Je ne sais pas - Feuillage de Fusain, le clown triste

Surtout se permettre d'exprimer cette sensibilité et les émotions associées.
Très enrichissant, ça apaise aussi beaucoup de tensions.

Tout comme Zébu, je pense que à un moment de notre histoire l'on est enfin réconcilie avec l'expression de nos émotions. À quel âge que ce soit.
Quand je pense à l'extrait vidéo que j'ai posté ce matin et qui fait écho avec ce que tu as écrit, je me méfierai de quelqu'un qui serait incapable de ne serrait-ce qu'avoir la gorge nouée en la visionnant...

Il est certainement plus sain de le ressentir comme cela que d'une manière froidement intellectuelle...

Il y a un chant de messe (désolé pour le "spam prosélyte"...) qui commence par "Les mains ouvertes devant toi pour t'offrir le monde". Il est laid et cucul à pleurer, comme les chants de cette époque, mais ce début fait réfléchir (et rend humble) : voilà ce que nous avons à offrir. Le monde. Des hideurs de Stalingrad au plus beau des gestes d'amour.
Ou bien on peut simplement revenir à "Je vous salue Marie" de Brassens.

Est-ce que l'empathie peut s'accroître avec l'âge (ou alors c'est juste un effet de dépression saisonnière).

Je ne sais pas mais moi, du jour où j'ai accepté d'assumer ma sensibilité (une révélation dans un bus en pensant à celle de ma mère décédée), elle a commencé immédiatement à s'exprimer comme jamais avant. Du jour au lendemain, les larmes ont commencé à me venir aux yeux pour un rien: un reportage à la télé, une scène de film, une chanson, une lecture, l'expression d'une souffrance chez l'autre... Une armure était tombée.

Du nouveau !
Désespérément. J'en cherche. Je ne sais pas dans quelle direction. Tout ce que je tente me semble fade.

A votre avis, est-ce obligatoire de garder les yeux bien ouverts sur la hideur du monde, la recevoir pleine poire H24, au nom de la "lucidité" ? De se pénétrer que la vie est atroce et l'humanité répugnante (nous-même inclus), au nom de l'intelligence ?

Non parce que là j'ai qu'une envie c'est de regarder en boucle des documentaires bisounours sur les récifs de corail, genre. J'ai l'impression d'être un rocher breton qui aurait comme destin de se farcir du mazout de l'Erika à chaque marée.

A mon avis... non, non et encore non.

D'après moi c'est même nocif. Je n'ai pas besoin de savoir que X personnes sont mortes dans un attentat à l'autre bout du monde. Qu'y puis-je? Que va m'apporter cette "information", à part un sentiment d'impuissance et d'incompréhension qui sera lui-même générateur d'angoisses et donc, potentiellement, de violence?

Cette overdose de hideur (joli choix du terme) porte ainsi en elle-même le germe de sa propre perpétuation, ce qui en fait une sorte de prophétie autoréalisatrice.

Savoir que ça existe, c'est bien. Toujours garder en tête de quoi l'homme est capable pour rester lucide, effectivement, savoir repérer les signes avant-coureurs: bravo. Mais ensuite, ben... ça me paraît plus intéressant et plus constructif de s'informer sur les cause (réelles, c'est à dire profondément internes à chaque perpétrateur de violences) et les remèdes, les expériences positives et concluantes, pour en prendre de la graine et les appliquer, les disséminer... Ah, le jour où on nous rebattra autant les oreilles des succès remportés qu'on le fait actuellement pour les défaites de l'humanité ! Ce sera peut-être plus inspirant.

Mais bon, l'homme est ainsi câblé qu'il repère avant toute chose les dangers potentiels et les menaces pour son intégrité... Sauf qu'à la base il n'était pas prévu que le système nerveux ait à traiter en permanence toutes les horreurs du monde, même celles qui ne le menacent pas directement. Pas étonnant qu'il sature grave - et que nous soyons tous, peu ou prou, malades de ce trop plein (sans compter la violence fictive qu'on y ajoute dans les films, séries, etc.)

"Et de ta boue, j'en ai fais de l'or..."



L'Univers sait aussi faire de très belles choses avec ce qui n'est que poussières.

Erika and co, ce sont des "poussières", qu'il faut mettre au feu de la forge, ou au feu des énergies, pour les transformer de boue, en "or", ou autre jolie chose plus belle qu'au départ.

