Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
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Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Je me rends compte que j'ai décrit tout cela un peu comme un kaléidoscope, une énigme dont je distillais petit à petit des indices. Ce n'est pas un hasard, car c'est aussi en partie une énigme pour moi, et aussi quelque chose de difficile à accepter.
D'un côté, être Z c'est être très humain, dans le sens de ce qui rend l'homme différent des autres animaux. Des capacités cognitives et logiques avancées, la possibilité d'adhérer à des valeurs universelles et altruistes. Nous sommes de formidables machines à penser, théoriser, analyser, croire et douter.
Et puis il y a cette fichue sur-stimulabilité et son corolaire, l'hypersensibilité, qui font appels à la partie la plus animale de notre cerveau. Nous sommes les jouets des angoisses, des frayeurs, des joies les plus primaires, qui peuvent nous rendre plus "stupides" que ceux qui ressentent moins intensément les choses. Nos sens et nos émotions peuvent nous submerger, prendre le dessus sur notre logique.
Je peux décrire les qualités que j'attends d'une femme. Ce serait la description de qualités humaines. Je peux le faire d'une manière détaillée, argumentée, analytique.
Et puis je peux rencontrer une femme. Tout ce que je peux constater c'est que la regarder et écouter le son de sa voix me procure un doux plaisir sensuel. Le grain de sa peau me donne envie de la toucher. A ses côtés, je ressens les choses plus fortement. C'est comme si un halo l'entourait, qui m'englobe quand je suis à ses côtés.
On peut apprécier un bon moment, mais ce moment peut devenir extatique si on ajoute dans le fond une de nos musiques préférées. Là, la musique est toujours présente. Alors on ne peut plus imaginer passer de bons moments sans une jolie mélodie qui les accompagne.
Une personne peut dire "OK il/elle est ceci ou cela mais au lit je te raconte pas".
Une personne hypersensible peut dire "OK il/elle est ceci ou cela mais j'aime sentir sa présence à mes côtés, sa voix au téléphone, son odeur, certaines expressions de son visage et sa peau sous mes doigts".
Une personne Z rajoutera peut être "Et ma supposée intelligence est complètement inopérante sur ce sujet".
Dans une de mes séries préférées, Seinfeld, Jerry Seinfeld quitte toutes ses conquêtes pour des motifs futiles et saugrenus (un détail physique, un comportement anodin). C'est caricatural mais j'y trouve un écho chez moi. L'expression d'un visage, un regard, une voix, un grain de peau peuvent générer chez moi des émotions négatives que je ne peux contrôler.
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Doinel a écrit:
.../...
Nous sommes de formidables machines à penser, théoriser, analyser, croire et douter.
Et puis il y a cette fichue sur-stimulabilité et son corolaire, l'hypersensibilité, qui font appels à la partie la plus animale de notre cerveau. Nous sommes les jouets des angoisses, des frayeurs, des joies les plus primaires, qui peuvent nous rendre plus "stupides" que ceux qui ressentent moins intensément les choses. Nos sens et nos émotions peuvent nous submerger, prendre le dessus sur notre logique.
Je peux décrire les qualités que j'attends d'une femme. Ce serait la description de qualités humaines. Je peux le faire d'une manière détaillée, argumentée, analytique.
Et puis je peux rencontrer une femme. Tout ce que je peux constater c'est que la regarder et écouter le son de sa voix me procure un doux plaisir sensuel. Le grain de sa peau me donne envie de la toucher. A ses côtés, je ressens les choses plus fortement. C'est comme si un halo l'entourait, qui m'englobe quand je suis à ses côtés.
.../...
Une personne hypersensible peut dire "OK il/elle est ceci ou cela mais j'aime sentir sa présence à mes côtés, sa voix au téléphone, son odeur, certaines expressions de son visage et sa peau sous mes doigts".
Une personne Z rajoutera peut être "Et ma supposée intelligence est complètement inopérante sur ce sujet"
..../...
Infiniment merci !
Tu viens de mettre des mots sur quelque chose que mes proches ont du comprendre mais que l'ours mal dégrossi ne pouvait pas "oraliser" tout seul.
Tu viens de me donner un chemin de compréhension d'un terrible ressenti (je voudrai mettre tremendous, parce que cela sonne comme tremblement de terre et inondation et terreur et force brutale en même temps - (je me fiche ici d'aller vérifier ce que ce mot veut réellement dire..)) qui me ronge depuis 13 mois et dont je peine à trouver une porte de rétablissement et une raison.
Infiniment merci !
Invité- Invité
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Moi aussi j'ai envie de te remercier.
Il arrive quelques fois qu'une personne, comme toi ici, me dit qu'un de mes textes lui a été utile, lui ouvre une porte. Alors je me dis que ce fil n'est pas ou pas seulement ce que je crains parfois qu'il soit, au pire un simple étalage de mon ego, au mieux un outil qui m'aide à m'analyser et me sert de béquille dans les moments difficiles.
J'ai commencé à être actif sur Internet il y a 20 ans, à y livrer un peu de moi il y a trois ans, beaucoup depuis six mois. Tout ce qui m'indique que je n'ai pas fait que basculer vers l'exhibition que j'ai toujours honnie chez les autres me fait énormément de bien.
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Là dessus, Doinel, je ne lis pas forcément tous tes posts et oui, tu t'exhibe un peu. Mais, tu le fais toujours quand même avec une certaine pudeur, un certain recul, qui rend la chose plutôt agréable.
Et puis j'ai aussi envie de dire qu'il y a plusieurs manière de parler de soi, de s'étaler, je vois ça, quand je viens ici, plus comme un voyage dans ta personnalité, tes réflexions, tes ressentis qui est plutôt agréable.
D'ailleurs, à ce propos, je vais mettre une citation de José Ortega y Gasset que j'ai découverte dans le Plafond de Montaigne de Frédéric Schiffter, à propos de la métaphysique : "La vie est celle de chacun. Si bien que si on veut philosopher sérieusement sur la vie, c'est à condition de le faire de l'intérieur, depuis un au-dedans singulier, à condition de parler de soi-même." Je trouve aussi, à ce titre que c'est toujours compliqué de parlé de l'autre, ou même d'un autre. Parce qu'à un moment, on n'est pas lui, on ne sait pas ce qu'il est réellement en-dedans, on ne ressent pas pour lui, bref, simplement parce qu'il est autre.
Ce que je trouve notamment intéressant là dedans aussi, quand on lit quelqu'un qui parle comme ça, c'est qu'on peut retrouver chez l'autre aussi certaines problématiques internes, et le fait de les voir aussi chez l'autre permet aussi parfois de pouvoir regarder, d'explorer les siennes avec plus de simplicité, d'humilité, de sincérité etc...
Après, voilà, selon les fois, on sera plus ou moins touché, plus ou moins interpelé par ce que tu auras écris, plus ou moins dans l'humeur pour s'y plonger aussi. Mais c'est autre chose. Enfin, voilà
Et puis j'ai aussi envie de dire qu'il y a plusieurs manière de parler de soi, de s'étaler, je vois ça, quand je viens ici, plus comme un voyage dans ta personnalité, tes réflexions, tes ressentis qui est plutôt agréable.
D'ailleurs, à ce propos, je vais mettre une citation de José Ortega y Gasset que j'ai découverte dans le Plafond de Montaigne de Frédéric Schiffter, à propos de la métaphysique : "La vie est celle de chacun. Si bien que si on veut philosopher sérieusement sur la vie, c'est à condition de le faire de l'intérieur, depuis un au-dedans singulier, à condition de parler de soi-même." Je trouve aussi, à ce titre que c'est toujours compliqué de parlé de l'autre, ou même d'un autre. Parce qu'à un moment, on n'est pas lui, on ne sait pas ce qu'il est réellement en-dedans, on ne ressent pas pour lui, bref, simplement parce qu'il est autre.
