identifier l'altruisme au sentiment de la pitié risque-t-il d'en limiter considérablement la portée. On obtiendra peut-être de beaux succès d'audience, et des retombées financières non négligeables, mais on se condamnera à faire dépendre la valeur objective d'une cause humanitaire de l'intensité de l'effusion subjective qu'elle est susceptible de produire dans un public. La force de l'argument rousseauiste réside à n'en pas douter dans le lien étroit qu'il établit entre le spectacle de la souffrance et le sentiment universel de la pitié. Mais il n'est pas certain que cette émotion soit capable de se transformer en motivation, liée qu'elle est aux conditions du spectacle. Le spectaculaire se suffit à lui-même, se contentant bien souvent de beaux sentiments en guise d'action. Il n'est pas certain que la réflexion conduise toujours à adopter l'attitude de ce philosophe, qui, comme le suggère Rousseau, est capable de laisser assassiner un homme sous ses fenêtres en se donnant de bonnes raisons de ne pas intervenir (Rousseau, 1964, p. 156).
La réciprocité et le jugement moral
Si l'on veut, comme le propose Nagel (1970, p. 82), substituer une approche « rationaliste » à une approche « esthétique » de l'altruisme, il faut d'abord comprendre en quel sens un argument moral est susceptible de fournir une motivation. Il ne servirait à rien, en effet, de préférer le jugement moral à l'émotion si un tel jugement était incapable de conduire à des actions. Le raisonnement moral, condamné à l'impuissance, devrait alors s'appuyer sur une détermination psychologique (désir, sentiment, ou passion) et le problème de la motivation demeurerait entier. De l'impératif catégorique kantien, Nagel retient l'idée selon laquelle un jugement moral constitue en lui-même une motivation suffisante de l'action. Autrement dit, un argument moral digne de ce nom doit fournir également les conditions de sa réalisation pratique. La position du problème de l'altruisme selon Nagel rejoint le kantisme sur deux points : premièrement, par son rejet des systèmes moraux qui font découler les principes de la moralité d'une motivation antérieure à l'éthique, comme c'est le cas par exemple de la théorie de Hobbes, qui fonde en dernier ressort l'obligation morale sur la crainte de la mort (Foisneau, 2000, p. 215-255) ; deuxièmement, par l'importance qu'elle accorde à une conception métaphysique de la personne, analogue au principe kantien de la liberté pratique. Comme Kant (Kant, 1980, p. 110), Nagel lie intimement ces deux points puisque c'est une certaine conception de soi qui lui permet d'expliquer l'intérêt qu'un agent peut trouver à agir par altruisme, indépendamment de toute autre considération (Nagel, 1970, p. 11).
La réciprocité, critère objectif de l'altruisme
Parmi les critères objectifs invoqués par les philosophes moraux, celui qui revient le plus régulièrement est celui de la réciprocité. Plusieurs formulations en ont été proposées depuis les Évangiles selon Luc (6, 31) et Matthieu (7, 12). Thomas Nagel en a donné pour sa part la version suivante : « Qu'est-ce que vous diriez si quelqu'un vous faisait cela à vous ? » (Nagel, 1970, p. 82). Intuitivement, on comprend assez bien la portée de l'argument que l'on pourrait reformuler de la façon suivante : « Ce que tu ne veux pas que l'on te fasse, ne le fais pas à autrui » (Hobbes, 1971, p. 130). Pris au pied de la lettre, cet argument semble restreindre le champ de l'éthique à une considération de prudence : si je veux éviter représailles et sentiment de culpabilité, il vaut mieux que j'évite de faire subir à autrui des comportements dont je ne souhaiterais pas être moi-même la victime. À ce conséquentialisme élémentaire, la règle de la réciprocité ne répond qu'imparfaitement.
Ne pourrait-on, en effet, éviter représailles et mauvaise conscience en prenant tour à tour, ou simultanément, un garde du corps et un anxiolytique ? L'une et l'autre solution sont également inappropriées, car l'argument de la réciprocité se distingue, selon Nagel, de l'argument de la pitié comme une raison objective se différencie d'une raison subjective. Dire qu'une raison d'agir est objective, c'est dire que la fin de l'action est susceptible de valoir pour tous les agents qui se trouvent dans la même situation ; dire qu'une raison d'agir est subjective, c'est dire qu'elle ne vaut que pour l'agent qui la fait valoir. Lorsque l'on se soucie de réciprocité, notre raison d'agir est objective, car n'importe qui devrait agir comme nous le faisons; lorsque le mobile de l'action est la pitié, notre raison d'agir est subjective, car elle dépend de notre sensibilité. Ainsi, alors que la pitié est une réaction émotionnelle d'autant plus forte que la réflexion qui l'accompagne est plus faible, la formule canonique que nous examinons relève non pas de la sensibilité mais du jugement, et plus exactement d'un jugement qui met en œuvre un principe universel.
Le jeu de rôle auquel le principe de réciprocité nous invite est en ce sens de nature très différente de l'identification dont il s'agit dans la pitié. Au lieu de mettre autrui à notre place en lui prêtant nos sentiments, il s'agit bien plutôt de nous mettre à sa place en appliquant la règle de réciprocité. Quand nous nous mettons en imagination à la place d'autrui, nous le mettons de fait à notre place, car nous étendons la sphère de notre moi sensible ; quand nous nous mettons par le jugement à la place d'autrui, nous nous mettons de fait à sa place, car nous considérons nos actions et nos désirs comme s'il s'agissait de ceux d'un autre. Dans un cas, le mobile de l'action est l'empathie, qui recouvre le monde de nos (bons) sentiments ; dans l'autre, le motif de l'action est la considération de la valeur objective de nos besoins, désirs et actions, indépendamment du fait que ce sont les nôtres. Autrement dit, quand nous compatissons aux malheurs d'autrui, nous prêtons à ce dernier notre capacité de sentir ; quand nous jugeons en termes de réciprocité, nous jugeons nos actions comme autrui le ferait. Le jeu de rôle a ici pour fonction de nous permettre de considérer notre capacité à agir comme s'il s'agissait de celle d'un autre. C'est en ce sens un dispositif d'objectivation par lequel nous attribuons à nos besoins, à nos actions et à nos désirs un « certain intérêt objectif » (Nagel, 1970, p. 83).
Il n'est pas dans notre propos d'établir ici les conditions formelles d'une distinction entre raisons subjectives et raisons objectives de l'action. Cette distinction pose des problèmes techniques que l'on trouvera exposés dans les chapitres X et XI de The Possibility of Altruism. Nous nous contenterons d'analyser la thèse principale et le principe métaphysique qui la sous-tend.
La possibilité de l'altruisme réside dans l'objectivation de soi
Pour mieux comprendre l'originalité de la définition objectiviste de l'altruisme, il peut être utile de partir d'une définition subjectiviste de l'égoïsme. L'égoïsme est, pour Nagel, la doctrine morale qui suppose qu'un agent n'a d'autres raisons d'agir que celles qui procèdent de ses intérêts et de ses désirs. La question qui guide l'action égoïste, et cela de façon systématique, sera toujours de la forme suivante : dans quelle mesure l'intérêt ou le but que l'on propose à mon action est-il un intérêt ou un but pour moi ?