Un truc que je me disais, dernièrement.
Si, avec Google Earth, on se promène dans le Sahara malien, on y trouve de très belles photos - prises généralement par des gens qui allaient là-bas avant que les montagnes ne soient les sanctuaires de personnages dangereux. Un beau désert à la Saint-Exupéry : on n'y craint guère que le sable et l'immensité, mais que c'est beau. Ce sont des champs de dunes, des paysages lunaires, des rochers aux formes fantasmagoriques, et l'inévitable et toujours merveilleux tableau de la caravane qui va son pas millénaire de puits en puits, d'oasis en oasis.
Et pourtant c'est aussi le cadre des actualités sanglantes, tragiques, inquiétantes, et on n'y va plus.
Il y a des caravanes mais aussi le reste. Il y a des "caches d'armes", des "sanctuaires de terroristes".
Cela, c'est la réalité.

Quelle est la vérité ?

Les 2 sont aussi réels, donc aussi "vrais" l'un que l'autre.

Mais bon, la définition de la vérité, c'est un sacré débat, non?

Il y a la Vérité dite humaine, en mode humain, des yeux visibles formatés.


Il y a la vérité du cœur, avec les yeux du cœur.


Deux modes différents. Deux ondes opposées ou parallèles, cela dépend en fait si le mode humain est en jonction ou pas. Selon son choix, ou la liberté qu'il s'est autorisé à prendre lorsqu'on lui impose des choix qui ne lui conviennent pas.

A Verdun, si j'écoute la forêt, c'est sublime, apaisant.
Si j'écoute le mode humain, sur la longueur d'onde humaine, alors c'est vite tragique.

Le choix est vite fait. On serait au temps passé, je serai comme dans le topic de Raoni, à dire que c'est indigne et inhumain. Et à ne pas me taire.

Là, c'est passé, alors je panse mes réceptions en me focalisant sur la nature apaisée qui y a retrouvé ses droits. On ressent ce qu'on cherche. Si on cherche la violence, comme ce fut le cas par le passé là-bas, alors on trouve oui ce que l'on a cherché.

Je ne vois pas comment les opposer. Je suis bien d'accord que c'est une voix humaine formatée ("il faut garder les yeux ouverts, et regarder tout ce qui va de travers", comme dans Moustaki) qui me commande d'aller sur un site d'information me ramasser les saletés du monde en pleine gueule (à ce sujet, j'adore les éditorialistes qui, du jour de l'An à la Saint-Sylvestre, t'expliquent que tout va mal et que ça ne peut qu'empirer, à l'exception d'un seul jour où ils vont s'interroger d'un air pénétré sur le pourquoi de cette morosité, de la France championne du monde du pessimisme et tout et tout alors qu'au Nicaragua, on danse le flamenco sous les rafales tirées par les narcos).
Par contre, imaginons que je me rendre vraiment "à Verdun". Disons à Fleury-devant-Douaumont et que je contemple la forêt. Oui, certes, je peux choisir ce que je viens chercher. Me focaliser sur les tranchées ou sur la forêt. Mais entre ces deux pôles... Celui qui va là-bas et qui n'entend pas la souffrance des hommes "qui sont tombés là par couches successives", même s'il n'est pas venu la chercher, c'est qu'il a enfermé son coeur dans un lourd coffre-fort. Mon arrière-grand-père a failli y rester.
Donc bon l'exemple n'était pas idéal De plus, en effet, que ce soit passé est très rassurant. Qu'importe ce qui s'est passé : nous, nous sommes là. (Et il s'en est fallu de fort peu que je n'y sois pas. Le régiment de mon ancêtre a eu 1200 morts et disparus en une demi-heure, à minuit, sous un violent bombardement à gaz dans les champs de trous d'obus. Il a eu le bon goût d'être au nombre des disparus qui n'ont été que faits prisonniers.)
Mais je vois l'idée.
En fait, ma crainte, c'est de faire l'autruche, se voiler la face et un jour être rattrapé par la face sordide. Voilà tout le problème. Jusqu'où faut-il anticiper la dangerosité, jusqu'où faut-il s'imposer de se mouvoir en armure au cas où. Car la réponse "c'est un équilibre à trouver" ne dit rien, finalement. Oui, bien sûr. Merci, je sais.
Malheur à qui, un jour, perd cet équilibre qui, normalement, s'opère sans même qu'on y pense. C'est comme si on ne savait plus marcher et qu'il fallait réinventer, consciemment, le mécanisme inconscient.

Crash est un film assez extraordinaire qui présente les multiples facettes de la réalité humaine: capable du pire comme du meilleur.
Ce que le film montre bien, c'est que ces différents aspects ne sont jamais dissociés, ils fonctionnent ensemble. Le meilleur se retrouve dans la pire horreur et inversement. L'un donne l'occasion à l'autre d'exister.
C'est là qu'est pour moi la vérité.
Si, l'on ressent bien cela (ressentir, pas comprendre), si l'on perçoit que l'on est également concerné par cette réalité, alors il est bien plus facile d'être indulgent et de ne plus prendre tout cela en pleine poire.