Ce que je trouve notamment intéressant là dedans aussi, quand on lit quelqu'un qui parle comme ça, c'est qu'on peut retrouver chez l'autre aussi certaines problématiques internes, et le fait de les voir aussi chez l'autre permet aussi parfois de pouvoir regarder, d'explorer les siennes avec plus de simplicité, d'humilité, de sincérité etc...
Après, voilà, selon les fois, on sera plus ou moins touché, plus ou moins interpelé par ce que tu auras écris, plus ou moins dans l'humeur pour s'y plonger aussi. Mais c'est autre chose. Enfin, voilà
Super PY est rive- Messages : 4432
Date d'inscription : 09/10/2009
Age : 39
Localisation : environ par la
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Et puis j'ai aussi envie de dire qu'il y a plusieurs manière de parler de soi, de s'étaler, je vois ça, quand je viens ici, plus comme un voyage dans ta personnalité, tes réflexions, tes ressentis qui est plutôt agréable.
Des billets d'humeurs, des images, des tranches de vie...
Ce que je trouve notamment intéressant là dedans aussi, quand on lit quelqu'un qui parle comme ça, c'est qu'on peut retrouver chez l'autre aussi certaines problématiques internes, et le fait de les voir aussi chez l'autre permet aussi parfois de pouvoir regarder, d'explorer les siennes avec plus de simplicité, d'humilité, de sincérité etc...
Après, voilà, selon les fois, on sera plus ou moins touché, plus ou moins interpelé par ce que tu auras écris, plus ou moins dans l'humeur pour s'y plonger aussi. Mais c'est autre chose. Enfin, voilà
Et si un simple merci peut servir d'encouragement : Merci !! )
Invité- Invité
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
très joli duo pour finir...(aussi beau à écouter qu'à regarder)
Invité- Invité
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Oui très sympa le duo. Merci Harpo.
Celui qui suit ne marche pas aussi bien. Trouvé pour Billy Bragg, découvert à 20 ans en Angleterre.
Celui qui suit ne marche pas aussi bien. Trouvé pour Billy Bragg, découvert à 20 ans en Angleterre.
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Il y a deux sortes de bourreaux: le bourreau de nature et le bourreau de circonstance.
Le premier est une brute, un psychopathe. Des prédispositions génétiques, des traumatismes de l'enfance expliquent sans doute sa nature. Le fait est qu'il se sent dans son élément quand il s'agit de faire souffrir et de tuer d'autres êtres humains. C'est le membre type des forces paramilitaires nazies (SA, SS) d'avant guerre. C'est Amon Goeth, le tueur en série et en uniforme d'officier de La Liste De Schindler. C'est Josef Mengele, le médecin prenant plaisir à "euthanasier" lui même les prisonniers d'Auschwitz.
Et puis il y a l'immense masse des victimes de la "banalité du mal". Des personnes normales, avec plus ou moins de qualités humaines, qui, par ambition, soumission à l'autorité, idéologie ou immersion dans un environnement inhumain perdent eux mêmes leur humanité. Il s'agit d'Adolf Eichmann, le logisticien de la Shoah, de Rudolf Hoess, le principal chef de camp d'Auschwitz, des appelés américains auteurs des sévices d'Abu Graib, des 65% des cobayes de l'expérience de Milgram qui appuient sur le dernier bouton.
En général, on présente ces personnes comme victimes de transformations successives. La personne plus ou moins sympathique, plus ou moins estimable, plus ou moins pacifique, devient dans certaines circonstances un monstre, qui n'a plus grand chose à voir avec ce qu'elle était avant. Puis, revenue à une vie normale, elle redevient cet homme ou cette femme si peu extraordinaire d'avant.
Eduard Wirths sort de ce cadre.
Wirths était un homme bien, un homme doté de qualités humaines peu communes. Un brillant médecin aussi.
Wirths aurait sans doute pu connaitre un destin comparable à celui d'Albert Schweitzer.
Wirths fut un des principaux instruments de la machine de mort nazie.
Son père, brancardier durant la première guerre mondiale, en était revenu dépressif et empreint de valeurs pacifistes et humanistes. Il fit de ses fils des médecins, des hommes dédiés au mieux être de leurs semblables.
Eduard devint un brillant médecin et un médecin possédant de grandes qualités d'empathie avec ses patients.
Mais Eduard était très influençable, obéissant et doté d'un sens du devoir hors norme. Son père et d'autres substituts lui traçaient la voie à suivre. Parmi ces substituts il y eut Adolf Hitler. Eduard embrassa l'idéologie nazie exaltant les valeurs de la "race" allemande, le besoin de préserver la pureté de cette race et la stigmatisation des juifs comme la principale menace à cette pureté. Pourtant, Wirths continua longtemps à soigner clandestinement les juifs qui venaient dans son cabinet.
Eduard était aussi très rigoureux, d'une méticulosité obsessionnelle. Ces qualités firent de lui le vecteur idéal pour sauver des vies, mais aussi pour organiser de manière très efficace l'extermination.
Il fut nommé chef de la vingtaine de "médecins" d'Auschwitz. Le chef de Josef Mengele, de Carl Clauberg et de Horst Schumann, cautionnant ainsi leurs "expériences" inhumaines et, la plupart du temps, fatales.
Il fut l'initiateur de la sélection par des médecins, à leur arrivée au camp, de ceux qui allaient mourir et de ceux qui allaient survivre pour un temps. Comme médecin, il prit part à cette sélection. Il décida également, avec les autorités du camp, des critères à utiliser.
Il dirigea certaines expériences sur des prisonniers, sans y prendre part lui même. Des expériences sur le cancer de l'utérus et sur le typhus qui causèrent souffrances terribles et morts parmi les cobayes.
Eduard Wirths fut incontestablement un meurtrier de masse.
Et pourtant...
Il fit toujours preuve d'une grande humanité avec les prisonniers, imposa d'en intégrer certains au corps des médecins du camp, s'opposa aux brutalités, aux exécutions sommaires, interdit les injections léthales par des médecins, améliora les conditions sanitaires du camp et sauva de nombreuses vies en défendant la capacité de certains prisonniers à fournir un travail. Avec lui, un peu d'humanité existait dans ce monde inhumain. Avec lui, il était possible d'en sauver quelques uns.
Wirths était "sous influence". Son secrétaire, un prisonnier communiste, et d'autres l'utilisaient pour épargner tel ou tel groupe de prisonniers. Ils pouvaient compter sur lui. C'était un allié fiable dans le camp. Au point de le supplier de ne pas partir quand il en exprimait l'envie. Au point de lui promettre la protection de la résistance interne quand sa condamnation à mort fut annoncée par la radio alliée.
Wirths était torturé entre son désir de préserver la vie et de faire son "devoir". Il était dépressif, rongé par la culpabilité, souvent suicidaire.
Pour supporter cette dualité, continuer à vivre et à faire son devoir paradoxal de préserver la vie en tant que médecin et de tuer en tant que nazi, il avait recours à une multitude de "béquilles" psychologiques que je trouve importantes de décrire.
Pour lui il était essentiel de préserver son estime de soi et de minimiser sa culpabilité.