À l'inverse, un égoïste ne pourra se plaindre de ce qu'autrui ne prenne aucunement en compte ses désirs ou ses intérêts puisqu'il ignore par principe ce que pourrait être un intérêt objectif. Si donc l'égoïste reformule toutes les maximes de ses actions à la première personne du singulier, l'altruiste, à l'inverse, doit reformuler toutes ses actions à la troisième personne du singulier. Il est clair, par conséquent, que le principe qui sous-tend l'altruisme est un principe formel, que l'on peut définir par la contrainte, formelle elle aussi, selon laquelle « dans toute situation dans laquelle une personne a une raison de poursuivre un but, nous devons être capable de découvrir la fin que n'importe qui [à sa place] devrait s'efforcer d'atteindre, s'il était en mesure de le faire » (Nagel, 1970, p. 90).
Autrement dit, le postulat formel de l'altruisme est qu'il est toujours possible de faire abstraction de la variable subjective dans nos raisonnements moraux. Nul besoin, par conséquent, de faire appel aux émotions pour apprécier une situation de détresse ; on doit être en mesure de reformuler la maxime de notre action indépendamment de la pitié que les victimes d'une catastrophe nous inspirent. Cela ne signifie pas bien évidemment que l'on devrait objectiver les situations de détresse, et interdire l'expression de la pitié, mais que le fondement moral de notre action ne réside pas dans l'intensité de nos sentiments à l'égard des autres, mais dans l'objectivité des raisons que nous avons de leur venir en aide.
Une personne parmi d'autres
Le fondement métaphysique de l'altruisme réside, selon Nagel, dans la détermination de soi-même comme une personne quelconque, comme un quidam. L'argument de la réciprocité suppose, en effet, qu'un agent moral soit capable d'agir selon des raisons qui ne valent pas seulement pour lui, mais pour n'importe quel autre agent.
Or, pour cela, il faut qu'il soit capable de se concevoir lui-même, non pas comme une monade sans porte ni fenêtre, mais comme une personne parmi d'autres. C'est seulement à cette condition qu'il peut être certain que son jugement possède une valeur objective, c'est-à-dire qu'il correspond aussi à l'intérêt d'autrui.
De fait, l'objectivé d'un jugement pratique est fonction de la capacité où nous sommes à le traduire à la troisième personne. Lorsque j'affirme, dans une perspective subjective, que je dois faire quelque chose (Nagel, 1970, p. 107), la valeur objective de mon jugement est fonction de la possibilité de restituer le jugement impersonnel qui le sous-tend.
Altruisme et égoïsme
Ce résultat nous permet de conclure que le souci que nous avons des intérêts d'autrui n'a pas besoin d'être dérivé du souci de nos propres intérêts, puisque, comme nous venons de voir, il correspond à la possibilité universellement partagée de considérer nos actions d'un point de vue impersonnel.
Alors qu'un égoïste, s'il en existe, serait forcé de ramener toutes ses raisons d'agir à ses désirs et à ses intérêts, ne reconnaissant pas même l'intérêt qu'autrui pourrait avoir à lui venir en aide, l'altruiste procède en sens inverse des raisons subjectives, que nous connaissons tous, vers les raisons objectives qui conduisent une personne parmi d'autres à prendre intérêt à quelque chose ou à quelqu'un.
(Luc Foisneau, chargé de recherche au CNRS)
En conformité avec l'intention première d'Auguste Comte, qui forge le terme sur le modèle du mot « égoïsme » (Comte, 1852, p. 60), le mot « altruisme » demeure associé dans la conscience commune à une disposition spontanée de l'homme à porter secours à ses semblables. C'est en ce sens une inclination naturelle, capable, parce qu'elle est antérieure à la réflexion, de nous faire oublier l'intérêt que nous portons tout aussi spontanément à notre propre conservation.
L'altruisme apparaît ainsi comme une capacité, inhérente à la nature humaine, mais peut-être aussi à la nature animale en général, de suspendre la considération exclusive de son bien-être à la vue de la souffrance d'autrui. Pour Rousseau, il existe une émotion fondamentale, la pitié, qui « tempère l'ardeur » que l'homme « a pour son bien-être par une répugnance innée à voir souffrir son semblable » (Rousseau, 1964, p. 154).
La pitié constitue de fait un critère sensible de l'altruisme. Plus l'émotion ressentie face à la misère d'autrui sera grande, plus grand sera l'altruisme de celui qui la ressent. Ce critère a les faveurs du sens commun : c'est à lui que l'on pense quand on nous demande d'apprécier l'altruisme d'une personne.
Mais il n'est pas pour autant dénué d'ambiguïté. Après tout, les bons sentiments suffisent rarement, quand il s'agit d'éthique, et la pitié ne fait probablement pas exception à la règle. Dans l'article que l'on va lire, il s'agira de s'interroger sur les limites de la définition rousseauiste de l'altruisme, à partir des réflexions du philosophe américain Thomas Nagel. Le concept de réciprocité, que ce dernier met en œuvre dans The Possibility of Altruism, nous servira de fil conducteur pour tenter de penser l'altruisme indépendamment de l'émotion de la pitié.
La pitié et le spectacle de la souffrance
En tant qu'elle nous rappelle à l'existence sensible d'autrui, la pitié peut être considérée comme l'origine commune de tous les sentiments altruistes ; quand on l'applique aux faibles, aux coupables et à l'espèce humaine, elle engendre la générosité, la clémence et l'humanité ; quand on l'applique à des individus, elle fait naître la bienveillance et l'amitié. Elle constitue de ce fait, pour Rousseau, la plus parfaite réfutation de la thèse de Mandeville selon laquelle les vices privés suffiraient à engendrer les vertus publiques (Rousseau, 1964, p. 155). Non seulement il ne suffit pas de donner libre cours à son amour propre pour que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes sociaux possibles, mais encore, sans capacité à éprouver de la pitié, il n'y aurait pas la moindre vertu sociale. La limitation de l'égoïsme procède par conséquent, non pas d'un mécanisme extérieur d'ajustement, mais d'une capacité intérieure à ressentir des émotions, non pas d'un calcul d'intérêt mais d'une effusion désintéressée.
Toutefois, l'altruisme ainsi conçu ne constitue pas une négation pure et simple de l'égoïsme, mais plutôt sa suspension momentanée, dans des circonstances toujours particulières. Les circonstances importent en l'occurrence car le rapport à autrui qu'instaure la pitié suppose la mise en relation d'un spectateur et d'un spectacle. Et si la vue de la souffrance d'autrui provoque bien l'interruption de la préoccupation de soi, cette interruption n'est toutefois que momentanée car l'amour propre a tôt fait de reprendre le dessus dès que le spectacle perd en intensité. Si l'on ne peut que se féliciter de voir démontré aux yeux des plus endurcis le caractère « compatissant et sensible » de l'homme (Rousseau, 1964, p. 154), on peut aussi s'interroger sur les limites de la suspension de l'égoïsme ainsi produite.
Quand Mandeville reconnaît qu'un homme ressentirait de la pitié au spectacle d'un enfant arraché des bras de sa mère et dévoré par une bête féroce, les circonstances de la scène - l'homme en question assiste à la scène derrière les barreaux d'une cellule - attestent tout autant de la compassion désintéressée du spectateur que de son impuissance à intervenir. Il y a là un paradoxe dont on ne saurait trop souligner l'importance pour une sociologie de la pitié : l'intensité de l'émotion altruiste semble proportionnelle à l'empêchement d'agir. Cette situation correspond, de fait, à celle des spectateurs que nous sommes, lorsque nous assistons impuissants, devant nos écrans, à des drames lointains. Les circonstances de la pitié sont semblables dans les deux cas, l'intensité du pathos venant à la rescousse d'un ethos défaillant. Sans doute aussi, une trop grande proximité réelle avec ceux qui souffrent risquerait-elle de transformer la pitié en panique, comme l'indique l'exemple du troupeau qui découvre le spectacle de l'abattoir où il va finir (Rousseau, 1964, p. 154). Sentiment intensément subjectif, la pitié dépend pour beaucoup du point de vue de celui qui la ressent. Point de vue, spectacle : ces termes ne sont certes pas incompatibles avec la sincérité des émotions, mais indiquent au minimum le caractère fortement, et peut-être irréductiblement, esthétique de cette version de l'altruisme à laquelle donne naissance le sentiment de la pitié.