Puisqu'il a été question de Verdun, je m'intéresse énormément à la guerre de 14 (alors que, par contre, je ne connais pratiquement aucun film) et c'est aussi ce qui en ressort.
Des actes d'humanité sublime transcendent tout d'un coup un univers d'horreur qui ne peut que bouleverser de dégoût et surtout révulser par sa stupidité.
Parmi les lettres citées dans Paroles de Poilus il y a une phrase qui m'a marqué, c'est un soldat, un homme plutôt instruit, aimant la culture, qui est donc jeté dans les tranchées et qui a ces mots, devant "Tout ça" :
"C'est du beau, tout ça ! Oh, oui, c'est du propre..."
Je l'ai retenue parce qu'on la sent prononcée avec un profond sanglot étranglé. Parce qu'il n'y a pas seulement, comme d'habitude, la souffrance et la peur; il y a aussi cette conscience aiguë de l'ignoble gâchis, l'humanité qui s'autosuicide, qui massacre des hommes qui étaient qui sait ? des amis fidèles, des poètes, des scientifiques brillants, des artisans adroits, des agriculteurs compétents, des... bref toute la richesse de l'humanité... et tout ça on en fait juste de la chair à mitraille.
Et l'humanité, c'est à la fois cet acte de boucherie, et ce regard qui en a conscience et qui, les deux pieds dedans, au-delà de son destin personnel, s'élève pour le dénoncer en pleurant.

Que de fois, après avoir lu une actualité du matin particulièrement noire, ai-je pensé la même chose et dans le même état d'esprit... Tel massacre, tel attentat. "voilà de quoi nous sommes capables, nous les hommes. C'est beau ! C'est du propre..."

C'est dur d'aimer l'homme malgré tout, mais l'exemple vient de haut.

L'Homme n'est que poussière.

S'il n'actionne pas son Cœur, ou si personne ne le lui actionne, alors il reste poussière et ne sait faire que cela.


C'est une réaction alchimique.

Cœur enclenché, et ça fait des étincelles de beauté.
Pas de Cœur, et ça s'effondre sur soi-même, confirmé, oui. Ce qui à long terme n'est pas plus mal. Auto-régulation. Et normal, si ça ne marche pas de la bonne façon, alors effectivement, ça ne peut pas-marcher-tout-court.


L'on voit plus souvent les Cœurs non-enclenchés. On les entend aussi.


"L'arbre qui s'écroule, fait plus de bruit que la forêt qui pousse..."
Même lorsqu'on n'entend pas la forêt, si on la cherche, si on change la longueur d'onde de réception des émotions, alors on la voit. On voit sa beauté. Et on peut l'entendre pousser, la voir préparer ses bourgeons. Au sens propre comme au sens figuré.

Je ne comprends pas non plus cette opposition.

Pas plus que je ne comprends l'idée d'un "Coeur" demandant à être actionné volontairement, car cela implique:
1) que ce mouvement ne lui est pas spontané
2) qu'il obéit à la volonté - et donc que c'est le cerveau qui dirige le Coeur.

Imaginer, en sus, qu'il puisse être possible à une personne de le faire pour une autre, là ça devient carrément inquiétant.

Sans doute s'agit-il d'une question de définition de ce terme de "Coeur"?

La limite des métaphores, je dirais.

Plutôt que de coeur à activer ou pas (la juxtaposition de ces mots n'est pas élégante) je parlerais plutôt de regard.
On ne choisit pas souvent de fermer le regard du coeur : on le laisse plutôt péricliter. Et on peut le réouvrir ou inciter les autres à le faire.
Maintenant, je ne suis pas vraiment sûr que ça s'applique au phénomène dont je parlais. Car il s'agit moins d'ouvrir ou de fermer les yeux du coeur, que de les braquer sur ceci ou sur cela.

Nous sommes partis hier matin en Bourgogne et rentrés ce soir, le temps de quelques visites, et d'un bon restau.
L'habituelle impression d'être partis beaucoup plus longtemps, due au programme rempli, continue de me fasciner, comme tout ce qui a trait à la perception du temps, en dépit du banal de la chose. A ce stade-là, c'est un peu comme s'il ne s'était écoulé qu'une sorte de rêve. Il ne se peut pas qu'en si peu de temps nous ayons changé d'univers et de référentiel. (On est allés à 200 km, ouhaou ! Mais pour la première fois depuis six mois...)