Il y avait bien sur le sens du devoir, le souhait de servir le peuple allemand et sa "croisade" pour imposer un peu de morale et d'humanité dans une entreprise qui en était exempte, quitte à prendre quelques risques, quitte à s'opposer à certains. Il s'imposait une rectitude personnelle qui ne connut que quelques entorses mineures comparées aux excès perpétrés dans le camp.
Plus étonnant, il y eut un amour passionnel et fusionnel pour sa femme et ses enfants. Ils représentaient pour lui la plus belle partie de son être. L'amour qu'il leur portait, son souci de leur bien être et de leur sécurité, justifiaient ses actes les plus horribles. Il était meurtrier par amour. Pouvait on lui reprocher d'être amoureux? Le père si tendre avec ses enfants pouvait il être un monstre?
Son père et son frère lui demandaient de rester dans le camp et d'y faire le plus de bien possible. Il avait leur caution et il pouvait à l'occasion les accuser d'être responsables de ses tourments.
Il avait recours à divers transferts. S'apitoyer sur le sort de sa famille ou le dilemme d'avoir à décider ou non d'euthanasier son chien lui permettait d'oublier ce qu'il faisait à d'autres êtres humains.
Sauver des prisonniers, recevoir les signes de leur reconnaissance, lui permettait de considérer qu'il faisait aussi le bien. Ce qui était le cas.
Il se réfugia dans la religion, se convainquit que son oeuvre était sacrificielle et d'ordre divin.
Il somatisait beaucoup, souffrait dans sa chair du mal environnant.
Il était primordial pour lui de croire que Hitler n'était pas au courant de ce qui se passait dans les camps. Sinon, toute son idéologie s'écroulait.
Un homme de bien se devait d'être le témoin de ce qui se passait, devait même y prendre part, toucher à cette réalité monstrueuse.
Et puis, il y avait aussi le suicide comme issue, la possibilité d'éviter de se confronter au sens de ses actes.
En 1945, Eduard Wirths fut fait prisonnier par les anglais. Un officier lui serra la main et observa aussitôt qu'il venait de serrer la main d'un homme responsable de la mort de quatre millions d'êtres humains. Dans la nuit, Wirths se suicida.
Le premier est une brute, un psychopathe. Des prédispositions génétiques, des traumatismes de l'enfance expliquent sans doute sa nature. Le fait est qu'il se sent dans son élément quand il s'agit de faire souffrir et de tuer d'autres êtres humains. C'est le membre type des forces paramilitaires nazies (SA, SS) d'avant guerre. C'est Amon Goeth, le tueur en série et en uniforme d'officier de La Liste De Schindler. C'est Josef Mengele, le médecin prenant plaisir à "euthanasier" lui même les prisonniers d'Auschwitz.
Et puis il y a l'immense masse des victimes de la "banalité du mal". Des personnes normales, avec plus ou moins de qualités humaines, qui, par ambition, soumission à l'autorité, idéologie ou immersion dans un environnement inhumain perdent eux mêmes leur humanité. Il s'agit d'Adolf Eichmann, le logisticien de la Shoah, de Rudolf Hoess, le principal chef de camp d'Auschwitz, des appelés américains auteurs des sévices d'Abu Graib, des 65% des cobayes de l'expérience de Milgram qui appuient sur le dernier bouton.
En général, on présente ces personnes comme victimes de transformations successives. La personne plus ou moins sympathique, plus ou moins estimable, plus ou moins pacifique, devient dans certaines circonstances un monstre, qui n'a plus grand chose à voir avec ce qu'elle était avant. Puis, revenue à une vie normale, elle redevient cet homme ou cette femme si peu extraordinaire d'avant.
Eduard Wirths sort de ce cadre.
Wirths était un homme bien, un homme doté de qualités humaines peu communes. Un brillant médecin aussi.
Wirths aurait sans doute pu connaitre un destin comparable à celui d'Albert Schweitzer.
Wirths fut un des principaux instruments de la machine de mort nazie.
Son père, brancardier durant la première guerre mondiale, en était revenu dépressif et empreint de valeurs pacifistes et humanistes. Il fit de ses fils des médecins, des hommes dédiés au mieux être de leurs semblables.
Eduard devint un brillant médecin et un médecin possédant de grandes qualités d'empathie avec ses patients.
Mais Eduard était très influençable, obéissant et doté d'un sens du devoir hors norme. Son père et d'autres substituts lui traçaient la voie à suivre. Parmi ces substituts il y eut Adolf Hitler. Eduard embrassa l'idéologie nazie exaltant les valeurs de la "race" allemande, le besoin de préserver la pureté de cette race et la stigmatisation des juifs comme la principale menace à cette pureté. Pourtant, Wirths continua longtemps à soigner clandestinement les juifs qui venaient dans son cabinet.
Eduard était aussi très rigoureux, d'une méticulosité obsessionnelle. Ces qualités firent de lui le vecteur idéal pour sauver des vies, mais aussi pour organiser de manière très efficace l'extermination.
Il fut nommé chef de la vingtaine de "médecins" d'Auschwitz. Le chef de Josef Mengele, de Carl Clauberg et de Horst Schumann, cautionnant ainsi leurs "expériences" inhumaines et, la plupart du temps, fatales.
Il fut l'initiateur de la sélection par des médecins, à leur arrivée au camp, de ceux qui allaient mourir et de ceux qui allaient survivre pour un temps. Comme médecin, il prit part à cette sélection. Il décida également, avec les autorités du camp, des critères à utiliser.
Il dirigea certaines expériences sur des prisonniers, sans y prendre part lui même. Des expériences sur le cancer de l'utérus et sur le typhus qui causèrent souffrances terribles et morts parmi les cobayes.
Eduard Wirths fut incontestablement un meurtrier de masse.
Et pourtant...
Il fit toujours preuve d'une grande humanité avec les prisonniers, imposa d'en intégrer certains au corps des médecins du camp, s'opposa aux brutalités, aux exécutions sommaires, interdit les injections léthales par des médecins, améliora les conditions sanitaires du camp et sauva de nombreuses vies en défendant la capacité de certains prisonniers à fournir un travail. Avec lui, un peu d'humanité existait dans ce monde inhumain. Avec lui, il était possible d'en sauver quelques uns.
Wirths était "sous influence". Son secrétaire, un prisonnier communiste, et d'autres l'utilisaient pour épargner tel ou tel groupe de prisonniers. Ils pouvaient compter sur lui. C'était un allié fiable dans le camp. Au point de le supplier de ne pas partir quand il en exprimait l'envie. Au point de lui promettre la protection de la résistance interne quand sa condamnation à mort fut annoncée par la radio alliée.
Wirths était torturé entre son désir de préserver la vie et de faire son "devoir". Il était dépressif, rongé par la culpabilité, souvent suicidaire.
Pour supporter cette dualité, continuer à vivre et à faire son devoir paradoxal de préserver la vie en tant que médecin et de tuer en tant que nazi, il avait recours à une multitude de "béquilles" psychologiques que je trouve importantes de décrire.
Pour lui il était essentiel de préserver son estime de soi et de minimiser sa culpabilité.
Il y avait bien sur le sens du devoir, le souhait de servir le peuple allemand et sa "croisade" pour imposer un peu de morale et d'humanité dans une entreprise qui en était exempte, quitte à prendre quelques risques, quitte à s'opposer à certains. Il s'imposait une rectitude personnelle qui ne connut que quelques entorses mineures comparées aux excès perpétrés dans le camp.