Que penser, par exemple, du tyran, cité par Rousseau, qui gémit au spectacle des malheurs imaginaires d'Andromaque et de Priam ? Ce paradoxe d'un bourreau compatissant témoigne-t-il véritablement en faveur de l'altruisme ? Il témoigne plutôt, quoi qu'en dise Rousseau, d'un rapport entre l'amour propre et la capacité du moi à s'étendre par le jeu des identifications imaginaires. Si je souffre en pensée de la souffrance d'autrui, c'est que je me représente moi-même à sa place, et cette souffrance est d'autant plus grande que je m'identifie plus fortement à lui. Mais le ressort de ce sentiment n'est pas tant l'intérêt objectif d'autrui qu'un certain rapport qui s'établit entre sa souffrance et l'image que j'ai de moi-même. Autrement dit, c'est bien l'amour de soi qui se cache derrière le sentiment de la pitié. L'altruisme suscité par la pitié peut bien être sincère et authentique, il n'échappe pas aux pièges de l'amour propre. Il n'est dès lors pas nécessaire de se demander s'il est capable de céder devant l'égoïsme d'autrui.
Éminemment ambivalente, la pitié se transforme aussitôt en indifférence, voire en hostilité, quand la souffrance d'autrui se révèle moins intense qu'elle ne nous était apparue de prime abord. Aussi vouloir identifier l'altruisme au sentiment de la pitié risque-t-il d'en limiter considérablement la portée. On obtiendra peut-être de beaux succès d'audience, et des retombées financières non négligeables, mais on se condamnera à faire dépendre la valeur objective d'une cause humanitaire de l'intensité de l'effusion subjective qu'elle est susceptible de produire dans un public. La force de l'argument rousseauiste réside à n'en pas douter dans le lien étroit qu'il établit entre le spectacle de la souffrance et le sentiment universel de la pitié. Mais il n'est pas certain que cette émotion soit capable de se transformer en motivation, liée qu'elle est aux conditions du spectacle. Le spectaculaire se suffit à lui-même, se contentant bien souvent de beaux sentiments en guise d'action. Il n'est pas certain que la réflexion conduise toujours à adopter l'attitude de ce philosophe, qui, comme le suggère Rousseau, est capable de laisser assassiner un homme sous ses fenêtres en se donnant de bonnes raisons de ne pas intervenir (Rousseau, 1964, p. 156).
La réciprocité et le jugement moral
Si l'on veut, comme le propose Nagel (1970, p. 82), substituer une approche « rationaliste » à une approche « esthétique » de l'altruisme, il faut d'abord comprendre en quel sens un argument moral est susceptible de fournir une motivation. Il ne servirait à rien, en effet, de préférer le jugement moral à l'émotion si un tel jugement était incapable de conduire à des actions. Le raisonnement moral, condamné à l'impuissance, devrait alors s'appuyer sur une détermination psychologique (désir, sentiment, ou passion) et le problème de la motivation demeurerait entier. De l'impératif catégorique kantien, Nagel retient l'idée selon laquelle un jugement moral constitue en lui-même une motivation suffisante de l'action. Autrement dit, un argument moral digne de ce nom doit fournir également les conditions de sa réalisation pratique. La position du problème de l'altruisme selon Nagel rejoint le kantisme sur deux points : premièrement, par son rejet des systèmes moraux qui font découler les principes de la moralité d'une motivation antérieure à l'éthique, comme c'est le cas par exemple de la théorie de Hobbes, qui fonde en dernier ressort l'obligation morale sur la crainte de la mort (Foisneau, 2000, p. 215-255) ; deuxièmement, par l'importance qu'elle accorde à une conception métaphysique de la personne, analogue au principe kantien de la liberté pratique. Comme Kant (Kant, 1980, p. 110), Nagel lie intimement ces deux points puisque c'est une certaine conception de soi qui lui permet d'expliquer l'intérêt qu'un agent peut trouver à agir par altruisme, indépendamment de toute autre considération (Nagel, 1970, p. 11).
La réciprocité, critère objectif de l'altruisme
Parmi les critères objectifs invoqués par les philosophes moraux, celui qui revient le plus régulièrement est celui de la réciprocité. Plusieurs formulations en ont été proposées depuis les Évangiles selon Luc (6, 31) et Matthieu (7, 12). Thomas Nagel en a donné pour sa part la version suivante : « Qu'est-ce que vous diriez si quelqu'un vous faisait cela à vous ? » (Nagel, 1970, p. 82). Intuitivement, on comprend assez bien la portée de l'argument que l'on pourrait reformuler de la façon suivante : « Ce que tu ne veux pas que l'on te fasse, ne le fais pas à autrui » (Hobbes, 1971, p. 130). Pris au pied de la lettre, cet argument semble restreindre le champ de l'éthique à une considération de prudence : si je veux éviter représailles et sentiment de culpabilité, il vaut mieux que j'évite de faire subir à autrui des comportements dont je ne souhaiterais pas être moi-même la victime. À ce conséquentialisme élémentaire, la règle de la réciprocité ne répond qu'imparfaitement.
Ne pourrait-on, en effet, éviter représailles et mauvaise conscience en prenant tour à tour, ou simultanément, un garde du corps et un anxiolytique ? L'une et l'autre solution sont également inappropriées, car l'argument de la réciprocité se distingue, selon Nagel, de l'argument de la pitié comme une raison objective se différencie d'une raison subjective. Dire qu'une raison d'agir est objective, c'est dire que la fin de l'action est susceptible de valoir pour tous les agents qui se trouvent dans la même situation ; dire qu'une raison d'agir est subjective, c'est dire qu'elle ne vaut que pour l'agent qui la fait valoir. Lorsque l'on se soucie de réciprocité, notre raison d'agir est objective, car n'importe qui devrait agir comme nous le faisons; lorsque le mobile de l'action est la pitié, notre raison d'agir est subjective, car elle dépend de notre sensibilité. Ainsi, alors que la pitié est une réaction émotionnelle d'autant plus forte que la réflexion qui l'accompagne est plus faible, la formule canonique que nous examinons relève non pas de la sensibilité mais du jugement, et plus exactement d'un jugement qui met en œuvre un principe universel.
Le jeu de rôle auquel le principe de réciprocité nous invite est en ce sens de nature très différente de l'identification dont il s'agit dans la pitié. Au lieu de mettre autrui à notre place en lui prêtant nos sentiments, il s'agit bien plutôt de nous mettre à sa place en appliquant la règle de réciprocité. Quand nous nous mettons en imagination à la place d'autrui, nous le mettons de fait à notre place, car nous étendons la sphère de notre moi sensible ; quand nous nous mettons par le jugement à la place d'autrui, nous nous mettons de fait à sa place, car nous considérons nos actions et nos désirs comme s'il s'agissait de ceux d'un autre. Dans un cas, le mobile de l'action est l'empathie, qui recouvre le monde de nos (bons) sentiments ; dans l'autre, le motif de l'action est la considération de la valeur objective de nos besoins, désirs et actions, indépendamment du fait que ce sont les nôtres. Autrement dit, quand nous compatissons aux malheurs d'autrui, nous prêtons à ce dernier notre capacité de sentir ; quand nous jugeons en termes de réciprocité, nous jugeons nos actions comme autrui le ferait. Le jeu de rôle a ici pour fonction de nous permettre de considérer notre capacité à agir comme s'il s'agissait de celle d'un autre. C'est en ce sens un dispositif d'objectivation par lequel nous attribuons à nos besoins, à nos actions et à nos désirs un « certain intérêt objectif » (Nagel, 1970, p. 83).