Il faut dire que nous sommes allés, en touristes, visiter une ville où j'ai habité, il y a une quinzaine d'années. Je crois que ce n'est jamais simple de faire ce genre d'aller-retour. On ne sait plus où on en est. L'esprit rebascule en mode "je vis ici", réactive les repères géographiques (15 ans après, on ne se trompe pas en tournant de rue en rue), les itinéraires familiers, les points de vue et les émotions qu'ils généraient. Tous les marquages émotionnels du paysage (et je sais pas vous, mais chez moi ils sont nombreux) se rallument et brillent avec les feux de ceux qui savourent leur résurrection. "Tu te souviens de moi ? Tu te souviens que la courbe de ma ligne de crête te faisait penser à ceci ? Tu te souviens qu'en voyant mon clocher, tu ressentais cela ?" Mais on n'est là que pour trois heures et ensuite on repart, et le monde à peine ressuscité doit rejoindre le silence de l'hibernation. Pendant ces trois heures, on était donc à la fois dans une vie et dans l'autre. Un pied dans le présent, un dans le passé, et l'esprit qui rajoute encore l'idée qu'on reviendrait bien ici. Parce que bon. J'ai, nous avons des envies de bougeotte. Notre ville évolue mal, la grande cité n'est décidément pas ou plus pour nous et nous demandons autre chose maintenant. Ici, ce serait bien. Dans d'autres coins aussi. Et voilà l'envie de semer ou de récolter de nouveau, de ces repères émotionnels paysagers, changés. Ceux d'ici sont usés.

On étouffe d'autant plus avec ces impossibilités de partir quelques jours. On ne coupe plus, on ne change plus, plus d'inattendu, de nouveau, rien. Enchaînés.
Et pour couronner le tout, cette semaine, j'ai dû bosser une bonne douzaine d'heures, ce qui est peu, mais quand même pas mal pour une semaine de congé.

Chaque fois où je retourne à Grenoble ça me fait un effet identique, des bons mais aussi des souvenirs déplaisants.

Je crois que ça réactive surtout le souvenir d'une vie différente et la possibilité d'une vie différente. Le décor, la géographie, l'atmosphère créée par la disposition du paysage, sont des trucs auxquels j'ai toujours été particulièrement sensible, ou alors particulièrement conscient de l'être (je pense que pas mal de gens l'éprouvent mais que peu pinaillent jusqu'à jouer à le décrypter et le verbaliser). Ici dans notre ville, au premier étage donnant sur l'immeuble d'en face, les repères sont peu visibles, ils ne fonctionnent pas de chez soi, on se retranche dans une sorte de cellule qu'on peut certes embellir à volonté mais qui n'apporte pas la même chose : l'état d'adéquation avec le lieu (dans sa dimension géographique, historique, culturelle, tout ce que vous voulez). Un Auvergnat pète un plomb s'il doit s'éloigner de son Puy de Dôme (pour avoir passé deux ans au pied d'icelui, je l'approuve); les Limousins qui montaient à Paris et ouvraient un bistrot lui donnaient généralement le nom de la montagne de chez eux et je me demande qui, à Montreuil, sait que le bar "les Monédières", devant l'hôtel de ville, doit son nom aux collines qui dominent Tulle.
Les retours de ce genre cristallisent donc à la fois le besoin de changement de vie et le besoin de changement de décor ou plutôt de retour à un état de pleine conscience du lieu de vie. La grande cité où on ne voit rien qu'un horizon de béton gris, où on s'éloigne du coeur-de-sens vers une banlieue a-morphe, bouillie urbaine sans forme ni sens, comme une radio qui n'émettrait qu'un grésillement, une page uniformément grise, ne permet pas cette pleine conscience sauf pour quelques privilégiés qui habitent d'un point où l'on voit et éprouve la forma urbis.
Nous en manquons, et nous avons envie de fuir.

Vie urbaine = vie industrielle. Vie de masse, vie de masses.
C'est pour filer la métaphore...

Vie de masse, vie de masses.

Jésus aussi parlait des masses et de la foule (déjà si loin dans le temps, mais si proche...)



Certaines choses négatives se propagent très vite en foule.
Trop vite.


"L'intelligence d'une foule est égale au plus faible QI parmi les personnes présentes divisé par le nombre de personnes".

Il est communément admis que les gens adoptent certains comportement particuliers lorsqu'ils se réunissent en foule. Ainsi, selon la Psychologie des Foules de Gustave Le Bon. « L’individu se trouve altéré par la foule, devient surtout soumis à l’inconscient, et régresse vers un stade primaire de l’humanité ». Cette constatation peut entraîner une perception négative du comportement de l'humain en foule. Pierre Desproges exprime par exemple que lorsque des hommes sont réunis, leur intelligence ne s'additionne pas, elle se divise. Brassens chante également que le pluriel ne vaut rien à l'homme, et sitôt qu'on est plus de quatre on devient une bande de....