Plus étonnant, il y eut un amour passionnel et fusionnel pour sa femme et ses enfants. Ils représentaient pour lui la plus belle partie de son être. L'amour qu'il leur portait, son souci de leur bien être et de leur sécurité, justifiaient ses actes les plus horribles. Il était meurtrier par amour. Pouvait on lui reprocher d'être amoureux? Le père si tendre avec ses enfants pouvait il être un monstre?
Son père et son frère lui demandaient de rester dans le camp et d'y faire le plus de bien possible. Il avait leur caution et il pouvait à l'occasion les accuser d'être responsables de ses tourments.
Il avait recours à divers transferts. S'apitoyer sur le sort de sa famille ou le dilemme d'avoir à décider ou non d'euthanasier son chien lui permettait d'oublier ce qu'il faisait à d'autres êtres humains.
Sauver des prisonniers, recevoir les signes de leur reconnaissance, lui permettait de considérer qu'il faisait aussi le bien. Ce qui était le cas.
Il se réfugia dans la religion, se convainquit que son oeuvre était sacrificielle et d'ordre divin.
Il somatisait beaucoup, souffrait dans sa chair du mal environnant.
Il était primordial pour lui de croire que Hitler n'était pas au courant de ce qui se passait dans les camps. Sinon, toute son idéologie s'écroulait.
Un homme de bien se devait d'être le témoin de ce qui se passait, devait même y prendre part, toucher à cette réalité monstrueuse.
Et puis, il y avait aussi le suicide comme issue, la possibilité d'éviter de se confronter au sens de ses actes.
En 1945, Eduard Wirths fut fait prisonnier par les anglais. Un officier lui serra la main et observa aussitôt qu'il venait de serrer la main d'un homme responsable de la mort de quatre millions d'êtres humains. Dans la nuit, Wirths se suicida.
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Quand La Guerre Est Déclarée est passé à Cannes, j'ai immédiatement eu très envie de le voir. Un film d'auteur positif, racontant la lutte de parents contre le cancer de leur enfant, une histoire vraie interprétée par ceux qui l'ont vécue.
Le voir mais surtout pas au cinéma. Sangloter pendant tout le film, entouré d'inconnus, pas question.
Alors j'ai attendu. Je l'ai vu et j'ai été très déçu.
Je n'ai pas aimé le style, les effets de mise en scène, les clins d’œil trop appuyés à la Nouvelle Vague. Surtout, je n'ai pas ressenti beaucoup d'émotion. Pourtant, le pire des films, la moindre série américaine standardisée peut m'émouvoir au détour d'une scène sans la moindre imagination.
Quand j'ai vu La Rafle à la télé, je m'attendais à ne pas aimer. J'avais raison. Mise en scène bancale, clichés, dialogues approximatifs, jeu d'acteur inégal. Il y eut pourtant cette scène à la fin qui me fit pleurer. Celle où l'infirmière retrouve un des enfants dont elle s'était occupé avant leur départ pour un camp.
Mes émotions cinématographiques sont sélectives.
Je me rends compte qu'une situation en soi ne m'émeut pas vraiment. La souffrance, la détresse, la mort d'un personnage ne va pas particulièrement me toucher. Tout comme le cinéma d'épouvante ne m'a jamais fait peur et les films violents ne m'ont jamais rebuté. Tout ça c'est du cinéma. Déjà adolescent une tête qui éclatait dans un film (c'était à la mode à une époque) me faisait rire alors que certains sujets du JT me glaçaient d'effroi.
Mon émotion au cinéma est toujours empathique. Je ne vais pas souffrir de voir un personnage mourir, je vais souffrir de la tristesse que cette mort va provoquer chez un autre personnage.
Mais ce ne sont pas les événements les plus dramatiques qui vont le plus m'émouvoir. C'est l'expression de sentiments entre des amants ou entre un parent et son enfant.
Cette empathie extrême pour les sentiments entre un père ou une mère et son enfant m'a toujours surpris, moi qui me suis tant éloigné affectivement de mes parents. J'ai l'impression qu'elle est née quand je suis devenu père. Mon plus ancien souvenir d'avoir été submergé par une telle émotion est quand j'ai vu La Chambre Du Fils de Nanni Moretti. C'était en 2001, mes ainés étaient tout petits. Un film sur la perte d'un enfant m'avait complètement chamboulé.
J'ai récemment vu Amour. C'était mon premier Haneke. Jusqu'ici, la réputation d'entomologiste froid et voyeuriste du réalisateur m'avait tenu éloigné de ses films.
La diversité des réactions, toujours fortes, des critiques avait suscité ma curiosité. La majorité voyait dans le film une ode touchante à l'amour. Certains y voyaient un film d'horreur, insupportable par son exhibition de la déchéance provoquée par la maladie. D'autres enfin faisaient à Haneke le reproche habituel du manque d'empathie pour ce qu'il montrait.
Le film m'a énormément touché. En soi, la description de la maladie, de ses effets humiliants sur le personnage d'Emmanuelle Riva, l'avancée inexorable vers la mort, ne m'ont ni choqué (Haneke suggère plus qu'il ne montre), ni profondément ému. Par contre, l'émotion constamment contenue de Jean Louis Trintignant et celle plus rare et plus démonstrative d'Isabelle Huppert ont eu prise sur moi. On sait qu'on regarde un immense comédien dans le film d'un grand réalisateur quand l'émotion nait d'une absence d'émotion apparente.
Haneke a fait le film idéal pour un spectateur comme moi. Un film qui génère des émotions qui font venir les larmes aux yeux, les empêche de couler comme une rivière, les fait refluer par des moments de répit, puis revenir au bord des yeux, en libère quelques unes de temps en temps parce que cela fait du bien. Une émotion forte mais contrôlée, respectée.
Certaines scènes sont sublimes.
Plusieurs fois, Trintignant est obligé de porter ou de soutenir sa femme. Ces gestes pratiques et pénibles sont chorégraphiés et filmés de telle manière qu'on ne peut pas ne pas penser à des étreintes amoureuses.
Et puis il y a ce moment magique. Tellement furtif que j'ai cru me tromper et ai du revenir en arrière pour vérifier. Trintignant aide Riva à marcher. Rapidement, l'exercice devient pénible. Elle souffre terriblement. Alors, Trintignant, désemparé, esquisse le mouvement d'un baiser, aussitôt avorté. Cela a duré un dixième de seconde, dans un plan large. C'est ça la vie.
Le film est déjà visible dans son intégralité sur Youtube, ce qui n'est pas une bonne chose. Je le mets pour cette scène qui commence vers 55:30.
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
J'ai découvert les dessins de Gary Larson il y a une vingtaine d'années, par l'intermédiaire d'un ami Z allemand. Il m'a fallu un peu de temps pour rentrer dans cet univers absurde et cet humour parfois si décalé que certains dessins sont carrément des casse têtes à comprendre. Puis je suis devenu fan, au point qu'on m'a offert l'intégrale (deux énormes volumes).
Encore quelques uns...
Encore quelques uns...
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
La dernière est sublime.
C'est l'une des formes d'humour que je préfère.
C'est l'une des formes d'humour que je préfère.
Invité- Invité
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Coucou Doinel, ça va?
fleur_bleue- Messages : 3764
Date d'inscription : 18/09/2012
Age : 41
Localisation : Paris
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Bonjour Fleur. Ca va bien merci. Ces derniers temps, je n'ai eu envie ni de lire ni d'écrire sur ZC. Ca reviendra!
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
En ce moment, je repeuple mon iPod après un crash.
Un peu de Luke Haines...
Un peu de Luke Haines...
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Doinel a écrit:Il y a quelques années, à Montréal, je suis allé voir Eternal Sunshine Of The Spotless Mind de Michel Gondry.