Il n'est pas dans notre propos d'établir ici les conditions formelles d'une distinction entre raisons subjectives et raisons objectives de l'action. Cette distinction pose des problèmes techniques que l'on trouvera exposés dans les chapitres X et XI de The Possibility of Altruism. Nous nous contenterons d'analyser la thèse principale et le principe métaphysique qui la sous-tend.
La possibilité de l'altruisme réside dans l'objectivation de soi
Pour mieux comprendre l'originalité de la définition objectiviste de l'altruisme, il peut être utile de partir d'une définition subjectiviste de l'égoïsme. L'égoïsme est, pour Nagel, la doctrine morale qui suppose qu'un agent n'a d'autres raisons d'agir que celles qui procèdent de ses intérêts et de ses désirs. La question qui guide l'action égoïste, et cela de façon systématique, sera toujours de la forme suivante : dans quelle mesure l'intérêt ou le but que l'on propose à mon action est-il un intérêt ou un but pour moi ?
À l'inverse, un égoïste ne pourra se plaindre de ce qu'autrui ne prenne aucunement en compte ses désirs ou ses intérêts puisqu'il ignore par principe ce que pourrait être un intérêt objectif. Si donc l'égoïste reformule toutes les maximes de ses actions à la première personne du singulier, l'altruiste, à l'inverse, doit reformuler toutes ses actions à la troisième personne du singulier. Il est clair, par conséquent, que le principe qui sous-tend l'altruisme est un principe formel, que l'on peut définir par la contrainte, formelle elle aussi, selon laquelle « dans toute situation dans laquelle une personne a une raison de poursuivre un but, nous devons être capable de découvrir la fin que n'importe qui [à sa place] devrait s'efforcer d'atteindre, s'il était en mesure de le faire » (Nagel, 1970, p. 90).
Autrement dit, le postulat formel de l'altruisme est qu'il est toujours possible de faire abstraction de la variable subjective dans nos raisonnements moraux. Nul besoin, par conséquent, de faire appel aux émotions pour apprécier une situation de détresse ; on doit être en mesure de reformuler la maxime de notre action indépendamment de la pitié que les victimes d'une catastrophe nous inspirent. Cela ne signifie pas bien évidemment que l'on devrait objectiver les situations de détresse, et interdire l'expression de la pitié, mais que le fondement moral de notre action ne réside pas dans l'intensité de nos sentiments à l'égard des autres, mais dans l'objectivité des raisons que nous avons de leur venir en aide.
Une personne parmi d'autres
Le fondement métaphysique de l'altruisme réside, selon Nagel, dans la détermination de soi-même comme une personne quelconque, comme un quidam. L'argument de la réciprocité suppose, en effet, qu'un agent moral soit capable d'agir selon des raisons qui ne valent pas seulement pour lui, mais pour n'importe quel autre agent.
Or, pour cela, il faut qu'il soit capable de se concevoir lui-même, non pas comme une monade sans porte ni fenêtre, mais comme une personne parmi d'autres. C'est seulement à cette condition qu'il peut être certain que son jugement possède une valeur objective, c'est-à-dire qu'il correspond aussi à l'intérêt d'autrui.
De fait, l'objectivé d'un jugement pratique est fonction de la capacité où nous sommes à le traduire à la troisième personne. Lorsque j'affirme, dans une perspective subjective, que je dois faire quelque chose (Nagel, 1970, p. 107), la valeur objective de mon jugement est fonction de la possibilité de restituer le jugement impersonnel qui le sous-tend.
Altruisme et égoïsme
Ce résultat nous permet de conclure que le souci que nous avons des intérêts d'autrui n'a pas besoin d'être dérivé du souci de nos propres intérêts, puisque, comme nous venons de voir, il correspond à la possibilité universellement partagée de considérer nos actions d'un point de vue impersonnel.
Alors qu'un égoïste, s'il en existe, serait forcé de ramener toutes ses raisons d'agir à ses désirs et à ses intérêts, ne reconnaissant pas même l'intérêt qu'autrui pourrait avoir à lui venir en aide, l'altruiste procède en sens inverse des raisons subjectives, que nous connaissons tous, vers les raisons objectives qui conduisent une personne parmi d'autres à prendre intérêt à quelque chose ou à quelqu'un.
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
Élévation
Charles Beaudelaire
Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur
De feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;
Celui dont les pensées, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !
Charles Beaudelaire
Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur
De feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;
Celui dont les pensées, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
Namouna - Chant troisième
Alfred de Musset
Alfred de Musset
I
Je jure devant Dieu que mon unique envie
Etait de raconter une histoire suivie.
Le sujet de ce conte avait quelque douceur,
Et mon héros peut-être eût su plaire au lecteur.
J'ai laissé s'envoler ma plume avec sa vie,
En voulant prendre au vol les rêves de son cœur.
II
Je reconnais bien là ma tactique admirable.
Dans tout ce que je fais j'ai la triple vertu
D'être à la fois trop court, trop long, et décousu.
Le poème et le plan, les héros et la fable,
Tout s'en va de travers, comme sur une table
Un plat cuit d'un côté, pendant que l'autre est cru.
III
Le théâtre à coup sûr n'était pas mon affaire.
Je vous demande un peu quel métier j'y ferais,
Et de quelle façon je m'y hasarderais,
Quand j'y vois trébucher ceux qui, dans la carrière
Debout depuis vingt ans sur leur pensée altière,
Du pied de leurs coursiers ne doutèrent jamais.
IV
Mes amis à présent me conseillent d'en rire,
De couper sous l'archet les cordes de ma lyre,
Et de remettre au vert Hassan et Namouna.
Mais j'ai dit que l'histoire existait, — la voilà.
Puisqu'en son temps et lieu je n'ai pas pu l'écrire,
Je vais la raconter ; l'écrira qui voudra.
V
Un jeune musulman avait donc la manie
D'acheter aux bazars deux esclaves par mois.
L'une et l'autre à son lit ne touchait que trois fois.
Le quatrième jour, l'une et l'autre bannie,
Libre de toute chaîne, et la bourse garnie,
Laissait la porte ouverte à quelque nouveau choix.
VI
Il se trouva du nombre une petite fille
Enlevée à Cadix chez un riche marchand.
Un vieux pirate grec l'avait trouvé gentille,
Et, comme il connaissait quelqu'un de sa famille,
La voyant au logis toute seule en passant,
Il l'avait à son brick emportée en causant.
VTII
Hassan toute sa vie aima les Espagnoles.
Celle ci l'enchanta, — si bien qu'en la quittant,
Il lui donna lui-même un sac plein de pistoles,
Par-dessus le marché quelques douces paroles,
Et voulut la conduire à bord d'un bâtiment
Qui pour son cher pays partait par un bon vent.
VIII
Mais la pauvre Espagnole au cœur était blessée.
Elle le laissait faire et n'y comprenait rien,
Sinon qu'Île était bale, et qu'elle l'aimait bien.