Je plussoie. La foule fait perdre son intelligence, son sens de l'honneur, son sens des réalités, son sens des valeurs, le respect...
Le plus effrayant étant que l'on met les enfants de plus en plus longtemps au sein d'une mini-foule, toute la journée, tous les jours, de 7h30 à 18h ou 19h selon les lieux de garde collective-école, sans interruption. il y en a toujours eu, certes, mais leur nombre devient la majorité actuellement, une très nette majorité. Et la dégradation des comportements dits "intelligents" devient aussi majeure...

Oh, la bêtise collective s'exprime aussi bien dans de petites communautés comme les villages, en pire car la masse joue aussi un effet-tampon qui limite l'ampleur des oscillations. Je crois que le principal problème de la grande cité que nous ressentons, c'est la vitesse, qui impose la superficialité. Et naturellement le bruit, la laideur, etc.

Oui, j'ai lu des histoires terribles de villages avant les deux guerres, dans lesquels les gens devenaient littéralement hors d'eux.

Suicides en chaînes, volonté de faire le mal, la violence... A lire, on avait l'impression que pas un habitant ne restait serein ou "normal"...
Cela avait semble-t-il touché plusieurs villages.

Les lieux étaient battus par les vents, car tous les arbres et toutes les forêts avaient été abattus. Plus rien ne subsistait, les champs en pente ne tenaient pas la terre, emportés par la moindre pluie.
Les gens devenaient fous, aigris, suicidaires.
Les villages peu à peu furent vidés, abandonnés.
Pour voir les effets du vent glacé sur les gens, ou du vent brusque tout-court, je comprends bien que ce fut une véritable folie qui se saisit des gens..


Un homme solitaire avait continué de vivre là, mais loin de tous.
Très loin de tous.
Il avait perdu sa femme, et son enfant. On ne dit pas comment.


Et il plantait des glands dans la montagne. Des centaines de glands. Triés, avec le plus grand soin.
Le temps passa, avec les années, certains poussèrent. Ceux qui résistèrent au climat, aux appétits des rongeurs, furent peu à peu visibles. La forêt repoussa ainsi, lentement. Discrètement.


Et lorsqu'elle fut assez grande, des jeunes gens vinrent bâtir des maisons, vivre en famille. Les enfants riaient, la bonne entente régnait. Le vent avait disparu. Changement de climat, ou influence micro-climatique des arbres... Qui de toutes façons, stoppent les dégâts du vent, mais ça, d'autres l'expliquent bien mieux que moi.


Voilà, petite histoire, tirée de Jean Giono.
Mise en film d'animation du même nom, réalisé par l'illustrateur Frédéric Back et lu par Philippe Noiret, et qui a obtenu plus de 40 prix à travers le monde. Un bonheur à entendre... Bel exemple de co-création artistique, auteur, lecteur, réalisateur, dessinateur...




Un chef d'oeuvre.






Aujourd'hui, le Vent est remplacé par ce que tu dis Fusain, oui...
La vitesse.
Le bruit.
La laideur.
J'ajouterais le manque de nature, le manque d'arbres, de vrais arbres en grand nombre, ou en parcs plus vastes et multiples...

L'Homme qui plantait des arbres est une belle histoire, mais tellement citée (y compris dans sa version vidéo) qu'elle finit par relever de la tarte à la crème, et ne plus prendre. De surcroît, elle montre que Giono n'était pas un très bon connaisseur des successions écologiques. Mais bon, évidemment, c'est un symbole.
Giono est un auteur complètement délaissé maintenant. Il paraît qu'on lui reproche un côté "la terre ne ment pas" jugé pétainiste et réactionnaire, dangereux, politiquement incorrect. Peut-être faudra-t-il retourner le chercher, quand on aura compris le caractère incantatoire et mensonger des apologies de l'eurbanne queultcheure censée être le maîîîîîîrveilleux idéal de tout jeune écocitoyen épris de progrès.

En attendant, je fais face à un retour des angoisses après un début de semaine intéressant sur le thème du lâcher prise. Vous savez, quand vous avez l'impression d'une lourde chaîne accrochée à la taille ou au cou sans en connaître la raison.

Demande à voir ta chaîne.
Sincèrement je le dis, car je t'apprécie. Demande-le en prière s'il arrive que tu en fasses, ou sinon en demande placée dans ton cœur, comme une boîte aux lettres qui envoie sans avoir besoin d'adresse ni d'expéditeur. Si tu veux voir, alors demande.



Les arbres...
J'ai toujours aimé lire Jean Giono.

Pour le reste concernant les arbres...
S'il faut écrire autre chose, dire autrement, sous une nouvelle forme ... Ce fut commencé par James Cameron. Prendre 5 mn, la place de se dire que c'est vrai.

Se poser la question: et si c'était vrai, que changerait-on ?