En sortant du cinéma, j'étais mitigé. Je trouvais le film assez bancal, je n'avais pas adhéré à tous les partis pris de la mise en scène, j'avais trouvé certaines scènes maladroites, voire ridicules. Cependant le film m'avait touché, un peu. Je ne regrettais pas de l'avoir vu.
...
Jim Carrey c'est moi, Kate Winslet c'est elle. Cette histoire d'un homme qui décide par dépit d'imiter son ex en se faisant effacer tous les souvenirs qu'il a d'elle, cet homme qui, pendant qu'on procède à l'effacement systématique de chacun de ces souvenirs, lutte désespérément dans ses rêves pour en garder au moins un, c'était moi pendant toutes ces années.
Et ces deux anciens amants qui se retrouvent à un rendez vous dont ils n'ont même pas conscience, cette femme qui le drague, cet homme décontenancé qui résiste mollement, ce nouveau couple qui risque de se former en ayant oublié tout le mal que chacun à fait à l'autre, qui va par la force des choses découvrir ce passé et va devoir décider que faire... Nous étions ces deux anciens amants à cet instant précis.
Hello Doinel !
Je suis allé déterrer ce que tu avais écris sur ce film, et ce que cela disait de ton histoire. Il se trouve que j'ai vu ce film il y a quelques jours. Comme toi, je n'étais pas seul en le visionnant.
Comme toi aussi lors de ta première vision, je suis très mitigé. Ce qui m’embête, d'entrée, c'est de voir les ficelles, de comprendre très rapidement ce qui va se passer. J'ai besoin de magie, de me laisser prendre par les images, l'histoire, et là je ne pouvais plus, je réfléchissais avant de ressentir. Le scénario est tordu, bien ficelé, mais surtout malin. Les indices sont disséminés un peu partout pour relier le tout, et au bout d'un moment ça m'agace, je n'arrive pas à entrer dans le jeu. C'est un bon film, certes, mais je ne suis pas touché.
Heureusement, il y a la fin. Ce couple qui se retrouve, malgré tout, après s'être tout dit via cassettes audio interposées, surtout sur leur impossibilité de vivre ensemble. L'agacement, l'ennui, le mal que l'on s'est fait. Et malgré tout l'acceptation de ce constat, et le droit à une deuxième chance. Maintenant, on sait, alors banco ! Comme si il fallait le temps d'un film pour entrer dans une relation "adulte". Soudain, tout d'un coup, cette histoire (trop) bien ficelée, maline, vient croiser ma vie, mon expérience, et je peux enfin entrer. Bon, entrer dans les dernières minutes ne permet pas vraiment d'aimer totalement un film
Voilà, un clin d’œil en passant.
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Harry Nilsson est surtout connu pour deux titres qu'il n'a pas écrits: Everybody's Talkin', que j'adore, et Without You, que j'aime beaucoup moins.
Mais il a aussi écrit des chansons superbes. Voici mes deux préférées:
Mais il a aussi écrit des chansons superbes. Voici mes deux préférées:
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Salut Harpo!
J'aime Michel Gondry. Je n'aime pas toujours ses films, j'y trouve souvent des choses qui m'agacent, mais l'homme derrière tout ça et celui qui s'exprime lors des interviews (et en ce moment il y en a) me touche énormément.
Je pense qu'il faut voir Eternal Sunshine au moins deux fois pour passer outre le côté sinueux de la narration et accepter la naïveté de certaines scènes et les partis pris bricolos des effets spéciaux. Revoir le film en connaissant son histoire est une toute nouvelle expérience. L'émotion ressentie à la fin peut alors imprégner ce qui amène.
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Harry Nilsson était surnommé le "cinquième Beatle" parce que Lennon avait dit un jour que c'était le seul à jouer dans la même catégorie que les Beatles. Lennon aurait pu écrire "One", sauf qu'il l'aurait appelée "Love".
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Eh beh, j'ai déclenché quelque chose, apparemment... Contente de te relire un peu par ici, Doinel!
fleur_bleue- Messages : 3764
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Localisation : Paris
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Un ptit bonjour Doinel
Mowa- Messages : 4392
Date d'inscription : 07/07/2012
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Localisation : Suisse, la Côte
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Bonjour Zébrée
Ben oui Fleur, tu dois savoir ce que c'est: je n'ai rien d'intéressant à dire en ce moment. Je vois qu'on poste sur mon fil, alors je regarde. Je m'inquiète qu'on puisse s'inquiéter alors je réponds. Puis comme je veux faire "utile", là dessus je poste des vidéos, et puis Steph m'encourage à continuer...
Coconut est une des chansons rigolotes de Nilsson que je n'écoute pas trop souvent, mais je ne connaissais pas cette vidéo bien sympa. Merci Steph.
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Oh, qu'importent les posts utiles, content de te voir, et de faire un petit coucou
Super PY est rive- Messages : 4432
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Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
+1 avec Py qui m'ôte les mots de la bouche.
fleur_bleue- Messages : 3764
Date d'inscription : 18/09/2012
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Localisation : Paris
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Un des films qui m'a le plus marqué dans les années 80 fut Brazil de Terry Gilliam, l'histoire inspirée de 1984 d'un homme qui cherche à s'évader d'une dictature déshumanisée et à séduire la femme de ses rêves (au sens littéral, puisqu'il rêve d'elle avant de la rencontrer).
Brazil est par essence un film culte, qu'on adore ou qui laisse complètement froid. Son univers visuel et sonore rétro-futuriste est unique et a été par la suite recyclé, notamment dans des pubs et dans des films de Jeunet et Caro ou des frères Coen. Il est pétri d'un humour désopilant et d'une noirceur rarement atteinte au cinéma, au service d'un contenu à l'opposé très idéaliste et sentimental. La narration et la mise en scène sont très audacieuses, au point que Gilliam a connu de gros problèmes avec la distribution du film aux Etats-Unis.
Le film se termine sur un long final complètement délirant, qui voit le héros finalement échapper à ses tortionnaires, en compagnie de sa douce et belle (belle assurément mais pas si douce que cela). Sauf que... la dernière scène montre que cette évasion n'est que le dernier espace de liberté d'un homme torturé jusqu'à un point de non retour. Trop fou et trop pessimiste pour les distributeurs américains qui veulent imposer à Gilliam une version remaniée avec moins de délires et surtout un happy end. Gilliam refuse de transiger, la sortie américaine est bloquée. Gilliam finit par acheter toute une page dans le magasine Variety pour demander aux distributeurs de sortir son film dans sa version originale. Ils finiront par céder après que différents critiques auront décrété que Brazil était le meilleur film de l'année.
Une de mes copines de fac m'a dit un jour que Brazil était un film typiquement masculin, déclenchant un enthousiasme délirant chez les mâles et laissant les demoiselles totalement indifférentes.
Je ne sais pas. En tout cas, la critique assassine que j'ai lue à l'époque dans un magasine télé grand public était écrit par une femme. Non seulement le film était nul mais en plus c'était une arnaque complète: alors que le nom de Robert De Niro figurait en bonne place dans la distribution, ses apparitions étaient rares et la plupart du temps avec une cagoule sur la tête!
La bande originale du film est exceptionnelle, avec un thème récurrent basé sur un morceau célèbre dont le titre usuel a donné le nom au film. "Brazil" symbolise la quête de bonheur, de liberté et d'amour du héros.
L’occurrence la plus connue et qui est indissociable du style du film est celle-ci:
Chantée par Kate Bush, la chanson accompagne les rêves du héros. La vidéo contient la version samba qu'on entend pendant les dernières minutes du générique de fin.