Elle lui répondit : Pourquoi m'as-tu chassée ?
Si je te déplaisais, que ne m'as-tu laissée ?
N'as-tu rien dans le cœur de m'avoir pris le mien ?
IX
Elle s'en fut au port, et s'assit en silence,
Tenant son petit sac, et n'osant murmurer.
Mais quand elle sentit sur cette mer immense
Le vaisseau s'émouvoir et les vents soupirer,
Le cœur lui défaillit, et perdant l'espérance,
Elle baissa son voile et se prit à pleurer.
X
Il arriva qu'alors six jeunes Africaines
Entraient dans un bazar, les bras chargés de chaînes.
Sur les tapis de soie un vieux juif étalait
Ces beaux poissons dorés, pris d'un coup de filet.
La foule trépignait, les cages étaient pleines,
Et la chair marchandée au soleil se tordait.
XI
Par un double hasard Hassan vint à paraître.
Namouna se leva, s'en fut trouver le vieux :
Je suis blonde, dit-elle, et je pourrais peut-être
Me vendre un peu plus cher avec de faux cheveux
Mais je ne voudrais pas qu'on pût me reconnaître.
Peignez-moi les sourcils, le visage et les yeux.
XII
Alors, comme autrefois Constance pour Camille,
Elle prit son poignard et coupa ses habits.
Vendez-moi maintenant, dit-elle, et, pour le prix,
Nous n'en parlerons pas. Ainsi la pauvre fille
Vint reprendre sa chaîne aux barreaux d'une grille,
Et rapporter son cœur aux yeux qui l'avaient pris
XIII
Je vous dirais qu'Hassan racheta Namouna
Qu'au lit de son amant le juif la ramena ;
Qu'on reconnut trop tard cette tête adorée ;
Et cette douce nuit qu'elle avait espérée,
Que pour prix de ses maux le ciel la lui donna.
XIV
Je vous dirai surtout qu'Hassan dans cette affaire
Sentit que tôt ou tard la femme avait son tour,
Et que l'amour de soi ne vaut pas l'autre amour.
Mais le hasard peut tout, — et ce qu'on lui voit faire
Nous a souvent appris que le bonheur sur terre
Peut n'avoir qu'une nuit, comme la gloire un jour.
Je jure devant Dieu que mon unique envie
Etait de raconter une histoire suivie.
Le sujet de ce conte avait quelque douceur,
Et mon héros peut-être eût su plaire au lecteur.
J'ai laissé s'envoler ma plume avec sa vie,
En voulant prendre au vol les rêves de son cœur.
II
Je reconnais bien là ma tactique admirable.
Dans tout ce que je fais j'ai la triple vertu
D'être à la fois trop court, trop long, et décousu.
Le poème et le plan, les héros et la fable,
Tout s'en va de travers, comme sur une table
Un plat cuit d'un côté, pendant que l'autre est cru.
III
Le théâtre à coup sûr n'était pas mon affaire.
Je vous demande un peu quel métier j'y ferais,
Et de quelle façon je m'y hasarderais,
Quand j'y vois trébucher ceux qui, dans la carrière
Debout depuis vingt ans sur leur pensée altière,
Du pied de leurs coursiers ne doutèrent jamais.
IV
Mes amis à présent me conseillent d'en rire,
De couper sous l'archet les cordes de ma lyre,
Et de remettre au vert Hassan et Namouna.
Mais j'ai dit que l'histoire existait, — la voilà.
Puisqu'en son temps et lieu je n'ai pas pu l'écrire,
Je vais la raconter ; l'écrira qui voudra.
V
Un jeune musulman avait donc la manie
D'acheter aux bazars deux esclaves par mois.
L'une et l'autre à son lit ne touchait que trois fois.
Le quatrième jour, l'une et l'autre bannie,
Libre de toute chaîne, et la bourse garnie,
Laissait la porte ouverte à quelque nouveau choix.
VI
Il se trouva du nombre une petite fille
Enlevée à Cadix chez un riche marchand.
Un vieux pirate grec l'avait trouvé gentille,
Et, comme il connaissait quelqu'un de sa famille,
La voyant au logis toute seule en passant,
Il l'avait à son brick emportée en causant.
VTII
Hassan toute sa vie aima les Espagnoles.
Celle ci l'enchanta, — si bien qu'en la quittant,
Il lui donna lui-même un sac plein de pistoles,
Par-dessus le marché quelques douces paroles,
Et voulut la conduire à bord d'un bâtiment
Qui pour son cher pays partait par un bon vent.
VIII
Mais la pauvre Espagnole au cœur était blessée.
Elle le laissait faire et n'y comprenait rien,
Sinon qu'Île était bale, et qu'elle l'aimait bien.
Elle lui répondit : Pourquoi m'as-tu chassée ?
Si je te déplaisais, que ne m'as-tu laissée ?
N'as-tu rien dans le cœur de m'avoir pris le mien ?
IX
Elle s'en fut au port, et s'assit en silence,
Tenant son petit sac, et n'osant murmurer.
Mais quand elle sentit sur cette mer immense
Le vaisseau s'émouvoir et les vents soupirer,
Le cœur lui défaillit, et perdant l'espérance,
Elle baissa son voile et se prit à pleurer.
X
Il arriva qu'alors six jeunes Africaines
Entraient dans un bazar, les bras chargés de chaînes.
Sur les tapis de soie un vieux juif étalait
Ces beaux poissons dorés, pris d'un coup de filet.
La foule trépignait, les cages étaient pleines,
Et la chair marchandée au soleil se tordait.
XI
Par un double hasard Hassan vint à paraître.
Namouna se leva, s'en fut trouver le vieux :
Je suis blonde, dit-elle, et je pourrais peut-être
Me vendre un peu plus cher avec de faux cheveux
Mais je ne voudrais pas qu'on pût me reconnaître.
Peignez-moi les sourcils, le visage et les yeux.
XII
Alors, comme autrefois Constance pour Camille,
Elle prit son poignard et coupa ses habits.
Vendez-moi maintenant, dit-elle, et, pour le prix,
Nous n'en parlerons pas. Ainsi la pauvre fille
Vint reprendre sa chaîne aux barreaux d'une grille,
Et rapporter son cœur aux yeux qui l'avaient pris
XIII
Je vous dirais qu'Hassan racheta Namouna
Qu'au lit de son amant le juif la ramena ;
Qu'on reconnut trop tard cette tête adorée ;
Et cette douce nuit qu'elle avait espérée,
Que pour prix de ses maux le ciel la lui donna.
XIV
Je vous dirai surtout qu'Hassan dans cette affaire
Sentit que tôt ou tard la femme avait son tour,
Et que l'amour de soi ne vaut pas l'autre amour.
Mais le hasard peut tout, — et ce qu'on lui voit faire
Nous a souvent appris que le bonheur sur terre
Peut n'avoir qu'une nuit, comme la gloire un jour.
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
doublons.....oups!
Dernière édition par mumu117 le Lun 21 Jan 2013 - 19:49, édité 1 fois
MysticApocalypse- Messages : 3476
Date d'inscription : 07/08/2012
Localisation : Dans la limite du stock de neurones disponibles.....
Re: A la recherche d'Atoum
Qilin a écrit:Élévation
Charles Beaudelaire
Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur
De feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;
Celui dont les pensées, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !
rien qu'en lisant ça j'ai l'impression de voler.......les mots sont vraiment magiques......
ils peuvent aussi bien élever que rabaisser.....ils font voyager,rêver,apprendre ...etc,ressentir la vie en fait.......
les pnl justement se servent de ce côté magique des mots sur notre subconscient......pour que la formulation amène à la transformation...