D'autant qu'il a privilégié de ne montrer que le point de vue et le ressenti des humains et humanoïdes. Il n'a pas montré celui des plantes. Lequel pourrait-il être, si nous étions à leur place ? Est-ce cela qui manque à Jean Giono ? Et aux écolos divers ?

Les plantes auraient beaucoup à nous apprendre sur la capacité à se rendre présent à ce qui est, à recevoir sans choisir.

Bon. Vivement le printemps, qu'on les revoie (ça frémit, mais doucement).
C'est un peu pesant, là. Grisaille dans le ciel. Dépression-phobie sociale de Madame qui fait qu'on a une vie sociale très atrophiée ne serait-ce que par rapport à l'an dernier... Elle avance, mais doucement. Tant d'incertitudes sur l'avenir, le "que faire"... On est souvent réduits à ruminer.
Conjoncturel, mais pénible, et cela ravive les angoisses, un sentiment de vulnérabilité, qui alterne avec les moments de paix, de satisfaction du chemin de vie que nous prenons. Avant, ces derniers moments n'existaient pas, il y a donc un progrès !
Mais des fois, j'aimerais sourire et qu'elle sourie. Qu'on arrive à être souriants et détendus plutôt que les dents serrées par l'effort, fût-il juste, progressif, efficace.

j'aimerais sourire et qu'elle sourie

Moi aussi, comme je voudrais voir sourire beaucoup d'autres sur ce forum...

Et ça me fait penser à l'une des dernières images du film Blueberry, quand le combat d'esprit à esprit sous l'effet surpuissant de l'ayahuasca est terminé et que cet indien souffle un profond soupir de total relâchement pour signifier à vincent cassel qu'il est libre, et qu'il peut de nouveau goûter la vie à pleins poumons. (Ce qu'il s'empresse de faire en faisant l'amour dans un lac avec la fille en deuil du sheriff ...)

N'y a t-il pas pourtant la promesse d'une joie parfaite dans les écritures ? Alors ? Qu'est-ce qui se passe Fusain ?

Je sais à peu près ce qui se passe, mais s'en extraire est une autre histoire.

Comme pour tout le monde...
Mais si je regarde en arrière, la vache quel chemin...Entre la maltraitance, les cliniques psy, les centres de réinsertion sociale, la dépression qui a duré 50 piges (avec des pauses quand même) ...Toute promesse a été tenue. Cela dit sur le plan spirituel, je me suis battu...comme un beau diable !

Dans toute montée, il y a des moments où tu te retournes en bas et où tu te plais à voir le chemin parcouru, et des moments où tu regardes vers le haut en te disant : j'aimerais bien déboucher, atteindre un col, un point de vue, sortir de la grisaille. Le chemin parcouru ne peut être une consolation permanente, car quelquefois on ne débouche pas - ou pire, on s'aperçoit qu'on s'est trompé, qu'il faut tout redévaler et remonter ailleurs.

Fusain a écrit:des moments où tu regardes vers le haut en te disant : j'aimerais bien déboucher, atteindre un col, un point de vue, sortir de la grisaille. Le chemin parcouru ne peut être une consolation permanente, car quelquefois on ne débouche pas - ou pire, on s'aperçoit qu'on s'est trompé, qu'il faut tout redévaler et remonter ailleurs.

Dans ces moments un peu longs et difficiles je me dis que c'est un passage, un travail à mener, et qu'il s'agit d'avoir de l'endurance et de mettre un pied devant l'autre, d'avancer à son rythme mais sûrement jusqu'à pouvoir se reposer. Bref, basculer en mode "résistant".
Je fais ça quand on a des travaux à faire dans la maison, c'est éprouvant physiquement et mentalement, ou quand je doute de mon couple ; j'essaie autant que possible de remettre les choses à distance, et de me dire que c'est un moment pénible à endurer mais que ça sera limité dans le temps, même si je n'en connais pas la durée par avance.

Et il y a des moments de calme, de bien-être, ceux-là il faut en profiter assez pour recharger ses batteries en prévision d'un autre passage plus mouvementé.

Oui, certes. La lassitude est due au fait que ce passage-là, et cet état-là, nous y sommes depuis fin août; ça va faire six mois à être en "mode résistant" avec peu de moments de calme, et, pire, peu d'énergie pour s'en créer. C'est un peu comme une expédition polaire ou en haute montagne. Tu ne peux pas faire de pause : il faut continuer à avancer coûte que coûte.

Et, personnellement, égoïstement, il n'y a pratiquement pas de moment où je peux juste prendre soin de moi : au mieux, de "nous deux". Il y a toujours un moment dans la journée où ma femme va me dire qu'elle ne se sent pas bien. Il n'y a pas de journée cent pour cent ensoleillée, c'est toujours alternance de nuages et d'éclaircies. C'est là qu'il me manque sans doute le minimum de "distanciation" pour pouvoir être disponible sans être entièrement accaparé. Mais je suis trop "tout ou rien".