Juste avant cette version très joyeuse, la scène de fin qui dévoile la nature réelle de l'évasion de Sam Lowry se clôt sur cette version nostalgique, interprétée par Geoff Muldaur:
A l'époque du film, j'ai appris que Brazil était un standard des années 30. J'ai longtemps cru que c'était une chanson américaine jouant sur l'exotisme brésilien avant de découvrir que c'était un vrai standard de la samba brésilienne composé par Ary Barroso et qui a pour titre original Aquarela Do Brasil.
Le morceau a été repris par tous les grands noms brésiliens, sous forme de samba, de bossa ou de jazz. Voici une version par Tom Jobim.
Pour finir, une version par un des groupes phare du rock moderne, les canadiens d'Arcade Fire:
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Ma version préférée de Brazil, par 3 monstres de la musique brésilienne : Joao Gilberto, Caetano Veloso et Gilberto Gil. Cette musique représente pour moi un fonds musical de mes jeunes années, et des trajets en voiture, la nuit, vers les plages de la Méditerranée
Pour le film, j'ai un avis assez ambigu. J'aime la folie du film, et surtout les scènes kafkaiennes dans les bureaux, le thème vie imaginaire / vie réelle, et je trouve toutes les interventions de De Niro extrêmement savoureuses. Par contre, je trouve globalement le film trop long, et je n'aime pas du tout la fin, too much pour moi
Pour le film, j'ai un avis assez ambigu. J'aime la folie du film, et surtout les scènes kafkaiennes dans les bureaux, le thème vie imaginaire / vie réelle, et je trouve toutes les interventions de De Niro extrêmement savoureuses. Par contre, je trouve globalement le film trop long, et je n'aime pas du tout la fin, too much pour moi
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
J'ai failli mettre cette version magnifique.
Je ne partage pas tes réserves sur la fin dont le délire est pour moi une apothéose. Cela s'explique peut être par le fait que nous ne sommes pas de la même génération
Une autre jolie version:
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Doinel a écrit:
J'ai failli mettre cette version magnifique.
Je ne partage pas tes réserves sur la fin dont le délire est pour moi une apothéose. Cela s'explique peut être par le fait que nous ne sommes pas de la même génération :
Le fourbe !
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Ma bande son privilégiée pour rouler vers la mer de chez moi et en particulier vers Saint Malo, c'est cette chanson, avec une partie chantée à tue tête au moment où j'arrive dans la ville:
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Aujourd'hui, je me sens euphorique suite à un appel reçu à trois heures du matin et la perspective de revoir aujourd'hui une personne qui m'est très chère.
D'où mon envie retrouvée d'écrire sur ce fil et qui n'est pas encore rassasiée.
Lors de certaines soirées, il m'arrive parfois d'abandonner ma réserve habituelle pour proposer de manière insistante un quiz musical, qui souvent ne passionne que moi. C'est mon côté chiant dont une variante plus commune est de m'enthousiasmer en parlant d'un film, au point de vouloir le regarder tout de suite, quelle que soit l'heure, avec le témoin de mon exaltation. En général, la réponse "pas maintenant" ou "pourquoi regarder un film que tu connais déjà alors que tu en as tant que tu n'as pas encore vu?" me plonge dans le désespoir.
Le quiz a deux variantes principales: faire deviner les versions françaises de chansons originales étrangères ou au contraire reprises par des étrangers. Une troisième est plus perverse: combiner les deux et faire deviner si la version étrangère est l'originale ou si c'est la française.
Par exemple:
D'où mon envie retrouvée d'écrire sur ce fil et qui n'est pas encore rassasiée.
Lors de certaines soirées, il m'arrive parfois d'abandonner ma réserve habituelle pour proposer de manière insistante un quiz musical, qui souvent ne passionne que moi. C'est mon côté chiant dont une variante plus commune est de m'enthousiasmer en parlant d'un film, au point de vouloir le regarder tout de suite, quelle que soit l'heure, avec le témoin de mon exaltation. En général, la réponse "pas maintenant" ou "pourquoi regarder un film que tu connais déjà alors que tu en as tant que tu n'as pas encore vu?" me plonge dans le désespoir.
Le quiz a deux variantes principales: faire deviner les versions françaises de chansons originales étrangères ou au contraire reprises par des étrangers. Une troisième est plus perverse: combiner les deux et faire deviner si la version étrangère est l'originale ou si c'est la française.
Par exemple:
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
J'ai un problème de communication.
Jusqu'ici, j'aurais plutôt affirmé que c'était les autres qui avaient un problème de communication, ce qui, sur un tel sujet, est d'une stupidité absolue.
Voici un exemple dont on a déjà discuté sur ce fil et ailleurs sur ZC, un exemple où j'ai eu l'impression d'avoir raison contre (pratiquement) tout le monde. Il s'agit des "vérités" qu'on exprime sous le coup d'une émotion, généralement la colère. Pour moi la "vérité du moment" n'existe pas. La vérité est stable et à tout moment il faut savoir l'exprimer de la manière la plus précise possible. De même, les mots ne devraient jamais "dépasser la pensée", une pensée générée sous le coup de l'émotion n'a pas de valeur autre que celle d'un exutoire de cette émotion. A quelqu'un pris en flagrant délit de mensonge, j'éviterai de dire "tu es un menteur!" si j'estime que cette personne ne ment pas habituellement. Je ne peux prendre un "je te déteste!" que comme une affirmation définitive, qui restera valide une fois l'émotion passée. Pourquoi ne pas dire à la place "là tout de suite je te déteste", ou encore mieux ajouter "mais c'est juste parce que je suis en colère"? Pendant longtemps je n'ai tout simplement pas compris qu'il soit possible de dire dans un état émotionnel intense des choses qu'on ne pouvait répéter une fois calmé. A une de mes ex je demandais parfois de dire si ce qu'elle avait lâché sous le coup de la colère était vrai ou faux. Sa réponse: "c'était vrai au moment où je l'ai dit" m'était incompréhensible. Tout au plus pouvais je la prendre comme la volonté de ne pas se dédire. Aujourd'hui, intellectuellement je comprends qu'il est possible, même naturel de dire des choses différentes, voire contradictoires à des moments différents. Je comprends mais je ne peux m'empêcher de réagir comme si ce n'était pas le cas. J'attends au moins une "correction", une "réassurance" du message alternatif.
Non seulement j'ai un problème de communication, je découvre de plus en plus son étendue.
J'ai toujours considéré le langage comme un trésor, mais un trésor qu'il faut utiliser avec parcimonie. Concision, précision, clarté, recherche du reflet le plus proche possible de la réalité.
Je n'aime pas les phrases compliquées, l'utilisation de mots rares, l'illustration sur des phrases et des phrases de ce qui est déjà clair. L'écriture de Carl Jung m'impressionne parce qu'elle possède pour moi toutes les qualités d'une expression optimisée.
La poésie purement évocatrice, à laquelle il m'est impossible d'associer tout de suite un premier sens univoque me pose problème. Sa lecture produit en moi une confusion qui se transforme rapidement en panique. Mon esprit part dans tous les sens, sans pouvoir se fixer sur une signification particulière. Je ne lui laisse pas le temps de décanter, je me détourne rapidement de ce poème que je ressens comme une agression.
Je sais que je ne suis pas "lisible" pour un bon nombre de personnes. Ce n'est pas parce que je porte un masque. C'est parce que j'ai du mal à être moi même ou à l'être entièrement et constamment dans la plupart des contextes. Je sais que l'image que je renvoie la plupart du temps est très différente de ce que je suis, parfois à l'opposé. Mais je suis toujours plus ou moins "moi", jamais un autre.