MysticApocalypse- Messages : 3476
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Re: A la recherche d'Atoum
La vie profonde
Anna de Noailles
Être dans la nature ainsi qu'un arbre humain,
Étendre ses désirs comme un profond feuillage,
Et sentir, par la nuit paisible et par l'orage,
La sève universelle affluer dans ses mains !
Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face,
Boire le sel ardent des embruns et des pleurs,
Et goûter chaudement la joie et la douleur
Qui font une buée humaine dans l'espace !
Sentir, dans son coeur vif, l'air, le feu et le sang
Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre.
- S'élever au réel et pencher au mystère,
Être le jour qui monte et l'ombre qui descend.
Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise,
Laisser du coeur vermeil couler la flamme et l'eau,
Et comme l'aube claire appuyée au coteau
Avoir l'âme qui rêve, au bord du monde assise...
Anna de Noailles
Être dans la nature ainsi qu'un arbre humain,
Étendre ses désirs comme un profond feuillage,
Et sentir, par la nuit paisible et par l'orage,
La sève universelle affluer dans ses mains !
Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face,
Boire le sel ardent des embruns et des pleurs,
Et goûter chaudement la joie et la douleur
Qui font une buée humaine dans l'espace !
Sentir, dans son coeur vif, l'air, le feu et le sang
Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre.
- S'élever au réel et pencher au mystère,
Être le jour qui monte et l'ombre qui descend.
Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise,
Laisser du coeur vermeil couler la flamme et l'eau,
Et comme l'aube claire appuyée au coteau
Avoir l'âme qui rêve, au bord du monde assise...
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
L'esprit des mots peut-il être mis en parallèle avec l'esprit des lois ?
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
tres bonne question j'avoue que pour le moment je ne sais que repondre ,j'ai mon idée la dessus mais besoin de devellopper un peu ........merci Qilin encore une recherche interessante à faire!
étant donné les differents types de lois,les lois établies par les hommes ,celles de la nature,et celles de l'esprit......
étant donné les differents types de lois,les lois établies par les hommes ,celles de la nature,et celles de l'esprit......
MysticApocalypse- Messages : 3476
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Re: A la recherche d'Atoum
De rien mumu. C'est une des nombreuses choses auxquelles je réfléchis en ce moment.
Tiens, j'ai trouvé cette vidéo. Mis à part l'accent canadien que j'adore, je crois que les mots prononcés sont éclairants.
Tiens, j'ai trouvé cette vidéo. Mis à part l'accent canadien que j'adore, je crois que les mots prononcés sont éclairants.
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
merci qilin les canadiens sont plus avancés que nous sur tout ce qui touche au devellopement personnel et la douance aussi.....bon je regarde ça!
MysticApocalypse- Messages : 3476
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Re: A la recherche d'Atoum
Je suis d'accord, il faut arriver à laisser ses vieux bagages, ses valises, ses malles...à la consigne ! pour pouvoir prendre le train du futur.... et partir dans le wagon de la résilience.... se fabriquer, se programmer un voyage extraordinaire vers le futur....
PS; je rafolle de l'accent Canadien..
PS; je rafolle de l'accent Canadien..
Lemniscate le papillon- Messages : 6348
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Re: A la recherche d'Atoum
Through the Language Glass (Book Review)
Does the language you speak affect or reflect how you perceive and think about the world?
I was surprised to learn that the Russians recognize two different colours of blue, синий (siniy; dark blue) and голубой (goluboy; light blue), whereas the ancient Greeks didn't have any words at all for blue. In fact, if you've read either of the great epics, Iliad or Odyssey, you'll notice that the poetically eloquent Homer had an unexpectedly sparse colour vocabulary. Does this mean that Homer lived in a relatively colourless world?
These intriguing observations led British statesman and Homeric scholar, William Ewart Gladstone, to "launch a thousand ships of learning" when more than 150 years ago he proposed that the Greeks were partially colour-blind. This peculiar hypothesis has had a profound effect on the development of three academic disciplines and triggered a debate that continues to this day: Does the language you speak affect or reflect how you perceive and think about the world?
This recasting of the nature/nurture debate has kept scholars engaged in verbal arm-wrestling contests to this very day, a theme that author Guy Deutscher explores at length in his book, Through the Language Glass: Why The World Looks Different In Other Languages [2011: Arrow Books; Guardian Bookshop; Amazon UK; Amazon US].
The first section of the book, entitled "The Language Mirror", provides an overview of the practical reasons why words for individual colors appear in a consistent order across human languages. Words for black and white appear first since night and day are the most obvious events in a human's daily life and they present the strongest contrasts. The word for red then follows, since blood is red, and this is the next most important colour as humans regularly engage in warfare, hunting, childbirth and other bloody exercises. Colour names for yellow and green emerge later in many cultures due to the influence of agriculture and the need to specifically signify ripe or unripe grains and fruits. Then finally, the word for blue typically pops up.
This orderly semantic progression sets the stage for a prolonged examination of whether our mother tongue affects our colour perception. For example, if the sea is "wine-coloured" as Homer asserted, or if there is no word-name distinguishing green from yellow or green from blue in a particular language, can the speakers of that language perceive these colours? A separate section containing colour plates anchors this discussion, but overall, I found the shades of grey in this line of argument to be tedious and circular. Further, how the brain processes neural colour input is far more complex than Deutscher ever lets on, although he briefly revisits his colour idea at the end of the book to let us know that he probably shouldn't have discussed the colour example at all.
Ho hum.
The second section of the book, "The Language Lens", segues into an investigation of word gender (or type) in languages. Some languages do not have gender at all (e.g. the Finno-Ugric branch), whilst some are gender neutral (e.g. English), others have masculine, feminine and neuter genders (the Romance and Germanic languages) whilst still others have a plethora of additional genders, such as human/animal/canine/vegetable/drinks/liquids/mineral, etc.
After introducing and attempting to explain the logic of gender assignment for particular words (an impossible task to do properly), the author then asks whether the gender of an object's name word affects how we think about those objects? Deutscher, a native Hebrew speaker, illustrates this idea using an example translated from Hebrew:
Out of the masculine window I can see the masculine trees and on them the birds, which are feminine regardless of the accident of their anatomy. If I knew more about (feminine) ornithology, I could tell by looking at each bird what biological sex she was. I would point at her and explain to the less initiated: 'You can tell she is a male because of that red spot on her chest and also because she is larger than the females.' And I would not feel there was anything remotely strange about that. [p. 204]
Is that so strange? This is no more strange than ships retaining their feminine gender in English until, well, the publishing industry formally neutralised that charming little holdout in previous decade or so.
Deutscher goes on to discuss a number of psychological experiments designed to get at this fundamental gender/perception question. For example, native Spanish speakers are more likely perceive bridges (el puente; masculine gender) as being particularly big, strong or dangerous whilst native German speakers are more likely to perceive bridges (die Brücke; feminine gender) as elegant, fragile and slender.
The second half of the book, particularly Deutscher's discussion of gender and perception, was far more interesting and compelling than his prolonged exposé on colour, in my opinion. But it is a relief that, in the end, Deutscher concludes with what most of the rest of us already knew: neither the Sapir-Whorf hypothesis (language determines one's worldview) nor the Pinker hypothesis (language has no effect on one's worldview) can fully answer this nature (brain) versus nurture (culture) debate. In short, it's a little of both.
Does the language you speak affect or reflect how you perceive and think about the world?