Il y a d'autres trucs qui me travaillent, des tendances que je ne sais pas comment interpréter. De grosses envies de changement. D'un décor autre, aussi bien que d'une ambiance autre.

Et à tout hasard tu ne pourrais pas faire un jour une virée pour voir un match de foot dans les gradins ? Que du moment présent, du plaisir, de l'aération, des gens qui partagent ton enthousiasme...

Vivre la dépression de quelqu'un à ses côtés ça peut être étouffant. Et ça lui fera peut-être aussi l'occasion de voir quelqu'un pour prendre un thé (je dis des trucs au hasard) et se changer aussi les idées. Vivre chaque jour le même schéma avec les mêmes personnes c'est usant, même pour un couple amoureux. Il faut de l'air un peu, ça fait du bien d'avoir de la vie qui vient dans le quotidien

Ce sera samedi prochain (faut bien faire avec la réalité du calendrier des équipes), mais ça sera du... basket féminin de troisième division.
Comme ça, il y a peu d'enjeu émotionnel, juste un bon moment où on coupe de tout le reste. Le foot ? j'ai peur que ce soit bien fini. Qu'il s'agisse des mecs ou des filles, impossible de ne pas être submergé par le dépit de voir ce que c'était, et ce que c'est devenu. Tout ce qui me plaisait dans les tribunes est mort. Le reste ne m'intéresse pas. Je n'en ai rien à foutre de voir un public de consommateurs applaudir ou siffler des équipes de starlettes. Chez les filles, l'équipe n'est pas détestable mais le public l'est devenu au-delà du dicible. Chez les mecs ? les deux.
C'est bel et bien programmé. On n'a juste pas eu de bol ce week-end, on a tout passé en revue mais il n'y avait rien, ni foot ni basket ni rugby ni hand à dispo. Hasards calendaires.

Et même les équipes du coin sont pleines de starlettes ? Roh, quand même, Zlatan n'a pas encore le don d'ubiquité

Bon, respiration prévue pour dans quelques jours alors.

Même quand les équipes du coin ne sont pas pleines de starlettes, les tribunes, elles, sont pleines de gens qui sont là pour voir un show de starlettes et c'est comme ça qu'on se fait taper dessus...

Comment faire pour ne pas se rendre malade d'indignation, de dépit et de dégoût devant le triste spectacle de l'actualité ?
Banal. Mais toute protection n'est-elle pas faire l'autruche ?
C'est la guerre. La guerre de la survie de l'espèce et de la création d'un nouveau monde. On ne peut pas s'y dérober, traverser cela comme si de rien n'était. Mais cette guerre-là peut durer plus longtemps que nous... Tant de combats déjà menés, à l'issue douteuse...
Pourquoi jamais de paix, de satisfaction, de repos ? Pourquoi cette pensée qui revient sans cesse vers les menaces présentes et à venir ?

Venir ici - se contempler l'intelligence : ce que nous sommes, au moins, on ne peut pas nous l'ôter. Et après ?

Et après... je te lis beaucoup et je dis beaucoup de bêtises volontairement sur ce forum.
Là, je vais endosser ma tenue sérieuse quelques minutes.
Et après...
Mon après car je pense comme toi va être lapidaire.
Je vais prendre ma voiture, la remplir d'essence (et on a donné à ce produit le terme d'essence, comble du comble...) et voyager en dépensant le moins de sous possible et en rencontrant le plus de gens possible.
Pourquoi ?
Rester là, assis seul chez moi est devenu insupportable.
Ma télévision, je n'en ai pas.
Des animaux, je n'en ai pas.
Mon enfant, je l'ai à mi-temps.
Les enfants, j'adore jouer avec eux mais leurs parents me dérangent.

Et après, et après, tu connais une réponse qu'on ne donnera pas içi mais qui brûle les lèvres.
J'espére un jour vivre en autarcie dans un monde que je n'aurai pas créé seul mais avec une femme.
Dans mon fantasme, je vois ma maison comme ma dernière antre, l'ultime refuge qui me permettra d'attendre la mort de façon supportable, sans rien attendre des autres.
Elle et moi. Et je met une M A J U S C U L E au Elle et pas au moi.

Ma vie sera à la campagne pas à la ville.
Et quoiqu'il se passe je sais que le béton viendra gangréner mon horizon.
Le béton c'est gris, c'est la mort douce.
L'herbe est verte, elle meurt mais elle renait.
Mythe de l'éternel retour.