Et puis il y a le cas des personnes avec lesquelles je me sens en sécurité, en permanence ou très souvent. Je me sens en sécurité parce que j'ai l'impression de lire facilement en eux, parfois au delà des mots et des apparences, et que j'aime ce que je perçois. Ces personnes peuvent me voir tel que je suis et n'auront aucune difficulté à me comprendre comme je les comprends.
Ce n'est généralement pas le cas. Est-ce même déjà arrivé?
J'ai cru alors qu'il suffisait de donner quelques clés pour devenir complètement lisible. Un petit quart d'heure d'explications, claires, précises, concises, et 95% de mon comportement devenait limpide. J'estime que je suis très cohérent. "Cohérence" est un de mes mots fétiches. Je l'utilise souvent pour déplorer son manque chez les autres. Là où il ne peut y avoir de vérité absolue je recherche de la cohérence.
Et ça non plus ça ne marche pas très bien.
Je surestime la capacité de beaucoup à faire le cheminement analytique d'un comportement spécifique aux clés qui l'expliquent. Je surestime leur capacité à passer outre leur propre grille de lecture et ce que les émotions qu'ils ressentent leur suggère. Je viens de réaliser qu'une personne peut tout à fait comprendre le pourquoi d'un de mes gestes et pourtant lui préférer une explication basée sur son ressenti.
Je considère que redire, réexpliquer, illustrer, c'est leur faire perdre leur temps et insulter leur intelligence.
J'estime que beaucoup de choses n'ont pas besoin d'être dites tellement elles sont évidentes, que la proximité et la compréhension mutuelle qu'elle implique rendent inutile la parole, que je suis suffisamment transparent pour que tout soit clair.
Je réalise qu'il faudrait que je communique beaucoup plus, que j'évite les non dits, les implicites, que je sous titre plus souvent mes actions et mes paroles.
Franchement, cela me semble être le bout du monde.
On m'a dit que moi même, même si j'ai l'impression de lire facilement les autres, en tout cas ceux dont je me rapproche, je ne peux jamais être sur à 100% que mon interprétation de leur comportement est la bonne. C'est vrai et j'en suis tout à fait conscient. Jamais je ne suis certain d'avoir raison, parfois je ne sais quoi penser. Il faudrait alors leur demander.
Leur demander? Quelle drôle d'idée! Elle ne m'était jamais venue.
J'ai toujours eu ma propre manière, auto-suffisante, de gérer mon incertitude sur les autres. Une de mes erreurs a sans doute été de supposer que les autres fonctionnaient comme moi.
Certains actes, certaines paroles peuvent déplaire, choquer, blesser. Mon réflexe est toujours de rechercher des raisons bienveillantes ou compréhensives qui peuvent les expliquer. Au pire les considérer comme des hypothèses plausibles en attente de confirmation ou infirmation. Au mieux, les privilégier par rapport à des explications plus négatives. Cela ne signifie pas que mon attitude ne va pas changer par rapport à cette personne. Je peux juger des actes tout en ne jugeant pas de la même manière son auteur. Je peux m'éloigner d'une personne du fait de ses actes et de leur impact sur moi tout en gardant mon estime pour elle.
S'il me faut traduire un geste ou une parole en une intention me concernant, même si je pense à 90% l'avoir bien identifiée, je vais toujours décider de l'interpréter de la manière qui m'est le plus défavorable, tout en laissant la porte ouverte pour une autre interprétation. C'est un mécanisme de défense. Mieux vaut opter pour le pire que d'être déçu. De fait, je suis quelqu'un à qui il faut souvent mettre les points sur les "i", alors même que je prétends lire dans les autres et ne pas toujours avoir à m'expliquer moi même. Pour ma défense, je dirais qu'une interprétation négative et fausse doit obligatoirement provoquer une mise au point, donc la parole ou le geste (plus) univoque. Ou alors, ce n'était pas si important que cela (autant être fataliste).
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Hmmm...
En fait, pour ne pas contrecarrer la croisade de la communication, je vais ajouter des mots au bidule qui prend dans les bras.
Ce post est vraiment très touchant. Pour autant de raisons qu'il contient de mots.
Et pourvu que le virus émotion continue de gangréner ta raison
'Sengabl- Messages : 2065
Date d'inscription : 09/10/2011
Age : 53
Localisation : ça dépend !
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Hmm, on m'a dit que je donnais l'impression de privilégier le rationnel sur l'émotion.
C'est faux.
En face d'une situation donnée, mes émotions et ma raison turbinent à fond. Il est rare que les premières annihilent la seconde. Il m'est impossible de taire mes émotions.
Dans un contexte affectif, je vais toujours suivre ce que mes émotions me disent de faire, même si ma raison contredit mon interprétation émotionnelle de ce qui se passe et m'a prévenu des conséquences possibles de ce que j'ai envie de faire. Tout au plus la raison peut elle me permettre de garder une certaine mesure.
C'est parfois bizarre, comme dans le cas évoqué plus haut où on me dit un truc comme "je te déteste" ou "tu es un connard". Ma raison me dit qu'il ne faut pas le prendre comme une vérité absolue, mon émotion réagit comme si ça l'était. Alors je choisis de croire ce qui a 99% de chances d'être faux et j'agis en conséquence. A une époque, j'aurais pu claquer la porte avec l'intention de ne pas revenir avant au moins le lendemain (je l'ai fait). Maintenant je peux claquer la porte pour une heure, voire même juste m'enfermer en moi même dans l'attente d'un mot ou d'un geste gentil. Mais dans tous les cas, ce n'est pas moi qui ferai le premier pas vers la réconciliation. On dit que je suis une "tête de con".
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
J'ai longtemps été celle qui ne faisait pas les premiers pas. Une vraie grosse tête de con.
Et puis j'ai compris : "tu es bornée". Tu es limitée. Et je n'ai pas aimé l'idée d'être limitée.
Alors j'ai essayé d'apprendre à ouvrir les portes. Rarement tout de suite, parce que mes émotions m'enferment aussi dans l'éloignement de l'autre (source de souffrance, sûrement). Et ma raison intervient (toujours un échafaudage très construit) pour "me donner raison" = valider mes émotions. Ça peut durer longtemps les conneries.
Mais c'est trop bête.
Parce que la seule chose qui me limite, c'est moi.
Alors j'ai arrêté de me penser comme celle qui ne ferait jamais le premier pas.
Parce que rien ne dure, que ça va ça vient, parce que les "aléas" de la vie, ses courbes et ses vrilles, etc. (parce que la seule chose que l'on ne peut pas changer, c'est mourir).
Alors même si au moment des disputes j'y crois dur comme fer, maintenant, je sais que, peut-être, à un moment, je changerai d'avis.
Et finalement, c'est dans un souci de cohérence que j'ai changé la manière de le penser. Parce qu'objectivement, ces pas, j'ai souvent eu envie de les faire. Mais, me pensant "celle qui ne ferait pas le pas", je me l'interdisais. Pour être cohérente...
Je suis toujours cohérente. J'ai juste changé l'énoncé de la problématique.
L'exemple le plus flagrant, c'est avec ma mère.
Je ne lui parle plus depuis... peut-être 3 ans 1/2 il me semble. Et quand j'en parle je dis toujours "peut-être que ça ne durera pas, mais pour l'instant, c'est comme ça". Et je me sens libre. De continuer à faire la gueule ou d'aller la voir un jour.