I was surprised to learn that the Russians recognize two different colours of blue, синий (siniy; dark blue) and голубой (goluboy; light blue), whereas the ancient Greeks didn't have any words at all for blue. In fact, if you've read either of the great epics, Iliad or Odyssey, you'll notice that the poetically eloquent Homer had an unexpectedly sparse colour vocabulary. Does this mean that Homer lived in a relatively colourless world?
These intriguing observations led British statesman and Homeric scholar, William Ewart Gladstone, to "launch a thousand ships of learning" when more than 150 years ago he proposed that the Greeks were partially colour-blind. This peculiar hypothesis has had a profound effect on the development of three academic disciplines and triggered a debate that continues to this day: Does the language you speak affect or reflect how you perceive and think about the world?
This recasting of the nature/nurture debate has kept scholars engaged in verbal arm-wrestling contests to this very day, a theme that author Guy Deutscher explores at length in his book, Through the Language Glass: Why The World Looks Different In Other Languages [2011: Arrow Books; Guardian Bookshop; Amazon UK; Amazon US].
The first section of the book, entitled "The Language Mirror", provides an overview of the practical reasons why words for individual colors appear in a consistent order across human languages. Words for black and white appear first since night and day are the most obvious events in a human's daily life and they present the strongest contrasts. The word for red then follows, since blood is red, and this is the next most important colour as humans regularly engage in warfare, hunting, childbirth and other bloody exercises. Colour names for yellow and green emerge later in many cultures due to the influence of agriculture and the need to specifically signify ripe or unripe grains and fruits. Then finally, the word for blue typically pops up.
This orderly semantic progression sets the stage for a prolonged examination of whether our mother tongue affects our colour perception. For example, if the sea is "wine-coloured" as Homer asserted, or if there is no word-name distinguishing green from yellow or green from blue in a particular language, can the speakers of that language perceive these colours? A separate section containing colour plates anchors this discussion, but overall, I found the shades of grey in this line of argument to be tedious and circular. Further, how the brain processes neural colour input is far more complex than Deutscher ever lets on, although he briefly revisits his colour idea at the end of the book to let us know that he probably shouldn't have discussed the colour example at all.
Ho hum.
The second section of the book, "The Language Lens", segues into an investigation of word gender (or type) in languages. Some languages do not have gender at all (e.g. the Finno-Ugric branch), whilst some are gender neutral (e.g. English), others have masculine, feminine and neuter genders (the Romance and Germanic languages) whilst still others have a plethora of additional genders, such as human/animal/canine/vegetable/drinks/liquids/mineral, etc.
After introducing and attempting to explain the logic of gender assignment for particular words (an impossible task to do properly), the author then asks whether the gender of an object's name word affects how we think about those objects? Deutscher, a native Hebrew speaker, illustrates this idea using an example translated from Hebrew:
Out of the masculine window I can see the masculine trees and on them the birds, which are feminine regardless of the accident of their anatomy. If I knew more about (feminine) ornithology, I could tell by looking at each bird what biological sex she was. I would point at her and explain to the less initiated: 'You can tell she is a male because of that red spot on her chest and also because she is larger than the females.' And I would not feel there was anything remotely strange about that. [p. 204]
Is that so strange? This is no more strange than ships retaining their feminine gender in English until, well, the publishing industry formally neutralised that charming little holdout in previous decade or so.
Deutscher goes on to discuss a number of psychological experiments designed to get at this fundamental gender/perception question. For example, native Spanish speakers are more likely perceive bridges (el puente; masculine gender) as being particularly big, strong or dangerous whilst native German speakers are more likely to perceive bridges (die Brücke; feminine gender) as elegant, fragile and slender.
The second half of the book, particularly Deutscher's discussion of gender and perception, was far more interesting and compelling than his prolonged exposé on colour, in my opinion. But it is a relief that, in the end, Deutscher concludes with what most of the rest of us already knew: neither the Sapir-Whorf hypothesis (language determines one's worldview) nor the Pinker hypothesis (language has no effect on one's worldview) can fully answer this nature (brain) versus nurture (culture) debate. In short, it's a little of both.
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
Allez, avant d'aller me pioncer, une peu de rêve ...
1/ Vous savez que la mode est à la recherche de planètes telluriques autour de soleils lointains (exoplanètes).
Ici ( http://www.planethunters.org/ ) se trouve un site dédié sur lequel vous pouvez participer à cette recherche. Il faut s'inscrire (le site n'est pas payant).
2/ Des organismes (dont la NASA) continuent à pratiquer à la cartographie lunaire. Vous pouvez y contribuer ici ( http://www.moonzoo.org/ ). de la même façon que pour le précédent site, il faut s'incrire et c'est gratuit.
3/ Maintenant un site sur la vie et l'univers ( https://www.zooniverse.org/ ) où vous pourrez aussi retrouver des liens vers les deux précédents.
Bonne promenade sur la toile
1/ Vous savez que la mode est à la recherche de planètes telluriques autour de soleils lointains (exoplanètes).
Ici ( http://www.planethunters.org/ ) se trouve un site dédié sur lequel vous pouvez participer à cette recherche. Il faut s'inscrire (le site n'est pas payant).
2/ Des organismes (dont la NASA) continuent à pratiquer à la cartographie lunaire. Vous pouvez y contribuer ici ( http://www.moonzoo.org/ ). de la même façon que pour le précédent site, il faut s'incrire et c'est gratuit.
3/ Maintenant un site sur la vie et l'univers ( https://www.zooniverse.org/ ) où vous pourrez aussi retrouver des liens vers les deux précédents.
Bonne promenade sur la toile
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
choette ça aussi!
merci Qilin !je sens que je vais encore me coucher tres tres tard ,vu comme ç'est parti,entre ce que "je dois faire" et ce que j'ai hate de faire........le temps va encore filer a une de ces vitesses! j'adore..........
merci Qilin !je sens que je vais encore me coucher tres tres tard ,vu comme ç'est parti,entre ce que "je dois faire" et ce que j'ai hate de faire........le temps va encore filer a une de ces vitesses! j'adore..........
MysticApocalypse- Messages : 3476
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Re: A la recherche d'Atoum
Le temps passe et ne revient pas. Alors entant le remplir aux mieux de ses envies, n'est-ce pas ?
Bisous à toi mumu et à Lemniscate
Bisous à toi mumu et à Lemniscate
Dernière édition par Qilin le Lun 21 Jan 2013 - 22:13, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: A la recherche d'Atoum
Bonne nuit à vous deux.... plein de bizousss et faites de beaux rêves... les zamis..........
Lemniscate le papillon- Messages : 6348
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Re: A la recherche d'Atoum
bonne nuit Lemniscate....... fais de beaux rêves ......
MysticApocalypse- Messages : 3476
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Re: A la recherche d'Atoum
ouiiiiiiiiiii merciiiiiiiiiiiiiiiiiiii
Lemniscate le papillon- Messages : 6348
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Re: A la recherche d'Atoum
t'as raison Qilin autant profiter du temps que nous avons ........de toute façon c'est soit je me couche tard parce qu'occupée par pleins de choses soit une nuit d'insomnie parce que je serais frustrée par l'ennui!
le jour pour les obligations,la nuit pour les passions!
je te souhaite une bonne nuit également
bisous à tous les deux!
le jour pour les obligations,la nuit pour les passions!
je te souhaite une bonne nuit également
bisous à tous les deux!
Dernière édition par mumu117 le Lun 21 Jan 2013 - 22:34, édité 1 fois
MysticApocalypse- Messages : 3476
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Re: A la recherche d'Atoum
A demain... mon" vieux"....