Et après donc, ben je vais reprendre ma casquette de cynique qui se donne des airs des n'en avoir rien à foutre de tous...
Cette après midi je vais aller à la pêche.
Excuse sociale pour m'asseoir devant un lac, ne rien faire, je ne met pas d'appat à ma ligne.
Y'aura une bouteille de vin à mes côtés.
Et je vais écrire.
Des lettres pour celles à qui je dois les envoyer.
Des contes que je lis le soir à mon enfant.
Et un petit poème au poisson que je jetterai dans l'eau avant de partir.

Et après, j'irai me coucher sans prier car pour moi le ciel est vide.
Et j'espérerai que lendemain sera plus beau qu'hier, le sourire de mon enfant en croix et son rire en souffle pour le cœur.

Si j'étais femme, je te soignerai Fusain.
Mais je ne suis qu'homme...

Je ferais bien beaucoup de ces choses - sauf fuir dans un refuge et attendre ma fin ou celle du monde, passif.
Je me doute qu'un jour, je n'aurai plus de force pour autre chose que de m'y résigner. Mais pas maintenant. "Ils" n'attendent que ça. Qu'on dise tous ça.

Le combat dure, dure. A cause de l'état de santé de ma femme, une hypothèque importante pèse sur tous nos plans d'avenir. Vous me direz que pour d'autres, c'est la précarité du travail, toussa. C'est vrai. Cela dit, ces problèmes de santé se traduisent aussi par une totale incertitude professionnelle.

ça, je ne peux pas le changer.
Il y a des changements, dont nous pouvons être moteurs (en fait, nous le sommes déjà), mais qui sont lents et ne dépendent pas non plus que de nous.
Tout ce qui dépend de nous-mêmes, c'est notre regard.
C'est oser être heureux sans croire que ça attire le retournement de chance, parce que le bonheur ce n'est pas de la chance. Ce n'est pas une roulette. C'est arrêter de croire qu'en se gâchant les meilleurs moments, on limite la hauteur de laquelle on tombe quand ça va moins bien. La Fontaine était un imbécile. "Plus on tombe de haut, plus dure est la chute" et me voilà m'imposant de rester bas.

C'est pour cela que je t'admire.
Oui, La Fontaine est un imbécile.
Allez, je me tais et te lis.

Il l'est au moins sur ce coup. Le reste, je ne me permettrais pas.
Ce n'est pas la hauteur qui fait mal mais ce sur quoi on tombe.

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Parfois lorsque je passe en voiture devant un stade et que je vois un match de rugby - oh, un petit match, des jeunes en général - j'ai envie de m'y arrêter et de les regarder jouer. Pour le simple plaisir du jeu, et de la découverte. Faut dire que ça me manque, plus le temps d'aller courir, vu que je cours déjà à travers la France... Par contre, les grands matches, les foules, vraiment très peu pour moi.

Je me souviens que tu disais que tu n'aimais pas trop que l'on poste des vidéos, comme ça, sans commentaire. De mon côté, j'ai la faiblesse de penser qu'une petite vidéo peut-être aussi pertinente qu'un long discours. Je t'en poste donc une, mais je la commente, un peu. Elle parle du Sahel, et de la fontaine aussi . Et d'un homme qui ne voyait pas trop bas, ce qui ne l'a pas empêché de tomber de haut à force de se bruler les ailes.

Je ne parle pas assez bien anglais pour voir où tu veux en venir avec cette vidéo, en fait...

Merci ! Tu peux pas savoir comme ils m'en font baver avec leur Anglais !

Parceque je pense que cela a sa place ici;
Je vais dire une lapalissade... mais des personnes qui ne se connaissent que via ce forum, qui ne se sont jamais vu physiquement parlant mais qui se soutiennent face aux problèmes qu'ils ont directement dans leur existence, cela m'émeut énormément et pour un léger temps, me rends espoir en l'humanité.

Je suis en train d'exploser, trop d'échéances clés en attente, de trucs où des gens se reposent sur moi, de...
Envie de tout envoyer balader bordel. De PARTIR, en Suisse, en Suède, en... je sais pas mais quelque part où on pourra respirer.

Si tu pars, préviens-moi, je t'accompagnerai volontiers...

Entre ceux qui se reposent sur moi, et ne font pas leur part,
Les échéances stressantes, mais pour lesquelles on ne peut rien faire, sauf attendre,
Ceux qui croient que je suis toujours disponible et règle tous les problèmes en claquant des doigts, et tombent de la lune quand je leur dis "pas maintenant",
Ceux qui étalent derrière un vernis grandiloquent la bêtise crasse de propos de comptoir,
Ceux qui sont incapables de lever le nez de leur nombril - ceux-ci m'étant d'autant plus odieux que je suis l'un d'entre eux...

C'est une impression de ras-le-bol doublée d'un sentiment d'impuissance (à cause de la ligne deux)... et une forte envie de pleurer.