Le risque, c'est toujours que l'autre ne t'accueille pas quand tu reviens. Mais la donnée est intégrée aussi... Parfois, on perd des gens proches parce qu'on a été très en colère. C'est ainsi.
Mais parfois, de manière inattendue, je fais des pas. Et la plupart du temps, de jolies choses en sortent. Ne serait-ce que l'admiration que j'ai pour l'autre de savoir me laisser "revenir" (sur mes pas, sur mon avis, sur ma colère).
Je suis toujours cohérente. Mais je ne suis plus intransigeante.
Et puis j'ai compris : "tu es bornée". Tu es limitée. Et je n'ai pas aimé l'idée d'être limitée.
Alors j'ai essayé d'apprendre à ouvrir les portes. Rarement tout de suite, parce que mes émotions m'enferment aussi dans l'éloignement de l'autre (source de souffrance, sûrement). Et ma raison intervient (toujours un échafaudage très construit) pour "me donner raison" = valider mes émotions. Ça peut durer longtemps les conneries.
Mais c'est trop bête.
Parce que la seule chose qui me limite, c'est moi.
Alors j'ai arrêté de me penser comme celle qui ne ferait jamais le premier pas.
Parce que rien ne dure, que ça va ça vient, parce que les "aléas" de la vie, ses courbes et ses vrilles, etc. (parce que la seule chose que l'on ne peut pas changer, c'est mourir).
Alors même si au moment des disputes j'y crois dur comme fer, maintenant, je sais que, peut-être, à un moment, je changerai d'avis.
Et finalement, c'est dans un souci de cohérence que j'ai changé la manière de le penser. Parce qu'objectivement, ces pas, j'ai souvent eu envie de les faire. Mais, me pensant "celle qui ne ferait pas le pas", je me l'interdisais. Pour être cohérente...
Je suis toujours cohérente. J'ai juste changé l'énoncé de la problématique.
L'exemple le plus flagrant, c'est avec ma mère.
Je ne lui parle plus depuis... peut-être 3 ans 1/2 il me semble. Et quand j'en parle je dis toujours "peut-être que ça ne durera pas, mais pour l'instant, c'est comme ça". Et je me sens libre. De continuer à faire la gueule ou d'aller la voir un jour.
Le risque, c'est toujours que l'autre ne t'accueille pas quand tu reviens. Mais la donnée est intégrée aussi... Parfois, on perd des gens proches parce qu'on a été très en colère. C'est ainsi.
Mais parfois, de manière inattendue, je fais des pas. Et la plupart du temps, de jolies choses en sortent. Ne serait-ce que l'admiration que j'ai pour l'autre de savoir me laisser "revenir" (sur mes pas, sur mon avis, sur ma colère).
Je suis toujours cohérente. Mais je ne suis plus intransigeante.
'Sengabl- Messages : 2065
Date d'inscription : 09/10/2011
Age : 53
Localisation : ça dépend !
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Chez moi il y a quand même l'idée que celui qui a fait couler le premier sang doit faire le premier pas. Le problème c'est que souvent chacun a sa propre version. Si j'ai conscience que c'est moi, le pas je vais le faire.
Sinon, ça peut durer très longtemps. Mais il ne me faut souvent qu'un tout petit rien venant de l'autre pour revenir. Et il n'y a pas de rancune.
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Doinel a écrit:
Chez moi il y a quand même l'idée que celui qui a fait couler le premier sang doit faire le premier pas.
Coucou Doinel
Je te lis et je fais un lien entre "être en attente" (d'une reconnaissance) et la vision binaire "j'ai tort, l'autre a raison" ou l'inverse.
Je fais aussi un lien avec la légitimité des ressentis et des pensées.
J'ai l'impression que lorsque qu'on s'accroche très fort à sa vérité, c'est parce qu'on manque de confiance en soi.
Et quand on manque de confiance en soi, on est souvent en attente d'une validation extérieure à soi.
Est-ce que mon ressenti est légitime ? Est-ce que j'ai le droit de penser cela ? De sentir ce que je sens ? Les choses se sont-elles vraiment passées comme je le pense, sens ?
A mon sens ces questions sont vaines.
Je pense cela, je ressens cela, donc je suis. Mes pensées et mes ressentis sont.
(Mais pour poser cela en effet, il faut savoir revenir à soi, et non pas rester "dans" l'autre.)
Une fois cela posé, on peut passer du "pourquoi ?" au "comment ?"
Je ressens cela, je pense cela, ma vision est celle-ci... Comment trouver un espace de partage avec l'autre, qui pense, qui ressent autrement ?
Je crois que c'est important de dire à l'autre son fonctionnement, quand on le connaît.
Une anecdote...
Quand j'étais petite, je me disputais souvent avec ma meilleure amie (sur toute sorte de sujets).
Elle soutenait qu'elle avait raison, et je faisais de même.
Cela finissait invariablement de la même façon : elle se mettait à crier "papaaaaaa ?!" et filait vers le bureau de son père, un brillant et écrasant "sachant" (prof).
Je la suivais en traînant des pieds et me présentais, toute droite, aux côtés de mon amie. Face à son père, immense, parce que c'était la règle.
Mon amie exposait le litige tandis que je demeurais silencieuse, connaissant déjà l'issue de ce que je vivais comme un procès.
Et sans surprise, comme à son âge mon amie ne pouvait que répéter les vérités de son père, son père gonflait ses plumes en entendant sa science dans les paroles assurées de son enfant.
Il souriait avec fierté et affirmait : "Tu as raison ma fille".
Mon amie se tournait alors vers moi en me disant : "Ah ! Tu vois ?!"
Et je voyais, en effet, une terrible injustice.
Je partais du bureau repliée en moi-même, mutique et je restais ainsi plusieurs minutes, parfois plus d'une heure... Ce qui exaspérait mon amie.
"Papaaaaaaaa ?! Basilice ne veut plus me parler !"
Non, je ne voulais plus parler. Ni à elle, ni à lui.
Je leur en voulais d'avoir toujours raison, et surtout, je m'en voulais à moi de n'avoir pas trouvé la juste réponse (celle qui me permettrait d'être en paix.)
Je sais aujourd'hui que si le brillant "sachant" s'était comporté autrement, s'il avait accueilli ma vérité avec pédagogie au lieu de gonfler ses plumes, j'aurais sans doute eu un autre comportement en conséquence.
Il reste encore aujourd'hui un peu de cette enfant blessée en moi, et il m'arrive de partir au quart de tour ou de sentir une tristesse écrasante quand l'autre en face, nie ma vérité.
Dans ces moments-là, je me rappelle que gonfler ses plumes ça marche dans les deux sens, et qu'il n'importe pas de savoir qui a tort ou qui a raison.
Ma vérité existe, elle m'appartient, personne d'autre que moi ne peut la valider. Quand je m'emporte ou que je me replie parce que j'étais en attente de validation et que l'autre n'a pas validé, et que cela fait de la peine à l'autre, je m'en excuse et j'explique.
Je peux dire qu'aujourd'hui, mes relations sont beaucoup plus sereines.
Basilice- Messages : 1936
Date d'inscription : 01/11/2012
Localisation : Tout dépend des moments
Re: Je suis Alphonse Doinel, le fils d'Antoine
Enorme.Sengabl a écrit:j'ai souvent eu envie de les faire. Mais, me pensant "celle qui ne ferait pas le pas", je me l'interdisais. Pour être cohérente...
Joli Merci.
Fa- Messages : 1849
Date d'inscription : 23/06/2012
Age : 45
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