Lemniscate le papillon- Messages : 6348
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Re: A la recherche d'Atoum
Le voyage
Charles Beaudelaire
I
Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le cœur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :
Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.
Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !
II
Nous imitons, horreur ! la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds ; même dans nos sommeils
La Curiosité nous tourmente et nous roule,
Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.
Singulière fortune où le but se déplace,
Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où !
Où l'homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou !
Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ;
Une voix retentit sur le pont : " Ouvre l'oeil ! "
Une voix de la hune, ardente et folle, crie .
" Amour... gloire... bonheur ! " Enfer ! c'est un écueil !
Chaque îlot signalé par l'homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin ;
L'Imagination qui dresse son orgie
Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin.
Ô le Pauvre amoureux des pays chimériques !
Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques
Dont le mirage rend le gouffre plus amer ?
Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue,
Rêve, le nez en l'air, de brillants paradis ;
Son oeil ensorcelé découvre une Capoue
Partout où la chandelle illumine un taudis.
III
Étonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers.
Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.
Dites, qu'avez-vous vu ?
IV
" Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;
Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.
La gloire du soleil sur la mer violette,
La gloire des cités dans le soleil couchant,
Allumaient dans nos coeurs une ardeur inquiète
De plonger dans un ciel au reflet alléchant.
Les plus riches cités, les plus grands paysages,
Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux
De ceux que le hasard fait avec les nuages.
Et toujours le désir nous rendait soucieux !
- La jouissance ajoute au désir de la force.
Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais,
Cependant que grossit et durcit ton écorce,
Tes branches veulent voir le soleil de plus près !
Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace
Que le cyprès ? - Pourtant nous avons, avec soin,
Cueilli quelques croquis pour votre album vorace,
Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de loin !
Nous avons salué des idoles à trompe ;
Des trônes constellés de joyaux lumineux ;
Des palais ouvragés dont la féerique pompe
Serait pour vos banquiers un rêve ruineux ;
" Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse ;
Des femmes dont les dents et les ongles sont teints,
Et des jongleurs savants que le serpent caresse. "
V
Et puis, et puis encore ?
VI
" Ô cerveaux enfantins !
Pour ne pas oublier la chose capitale,
Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché
La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût ;
L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égout ;
Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote ;
La fête qu'assaisonne et parfume le sang ;
Le poison du pouvoir énervant le despote,
Et le peuple amoureux du fouet abrutissant ;
Plusieurs religions semblables à la nôtre,
Toutes escaladant le ciel ; la Sainteté,
Comme en un lit de plume un délicat se vautre,
Dans les clous et le crin cherchant la volupté ;
L'Humanité bavarde, ivre de son génie,
Et, folle maintenant comme elle était jadis,
Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie :
" Ô mon semblable, ô mon maître, je te maudis ! "
Et les moins sots, hardis amants de la Démence,
Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin,
Et se réfugiant dans l'opium immense !
- Tel est du globe entier l'éternel bulletin. "
VII
Amer savoir, celui qu'on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image
Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui !
Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;
Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit
Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit,
Comme le Juif errant et comme les apôtres,
A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
Pour fuir ce rétiaire infâme : il en est d'autres
Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.
Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine,
Nous pourrons espérer et crier : En avant !
De même qu'autrefois nous partions pour la Chine,
Les yeux fixés au large et les cheveux au vent,
Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres
Avec le cœur joyeux d'un jeune passager.
Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres,
Qui chantent : " Par ici ! vous qui voulez manger
Le Lotus parfumé ! c'est ici qu'on vendange
Les fruits miraculeux dont votre coeur a faim ;
Venez vous enivrer de la douceur étrange
De cette après-midi qui n'a jamais de fin ? "
A l'accent familier nous devinons le spectre ;
Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.
" Pour rafraîchir ton coeur nage vers ton Electre ! "
Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.
VIII
Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons !
Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !
Charles Beaudelaire
I
Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le cœur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :
Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.
Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !
II
Nous imitons, horreur ! la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds ; même dans nos sommeils
La Curiosité nous tourmente et nous roule,
Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.
Singulière fortune où le but se déplace,
Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où !
Où l'homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou !
Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ;
Une voix retentit sur le pont : " Ouvre l'oeil ! "
Une voix de la hune, ardente et folle, crie .
" Amour... gloire... bonheur ! " Enfer ! c'est un écueil !
Chaque îlot signalé par l'homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin ;
L'Imagination qui dresse son orgie
Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin.
Ô le Pauvre amoureux des pays chimériques !
Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques
Dont le mirage rend le gouffre plus amer ?
Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue,
Rêve, le nez en l'air, de brillants paradis ;
Son oeil ensorcelé découvre une Capoue
Partout où la chandelle illumine un taudis.
III
Étonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers.
Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.
Dites, qu'avez-vous vu ?
IV
" Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;
Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.
La gloire du soleil sur la mer violette,
La gloire des cités dans le soleil couchant,
Allumaient dans nos coeurs une ardeur inquiète
De plonger dans un ciel au reflet alléchant.
Les plus riches cités, les plus grands paysages,
Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux
De ceux que le hasard fait avec les nuages.
Et toujours le désir nous rendait soucieux !
- La jouissance ajoute au désir de la force.
Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais,
Cependant que grossit et durcit ton écorce,
Tes branches veulent voir le soleil de plus près !
Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace
Que le cyprès ? - Pourtant nous avons, avec soin,
Cueilli quelques croquis pour votre album vorace,
Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de loin !
Nous avons salué des idoles à trompe ;
Des trônes constellés de joyaux lumineux ;
Des palais ouvragés dont la féerique pompe
Serait pour vos banquiers un rêve ruineux ;
" Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse ;
Des femmes dont les dents et les ongles sont teints,
Et des jongleurs savants que le serpent caresse. "
V
Et puis, et puis encore ?
VI
" Ô cerveaux enfantins !
Pour ne pas oublier la chose capitale,
Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché
La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût ;
L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égout ;
Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote ;
La fête qu'assaisonne et parfume le sang ;
Le poison du pouvoir énervant le despote,
Et le peuple amoureux du fouet abrutissant ;
Plusieurs religions semblables à la nôtre,
Toutes escaladant le ciel ; la Sainteté,
Comme en un lit de plume un délicat se vautre,
Dans les clous et le crin cherchant la volupté ;
L'Humanité bavarde, ivre de son génie,
Et, folle maintenant comme elle était jadis,
Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie :
" Ô mon semblable, ô mon maître, je te maudis ! "
Et les moins sots, hardis amants de la Démence,
Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin,
Et se réfugiant dans l'opium immense !
- Tel est du globe entier l'éternel bulletin. "
VII
Amer savoir, celui qu'on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image
Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui !
Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;
Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit
Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit,
Comme le Juif errant et comme les apôtres,
A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
Pour fuir ce rétiaire infâme : il en est d'autres
Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.
Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine,
Nous pourrons espérer et crier : En avant !
De même qu'autrefois nous partions pour la Chine,
Les yeux fixés au large et les cheveux au vent,
Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres
Avec le cœur joyeux d'un jeune passager.
Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres,
Qui chantent : " Par ici ! vous qui voulez manger
Le Lotus parfumé ! c'est ici qu'on vendange
Les fruits miraculeux dont votre coeur a faim ;
Venez vous enivrer de la douceur étrange
De cette après-midi qui n'a jamais de fin ? "
A l'accent familier nous devinons le spectre ;
Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.
" Pour rafraîchir ton coeur nage vers ton Electre ! "
Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.
VIII
Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons !
Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !
Invité- Invité
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